2. Une économie encore fragile

L'économie camerounaise souffre encore de nombreux facteurs de vulnérabilité. Aujourd'hui la nécessité d'un second souffle pour étayer la croissance sur des bases plus durables ne fait pas de doute.

a) Les sources de vulnérabilité

L'économie camerounaise connaît encore deux facteurs de fragilité : une dépendance excessive vis-à-vis des recettes à l'exportation et le poids de la dette.

Les exportations reposent principalement sur un nombre limité de matières premières et placent ainsi la conjoncture camerounaise sous l'influence de facteurs non maîtrisables, qu'il s'agisse des conditions climatiques ou de l'évolution du cours du dollar et des produits concernés. En outre, le pétrole représente plus de 40 % des exportations tandis que le montant des réserves connues ne dépasse pas, à ce jour, 10 ans.

Par ailleurs, la dette publique extérieure reste lourde (9 milliards de dollars fin 1996, soit 90 % du PIB) même si, dans le cadre du programme FASR et après la conclusion du nouvel accord de rééchelonnement avec le Club de Paris, la part des revenus budgétaires consacrés au service de la dette se réduira (de 32 % en 1996-1997 à 29 % en 1997-1998 puis 27 % en 1998-1999 et enfin 24 % en 1999-2000). L'allégement relatif de la contrainte extérieure permettra de dégager de nouvelles ressources pour l'investissement public mais aussi un relèvement des traitements des fonctionnaires, aujourd'hui nécessaire pour remobiliser l'administration, après les inévitables ponctions subies depuis le début des années 1990.

b) La nécessité d'un second souffle

Excessivement dépendante à l'égard de quelques produits de base, l'économie camerounaise doit rechercher une plus grande diversification. Dans cette perspective? le rôle des investissements privés apparaît comme la clef du développement. Encore faut-il lever auparavant deux hypothèques : l'insuffisance des infrastructures et, surtout peut-être, l'état préoccupant de l'environnement des affaires.

La situation des infrastructures n'apparaît pas, malgré quelques réussites (la route Yaoundé-Douala, par exemple), satisfaisant. Douala, la capitale économique du pays, ne dispose pas ainsi des infrastructures nécessaires à sa population (plus de 1,5 million d'habitants) ni à sa vocation de métropole économique. Sur 4 000 km de voirie, 400 seulement sont bitumés, alors même que le niveau de pluviométrie (4 000 mm d'eau) provoque pendant la saison des pluies une saturation de la nappe phréatique sur 60 % du territoire de la ville.

Quant au port de Douala , véritable poumon économique pour l'ensemble de la région, il souffre d'une gestion peu rigoureuse. A titre d'exemple, les délais de sortie de marchandises s'élèvent à 25 jours en moyenne contre trois jours à Libreville. En outre, les responsables n'organisent pas avec la régularité nécessaire les opérations de drague indispensables pour lutter contre l'envasement d'un port situé en effet à l'embouchure d'un fleuve peu profond. L'impéritie administrative a pour conséquence de limiter fortement la capacité du port.

L'esprit de réforme se heurte ici, comme dans d'autres domaines, à la défense de rentes de situations souvent fort profitables.

L'assainissement du climat général des affaires passe par une restauration de l'esprit public .

En effet, la compression des dépenses publiques, si elle revêtait un caractère indispensable après les excès des années 80, a pesé sur l'organisation et le fonctionnement des services publics.

La dégradation des revenus des fonctionnaires au début de la présente décennie n'a pas eu pour conséquence une explosion sociale mais plutôt le développement de l'absentéisme et de la corruption. Ces pratiques aujourd'hui très largement répandues nuisent beaucoup à l'efficacité des services publics et, par contrecoup, à l'activité des entreprises.

Par ailleurs, l'essor corrélatif d'une économie parallèle qui échappe à tout contrôle a pour effet de réduire la ressource imposable et de faire porter tout le poids de la fiscalité sur les sociétés -en particulier les entreprises françaises- respectueuses de la légalité.

Ainsi l'effort doit-il porter en priorité sur la motivation des fonctionnaires grâce aux marges de manoeuvre que pourrait dégager la croissance si elle se confirmait ainsi que sur l'amélioration des conditions de la collecte fiscale. Ce dernier point apparaît d'ailleurs, comme l'a souligné le ministre d'Etat chargé de l'économie et des finances, M. Edouard Akame Mfoumou, devant votre délégation, comme une priorité de l'action gouvernementale.

Par ailleurs, le Premier ministre nous a indiqué que dès le mois de mars 1998 serait mis en oeuvre, avec le soutien du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), un programme de "bonne gouvernance". Cette initiative s'inscrit dans le sillage du comité installé auprès de M. Musonge pour lutter contre la corruption.

Enfin la situation préoccupante des secteurs sociaux, qu'il s'agisse de la santé et de l'éducation demeurent des obstacles à un véritable développement durable. A ce titre elle justifie un effort particulier des autorités mais aussi des bailleurs de fonds.

Aujourd'hui la population camerounaise n'a pas encore perçu les fruits du retour à la croissance. La politique économique du nouveau gouvernement se jugera à l'aune de sa capacité à promouvoir une répartition plus équitable du revenu national dans le respect des grands équilibres financiers.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page