3.2 Étude d'impact de l'accord de l'OCDE

Si les niveaux d'aides sont comparables, les structures d'aides sont profondément différentes d'un pays à l'autre. C'est principalement selon la structure de celles-ci que l'éventuelle signature de l'OCDE aura un impact plus ou moins important sur un pays.

L'accord de l'OCDE, s'il est signé, implique la suppression des aides directes relatives aux coûts de production et à la perte liée au contrat (autorisées actuellement par la septième directive européenne à hauteur de 9 % du coût des navires). Il prévoit également d'encadrer l'aide sous forme de prêts bonifiés, par l'utilisation d'un Taux d'Intérêt Commercial de Référence ( ( * )27) (TICR).

Évaluer l'impact de l'accord de l'OCDE nécessite de déterminer les effets du lissage des aides aux prêts bonifiés, par l'utilisation du TICR. En pratique cette mesure implique le calcul dans chaque pays d'une fourchette de taux sur la base des taux de références (PIBOR et taux interbancaires) et de déterminer les différences entre ces taux, et les taux offerts par les administrations des finances. Ce problème technique n'est pas abordé dans le rapport Thiesen.

La partie 3.2.1 va évaluer l'impact de l'accord avec les éléments fournis dans le rapport Thiesen. Dans une deuxième partie 3.2.2, la méthode est adaptée aux cas japonais et coréens, ces pays représentant près des deux tiers du marché. Elle se fonde sur l'évolution des masses budgétaires et ne donne, dès lors, qu'une estimation indicative.

3.2.1 Impact de l'accord sur les niveaux d'aide : les États-Unis seront avantagés

Le rapport Thiesen (1995) s'est attaché à estimer les conséquences qu'aurait la signature de cet accord sur le niveau des aides à la construction navale dans les principaux pays européens et les États-Unis.

Niveau des aides avant et après la mise en place de l'accord de l'OCDE

(exprimé en pourcentage du coût de construction des navires

suivant les législations des pays en 1994)

Allemagne

Danemark

Espagne

France

Royaume -Uni

États-Unis

Avant l'accord (1)

14,5 %

28,7 %

29,7 %

13,4 %

15,9 %

21,6

Niveau d'aide après la mise en oeuvre de accord de l' O.C.D.E (2)

7,2 %

9,2 %

9,9 %

5,8 %

4,5 %

8,9

Variation

(3) - (2) - (1)

- 7,30 %

- 19,50 %

- 19,80 %

- 7,60 %

- 11,40 %

- 12,7

Source : Rapport Thiesen Securities, calculs CGP

Les pays ayant principalement recours à des mécanismes d'aides financières continueront à subventionner leur secteur relativement plus que les autres. Ceux qui financent principalement leur construction navale par des aides directes verront leur niveau d'aide baisser fortement. Aussi, la France va rester l'un des pays dont la construction navale est la moins subventionnée :

5,8 %, contre 9,9 % pour l'Espagne, 9,2 % pour le Danemark, 8,9 % pour les États-Unis et 7,2 % pour l'Allemagne, même si ce n'est pas le pays qui connaît la plus forte baisse du niveau de subvention.

Les modalités de bonification des prêts deviennent le facteur essentiel du financement public. Ils expliquent les différences de niveau de subvention ( ( * )28).

Pour analyser précisément l'impact que cet accord aura sur la compétitivité relative des chantiers français, il faut estimer le comportement des entreprises.

Suite à cet accord, si les entreprises souhaitent maintenir leur bénéfice, elles seront obligées d'augmenter leurs prix. Plus les prix augmentent, plus les parts de marché sont menacées. Le tableau suivant donne les hausses de prix pour les pays considérés.

Évolution des prix en cas de respect de l'accord

Allemagne

Danemark

Espagne

France

Royaume -Uni

Etats-Unis

Avant l'accord (1)

14,5 %

28,7 %

29,7 %

13,4 %

15,9 %

21,6

Niveau d'aide après la mise en oeuvre de l'accord de l' O.C.D.E (2)

7,2 %

9,2 %

9,9 %

5,8 %

4,5 %

8,9

Hausse du prix

(3)- 1-(2)-1

1- (2)

+ 8,5 %

+ 27,3 %

+ 28,2 %

+ 8,8 %

+ 13,6 %

+ 16,2 %

Source : Rapport Thiesen Securities, calculs CGP

Les pays dont le niveau d'aides sera le plus réduit, connaîtront la hausse des prix la plus importante. Les prix des chantiers français augmenteront donc moins que les prix de ses concurrents.

Les aides directes apparaissent nettement dans les lois de finances. Elles sont donc facilement contrôlables. Par contre, les aides au financement sont incluses dans les budgets globaux qui ne détaillent pas leurs interventions au niveau sectoriel. Nous examinons alors un scénario extrême dans lequel la bonification des prêts à la construction navale ne disparaît pas, alors que les aides directes sont supprimées (Respect Partiel ). Dans ce cas les deux tableaux précédents sont profondément modifiés.

Évolution des prix en cas de respect partiel de l'accord

(maintien des bonifications des prêts) :

les États-Unis seraient très avantages

Dans ce cas, excepté pour les États-Unis, la variation des aides et la hausse des prix sont à peu près les mêmes pour les pays européens. La France ne voit donc pas sa position concurrentielle nettement dégradée par rapport à ses partenaires - européens. Par contre, les États-Unis sont très significativement avantagés.

Les États-Unis mettent en place un dispositif législatif leur permettant d'obliger les autres pays à appliquer de manière restrictive l'accord, tout en gardant leur système de crédit export. Le scénario ne manque donc pas d'un certain réalisme.

3.2.2 Impact de l'accord de l'OCDIZ sur les masses budgétaires versées au secteur de la construction navale

Il est plus difficile d'estimer l'impact de l'accord sur le Japon et la Corée. Là encore, nous allons recourir à une méthode qui ne donne qu'une estimation. On détermine l'impact de l'accord de l'OCDE sur les masses budgétaires. Les aides directes sont supprimées, par contre les politiques d'abandon de créances et de recherche et de développement restent inchangées. Il suffit dès lors d'estimer les aides financières. Lorsque 1'on calcule la moyenne de l'impact de l'accord de l'OCDE sur les aides financières des six pays considérés, on observe que 45 % des aides financières sont éliminées. Ce taux est appliqué aux aides financière coréennes et japonaises.

Effet de la mise en place de l'accord pour la Corée du Sud et le Japon

sur les masses budgétaires

Base 100 avant l'accord de l'OCDE

Aides directes

Aides au Financement*

Abandons de créances

R/D

Total

Avant l'accord

Corée du Sud

0,0

60,3

39,7

0,0

100

Japon

5,7

27,4

0,0

66,9

100.

Respect intégral

Corée du Sud

0,0

33,3

39,7

0,0

73,1

Japon

0,0

15,1

0,0

66,9

82

Respect partiel

Corée du Sud

0,0

60,3

39,7

0,0

100

Japon

0,0

27,4

0,0

66,9

94,3

* l'aide financière est estimée à 50 % de l'encours des contrats bonifiés. Les résultats finaux sont peu sensibles à ce ratio.

Source : Shipbuilders Council of America, calculs CGP

En appliquant la règle précédente, la Corée du Sud et le Japon voient leurs aides au financement passer respectivement à 33,1 et 15,1, au lieu de 60,3 et 27,4 (en base 100 avant l'accord). En cas de non-respect intégral l'accord, ces aides au financement ne changent pas. On compare les niveaux d'aides au niveau initial pour les six pays selon les deux scénarios.

Impact de l'accord de l'OCDE sur le niveau d'aide - Base 100 avant l'accord

Respect intégral

de l'accord

Corée du Sud

73,1

Japon

82,0

Allemagne

49,7

Danemark

32,1

Espagne

33,3

France

43,3

Royaume-Uni

28,3

États-Unis

41,2

Respect partiel**

de l'accord

Corée du Sud

100

Japon

94,3

Allemagne

49,7

Danemark

71,8

Espagne

75,1

France

43,3

Royaume-Uni

43,4

États-Unis

100,0

* Pour les six pays autres que le Japon et la Corée, cela correspond à 1 - (2)/(l) du tableau « Évolution des prix en cas de respect de l'accord ».

** Pour ces six pays, cela correspond à 1 - (2)/(l) du tableau « Évolution des prix en cas de respect partiel de l'accord ».

Source: Shipbuilders Council of America, Rapport Thiesen, calculs CGP

Si le respect est intégral, la situation de la France n'est pas compromise par rapport à ses partenaires européens ou américains. En revanche, la Corée et le Japon sont très fortement avantagés, alors qu'à eux deux ils contrôlent 70 % du marché de la construction navale.

Si le respect de l'accord n'est que partiel, la France se retrouve très désavantagée, et même les pays le plus désavantagé de la liste des pays. Les pays les plus avantagés, outre les deux pays asiatiques, sont les États-Unis, le Danemark et l'Espagne.

* (27) En pratique, celle mesure implique le calcul dans chaque pays d'une fourchette de taux sur la base de taux de références (PIBOR et taux interbancaires) et permet de déterminer si les taux consentis ne s'assimilent pas à des subventions indirectes par effet « monétaire ».

* (28) Des éléments sont donnés dans le rapport Thiesen. Ce rapport avait d'ailleurs comme objet de proposer au gouvernement britannique des modifications de son système de bonification des prêts, afin de mettre les chantiers navals de ce pays au niveau de ses concurrents.

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