1. La question juridique

a) L'insertion éventuelle d'un article additionnel

L'une ou l'autre des deux Assemblées pourrait-elle introduire par amendement, dans un projet de loi autorisant la ratification d'un traité, un article additionnel définissant des règles pour l'action extérieure du Gouvernement ? Sous certaines réserves, on doit répondre par la négative.

• Il convient tout d'abord de rappeler que la possibilité de débattre de tels amendements n'a jamais été véritablement reconnue dans notre tradition constitutionnelle.

Sous la IIIème République, la question s'était posée au début des années 1880, lors de la discussion à la Chambre des députés d'un projet de loi fixant le tarif des douanes. Un amendement prévoyant qu'aucun traité ou convention ne pourrait abaisser les droits au-dessous du tarif défini par le projet de loi fut jugé irrecevable car limitant le pouvoir de négociation du Gouvernement. La formule du Comte de Roys : " C'est le droit du Gouvernement de faire des traités et de les présenter ; c'est le droit de la Chambre de les refuser " , fixa la jurisprudence de la Chambre. Le Sénat adopta la même position à la demande du ministre des Affaires étrangères, M. de Freycinet.

Cette jurisprudence n'empêcha pas la Chambre des députés d'adopter à diverses reprises des amendements à des projets de loi de ratification, mais ces amendements n'avaient pas pour objet de définir de manière contraignante le cadre de l'action diplomatique du Gouvernement. En réalité, lorsque les députés entendaient indiquer au Gouvernement quelle direction ils lui souhaitaient voir suivre dans son action extérieure, ils utilisaient les instruments non contraignants dont ils disposaient : ordres du jour, motions, résolutions.

La situation n'était pas fondamentalement différente sous la IVème République. L'Assemblée nationale a adopté des amendements à certains textes de ratification, notamment ceux concernant le Pacte Atlantique et la C.E.E. ; le Conseil de la République a également amendé certains projets (C.E.C.A., traité franco-libyen) ; mais ces amendements ne fixaient pas des règles pour l'action extérieure future du Gouvernement, domaine que les parlementaires abordaient, le cas échéant, par le vote de résolutions.

• La Vème République a sensiblement modifié cette situation, au détriment des droits du Parlement.
Tout d'abord, les résolutions ont été proscrites, non pas d'ailleurs par la Constitution de 1958 elle-même, mais par l'interprétation restrictive qu'en a donnée le Conseil constitutionnel en juin 1959 lorsqu'il a examiné les règlements des deux Assemblées.

Ensuite, le règlement de l'Assemblée nationale interdit désormais de manière générale la présentation d'amendements aux projets de loi de ratification. Son article 128, alinéa 1, dispose en effet que :

" Lorsque l'Assemblée est saisie d'un projet de loi autorisant la ratification d'un traité ou l'approbation d'un accord international non soumis à ratification, il n'est pas voté sur les articles contenus dans ces actes et il ne peut être présenté d'amendement. "

Le règlement du Sénat, quant à lui, se borne à indiquer (article 47) que :

" Lorsque le Sénat est saisi d'un projet de loi tendant à autoriser la ratification d'un traité conclu avec une puissance étrangère, il n'est pas voté sur les articles de ce traité, mais seulement sur le projet de loi tendant à autoriser la ratification " .

De ce fait, la situation est désormais la suivante :

-- à l'Assemblée nationale, l'interdiction des amendements à un projet de loi de ratification est générale et absolue ;

-- au Sénat, la situation est différente : en l'absence d'interdiction explicite, des amendements peuvent être jugés recevables ; mais cette possibilité est enfermée dans des limites très étroites. En effet, chaque fois que, lors de la discussion de projets de loi autorisant la ratification d'un traité, des amendements ayant pour objet de fixer des orientations à l'action extérieure du Gouvernement ont été présentés, le Gouvernement leur a opposé l'irrecevabilité - en faisant valoir que ces amendements n'entraient pas dans le domaine de la loi et qu'ils constituaient une injonction contraire à l'article 20 de la Constitution - et le Président du Sénat a statué dans le sens souhaité par le Gouvernement. Dans ces conditions, des amendements n'ont pu être adoptés par le Sénat qu'avec l'accord du Gouvernement.

Ainsi, si cette application du règlement et des textes constitutionnels est maintenue, lorsqu'il examinera le traité d'Amsterdam, le Parlement n'aura pas la faculté d'introduire de lui-même un article 2 sur le préalable institutionnel à un nouvel élargissement de l'Union. Seul le Gouvernement aura cette possibilité .

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