3.3 Une autre faiblesse de l'accord de l'OCDE est qu'il ne s'applique pas à des pays particulièrement dynamiques

Des pays non couverts par l'accord de l'OCDE émergent parmi les constructeurs navals les plus dynamiques. Leur rôle pourrait s'accroître encore à l'avenir. Ces pays développent leurs capacités et améliorent leurs, produits. Huit pays construisent 90 pour cent du tonnage mondial hors OCDE : Chine, Taiwan, Brésil, Croatie, Singapour, Roumanie, Russie, Ukraine. La Chine, Taiwan et la Malaisie, mais aussi la Croatie ont attribué à la construction navale un rôle stratégique dans leur industrialisation.

En 1996, les pays de l'OCDE ont construit 88 pour cent de la production mondiale. Leur part a même légèrement progressé tout au long de 1a décennie, passant de 85 à 88 %.

Navires achevés (milliers de tonnes brutes)

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Pays de l'OCDE

14 308

15 930

17 765

16 651

19 935

21 318

Reste du monde

2 508

2 948

2 728

2 912

2 532

2 870

Total monde

16 816

18 878

20 493

19 563

22 467

24 188

Part de l'OCDE

85,10 %

84,30 %

86,70 %

85,10 %

88,80 %

88,10 %

Source : Lloyd's Register "World Fleet Statistics 1995", "World Shipbuilding Statistics, Mars, Juin, Septembre, Décembre 1996.

Mais certains pays non-membres jouent un rôle important dans ce secteurs. De tous les pays, entre 1991 et 1996, la Chine a connu la croissance la plus dynamique dans ce secteur, d'environ 24 % en rythme annuel. Avec 0,9 million de tonnes brutes, elle détient déjà 3,7 pour cent de la production mondiale de navires. Sa part a doublé en cinq ans et pourrait s'accroître encore durant les années à venir.

Lorsque l'on analyse les carnets de commandes, c'est à dire que l'on évalue les constructions actuelles et futures, on observe que la part de l'OCDE est plus faible que sa part dans la construction, à hauteur de 81 %.

Carnets de commandes (Milliers de tonnes brutes)

l'art dans le carnet de commande mondial en 1995

l'art dans le carnet de commande mondial en 1996

Progression entre 1995 et 1996

Chine

4,1

6,0

34,0

Taiwan

2,4

2,1

- 18,4

Brésil

0,8

0,5

- 43,2

Croatie

1,1

1,4

12,3

Singapour

0,6

0,5

- 22,6

Roumanie

2,5

2

- 25,4

Russie

1,4

1,1

- 22,7

Ukraine

2

1,5

- 30,3

Total

15

15,1

- 6,3

Hors OCDE

18

18,7

- 3,3

Pays de l'OCDE

82

81,3

- 7,4

Monde

100

100

- 6,6

Source : Lloyd's Register "World Shipbuilding Statistics", Décembre 1995 and 1996.

En une année, la part de marché de l'OCDE a perdu un point. La Chine est le pays qui connaît l'évolution la plus favorable. Avec 2,7 millions de tonnes brutes de commandes en carnet, les chantiers navals chinois se situent troisième rang mondial pour le volume des commandes, derrière le Japon et la Corée, devant tous les pays européens.

Le problème est d'autant plus aigu qu'un certain nombre de chantiers de ces pays concluent des accords de coopération avec des chantiers des pays de l'OCDE. À terme, ils leur offrent la possibilité d'abaisser leurs coûts de production en sous-traitant différentes activités. En cas de ratification de l'Accord de l'OCDE, les pays signataires se trouveront donc face à une concurrence renforcée.

3.3.1 Une ratification aléatoire

Les négociations relatives à l'accord de l'OCDE ont été entamées à l'automne 1989 en réponse à une plainte déposée par l'industrie américaine de la construction navale, au titre de la Section 301. Les États-Unis se proposaient d'éliminer les aides directes à la construction navale. La commission européenne a proposé, de son côté, d'étendre l'accord aux pratiques déloyales en matière de prix ou pratiques de dumping. Pour garantir son efficacité, il a été prévu dès l'ouverture des négociations que cet accord serait juridiquement contraignant et comporterait un dispositif de règlement des différents, des "mesures correctrices" en cas de violation et des "sanctions" pour faire appliquer ces mesures.

En juillet 1994, la commission européenne et les Gouvernements de la République de Corée, des États-Unis, de la Finlande, du Japon, de la Norvège et de la Suède ont adopté l'Acte final de l'«Accord sur les conditions normales de concurrence dans l'industrie de la construction et de la réparation navales marchandes», l'ouvrant ainsi à la signature. L'Accord a été signé par tous les gouvernements concernés.

La commission a participé à ces négociations en s'exprimant au nom des États membres de l'Union européenne. L'Assemblée Nationale française a émis un vote en décembre 1994 demandant au gouvernement d'exercer son veto contre une ratification par l'Union européenne. Le Gouvernement n'a pas suivi ce vote. Après avoir manifesté son opposition à cet accord, la France s'est abstenue lors du Conseil des Affaires Générales de décembre 1994, en raison de l'acceptation, par la commission, d'un plan de mise à niveau des chantiers français. Ce plan permettra d'apporter 2,6 milliards de francs d'aide (aide à la recherche et au développement, à l'investissement, à la formation et aux mesures sociales) au cours des trois premières années d'application de l'accord, période à l'issue de laquelle l'accord sera renégocié.

L'Accord ne peut entrer en vigueur qu'une fois ratifié par tous les participants. Aujourd'hui, seuls les États-Unis ne l'ont pas ratifié, alors qu'ils en sont à son origine. L'accord n'est donc pas entré, comme prévu, en vigueur le 1er janvier 1996.

Lorsque le 104ème Congrès américain a discuté de cette législation, la Chambre des Représentants a adopté plusieurs amendements visant à conférer aux constructeurs navals des États-Unis des avantages unilatéraux incompatibles avec l'Accord ( ( * )29) . Le Congres des États-Unis n'a donc pas adopté la législation d'application qui aurait autorisé le gouvernement de ce pays à le ratifier.

Toutefois, l'exécutif américain reste favorable à l'Accord. Il reste déterminé à faire adopter la législation qui permettrait aux États-Unis de le ratifier.

L'acte final de l'Accord prévoit le gel des mesures nouvelles en attendant la ratification. Cet acte n'a pas été ratifié par le Conseil européen de décembre 1994. L'Union européenne a prorogé, mais jusqu'à la fin de 1997 seulement, la validité de la 7ème Directive du Conseil qui réglemente les aides publiques accordées à la construction navale, ainsi que le plafonnement des aides à la production liées à des contrats. En conséquence, pratiquement tous les États membres de l'UE ont continué à accorder les aides autorisées par cette Directive.

Si traité n'est pas ratifié, il est probable que les principaux concurrents de la France poursuivront leurs politiques de subvention. En particulier, il faut envisager la possibilité du maintien dans sa forme actuelle du programme américain de garantie de prêts du titre XI, véritable outil permettant aux États-Unis de revenir sur ce marché longtemps délaissé.

L'accord de l'OCDE ne concernera pas un ensemble de constructeurs de plus en plus vaste, dont la Chine, en passe de devenir le troisième producteur mondial. Il risque en outre de mettre la France en position de faiblesse, alors que les chantiers français ont un carnet de commande insuffisant, surtout si l'accord n'est pas complètement respecté. Cet accord privilégie les systèmes opaques. Les pays ayant un système de soutien public concentré sur les aides au financement comme les États-Unis ou des politiques d'aides à la R & D très ambitieuses comme le Japon, seront très avantagés. Les pays possédant un fort marché intérieur (cas des États-Unis pour le cabotage, cas de la Corée, du Japon et du Danemark du fait de l'intégration de leurs secteurs armement et transport), peuvent fausser l'accord et inciter à des comportements non coopératifs. Par ailleurs, la loi antidumping compte tenu de la non-homogénéité des navires, est difficilement applicable.

Finalement, en cas de ratification de l'accord de l'OCDE, le secteur disparaîtra en France probablement à très court terme. La situation serait encore plus grave si les pays ne respectaient pas l'esprit de l'accord. Les pays ayant des systèmes de soutien public concentrés sur les aides au financement comme aux États-Unis, ou des politiques d'aides à la recherche et développement comme au Japon, seront probablement très avantagés. Les pays possédant un fort marché intérieur (comme les États-Unis pour le cabotage), peuvent fausser l'accord et inciter à des comportements non coopératifs.

* (29) D'ailleurs, l'amendement Bateman, qui a fait échouer la ratification, a été largement accepté par le Congrès : 278 voix contre 149. Il consistait à demander le prolongement des crédits export (connu sous l'appellation de Titre XI) dans une version très avantageuse aux constructeurs américains. Dans une moindre mesure, des dispositions concernant le Jones Act et la flotte paramilitaire américaine étaient incompatibles avec le principe de ratification.

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