DEUXIÈME PARTIE


LE DROIT FRANÇAIS EST-IL DÉSORMAIS
EN PORTE-À-FAUX ?

On envisagera celles-ci sous l'angle législatif, qui constitue le leitmotive de ce rapport d'information. La démarche implique de passer sous silence d'intéressantes illustrations des difficultés de la politique de l'audiovisuel, dont les traces législatives sont faibles ou nulles, telles que la filière de la haute définition. Le processus d'élaboration de la loi offre cependant assez de prise à la réflexion sur d'autres points pour que ces omissions soient sans conséquence. On se concentrera d'autre part sur le coeur même de la législation de la communication audiovisuelle : la loi du 30 septembre 1986, les texte qui l'ont préparée et ceux l'ont amendée. Ceci conduit à ne pas mentionner des textes importants tels que la loi de finances du 29 décembre 1983 et la loi du 11 juillet 1985 instituant le dispositif de soutien à l'industrie des programmes, ou la loi du 3 juillet 1985 précisant la situation de l'oeuvre audiovisuelle au regard du droit d'auteur.

A. LES ÉQUILIBRES ACTUELS DU DROIT DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Ils résultent des dispositions de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, qui, dans une synthèse sans cesse ajustée des différents intérêts publics pris en compte par le législateur, et tirant la leçon d'une dizaine d'années d'expériences plus ou moins convergentes, a réalisé le passage définitif d'un système de monopole sous tutelle de l'exécutif, à un modèle pluraliste où coexistent un secteur privé concurrentiel et un secteur public affranchi, tous deux soumis à des règles de fonctionnement largement balisées par la loi et les réglements.

Esquissons une présentation schématique des aspects actuels de cette synthèse législative.

1. Une élaboration graduelle

La loi du 30 septembre 1986 apparaît comme un point d'ancrage durable de notre droit de la communication audiovisuelle dans la mesure où, succédant à une cascade de textes éphémères, elle offre toujours, remaniée à plusieurs reprises, son armature juridique à ce secteur.

Rappelons brièvement le processus législatif qui a précédé cet aboutissement.

Il est intéressant de partir de la loi du 3 juillet 1972 modifiant la statut de l'ORTF, créant deux chaînes distinctes autonomes et prévoyant la possibilité de déroger au monopole pour la diffusion des programmes à des publics déterminés. On trouve ici les prémices de l'évolution des dix années suivantes.

En effet, la loi du 7 août 1974 a ensuite remplacé l'ORTF par sept organismes différents (TF1, A2, FR3, l'INA, TDF, la SFP, Radio France). De nouveaux organismes ont été créés ultérieurement selon des modalités diverses : la loi pour RFO et RFI en 1982 et 1986, ainsi que La Cinquième en 1994, la voie contractuelle pour La Sept, en 1985, à l'initiative de l'Etat et de plusieurs organismes du secteur public. Cet éclatement de l'audiovisuel public demeure, à peine atténué par la création législative d'une présidence commune de A2 et de FR3 en 1986; et par la nomination d'un président commun pour La Cinquième et La Sept en 1997.

Le démantèlement du monopole, autre évolution en germe dans la loi de 1972, a été effectué par la loi du 9 novembre 1981 en faveur des radios locales non commerciales.

Mais la première étape importante pour le passage d'une logique de monopole à une logique pluraliste, a été la loi du 29 juillet 1982 qui a fait disparaître le monopole de l'Etat sur la radiodiffusion (au profit des radios locales non commerciales, à ce stade), a permis la fourniture d'un service de télévision par un opérateur privé sous le régime de la concession, a institué une Haute Autorité de la communication audiovisuelle veillant au pluralisme du service public et désignant ses dirigeants.

La loi du 30 septembre 1986 a abrogé l'essentiel de la loi du 29 juillet 1982 sans véritablement rompre avec sa logique. On évoquera ci-dessous ses orientations essentielles dans son état actuel. Notons simplement ici que, dans sa première rédaction, elle a étendu les compétences de l'organe de régulation, devenu CNCL, à l'ensemble du secteur privé de la communication audiovisuelle, qu'elle a confié à cet organe la planification des fréquences, jusque-là assurée par TDF, et qu'elle a organisé en fonction de l'objectif de pluralisme l'accès aux fréquences des organismes privés, achevant ainsi le démantèlement de la culture monopolistique qui avait longtemps prévalu dans la communication audiovisuelle. En ce sens, la privatisation de TF1, opérée aussi par la loi de 1986, peut apparaître autant comme un aboutissement que comme une rupture grosse de conséquences pour le positionnement du secteur public.

Les textes adoptés ultérieurement en procédant par voie d'amendement à la loi de 1986, ont apporté des compléments importants à celle-ci sans remettre en cause son architecture ni ses grandes orientations.

La loi du 12 janvier 1989 a remplacé la CNCL par le CSA tout en étendant les pouvoirs de l'autorité de régulation : possibilité de lancer des appels aux candidatures pour l'utilisation des fréquences par catégories de services, formalisation de la procédure contractuelle permettant de définir les engagements des diffuseurs en matière de contenu des programmes, diversification des sanctions, contrôle du respect des obligations de Canal Plus. Parallèlement cependant, le CSA perdait l'essentiel du pouvoir réglementaire reconnu à la CNCL.

La loi du 29 décembre 1990 relative à l'organisation et à la réglementation des télécommunications a retiré au CSA la régulation des télécommunications, que la loi de 1986 avait prévu de lui confier (la définition de ses compétences à l'égard des réseaux de télécommunications ouverts était cependant restée en suspens). Ceci a confirmé la constitution d'un bloc juridique de la communication audiovisuelle qu'appelait implicitement la définition de liberté de la communication audiovisuelle donnée à l'article 1er de la loi de 1986 et la différenciation entre télécommunications et communication audiovisuelle énoncée à l'article 2 du même texte.

La loi du 18 janvier 1992 a assoupli le régime des quotas de diffusion d'oeuvres françaises et européennes institué en 1989.

La loi du 13 juillet 1992 a aménagé le régime du câble afin d'encourager le câblage des immeubles collectifs et d'assouplir le régime des " antennes collectives ".

Enfin, la loi du 1er février 1994 a créé la chaîne d'accès au savoir, à la formation et à l'emploi, a complété les pouvoirs de sanction du CSA sur les organismes publics, a élargi les possibilités de cumul d'autorisations d'utilisation des fréquences radiophoniques, a permis de porter à 49 % le plafond de détention du capital d'une chaîne de télévision par un même actionnaire, et a précisé les conditions de renouvellement des autorisations d'utiliser les fréquences de radio et de télévision en accordant aux opérateurs, à certaines conditions, un droit au renouvellement.

Si toutes ces modifications de la loi du 30 septembre 1986 sont significatives à des degrés divers, aucune n'a remis en cause son architecture.

Tentons maintenant d'identifier les principales tendances du corpus juridique graduellement élaboré par le législateur.

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