D. DES TÂTONNEMENTS SUCCESSIFS

Signe de la jeunesse de ces institutions, un grand nombre de modifications législatives sont venues préciser ou adapter les textes fondateurs, traduisant globalement un renforcement des pouvoirs des chambres régionales des comptes et, le plus souvent un développement de leurs compétences.


Après les textes fondateurs ( articles 84 à 89 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des collectivités locales et de la loi n° 82-594 du 10 juillet 1982), les chambres régionales des comptes ont en effet connu une "vie législative" soutenue, marquée par une préoccupation d'ajustement de leurs compétences et des procédures applicables dans l'exercice de celles-ci.

Force est de constater que ces épisodes législatifs successifs, bien qu'accompagnés d'un renforcement des garanties de procédure pour les collectivités locales, tendent globalement vers un accroissement des pouvoirs des chambres régionales des comptes, de leurs "moyens de pression" sur les collectivités ainsi que de leurs capacités d'investigation .

Sans qu'il soit question d'analyser la dizaine de modifications législatives, de portée diverse, intervenues dans le domaine du contrôle financier local depuis la création des chambres régionales des comptes, il convient cependant d'insister sur quelques grandes étapes de ce processus.


La première grande étape de la "vie législative" des chambres régionales des comptes résulte de la loi n o 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation.

Ce premier " ajustement majeur " des compétences des chambres régionales des comptes résulte assez largement de la réaction d'un très grand nombre de collectivités locales, à la mise en oeuvre souvent mal maîtrisée, des pouvoirs conférés à ces juridictions. Certaines maladresses dans la mise en oeuvre des contrôles, en particulier dans les petites collectivités locales ont en effet suscité un émoi d'autant plus compréhensible que, ce qui a très largement été reconnu comme traduisant quelques excès de la part de ces juridictions financières, accompagnait l'annonce d'une suppression des tutelles.

A cet égard, la loi du 5 janvier 1988, bien que relativement éloignée des principales conclusions et réflexions de la commission des lois du Sénat, a cependant permis à cette dernière d'introduire, notamment, une modification substantielle du droit existant et une correction conséquente du droit proposé.

La modification substantielle apportée au texte initial de la loi du 2 mars 1982 a consisté à bien séparer les fonctions juridictionnelles des chambres régionales des comptes, de leurs fonctions d'ordre administratif relatives à la gestion des collectivités locales. Une confusion des genres résultait en effet de la rédaction retenue dans la loi de 1982 pour définir le jugement des comptes dans la mesure où cette définition incluait la vérification du " bon emploi des crédits, fonds et valeurs".

La substitution à cette formule de la notion " d'emploi régulier " des crédits et l'institution, distincte, d'une procédure spécifique d'examen de la gestion est ainsi venue clarifier et, surtout, séparer ces deux champs de compétences des chambres régionales des comptes.

La principale modification du droit proposé tenait à l'adjonction d'un critère financier au critère démographique pour la détermination de la ligne de partage entre le jugement des comptes par les chambres régionales des comptes et l'apurement administratif par les comptables supérieurs du Trésor.

Fixant un nouvel équilibre au système défini en 1982, la loi du 5 janvier 1988 a cependant été rapidement suivie par d'autres textes, qui ont eu pour effet principal de renforcer et d'étendre les compétences des chambres régionales des comptes.


La loi n o 90-55 du 15 janvier 1990 relative au financement des partis et des campagnes électorales, comporte une novation fondamentale dans la mesure où elle pose le principe de la communication à l'assemblée délibérante des observations définitives formulées par les chambres régionales des comptes dans le cadre de l'examen de la gestion des collectivités locales.

Le principe de communication, introduit dans une procédure dont l'objet est de contribuer à la bonne gestion locale a, en effet, pesé de façon décisive sur la signification et la portée de l'examen de la gestion.

Inédit dans un tel cadre, ce principe de communication, dont il faut souligner qu'il n'est pas applicable aux services de l'Etat, tend à transformer ce qui devrait essentiellement être conçu comme une aide à la bonne gestion en un instrument de régulation politico-médiatique.

Ce texte comporte, en outre, la suppression de la non-applicabilité aux seuls travaux issus des délibérés des chambres régionales des comptes, des dispositions de la loi n o 78-753 du 17 juillet 1978 relative à la communication des actes administratifs, introduite par la loi du 5 janvier 1988 pour l'ensemble des juridictions financières ; il en résulte qu'il existe un droit à obtenir ces documents concernant les collectivités locales alors que, s'agissant de l'Etat, ce droit reste exclu.

Cette loi réaffirme cependant en contrepartie de ces éléments le principe du contradictoire à tous les stades des procédures relevant des chambres régionales des comptes.


Est ensuite venue s'ajouter la loi du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence des activités économiques qui, pour l'essentiel, a renforcé et précisé certaines règles de procédure applicables devant les chambres régionales des comptes.

Ce texte comporte en effet plusieurs mesures importantes. Il s'agit tout d'abord de la création d'un délit d'entrave au contrôle des magistrats et des rapporteurs des juridictions financières.

Il s'agit ensuite de l'obligation de joindre le texte des lettres d'observations définitives à la convocation de la séance de l'assemblée délibérante au cours de laquelle celles-ci doivent être communiquées.

Ces dispositions sont accompagnées, à nouveau, d'un renforcement des droits de la défense, dans la mesure où un droit général à l'audition est ouvert aux intéressés à tous les stades intermédiaires des différentes procédures.

Enfin, il convient de préciser que la loi du 29 janvier 1993 précitée rend, pour la première fois, justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière, des élus locaux au titre de l'inexécution des décisions de justice et de l'emploi irrégulier et abusif du droit de réquisition du comptable public.


Enfin, la loi n o 95-127 du 8 février 1995 a renforcé les pouvoirs de contrôle des juridictions financières sur les services publics délégués.

Au total, depuis leur naissance, les chambres régionales des comptes connaissent un lent cheminement vers la maturité, qui s'accompagne d'un renforcement de leurs pouvoirs, dont le groupe de travail estime qu'il n'est qu'imparfaitement compensé par le renforcement des différentes garanties de procédure dont disposent les collectivités locales.

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