III. CREER LES CONDITIONS FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL

Dès lors que l'on se préoccupe du développement de l'industrie européenne, on constate aussitôt qu'elle n'est pas clairement identifiée dans les objectifs de l'Union : la politique de concurrence qui, certes, n'en est pas séparable, forme une sorte d'écran dont on ne peut éviter l'analyse.

Promouvoir l'industrie de l'Europe nous conduit donc, paradoxalement, à étudier d'abord les effets de la politique de concurrence mise en oeuvre par l'Union.

A. RENDRE LA POLITIQUE DE CONCURRENCE MOINS DOGMATIQUE : LA CONCURRENCE EST UN MOYEN ET NON UNE FIN

Si les dispositions du Traité sur l'Union européenne en matière de politique industrielle sont, on le verra, particulièrement remarquables par leur caractère vague et peu contraignant, la politique de concurrence fait en revanche l'objet de dispositions détaillées qui ont donné lieu à une intense activité. La politique de concurrence est l'un des piliers de l'action communautaire et est conduite avec une grande détermination par la Commission européenne. Cette politique - tout à fait indispensable au demeurant - donne parfois le sentiment de pénaliser l'industrie européenne face à ses concurrents dans le contexte actuel de globalisation de l'économie.

1. Une politique ambitieuse

La politique communautaire de la concurrence est dotée d'une solide base juridique dans le Traité instituant la Communauté européenne puisqu'elle fait l'objet des articles 85 à 94 du Traité. Elle repose sur quatre piliers : le contrôle des ententes, le contrôle des abus de position dominante, le contrôle des concentrations, enfin, le contrôle des aides d'Etat.

a) Ententes et abus de position dominante

L'article 85 du Traité instituant la Communauté européenne est relatif aux ententes et interdit " tous accords entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ".

Cet article énumère certaines des pratiques interdites : il s'agit, par exemple, des accords qui tendent à une répartition des marchés ou des sources d'approvisionnement, des accords qui visent à limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements.

Les accords interdits par l'article 85 sont nuls de plein droit. Toutefois, le troisième alinéa du même article prévoit que l'interdiction peut ne pas être appliquée, sous certaines conditions, à des accords ou décisions " qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte [...] ". Ainsi, l'article 85 du Traité pose en principe l'interdiction des accords portant atteinte au jeu de la concurrence, mais envisage des exceptions afin de prendre en considération d'autres objectifs.

L'article 86 du Traité concerne, quant à lui, les abus de position dominante. Il dispose notamment qu'" est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ". La notion de position dominante a été progressivement précisée par la Cour de justice des Communautés européennes dans les nombreux arrêts qu'elle a rendus sur ce sujet. La part de marché joue naturellement un rôle essentiel, mais des critères qualitatifs sont également pris en considération, tels que le rapport entre les parts de marché détenues par l'entreprise concernée et par ses concurrents ou l'avance technologique qu'une entreprise possède par rapport à ses rivales.

Il convient d'ajouter que l'article 90 du Traité prévoit que les règles relatives à la concurrence s'appliquent aux entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général, à condition que l'application de ces règles ne fasse pas échec à l'accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie. Sur la base de cet article, la Commission européenne a entrepris de nombreuses actions de libéralisation, en particulier dans le secteur des télécommunications.

b) Concentrations

Le contrôle des concentrations n'a pas pour base juridique le Traité instituant la Communauté européenne, qui ne contient aucune disposition sur ce sujet. C'est en 1989 que le Conseil a adopté un premier règlement permettant à la Commission européenne d'exercer un contrôle sur les opérations de concentration (69( * )) . L'intervention de la Commission européenne est, depuis lors, soumise à des critères relatifs aux chiffres d'affaires des entreprises concernées. Une opération de concentration est considérée comme illicite si elle crée ou renforce une position dominante et si celle-ci est de nature à entraver la concurrence de façon significative dans le Marché commun. Lorsque l'opération ne présente pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun, la Commission l'autorise dans le délai d'un mois. Dans le cas contraire, une procédure d'enquête approfondie est ouverte, qui aboutit à un vote de la Commission au bout de quatre mois.

c) Aides d'Etat

Enfin, la Commission européenne est également compétente pour exercer un contrôle sur les aides d'Etat en vertu des articles 92 à 94 du Traité instituant la Communauté européenne. L'article 92 considère comme " incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ".

Comme en matière d'ententes, l'article 92 envisage des exceptions à l'interdiction des aides d'Etat. Certaines aides sont compatibles avec le Marché commun : il s'agit en particulier des aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles et des aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne.

D'autres aides peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun : c'est notamment le cas des aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi.

L'article 93 du Traité donne compétence pour examiner de manière permanente les régimes d'aides existant dans les Etats membres et pour autoriser ou rejeter les projets tendant à instituer ou à modifier des aides. L'article 94 permet quant à lui d'adopter des règlements d'application des articles 92 et 93. Ainsi, un nouveau règlement des procédures en matière d'aides d'Etat est actuellement en cours en vue d'aboutir à un accord politique au prochain Conseil Industrie du 7 mai 1998. La Commission souhaite en obtenir un renforcement de ses pouvoirs, notamment l'usage de plusieurs dispositions coercitives envers les Etats membres, comme l'introduction d'une possibilité d'injonction de récupération provisoire des aides versées illégalement. Il serait utile, à titre réciproque, que la Commission s'engage également sur le délai de traitement et d'instruction des dossiers.

Certains secteurs font l'objet d'un encadrement particulier en matière d'aides d'Etat : il s'agit de la construction navale, de l'acier, du charbon, de l'automobile, du secteur des fibres synthétiques, des transports, de l'agriculture et de la pêche. Dans le domaine agricole, il est intéressant de noter que les règles de la Politique agricole commune sont prioritaires par rapport à celles relatives aux aides d'Etat.

Enfin, il existe également des encadrements spécifiques pour les aides à finalité régionale, les aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises, les aides aux petites et moyennes entreprises, les aides à l'exportation, les mesures sociales générales et les aides à la recherche et au développement.

La politique de concurrence constitue l'un des domaines d'action les plus importants de la Communauté. La Commission européenne a mis en oeuvre les dispositions relatives à la concurrence avec une grande rigueur et une compétence certaine. Cependant, la manière dont est conduite cette politique suscite un certain nombre d'interrogations.

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