2. Les principaux acteurs

La construction navale française se divise en construction civile et militaire.

En 1994, la construction de navires civils représente un chiffre d'affaires de 6 milliards de francs, la construction de bateaux de plaisance environ 2 milliards, contre 14 milliards pour la construction militaire. La construction de navires compte, en France, pour 0,3 % du PIB. Si la construction civile comprend une soixantaine de chantiers, la construction militaire se fait principalement au sein de la direction des constructions navales (DCN). Le secteur privé (construction, réparation, plaisance) regroupe environ 100 entreprises de plus de 20 salariés, pour un chiffre d'affaires hors taxe d'environ 12,5 milliards de francs (1 450 entreprises de moins de 20 salariés pour un CAHT d'environ 2,8 milliards de francs).

2.1 Les principaux acteurs civils

En 1995, la France produit l'équivalent de 242 000 t.j.b. (0,8 % de la production mondiale), et compte un carnet de commandes de 563 000 t.j.b. (soit 2,3 % du carnet de commandes mondial).

I

Poids des premières entreprises du secteur

Nbre d'entreprises

Effectifs

Chiffre d'affaires

4

35,1 %

37,0 %

10

48,5 %

50,9 %

50

70,4 %

71,6 %

Source : INSEE Image Économique des Entreprises aux 1/1/1995

Commerce extérieur français (en millions de francs)

Années

Exportations

Importations

Solde

1992

6227

3082

3145

1993

314

1911

1230

1994

2369

12369

1761

Source : Xerfi, Douanes, SESSI

Répartition des exportations et des importations en 1994

En millions de francs

1994

exportations

importations

Navires à passagers

43

18

Navires citernes

1513

36

Cargos vraquiers et porte-conteneurs

237

372

Bateaux de pêche

166

66

Remorqueurs

195

30

Bateaux diverses

121

45

Plates formes

1

1

Structures flottantes

78

36

Démolitions

13

3

Total

2369

608

Source : Xerfi, Douanes, SESSI

Les effectifs des chantiers civils sont passés de 32 500 à 6 631 emplois de 1975 à 1995 (- 80 %), suivant ainsi l'évolution de la production (de 672 000 t.b.c. en 1976 à 242 000 t.b.c. en 1995, soit - 65 %). Les effectifs directs et indirects, en comptant les fournisseurs et sous-traitants, sont de plus du triple des emplois directs, soit environ 20 000 emplois.

Le quart Nord-Ouest de la France regroupe près de 95 % des effectifs de la construction et de la réparation navale marchande civile (hors plaisance).

La répartition géographique des effectifs est : 61 % en région Pays-de-la Loire, 12 % pour la Basse-Normandie, 7,8 % pour la Bretagne, 10,3 % pour la Haute-Normandie et 10 % entre le Nord - Pas-de-Calais et la Provence -Alpes - Côte-d'Azur. Pour la construction d'un grand paquebot de croisière, les Chantiers de l'Atlantique font appel à des entreprises situées dans environ 70 départements français.

La réduction des effectifs dans la construction navale s'est accompagnée d'une restructuration des sites durant les années 1980. Sous l'impulsion de l'État, la construction navale nationale a été marquée par la reprise des chantiers Dubigeon par Alsthom-Atlantique en 1983, par la constitution de la Normed en 1982, née de la fusion des chantiers de la Seyne-sur-Mer, de La Ciotat et de Dunkerque, puis de sa disparition en 1991.

2.1.1 Les constructeurs civils de navires marchands

La production française de construction navale marchande (hors pêche et plaisance) se concentre aujourd'hui principalement sur quatre groupes qui travaillent aujourd'hui pour 70 % à l'exportation. Il s'agit des Chantiers de l'Atlantique, des Ateliers et Chantiers du Havre, des Constructions Mécaniques de Normandie, et du groupe Leroux & Lotz.

Les Chantiers de l'Atlantique sont filiale à 100 % du groupe GEC-Alsthom. Ils sont issus du regroupement, en 1955, des Chantiers de Penhoët et des Chantiers de la Loire. À la suite de la reprise des chantiers Dubigeon par Alsthom-Atlantique, en 1983, ils comptent environ 4 000 personnes en 1996, et sont spécialisés dans la construction de paquebots de croisière et de méthaniers. Les chantiers ont pris en commande cinq méthaniers malais en 1991, et quatorze paquebots depuis 1985 soit, à la fin de 1998, 16 % des commandes passées par les armateurs croisiéristes mondiaux. Les Chantiers de l'Atlantique se sont lancés dans un vaste plan de modernisation de l'outil de construction de coque métallique « TOLERIE 2000 » (robotisation, automatisation, choix des machines à souder...). Ils ont passé en novembre 1996, un accord de coopération avec Leroux & Lotz, détenteur du savoir-faire, visant à construire deux gros navires à grande vitesse au cours des cinq prochaines années.

Les Ateliers et Chantiers du Havre (ACH), comptent 750 personnes en 1996. Ce chantier est réputé pour la construction de paquebots à voile et de navires spécialisés (rouliers, car-ferries, navires de recherche, câbliers.) de moins de 220 mètres. Il a déposé un brevet concernant un projet de long monocoque à ailerons latéraux pouvant naviguer à 40 noeuds. Ce chantier a investi pour modifier une des cales, afin de disposer de deux cales principales aptes à la construction de navires allant jusqu'à 215 mètres x 33 mètres. D'autre part, ce chantier a créé un atelier automatisé de production de panneaux plans dans lequel, une nouvelle machine à découper au plasma, et de nouveaux logiciels de CAO-FAO (conception et fabrication assistées par ordinateur) sont installés.

Les Constructions Mécaniques de Normandie (CMN) sont implantées à Cherbourg (500-550 personnes en 1996). Avec plus de 100 patrouilleurs rapides armés en service dans une quinzaine de marines, les CMN font partie des trois plus grands constructeurs sur ce créneau. Les CMN ont construit le navire à effet de surface expérimental « Agnes 200 », en coopération avec la DCN. Elles appartiennent, depuis 1992, au groupe SOFFIA et se positionnent en qualité d'assembleurs sur la construction de navires rapides de combat (type « Combattante ») et de navires de surveillance (type « Vigilante »). Après un dépôt de bilan en 1987, elles sont bénéficiaires depuis 1995. Depuis 1994, les CMN ont également divisé leurs services selon deux filiales : CMN Defence Systems (Intégration des systèmes de défense) et CMN Support Services (Formation des équipages et du soutien logistique). Enfin, devant la réduction des budgets militaires, ce chantier diversifie sa production vers le civil, avec des navires océanographiques, halieutiques ou hydrographiques, et les navires à passagers ou mixtes.

Le groupe Leroux & Lotz est présent sur quatre sites (Dieppe, Saint-Malo, Lorient et Nantes). Il comprend 350 personnes en 1996, et produit tous types de navires d'une taille inférieure à 120 mètres. Il est à l'origine de la filière des navires rapides monocoques, et figure parmi les quinze principaux chantiers constructeurs de navires à grandes vitesses (NGV). Il propose des navires de pêche industrielle, des remorqueurs, des patrouilleurs de haute mer, des grands ouvrages métalliques... Un accord de coopération industrielle et commerciale a été conclu avec les Chantiers de l'Atlantique pour la filière des navires rapides monocoques d'une taille supérieure à 100 mètres.

2.1.2 Les constructeurs de petits navires

La distinction entre ce type de constructeurs et les chantiers précédents réside avant tout dans la taille des navires construits (inférieure à 100 mètres). Parmi ces derniers, la polyvalence est souvent présente.

Les chantiers Piriou, entreprise familiale implantée à Concarneau depuis 1965, ont livré depuis 1972 plus de 200 navires. Ils emploient 173 personnes pour un chiffre d'affaires d'environ 120 millions de francs (200 millions prévus en 1997). D'abord spécialisés dans la construction de navires de pêche et dans la réparation navale, la crise de ce secteur dans les années 1980 les a conduits à orienter leur action commerciale vers l'exportation et à se diversifier dans la production de barges (un supply vessel de 70 m), de vedettes à passagers ou de remorqueurs. L'évolution de la flotte de pêche apporte aujourd'hui de nouvelles commandes : un thonier, un chalutier, deux crevettiers et quatre palangriers. Le succès de ce chantier s'appuie notamment sur l'existence d'un marché connexe (la réparation navale), comme régulateur des effets conjoncturels.

La Société Calaise de Réparation et de Mécanique (SOCARENAM) a été fondée en 1961. Elle emploie aujourd'hui 160 personnes, réparties sur Boulogne-sur-Mer (90 personnes), Calais (45) et Dunkerque (25). Son chiffre d'affaires, de 100 millions de francs pour 1997, se partage en 40 % de réparation navale, 40 % de construction neuve et de 20 % de chaudronnerie industrielle et mécanique (offshore, passerelles...). La gamme des produits offerts comprend des navires inférieurs à 55 mètres, tels que des bateaux de pêche, des navires de servitude (remorqueurs, vedettes) et des bateaux d'instruction ou des remorqueurs pour le compte de la Marine nationale. La réparation navale porte sur la flottille de pêche artisanale et industrielle et sur les car-ferries et cargos en escale.

La concurrence à laquelle font face ces chantiers est avant tout régionale pour la construction de navires de pêche artisanale. Sur le marché de la pêche industrielle, les constructeurs souffrent des différences de coûts salariaux et ont souffert de la surévaluation du franc contre les devises espagnole et italienne entre 1992 et 1996. C'est grâce à leur multi-spécialisation construction-réparation (- chaudronnerie pour la SOCARENAM) qu'ils atténuent les effets cycliques.

2.1.3 Les chantiers de réparation navale

L'industrie de la réparation navale connaît, depuis 1992, une baisse sensible de son activité. Ce secteur de main-d'oeuvre souffre de la concurrence des pays à bas salaires présents sur les routes de navigation Est-Ouest (Corée du Sud, Malaisie, Chine) et surtout, pour ce qui concerne la France, Nord-Sud (Pays du Golfe Persique). En Europe, la concurrence s'est accrue du fait de la surévaluation du franc contre les devises du Portugal, de l'Espagne et du Royaume-Uni.

Quatre chantiers de réparation subsistent en France. Ils travaillent principalement à l'exportation : il s'agit de la Compagnie Marseillaise de Réparation, de la SOBRENA à Brest, de SIREN au Havre et de ARNO à Dunkerque.

La SOBRENA présente un cas d'adaptation à la concurrence Filiale à 100 % de la branche mécanique du Groupe Meunier depuis 1987, située sur le port de Brest, elle comprend environ 200 salariés. Selon le niveau de charge, elle influe sur environ 500 emplois directs. Elle engendre un chiffre d'affaires de 200 millions de francs en 1996 et environ 400 000 heures productives par an. À la suite d'un dépôt de bilan en 1986, la reprise a été en partie favorisée par le Comité Interministériel de Restructuration Industrielle (CIRI). En jouant sur la réduction des effectifs (1/3 de licenciements), sur l'autonomie de gestion, sur l'annualisation des rémunérations et la mise en place d'un système d'intéressement, la SOBRENA a pu éviter la liquidation judiciaire.

La Compagnie Marseillaise de Réparation (CMR) est la dernière entreprise de réparation à Marseille. Son concurrent, Sud Marine, a fermé en 1994, entraînant la perte de 605 emplois. Suite à cette liquidation, CMR a repris Sud Moteurs, une filiale de Sud Marine, spécialisée dans la réparation de moteurs. CMR demeure un spécialiste de réputation mondiale de la réparation de méthaniers. Ce chantier souffre de sa localisation géographique, le port de Marseille est très excentré par rapport aux lignes atlantiques et même par rapport à de nombreuses lignes méditerranéennes.

L'incidence immédiate des dévaluations de la lire et de la peseta sur les prix pratiqués par les chantiers de réparation navale italiens et espagnols a contribué à réduire la capacité de prise de commandes du chantier français méditerranéen. Le contexte concurrentiel ainsi créé, en renforçant le caractère déjà aléatoire de cette activité (dépendance étroite de celle-ci vis-à-vis de la volonté ou de la capacité réelle des armements à budgétiser des campagnes de réparation de leur flotte), a placé cette entreprise dans une position de grande vulnérabilité.

Après des périodes de chômage technique, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par le Tribunal de Commerce de Marseille en mai 1996 à rencontre de CMR. L'entreprise a été reprise par l'armateur italo-suisse Marinvest (filiale de Mediterranean Shipping Company, 8ème armateur mondial, propriété de Gianluigi Aponte, qui possède une flotte de plus de 93 bateaux).

Après un conflit social important, Marinvest s'en est tenu à son plan initial, proposé en début 1997 et accepté par le Tribunal de Commerce de Marseille. Le repreneur ne garde que 110 salariés sur les 305. Il s'engage en outre à réembaucher 40 salariés supplémentaires les deux prochaines années, en fonction du niveau de commandes. Marinvest prévoit de rendre la CMR rentable en deux ans. Marseille conservera donc un pôle de réparation navale lourde.

Le plan de reprise prévoit l'application d'un plan proposé par le Gouvernement français. Ce plan permettrait de sauver des emplois et de réserver un règlement social aux autres. Il garantit une série de contrats d'ici la fin 1998 (travaux sur les bateaux de la flotte CMA-CGM). Par ailleurs, l'Union départementale des industries métallurgiques, qui regroupe des grosses entreprises régionales comme Eurocopter, Sollac et Gemplus, s'est engagée à reprendre 50 salariés. Les pouvoirs publics reclasseront 16 autres personnes par des congés de conversion ou l'obtention de primes. Le reste du personnel sera concerné soit par des mesures d'âge, soit par un dispositif d'invalidité.

Le secteur de la réparation navale connaît en France deux problèmes :

- il a uniquement accès aux aides dans le cadre d'opérations de transformation (plafonnées à 4,5 %), dont l'agrément par le Ministère de l'Industrie n'est généralement connu qu'après signature du contrat. Le chantier de réparation supporte un risque de trésorerie ;

- la particularité de ce secteur repose en grande partie sur l'imprévisibilité de la charge. Un client exige qu'un chantier de réparation soit accessible 24 heures par jour et ce, quel que soit le jour de la semaine. La disponibilité de la main-d'oeuvre doit donc être forte. La France souffre de ce point de vue, vis-à-vis de ses concurrents (Grande-Bretagne, Espagne, Portugal...), d'un handicap.

2.1.4 La construction navale de plaisance

La filière nautique française (production, location, distribution, services) représente près de 3 000 entreprises, réalise un chiffre d'affaires d'environ 10 milliards de francs et emploie 15 000 personnes en 1995. Le chiffre d'affaires de la production est d'environ 2,1 milliards de francs en 1996, dont 49 % à l'exportation (y compris les DOM TOM ; 10 %).

La location maritime compte près de 130 entreprises, 1 200 personnes et un chiffre d'affaires de 850 millions de francs. Ce marché a connu au cours des années quatre-vingt, dix ans d'expansion, liée à la démocratisation de ce sport par la médiatisation (grandes courses nautiques), et à l'émulation entre les architectes français. Le marché de la plaisance semble aujourd'hui marquer le pas.

La production de navires de plaisance en 1996 concerne 4 000 personnes, pour un chiffre d'affaires d'environ 2,5 milliards de francs.

Évolution du chiffre d'affaires de la production

(base 100 en 1985)

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

100

110

118

125

155

171

148

124

112

115

112

107

Source : Fédération des Industries Nautiques

La flotte française comptait, au 31 août 1995, 850 000 navires, dont 70 % de bateaux à moteur et 28 % de voiliers. La spécialisation de la France sur les navires à voiles (à 52 %) ne correspond pas pleinement à la répartition du parc national.

* Entretien comprend réparation et gardiennage ** Autres comprend Voiles légère, Bateaux fluviaux... Source : Fédération des Industries Nautiques

L'ouverture à l'export permet cependant à l'industrie nautique d'engendrer un excèdent de la balance commerciale de 620 millions de francs, grâce à la position sur le marché des voiliers (32 % de la production mondiale) et des pneumatiques (38 % de la production mondiale).

Pour les navires à moteur, la France est dominée par le Royaume-Uni, l'Italie ou les États-Unis. L'absence de motoriste français explique en partie ce phénomène.

La mise en place de la Loi Pons en 1986 a permis d'atténuer la chute de la demande métropolitaine en 1990 ( ( * )9) . Près de 30 % du chiffre d'affaires des sociétés de location se réalisent aux Antilles, soit 228 millions de francs en 1995.

L'industrie nautique française fait face à la faiblesse du marché intérieur et à une concurrence accrue à l'export. Pour les facteurs internes défavorables à la reprise du secteur, on trouve :

- l'étroitesse du marché intérieur, reflétée par le taux d'équipement en plaisance. En 1995, il est de 1 bateau pour 66 habitants en France, contre 1 pour 66 habitants aux États-Unis et environ 1 pour 7 dans les pays nordiques (Norvège, Finlande, Suède) ;

- la mise en place de permis pour les bateaux à moteurs. Il est cependant apparu au groupe de travail qu'un tel permis était indispensable à la sécurité des personnes ;

- la remise en cause des avantages fiscaux aux métiers de location qui permettent pourtant de contourner l'insuffisance d'anneaux dans les ports. Cette branche, pour être rentable, aurait besoin de 22 semaines d'activité par an. Or, le taux français (12 à 15 semaines) est insuffisant.

Le contexte international s'est modifié depuis le début des années 90 :

- les dévaluations dont ont profité nos principaux concurrents (Royaume-Uni, Italie) ont contribué à écarter la France du marché du motonautisme, sur lequel elle était déjà peu présente ;

- les grands salons nautiques à l'étranger (Dusseldorf) contribuent à rapprocher les acheteurs et les constructeurs étrangers. Les aides à la représentation du CFCE sont, de ce point de vue, insuffisantes pour mener une véritable politique de prospection hors du marché national. C'est par l'implantation directe (chantiers Bennéteau aux États-Unis dans les années 80) que celle-ci peut dès lors s'opérer.

* (9) Voir le rapport Outre-mer, pour une évaluation plus complète tic la Loi Pons.

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