MARINE MARCHANDE

1 - Le contexte général : une faible intégration internationale et une politique communautaire mal conduite

La France est encore insuffisamment tournée vers l'axe est-ouest.

L'environnement est marqué par ralentissement de la croissance du transport maritime mais une accélération pour les transports conteneurisés, les flux conteneurisés se concentrant à 80 % sur l'axe est-ouest (Asie, Europe, Amérique du Sud) avec pour principal gisement de demande l'espace asiatique.

Les transports maritimes sont largement libéralisés, notamment dans leur partie proprement internationale mais l'Asie et les États-Unis font encore obstacle à la libéralisation. Les négociations de l'OMC sur le transport maritime sont actuellement suspendues et doivent reprendre en 2000.

Dans ce cadre, la politique communautaire dans le domaine maritime, née tardivement en décembre 1986, est critiquée. La libéralisation du cabotage au sein de l'Union européenne a été mal conduite dans la mesure où elle n'a pas été précédée ou accompagnée d'une harmonisation des conditions d'exploitation, au moins sur les conditions de sécurité.

Pour la liaison Corse-Continent, la concession quinquennale arrivant à échéance le 31 décembre 2001, l'ouverture au trafic des États-membres de l'Union européenne à partir du 1er janvier 1999 pourrait avoir des conséquences importantes : l'avenir des deux compagnies assurant la liaison s'annonce sombre en l'absence d'un redressement de leurs résultats.

La nouvelle stratégie de l'Union européenne repose sur "le développement parallèle et équilibré de 4 domaines clés : la compétitivité internationale de la flotte des pays de l'Union européenne, la sécurité, les marchés ouverts, la concurrence loyale". Il faut noter l'échec du projet de création d'un pavillon européen (EUROS) et le fait que la réglementation européenne est insuffisamment appliquée. Compétitivité et sécurité pourraient être améliorées par la dénonciation de l'insuffisance des sanctions, l'accroissement du contrôle des États dans les ports, l'harmonisation des règles et l'augmentation des effectifs d'inspecteurs. 30

2 - Les caractéristiques de l'activité armatoriale : activité cyclique et faible contenu en main-d'oeuvre

Le secteur de la marine marchande connaît deux particularités essentielles : l'activité est cyclique, ce qui lui donne un caractère spéculatif et à faible contenu en main-d'oeuvre qualifiée.

Pour assurer la rentabilité globale de leur activité, les armateurs doivent souvent compenser la faiblesse de leur rentabilité d'exploitation en acquérant et cédant des navires au bon moment. Le secteur du vrac est le plus cyclique et donc le plus spéculatif : l'écart entre le prix des navires neufs ou d'occasion pour le transport des vracs obligent tout propriétaire exploitant à accompagner la gestion de son exploitation par une gestion patrimoniale de son investissement, afin d'atteindre une rentabilité globale.

La marine marchande est une activité à faible contenu en main-d'oeuvre (1,2 million de marins dans le monde) surtout consommatrice de main d'oeuvre qualifiée : alors que 18 000 officiers manquent dans le monde, surtout dans l'OCDE, il existe un sureffectif de 200 000 matelots au niveau mondial. Cette caractéristique a des conséquences importantes sur l'évaluation des politiques publiques.

3 - Le surcoût du pavillon national

La majorité des grands armements ont une flotte composée à la fois de navires sous pavillon du pays d'origine de la compagnie et de navires sous pavillon de libre immatriculation.

Il existe trois types de pavillon :

- les registres de libre immatriculation ("pavillons de complaisance") où il est possible d'engager des marins sans condition particulière de nationalité ;

- les "seconds registres" des pays occidentaux qui peuvent combiner navigants nationaux et étrangers selon des proportions variables

- les pavillons principaux qui appliquent le code du travail en vigueur dans l'État.

Les plus grandes disparités sont liées aux coûts d'exploitation et notamment au poste d'équipage (25 à 50 % du coût d'exploitation suivant le type de pavillon). Pour le cabotage, le différentiel de coût entre un équipage formé exclusivement de marins européens et un équipage mixte peut être de 25 à 60 % selon la proportion de marins étrangers autorisés.

Si seuls sont pris en compte les navires confrontés à la compétition internationale (110), le chiffre global du surcoût pour la flotte française en l'état actuel du dispositif public de soutien à la marine marchande est de 337 millions de francs par an.

Caractéristiques de la flotte française

La flotte sous pavillon français, sous registre métropolitain ou Kerguelen totalise 210 unités au 1er janvier 1997. La dégradation de la position de la flotte française (passée du 19ème au 27ème rang mondial en dix ans) accompagne celle de la flotte européenne, passée de 23 % à 14 % de la flotte mondiale.

La flotte française se caractérise par une absence de point fort et des menaces sur certains segments.

Contrairement aux flottes de la Grèce, de la Grande-Bretagne ou de l'Italie, la flotte française est dispersée sur la plupart des créneaux. Cependant, un pôle de compétitivité s'est constitué autour d'activités spécialisées à fort contenu technologique et employant des ingénieurs français : navires câbliers, navires de recherche géosismique...

En matière de cabotage, la France souffre d'un handicap en équipements de petites unités. Concernant le trafic de passage, qui emploie 55 % des marins français, la concurrence est très vive. Pour la liaison transmanche, l'armement français est trop coûteux : la question est donc de savoir s'il faut un opérateur public parmi les concurrents du tunnel, et de plus filiale de la SNCF.

Les comportements des exportateurs et importateurs français pénalisent le transport maritime. Les acheteurs et fournisseurs étrangers sont plus souvent en position de chargeurs réels, ayant la maîtrise du transport, que leurs vendeurs ou clients français. Ce sont souvent les termes d'achat et de vente qui situent le degré d'implication des importateurs et exportateurs français sur la partie maritime du transport.

L'objectif d'amélioration de la rentabilité passe par une rationalisation des lignes et donc une limitation des dessertes avec une utilisation de navires de grande taille, la réorganisation des dessertes portuaires et le transbordement, les compagnies françaises sont absentes des principales alliances sur les trafics est-ouest.

L'aide publique à la marine marchande

Plusieurs pays européens (Italie, Pays-Bas, Norvège) appliquent une imposition forfaitaire des compagnies maritimes dont l'assiette est le tonnage des navires et non plus le bénéfice dégagé par l'activité. Cette disposition a pour but d'alléger la fiscalité des entreprises maritimes.

Le déclin de la Compagnie générale maritime (CGM) manifeste l'échec de l'État actionnaire : la compagnie est passée du 7ème rang mondial en 1979 au 22ème rang. En 1995, elle n'est plus qu'un transporteur Nord-Sud, qui agit aux périphéries de l'espace maritime, essentiellement concentré sur les "niches" de l'outre-mer francophone. En 15 ans, l'État a versé plus de 4 milliards de francs pour aboutir à une situation très dégradée (3 milliards de francs de pertes en 1995).

Les aides publiques à la marine marchande visent à compenser le surcoût du pavillon français, mais sans atteindre cet objectif. Parmi elles, l'ACOMO a une grande utilité car elle est une aide d'une grande souplesse d'attribution. Son champ élargi d'attribution permet de rechercher l'amélioration de la compétitivité des entreprises par d'autres voies que celles qui passent par l'acquisition d'équipement naval. Elle répond donc à des situations d'urgence, lorsqu'une compagnie fait face à une difficulté temporaire : elle se doit donc d'être présente dans la panoplie des aides.

Les autres aides sont

- l'allégement de la taxe professionnelle (on constate un accroissement des dépenses publiques au titre de la subvention compensatrice de la taxe professionnelle depuis 1991).

- le registre des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) qui permet de limiter le transfert des navires français vers d'autres pavillons en améliorant la compétitivité de l'armement français sur le poste des salaires et des charges ; Il présente une certaine insécurité juridique dans la mesure où tous les textes d'application n'ont pas été pris.

- L'aide au financement des investissements qui est moins adaptée à l'activité des lignes régulières conteneurisées ouvertes à la concurrence internationale qu'aux vraquiers.

Il est fait un bilan nuancé de la loi quirataire .

Le rapport indique tout d'abord l'intérêt du dispositif, qui permet d'abaisser le coût d'acquisition d'un navire de 25 %.33

Il en souligne les effets positifs incontestables, notamment un impact sur l'emploi plus élevé que ce qui était attendu (306 emplois dans la flotte de commerce et 1500 emplois maintenus pour un an dans la construction navale), un taux de correspondance élevé entre les commandes et la spécialisation de la construction navale française (35 % contre 25%), un impact favorable sur la flotte de commerce en structure.

Il note enfin un dérapage de la dépense fiscale, en partie en raison d'un effet d'attente mais qui devrait tout de même conduire à une dépense de 1,5 milliards de francs par an. Il insiste surtout sur les risques de dépavillonnement à l'issue de la période de 5 ans imposée par la loi, ceci en raison du surcoût lié au pavillon français.

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