LE CONTEXTE

L'outre-mer rassemble près de 97 % de la superficie de l'espace maritime national. Disposant ainsi d'une Zone Économique Exclusive (ZEE) de près de 11 millions de km 2 , la France est considérée comme l'une des premières puissances maritimes du monde, par l'étendue de son patrimoine océanique.

1. Une grande diversité de situations géographiques

1-1 Les collectivités d'outre-mer sont réparties dans les deux hémisphères, sur tous les océans du globe et constituent un ensemble géographique éclaté

On distingue trois zones géographiques :

- la zone américaine atlantique, avec, du nord au sud : Saint-Pierre-et-Miquelon à quelques kilomètres de l'île de Terre-Neuve, l'île de la Martinique et l'archipel de la Guadeloupe, au coeur des petites Antilles, et la Guyane, entre le Brésil et le Surinam ;

- la zone de l'Océan Indien, avec l'île de Mayotte, qui fait partie de l'archipel des Comores, les minuscules « Iles Eparses » inhabitées, la Réunion et les Terres Australes et Antarctiques Françaises, qui regroupent les îles Crozet, les îles Kerguelen, qui comprennent l'île de la Désolation et plus de 300 îlots, la Nouvelle-Amsterdam et Saint-Paul, ainsi que la Terre Adélie, située en Antarctique ;

- la zone Pacifique, avec la Polynésie française, comprenant cinq principaux archipels, les îles Wallis et Futuna, l'archipel de Nouvelle-Calédonie et des îles Loyauté, enfin l'îlot de Clipperton dans le Pacifique Nord.

1.2 Des collectivités localisées dans des environnements particuliers

On distingue des collectivités isolées et d'autres intégrées dans des ensembles régionaux dont elles doivent tenir compte.

1.2.1 Le contexte caribéen

L'environnement géopolitique caraïbe immédiat de l'archipel guadeloupéen et de l'île de la Martinique est constitué des Petites Antilles, qui comptent huit États souverains, des colonies de la Couronne britannique, des États membres du royaume des Pays-Bas et un territoire des États-Unis. Les cinq Grandes Antilles, qui bordent au nord la mer Caraïbe, font aussi partie de cet environnement. Il s'agit de Cuba, de la Jamaïque, de Haïti, de Saint-Domingue et de Porto-Rico. Tous ces territoires sont insulaires, de superficie parfois très réduite et supportant souvent un poids démographique lourd. Le PIB par habitant y est en général inférieur à celui des Antilles françaises.

La Guyane a des frontières terrestres avec le Brésil et le Surinam. Son environnement immédiat est également constitué du Guyana, ancienne Guyane britannique, et du Venezuela. S'il y a très peu d'échanges de nature économique avec les pays voisins 2 ( * ) , on assiste par contre, depuis le milieu des années 1980, à un afflux de réfugiés en provenance des pays voisins, notamment d'Haïti et du Surinam, en raison de la situation politique très troublée qu'a connu ce pays depuis son indépendance.

1.2.2 L'Océan Indien

La Réunion forme, au Sud-Ouest de l'océan Indien, l'un des deux éléments de l'archipel des Mascareignes, avec sa voisine l'île Maurice, État souverain depuis son accession à l'indépendance en 1968. Les voisins les plus proches des Mascareignes sont : à 800 km à l'ouest, Madagascar ; à 1600 km à l'ouest, l'archipel des Comores, composé d'un État indépendant depuis 1976 et de la Collectivité Territoriale de Mayotte ; à 2000 km au nord, l'archipel des Seychelles. Tous ces pays sont francophones. Au-delà du canal du Mozambique, on trouve les États du Sud-Est africain : Mozambique et Afrique du Sud.

Les échanges sont courants mais peu importants avec l'île Maurice et avec les Seychelles. Ils sont limités avec les autres États plus éloignés.

Deux facteurs s'avèrent importants pour la Réunion dans les années 1990 :

- le rattrapage économique de l'île Maurice, qui sait jouer de sa position de pays ACP 3 ( * ) pour profiter de débouchés vers l'Union européenne ;

- la fin du régime d'apartheid en Afrique du Sud et le retour d'un rôle Prédominant de ce pays dans la région.

Mayotte a pour plus proches voisins les autres îles de l'archipel des Comores, constituant la République Fédérale Islamique des Comores, dont lui proviennent un nombre croissant d'immigrés. Les récents événements dans les îles d'Anjouan et de Mohéli, confirment et illustrent les contrastes dans les modalités du développement entre les collectivités françaises et leurs voisins.

1.2.3 L'environnement Pacifique

La Nouvelle-Calédonie est située au coeur de la seule zone du Pacifique-Sud disposant d'un peuplement important. Ses plus proches voisins sont : le Vanuatu, la Micronésie, Palau, les îles Salomon, à 1200 km à l'ouest : l'Australie, à 1600 km au sud : la Nouvelle-Zélande, à 2400 km au nord-ouest : la Papouasie-Nouvelle-Guinée. À l'exception de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, tous ces pays sont parties à la convention de Lomé, ce qui les place dans une position d'association à l'Union européenne largement comparable à celle de la Nouvelle-Calédonie, qui fait partie, au sein de l'Union, de la catégorie des Pays et Territoires d'outre-mer (PTOM).

La Polynésie forme à elle seule un monde à part. Par rapport à Tahiti, l'île chef-lieu, les îles Fidji sont situées à 2400 km à l'ouest, la Nouvelle-Calédonie à 3500 km à l'ouest, la Nouvelle-Zélande à 4000 km au sud-ouest, Hawaï à 4500 km au nord, l'Australie à 5000 km à l'ouest et le Chili à 6500 km à l'est. Ces distances expliquent la difficulté à développer des échanges régionaux soutenus

1.2.4 L'Atlantique Nord

La situation économique et politique de Saint-Pierre-et-Miquelon est liée à son enclavement dans le territoire maritime du Canada et à l'attachement de la population, d'ascendance basque, normande et bretonne, à la France, qui permet à cette dernière de légitimer sa présence. Le Canada ne conteste aucunement la souveraineté de la France sur Saint-Pierre-et-Miquelon, mais il refuse d'en tirer les conséquences en ce qui concerne les ressources naturelles des eaux adjacentes : il reconnaît la souveraineté française sur des eaux territoriales d'une largeur de 12 milles, mais il refuse de lui reconnaître le droit à une ZEE et se réserve le monopole des droits de pêche dans la zone qu'il a lui-même édictée et qui entoure de toutes parts les eaux territoriales adjacentes à Saint-Pierre-et-Miquelon. En 1992, un tribunal arbitral international a délimité une ZEE de 8700 km 2 seulement au profit de la France, qui en demandait plus de 50 000.

Les collectivités d'outre-mer, départements comme territoires, sont, d'une manière générale, insérées dans un environnement géographique composé d'États ACP, c'est-à-dire de pays dont les niveaux de développement économique peuvent encore être faibles, mais sont en fait inégaux. La situation des collectivités d'outre-mer est inconfortable en matière d'échanges extérieurs dans la zone géographique dans laquelle elles se situent : elles se trouvent, globalement sur les mêmes filières de production que les États voisins, mais les coûts de leur main-d'oeuvre sont tels qu'ils excluent toute possibilité de concurrence. Les charges salariales dans le secteur du tourisme, qui sont pour les Antilles françaises de 1,5 à 15 fois supérieures à celles des autres îles des Caraïbes, illustrent ce fait. Elles constituent un des obstacles à la compétitivité des produits français et les soumettent à une vive concurrence À la Réunion, le coût de la main-d'oeuvre dans l'hôtellerie est aussi beaucoup plus élevé qu'il ne l'est aux

Seychelles ou à Maurice. L'écart salarial -stricto sensu- est de 1 à 4 avec les Seychelles, de 1 à 10 avec Maurice.

D'autre part, la règle de « non-réciprocité », appliquée par l'Union européenne pénalise les DOM. Elle permet, selon les dispositions de la convention de Lomé, aux produits des États ACP d'entrer quasi librement sur le territoire douanier communautaire, auquel appartiennent les DOM. En revanche, les États ACP peuvent appliquer aux ventes des DOM des Antilles des restrictions énumératives ou quantitatives. Cela étant, les « négative lists » ne sont pas aussi contraignantes qu'il y paraît et il arrive que les acteurs économiques antillais engagent des négociations et parviennent à les assouplir.

Il ne faut pas non plus négliger le fait que les échanges commerciaux des DOM se font dans des contextes douaniers particuliers. L'octroi de mer 4 ( * ) est, à ce titre, une disposition qu'il faut mentionner. Il s'agit, en sus des droits de douane, d'une taxe perçue depuis 1826, qui a été mise en conformité avec les exigences du droit communautaire par la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992. Y sont soumises « l'introduction de marchandises, les livraisons à titre onéreux par des personnes qui y accomplissent des activités de production et les livraisons à titre onéreux par des personnes qui achètent en vue de l'exportation ou de la revente ». Cependant, de nombreuses exonérations sont prévues dans le texte de loi. Le taux en est fixé par les Conseils Régionaux. Le recouvrement de l'octroi de mer est assuré par le service des douanes.

Dans la mesure où il représente en moyenne près de 30 % des recettes de fonctionnement des communes, et même parfois 70 à 80 % de leurs ressources, les élus municipaux sont attachés à son maintien.

Les « tarifs généraux d'importation » dans les TOM, qui nourrissent entre un quart et deux cinquièmes des recettes des budgets des TOM, fournissent aussi un cadre particulier aux échanges extérieurs de ces collectivités.

La politique suivie pendant longtemps par la Métropole envers les DOM-TOM a privilégié la bilatéralité du rapport, ce qui a eu pour conséquence de couper les collectivités de leur environnement régional. L'État s'efforce aujourd'hui de nuancer cette tendance, en favorisant la coopération régionale. La multiplication des accords régionaux ces dernières années témoigne de l'entrée dans une phase active de la coopération régionale. La mer est probablement l'un des domaines pour lesquels certaines expériences ont pu être conduites.

Il ne faut pas négliger le fait que l'outre-mer permet à la France, en plus de son inscription européenne, d'être rattachée, par le biais d'accords régionaux, à d'autres ensembles géopolitiques. À ce titre, l'outre-mer constitue un enjeu stratégique important. Saint-Pierre-et-Miquelon, par exemple, assure une présence de la France dans l'Atlantique Nord et lui permet d'exercer une influence politique dans la zone, puisqu'elle est membre de l'Organisation des Pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO), à côté de l'Union européenne.

Cette présence française permet la participation aux discussions régionales, aux conférences internationales et à certaines prises de décision. En vertu des principes de droit international public, seule la République Française est habilitée à conclure des traités avec d'autres États, même si leur objet est strictement limité à un DOM ou un TOM. Mais, la République est libre d'associer telle ou telle institution territoriale à la négociation, conclusion, voire procédure préalable à la ratification ou encore à l'approbation. Ainsi, depuis que la Polynésie française jouit d'un nouveau statut, le Président de son Gouvernement peut négocier et signer traités et accords, s'ils sont pertinents pour le Pacifique sud. Mais ce pouvoir ne peut être exécuté que sur délégation expresse, qui doit être produite aux négociateurs étrangers pour que ceux-ci sachent que l'État sera bien lié.

La présence de la France dans des ensembles géographiques divers lui ouvrent l'accès à des structures de coopération régionales nombreuses.

La coopération régionale, bilatérale ou multilatérale, du fait de l'élimination progressive de barrières à la circulation des marchandises, des capitaux et des personnes, vise à établir un courant d'échanges ou à favoriser la réalisation de projets communs. À cet égard, Lomé IV (1990/2000) comme Lomé III

(1984/1989), soulignent l'intention des parties contractantes d'encourager la coopération régionale entre les DOM, PTOM et les pays ACP environnants dans les termes suivants : « les parties contractantes encouragent une plus grande coopération régionale, entre les Caraïbes, l'Océan Pacifique et l'Océan Indien, qui impliquerait les États ACP, les pays et territoires d'outre-mer et les départements d'outre-mer environnants ».

L'objectif primordial de ces économies insulaires est de s'insérer dans un réseau complexe d'institutions de coopération régionale déjà existantes, afin de se faire connaître, de s'informer de ce qui se passe dans la région, d'identifier, d'initier et de participer aux actions ou projets de coopération dans différents domaines. Ces économies, qui assurent le rayonnement de la France dans la Caraïbe, le Pacifique et l'Océan Indien, peuvent aussi devenir la tête de pont de l'Europe dans ces différentes régions.

Sur le plan institutionnel, la coopération régionale est extrêmement riche :

- dans la région Caraïbe, plusieurs structures de coopération ont été constituées entre les pays anglophones, dans le but de parvenir à une réelle intégration économique et financière et de remédier aux problèmes liés à la petite taille des États insulaires de la Caraïbe, certaines ayant plusieurs années d'existence : Initiative pour le Bassin Caraïbe, CARIBCAN, CARICOM 5 ( * ) , Organisation des États de la Caraïbe orientale 6 ( * ) ou Banque de Développement des Caraïbes. Les Départements Français d'Amérique adhèrent, en qualité de membres associés, à l'Association des États de la Caraïbe 7 ( * ) , qui regroupe tous les États souverains ou autonomes de la zone à l'exception des États-Unis.

En outre, tous les États et les territoires non souverains des Petites Antilles ainsi que Belize sont associés à l'Union européenne, soit en tant que Pays et Territoires d'outre-mer, catégorie qui comprend également les TOM français, soit en tant qu' « États ACP », devenus parties à la Convention de Lomé peu après l'adhésion du Royaume-Uni à la Communauté ou depuis leur indépendance, dans les cas où celle-ci est intervenue plus tardivement ;

- depuis janvier 1986, la France est membre de la Commission de l'Océan Indien 8 ( * ) (COI). Cette instance, créée en 1982 et qui a permis, à l'initiative de Madagascar, des Seychelles, et de Maurice, le rapprochement des États ACP et de la France par l'intermédiaire de la Réunion, a mis en place des programmes communs d'intervention pour le développement économique de ses États-membres. En outre, la France voudrait participer à l'Indian Océan Rim (IOR), initié depuis deux ans par l'Australie, l'Inde et l'Afrique du Sud, Maurice y jouant un rôle également très important. Tous ces États sont parties à la Convention de Lomé qui associe les États ACP à l'Union Européenne ;

- les deux organisations internationales spécifiques à la région Pacifique sont assez peu structurées. Il s'agit de la Commission du Pacifique Sud (CPS), dont le siège se trouve à Nouméa et qui est la plus ancienne des organisations régionales du Pacifique. Elle a été créée en 1947 par les six pays administrant des territoires du Pacifique, à savoir : Australie, États- Unis, France, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande et Pays-Bas. Aujourd'hui, elle a pour participants cinq des États fondateurs, puisque les Pays-Bas n'ont plus d'intérêt dans la région, les États indépendants et les territoires dépendants de la zone (dont les trois TOM). La deuxième est le Forum du Pacifique Sud, créé par les États souverains de la région, en 1971. Il s'agit d'une organisation à vocation de coopération politique, dans le cadre de laquelle la France a fait l'objet de vives critiques pour sa politique en Nouvelle-Calédonie. À partir de ces deux institutions, se sont développées d'autres agences spécialisées, parmi lesquelles on peut citer : l'Agence des Pêches du Forum et le Programme Régional Océanien de l'Environnement. Seule l'Agence des Pêches a été utile dans un domaine spécifique où, compte tenu de l'extension des nouvelles ZEE des 200 milles, il était possible de promouvoir une action commune d'une certaine envergure. Les aides australiennes et néo-zélandaises sont insuffisantes pour permettre un fonctionnement satisfaisant du service de navigation Pacific Forum Line, qui ne peut trouver du fret lourd à faire circuler dans les archipels.

Les projets entrant dans le cadre des actions définies le plus souvent par les différentes institutions précitées bénéficient de plusieurs sources de financement. Outre la possibilité d'une imputation directe sur le budget des collectivités publiques ou sur celui des départements ministériels concernés, les financements peuvent provenir des contrats de plan État-région comportant une ligne de coopération régionale, les cadres communautaires comportant un sous-programme permettant de mobiliser les fonds du FEDER et certains fonds de coopération. Ainsi, la Commission européenne a décidé que la coopération entre les DFA et les pays ACP devait être financée sur le FED pour les pays étrangers, sur le FEDER pour l'outre-mer.

En dépit de la volonté politique de coopérer, les résultats obtenus sont insuffisants. Peu nombreux sont les projets qui ont atteint les objectifs qui avaient été assignés en raison de l'étendue des difficultés de mise en pratique entre les pays de la région. Ces difficultés peuvent être liées soit à des disparités culturelles ou linguistiques entre les populations, soit à l'hétérogénéité des statuts politiques, soit aux faibles complémentarités entre les économies et aux concurrences sur des marchés tiers ou enfin à un environnement financier et monétaire peu propice, du fait des dévaluations entreprises par les autres pays.

1.3 Insularité, tropicalité et risques naturels

1.3.1 L'insularité

À l'exception de la Guyane, enchâssée dans le continent latino-américain, les collectivités d'outre-mer sont toutes insulaires. L'insularité est toujours renforcée par l'exiguïté de l'espace littoral aménageable, lequel s'oppose à un intérieur inhospitalier et vide. Ces îles sont le plus souvent d'origine volcanique.

L'insularité se double parfois de l'émiettement, dans le cas des archipels.

La Polynésie, constituée de cinq archipels, compte au total plus d'une centaine d'îles, qui s'inscrivent dans un espace maritime aussi vaste que la superficie de l'Europe. Cet éclatement géographique crée un effet de distance supplémentaire et rend essentielle la desserte inter-îles. Cet émiettement et la macrocéphalie de la capitale justifient, quand certaines îles ne développent pas d'activités propres, des investissements massifs, au titre de la continuité territoriale. Ainsi, dans le cadre du Contrat de développement État-Territoire, le Fonds d'aménagement et de développement des îles de la Polynésie française (FADIP) participe au rééquilibrage économique, social et culturel du Territoire entre les îles du Vent et les autres archipels. Le Fonds d'Entraide aux Iles (FEI) est le principal vecteur de l'aide territoriale au développement des îles les plus défavorisées et les plus marginales. En 1995, le montant des aides s'élevait respectivement, pour le FEI et pour le FADIP, à 158,4 et 259,68 millions de francs CFP (respectivement 8,7 MFF et 14,3 MFF).

1.3.2 La tropicalité

À l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon et des Terres Australes et Antarctiques Françaises, les DOM-TOM sont situés en zone tropicale, ce qui constitue un élément majeur de fragilisation de l'organisation de l'espace lié à la menace des catastrophes naturelles, en même temps que cela représente une richesse et un atout pour le développement touristique. En effet, la tropicalité va de pair avec un climat et des milieux naturels, notamment littoraux, appréciés d'une certaine clientèle.

Les menaces liées au volcanisme et surtout les menaces climatiques, comme les cyclones qui peuvent causer d'énormes dégâts, ne doivent pas être négligées dans une présentation des contraintes qui s'imposent à ces terres insulaires. En outre, les « tsunamis », encore appelés « raz-de-marée », représentent une réelle menace pour les atolls du Pacifique, qui peuvent être submergés à l'occasion de leur déclenchement.

Enfin, il faut mentionner l'« ENSO », (El Nino South Oscillation), ou Oscillation Australe, qui consiste en un déplacement des cellules de Walker, cellules cycloniques tropicales, par suite d'un affaiblissement des alizés. Ce déplacement s'accompagne, dans la partie Ouest de l'Océan Pacifique, d'une sécheresse climatique, qui frappe les archipels mélanésiens et polynésiens. Cette sécheresse a pour conséquence une modification de la répartition des peuplements pélagiques et un déplacement des champs de pêche sur plusieurs milliers de kilomètres. Les ressources marines peuvent se trouver anéanties ou fortement réduites.

La coopération régionale porte ses fruits dans le domaine de la prévention des risques liés à la tropicalité, dangers cycloniques ou sismiques. C'est l'un des axes de la coopération les plus satisfaisants.

1.4 L'éloignement

Les distances qui séparent les DOM-TOM de la métropole revêtent une grande importance. Au regard de l'éloignement, les situations sont diverses. De Paris aux Départements Français d'Amérique, il y a entre 6750 et 7100 km, jusqu'à la Réunion : plus de 9400 km, pour atteindre Papeete, il faut franchir 15 700 km et pour Nouméa 18 360 km. Les distances séparant les territoires entre eux, dans un même ensemble régional, s'avèrent contraignantes : si la Martinique et la Guadeloupe ne sont qu'à 200 km l'une de l'autre, Cayenne est à quelque 1500 km de Fort-de-France et les deux principaux TOM du Pacifique sont éloignés de plus de 4600 km.

Les DOM sont des régions européennes dont les spécificités sont reconnues notamment dans le POSEIDOM 9 ( * ) . Les dispositions solidaires du traité de font partie les DOM, permettent de renforcer les aides diverses de l'Union européenne versées à ces territoires par le biais de trois fonds : le Fonds Social Européen, le Fonds Européen de Développement Régional et le Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole. Ces aides sont utilisées en partenariat avec les acteurs nationaux, régionaux et locaux. Elles s'ajoutent aux efforts financiers de l'État et des collectivités territoriales. En effet, le Cadre Communautaire d'Appui et le Programme Opérationnel Intégré sont établis par la Commission de Bruxelles, en concertation avec l'État et chaque DOM, à partir du Plan de Développement Régional. Les perspectives de l'Union européenne pour la période 2000-2006, décrites dans une communication de la Commission, l'« Agenda 2000 », prévoit que les régions ultra-périphériques restent assimilées à l'Objectif.

2. Des collectivités dotées de statuts différents

Institutionnellement, l'outre-mer comprend plusieurs catégories de collectivités : les départements (les DOM), qui relèvent du droit commun, les territoires (les TOM), régis par la spécialisation législative et les collectivités territoriales à statut particulier (les CTOM), auxquelles s'appliquent des dispositions spécifiques. Selon le cas, elles peuvent faire partie de l'Union européenne -et être ainsi intégrées au territoire douanier communautaire-, ou bien lui être simplement associées par voie de convention, à l'instar des États ACP.

2.1 Les Départements d'Outre-Mer (DOM)

Les quatre vieilles colonies de Guadeloupe, Guyane, Martinique et de la Réunion, ont été érigées en départements français par la loi de départementalisation de 1946. En 1983, élisant leur assemblée régionale au suffrage universel, elles sont devenues des régions monodépartementales. La décentralisation s'est appliquée dans les départements d'outre-mer de la même manière qu'en métropole, à quelques particularités près. Au plan national, elles relèvent du droit commun -même s'il est tenu compte de certaines de leurs particularités-. Il en va de même pour ce qui concerne leur appartenance à l'Union européenne. Comme les autres régions ultrapériphériques maritimes portugaises et espagnoles 10 ( * ) , elles relèvent du droit commun communautaire. L'appartenance juridique des DOM à l'Union européenne entraîne des contraintes dans leurs relations avec les pays ACP : ces pays conservent leur liberté tarifaire, alors que leurs produits entrent d'une manière générale en franchise sur le territoire douanier communautaire.

Les DOM bénéficient cependant de régimes dérogatoires, limités dans le temps, et de dispositions particulières tenant compte de leur retard de développement. 11 ( * ) En Juin 1992, la Communauté a aussi élargi aux DOM un règlement favorable relatif aux zones franches et entrepôts francs. Saint- Martin et Saint-Barthélémy bénéficient d'une franchise fiscale et douanière.

2.2 Les Territoires d'Outre-Mer (TOM)

Les territoires d'outre-mer sont au nombre de quatre : la Nouvelle-Calédonie et ses dépendances, la Polynésie Française, les îles Wallis-et-Futuna et les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). La décentralisation appliquée dans les DOM n'a pas concerné les TOM. En effet les territoires d'outre-mer, dotés de statuts particuliers, fixés par des lois organiques, sont régis par la spécialisation législative. Les autorités territoriales compétentes peuvent ainsi définir dans de nombreux domaines, notamment en matière sociale et en matière fiscale, des systèmes propres au territoire dont ils ont la charge. Leur organisation administrative est différente de celle mise en place en métropole ou dans les DOM. Il n'y a ainsi dans les TOM, ni département ni région. De plus, comme les collectivités territoriales à statut particulier, les TOM ne font pas partie de l'Union européenne, mais lui sont simplement associés par voie de convention. Les Pays et Territoires d'outre-mer sont associés à l'Union européenne selon un régime spécial qui a pour but la promotion de leur développement économique et social et l'établissement de relations économiques étroites entre eux et les pays de l'Union.

Le rapport des TOM avec l'Union européenne n'engendre pas de contraintes majeures et présente un certain intérêt. Sur le plan commercial, les produits des TOM entrent en franchise dans le territoire douanier communautaire, tandis que les TOM peuvent instituer, à l'égard des produits en provenance de l'Union européenne, les régimes tarifaires et contingentaires de leur gré dès lors qu'ils n'établissent pas de discrimination entre les Quinze.

Cela dit, la catégorie des PTOM ne bénéficie que de faibles interventions financières du Fonds Européen de Développement (FED).

2.3 Les collectivités territoriales à statut particulier

Les collectivités territoriales à statut particulier, -Mayotte veut être érigée en département et Saint-Pierre-et-Miquelon ne l'est plus-, sont rassemblées dans ce groupe alors qu'elles se trouvent chacune dans une situation particulière. Par rapport à l'Europe, considérées comme des TOM, elles sont intégrées dans la catégorie des PTOM. Ne faisant pas partie du territoire communautaire, elles ne sont pas soumises aux obligations qui y sont applicables mais ne bénéficient pas des avantages financiers, notamment ceux des fonds structurels attribués aux régions d'outre-mer. La situation des collectivités territoriales à statut particulier donnerait la possibilité « d'arguer qu'il s'agit en fait de TOM innommés, même si leur organisation comporte beaucoup des caractéristiques des départements » (Ziller).

Au travers du prisme dont les éléments viennent d'être évoqués, on peut aborder la question des liens qu'entretiennent les collectivités d'outre-mer avec la mer et tenter d'évaluer les politiques publiques qui s'y attachent. Il convient de retenir trois domaines plus particulièrement, à savoir l'activité portuaire, l'occupation du littoral, essentiellement touristique, enfin les activités halieutiques, c'est-à-dire la mise en valeur des ZEE.

Récapitulation des dépenses publiques maritimes dans les DOM-TOM

Ports : les C.P. sont dans le PLF 1997 de 12,8 MF dans les DOM.

les A.P sont de 13 MF.

Pêche : les C.P. sont dans le PLF 1997 de 38,7 MF dans les DOM.

les A.P. sont de 40,2 MF.

Tourisme : les C.P. sont en 1997 de 814 MF.

dont 199 MF en Guyane

70 MF à la Réunion 20 MF en Martinique

245 MF en Guadeloupe 217 MF à Mayotte

63 MF à Saint-Pierre-et-Miquelon

Environnement/littoral : les C.P. sont de 71 MF dans le PLF 97 dans les DOM-TOM.

Le total des apports budgétaires pour 1997 sont, dans les secteurs maritimes de l'outre-mer, de 936,5 MF .

Les crédits définis dans les contrats de Plan État-Régions .

Dans les Contrats de Plan État-Région des quatre DOM pour les années 1994-1998, on a recensé les dépenses prévues dans les secteurs maritimes. Les bilans d'exécution à la fin de l'année 1996 ne prennent en compte que la part de l'État (engagements).

Ports :

Guyane : 63,5 MF dont 15 MF de crédits budgétaires État

bilan d'exécution : 0 MF

Guadeloupe : 54 MF dont 27 pour l'État

bilan d'exécution : 3 MF

Martinique : 131,6 MF dont 54 MF pour l'État

bilan d'exécution : 15,77 MF

Pêche :

Guyane : 56 MF dont 20 MF pour l'État

bilan d'exécution : 0,15 MF

Guadeloupe : 23,12 MF (+ 3,6 MF pour la formation des marins) dont

9,2 MF pour l'État

bilan d'exécution (part des ministères concernés) : 1,4 MF

Martinique : 40 MF dont 17 MF pour l'État (+ 5,6 MF pour la recherche

en matière d'exploitation des ressources marines -IFREMER-) bilan d'exécution : 5 MF

Réunion : 50 MF dont 11,4 MF pour l'État

bilan d'exécution : 3,1 MF

Tourisme :

Guyane : 21,1 MF dont 3,27 MF pour l'État

bilan d'exécution : 0 MF

Guadeloupe : 30,5 MF (+ 64,2 MF pour la formation aux métiers du tourisme) dont 4,25 MF (20 MF pour la construction d'un lycée hôtelier)

bilan d'exécution en décembre 1996 : 0,46 MF

Martinique : 58,35 MF dont 8,5 MF pour l'État

bilan d'exécution : 0 MF

Réunion : 111,4 MF dont 3 MF pour l'État

bilan d'exécution : 0,23 MF

Écologie, protection de l'environnement :

Guyane : 138,45 MF dont 50 MF pour l'État (+ 2,95 MF pour la recherche sur l'écosystème côtier) bilan d'exécution : 2,8 MF (+0,7 MF pour l'écosystème côtier)

Guadeloupe : 216,55 MF dont 48,52 MF pour l'État

bilan d'exécution en décembre 1996 : 11,74 MF

Martinique : 156,5 MF dont 40,5 MF pour l'État

bilan d'exécution : 1,90 MF

Réunion : 45,2 MF dont 18 MF pour l'État

bilan d'exécution : 1,94 MF

Coopération régionale :

Guyane : 5 MF dont 2 MF pour l'État

bilan d'exécution : 0 MF

Guadeloupe : 8 MF dont 3 MF pour l'État

bilan d'exécution en décembre 1996 : 1,2 MF

Martinique : 9 MF dont 3 MF pour l'État

bilan d'exécution : 0 MF

Réunion : 12 MF dont 6 MF pour l'État

bilan d'exécution : 2,27 MF

Dans les TOM et les collectivités territoriales, on recense plusieurs types de contractualisation : les conventions État/Province en Nouvelle-Calédonie, les Contrats de développement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les Contrats de Plan. On peut retenir, dans les différents secteurs maritimes, les indications suivantes concernant la participation de l'État français :

- Ports

Nouvelle-Calédonie :

11 MF dont 4,39 engagés dans le cadre de la Convention État/province Nord 1993/1997 ;

11 MF sur un total de 36,85 MF dans le cadre du Contrat de développement État/province du Nord 1993/1997.

Polynésie française :

20 MF dont 2,25 engagés dans le cadre du Contrat de Plan État/Territoire 1994/1998 ;

20 MF sur un total de 170 MF dans le cadre du Contrat de développement État/Territoire 1994/1998.

Mayotte :

36 MF sur un total de 60 MF, dont 9,07 engagés, dans le cadre du Contrat de Plan 1994/1998.

Saint-Pierre-et-Miquelon :

5 MF sur un total de 10 MF, dont 0,13 engagé dans le cadre du Contrat de Plan 1994/1998.

Wallis-et-Futuna :

25 MF dont 15,15 engagés, dans le cadre de la Convention de développement.

Pêche

Nouvelle-Calédonie :

18,15 MF dont 4 engagés dans le cadre de la Convention État/province Nord ;

9,26 MF dont 4,10 MF engagés dans le cadre de la Convention État/Province des Iles Loyauté ;

6,59 MF dont 1,98 engagé dans le cadre de la Convention État/Province Sud 1993/1997 (on peut ajouter 1,20 MF dont 0,24 engagé pour l'étude du stock de crustacés).

Polynésie française :

5 MF dont 4,99 engagés dans le cadre du Contrat de Plan État- Territoire 1994/1998.

Mayotte :

2 MF sur un total de 3 MF, dont 1,6 MF engagé dans le cadre du Contrat de Plan 1994/1998.

Saint-Pierre-et-Miquelon :

3 MF sur un total de 6 MF, dont 0,59 engagé, dans le cadre du Contrat de Plan 1994/1998.

- Tourisme

Nouvelle-Calédonie :

27,50 MF dont 10,97 engagés dans le cadre de la Convention État/Province des Iles Loyauté 1993/1997 ;

41,30 MF dont 14,14 engagés dans le cadre de la Convention État/Province Sud 1993/1997.

Polynésie française :

60 MF dont 17,74 engagés dans le cadre du Contrat de Plan État/Territoire 1994/1998.

Mayotte :

0,85 MF sur un total de 2 MF, dont 0,44 engagé dans le cadre du Contrat de Plan.

Saint-Pierre-et-Miquelon :

4 MF sur un total de 7 MF, dont 2,03 engagés dans le cadre du Contrat de Plan.

Protection de l'environnement

Nouvelle-Calédonie :

6,88 MF dont 0,3 engagé dans le cadre de la Convention État/Province du Nord 1993/1997 ;

1,37 MF dont 1,05 engagé dans la cadre de la Convention État/Province Sud 1993/1997.

* 2 On doit néanmoins noter le va-et-vient de Brésiliens à l'occasion de grands travaux et leur rôle pour des métiers spécialisés.

* 3 Afrique, Caraïbes, Pacifique : groupe de pays créés lors de la première Convention de Lomé en 1975, qui entretient, en fait, depuis 1957 des relations avec l'Union européenne.

* 4 L'octroi de mer est assimilé par la Commission européenne à un droit d'effet équivalent à un droit de douane, qui contrarie la « libre circulation des marchandises ». De ce fait, la France se trouve régulièrement condamnée par la Cour de Justice des CE. L'octroi de mer ne fait l'objet que d'une tolérance provisoire, il n'est pas reconnu par le droit européen.

* 5 (Carribean Economic Community, créé le 14 juillet 1973, qui a mis en place un marché commun associant la Guyana, Saint-Kitts et Nevis, Sainte-Lucie et Saint-Vincent, dans le but de créer une union économique et la Barbade, la Jamaïque, Trinidad, Tobago, plus tard Belize, la Dominique, Grenade, Sainte-Lucie, Saint-Vincent ainsi que Montserrat).

* 6 ou OECS, Organization of Eastern Caribbean States, mise en place en 1981 par Antigua, la Dominique, Grenade, partie politique entre ces États.

* 7 AEC ou ACS, Association of Caribbean States, créée en juillet 1994 et dont le siège est à Trinidad.

* 8 Les Comores y ont également adhéré en 1986.

* 9 Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité dans les DOM.

* 10 1 Il s'agit des Açores, de Madère et des Canaries.

* 11 Les DOM sont éligibles à l'objectif n° 1, de développement et d'ajustement structurel des régions en retard de développement. Ils bénéficient à ce titre des fonds structurels communautaires.

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