INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, signé le 2 octobre 1997, introduit des évolutions majeures dans le processus européen de coopération policière existant actuellement, tant dans le cadre du titre VI de l'Union européenne, dit " 3ème pilier ", que dans celui de Schengen.

Il prévoit en effet une communautarisation immédiate ou à terme de certaines matières très liées à la sécurité et, tout en la maintenant dans le domaine intergouvernemental, il élargit le champ de la coopération policière proprement dite. Un protocole annexé au traité prévoit de plus l'intégration de l'acquis de Schengen au sein de l'Union européenne, soit vers le domaine régi par les règles communautaires, soit vers le domaine intergouvernemental.

Au sens strict, la coopération policière s'entend comme l'ensemble des règles et pratiques tendant à favoriser la collaboration des services de police des différents Etats, soit directement sur le terrain, soit par l'intermédiaire d'organismes à caractère multilatéral, tel Europol. Mais cette coopération ne peut être dissociée de la détermination en amont des règles de fond applicables en matière de sécurité et destinées à être mise en oeuvre par les policiers. Le présent rapport a retenu cette conception élargie de la coopération policière européenne.

Le traité d'Amsterdam devrait entrer en vigueur après sa ratification par l'ensemble des signataires, vraisemblablement dans le courant de l'année 1999. Sa ratification par la France exigera une révision constitutionnelle préalable.

Les bouleversements introduits par ce traité dans le processus de coopération policière européenne, et plus généralement dans des domaines qui auront nécessairement une répercussion importante sur la sécurité intérieure et la souveraineté nationale de la France , exigent une véritable mobilisation de tous les acteurs afin que les décisions fondamentales pour l'intérêt national soient prises en toute connaissance de cause.

Il est impératif que les administrations françaises soient en état de faire prévaloir leurs vues et de dialoguer avec la commission européenne qui, dès l'entrée en vigueur du traité, disposera de pouvoirs dans des domaines où elle n'intervenait pas. La France doit pouvoir être un moteur et une force de proposition . Ceci nécessite l'affirmation d'une véritable volonté politique et un suivi efficace du processus par le ministère principalement en charge des questions de sécurité, à savoir le ministère de l'intérieur.

A l'occasion d'une communication de votre rapporteur sur l'Autorité de Contrôle Commune de Schengen, qu'il a présidée pendant deux ans, et de l'avis de M. Paul Masson sur la ratification de la convention Europol, la commission des Lois du Sénat s'était inquiétée de la capacité de la France à répondre à ces nouveaux enjeux.

A l'initiative de son président, M. Jacques Larché, elle a donc nommé une mission en son sein, le 16 octobre 1997, et a obtenu du Sénat, le 29 octobre 1997, des pouvoirs d'enquête en vertu de l'article 5 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958. La mission n'ayant rencontré aucune difficulté à obtenir de la part des différents ministères les informations nécessaires, la commission des Lois n'a pas eu besoin de recourir à ces pouvoirs d'enquête.

Les travaux de la mission ont confirmé l'impression initiale concernant l'impréparation de la France quant aux échéances à venir. La mission a constaté que la France n'était pas en état d'affirmer une volonté politique suffisamment forte et que le principal ministère intéressé, celui de l'intérieur, n'apparaissait pas en mesure de participer efficacement au suivi du processus de coopération policière . Les propositions formulées dans le présent rapport, concernant tant le processus de décision interministérielle que l'organisation interne et le fonctionnement du ministère de l'intérieur, ont pour objet de pallier cette carence.

I. LES BOULEVERSEMENTS RÉSULTANT DU TRAITÉ D'AMSTERDAM

Le traité d'Amsterdam introduit de profonds bouleversements dans des matières régaliennes touchant directement à la souveraineté nationale et à sécurité intérieure de la France .

A. LA " COMMUNAUTARISATION " DE DOMAINES LIÉS À LA COOPÉRATION POLICIÈRE

Plusieurs domaines relevant actuellement de procédures de décision intergouvernementales (3 ème pilier) seront régis par le traité communautaire (premier pilier) en application de l'article 2 du traité d'Amsterdam. Celui-ci insère en effet dans le traité instituant la Communauté européenne un titre III-A, intitulé " Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes ". Certains de ces domaines sont très liés à la coopération policière :

- le franchissement des frontières extérieures (contrôle des personnes par les Etats membres et délivrance des visas) ;

- l' asile ;

- la politique d' immigration (conditions d'entrée et de séjour et immigration clandestine, y compris le rapatriement des personnes en séjour irrégulier).

Les effets de cette communautarisation se feront toutefois ressentir de manière progressive.

Ainsi, durant les cinq années suivant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, les décisions seront prises par le Conseil, statuant à l' unanimité sur proposition de la Commission ou à l'initiative d'un Etat membre et après consultation du Parlement européen. On observera toutefois que certaines mesures relatives aux visas , dont la communautarisation était déjà prévue par le traité de Maastricht (liste des pays tiers soumis à l'obligation de visa et modèle-type de visa), seront dès l'origine arrêtées par le Conseil statuant à la majorité qualifiée , sur proposition de la Commission. La Cour de justice exercera ses compétences classiques dans le domaine communautaire sous réserve des questions préjudicielles qui ne pourront lui être posées que par les juridictions statuant en dernier ressort.

A l'issue de cette période de cinq années , seule la Commission aura l'initiative des textes. Le Conseil, statuant à l'unanimité après consultation du Parlement européen, pourra décider de passer à la codécision pour les domaines précités ou certains d'entre eux, ce qui aurait pour conséquence :

- d'une part, de substituer la majorité qualifiée à l'unanimité pour l'adoption des mesures dans les domaines concernés ;

- d'autre part, de partager le pouvoir de décision avec le Parlement européen.

La procédure de codécision sera néanmoins applicable d' office au bout des cinq ans pour les questions concernant les visas non encore communautarisées (conditions de délivrance, règles en matière de visa uniforme).

La communautarisation prévue par le Traité d'Amsterdam aura donc dans un premier temps pour effet de conférer un caractère indéniablement contraignant aux actes pris dans les domaines précités (puisque ces actes seront désormais des directives ou des règlements). Dans un second temps, elle pourrait déboucher sur de véritables abandons de souveraineté dans ces matières éminemment régaliennes .

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 97-394 DC du 31 décembre 1997, a ainsi estimé que la possibilité accordée après cinq ans au Conseil de décider, à l'unanimité mais sans ratification par les Etats membres , que les décisions seraient prises à la majorité qualifiée dans les domaines de l'asile, de l'immigration et du franchissement des frontières intérieures et extérieures (à l'exception des questions touchant les visas déjà communautarisées par le traité de Maastricht) " pourrait conduire à ce que se trouvent affectées les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ". Il a donc considéré que la ratification du Traité d'Amsterdam ne pourrait intervenir qu'après révision de la Constitution.

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