III. DESCRIPTION DES ACTEURS

La description du monde de l'assurance relève de la gageure tant ce monde est complexe. Pour être le produit d'une longue histoire, comme le relève le Commissariat Général du Plan 5( * ) , cette complexité n'en demeure pas moins problématique tant au regard d'une bonne législation que d'une bonne compréhension. Comment, en effet, légiférer clairement dans un " Orient aussi compliqué " ? Et si le législateur ne s'y retrouve pas, que dire des assurés ?

Il est possible de distinguer les sociétés qui composent l'ensemble du secteur de l'assurance en fonction du régime juridique et du contrôle dont elles relèvent. Le paysage de l'assurance française est alors composé de trois grands sous-ensembles.

Peuvent effectuer des opérations d'assurance, d'une part, les entreprises d'assurance (sociétés commerciales ou sociétés d'assurance mutuelles) régies par le code des assurances, d'autre part, les mutuelles régies par le code de la mutualité ou le code rural et, enfin, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale.

Néanmoins, tous ces acteurs n'interviennent pas sur tous les marchés de l'assurance, même si les cloisonnements ont tendance à s'effacer progressivement. En effet, c'est essentiellement sur le terrain de la protection sociale complémentaire que les mutuelles du code de la mutualité et les institutions de prévoyance sont en concurrence avec les autres entreprises d'assurance. Les institutions de prévoyance interviennent essentiellement dans le domaine de la prévoyance collective, alors que l'essentiel du chiffre d'affaires des mutuelles du code de la mutualité est réalisé sur le segment de la couverture maladie complémentaire.

Les institutions de prévoyance ou de retraite complémentaires

Les institutions de prévoyance ou de retraites complémentaires sont définies comme des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées par les partenaires sociaux. Elles sont constituées sur la base d'une convention collective, d'un accord d'entreprise ou d'un accord entre des membres adhérents et des membres participants. Elles relèvent du code de la sécurité sociale (Livre IX) ou du code rural (article 1050) pour celles qui interviennent dans le secteur agricole. Le code de la Sécurité sociale prévoit que les représentants des salariés doivent constituer au moins la moitié des instances, mais dans la réalité, c'est le caractère paritaire qui s'est imposé.

A l'origine, ces institutions de retraite se sont principalement mises en place pour gérer les régimes complémentaires (puis supplémentaires) de retraite ainsi que pour reprendre les activités des caisses patronales de prévoyance qui prééxistaient à l'institution de la Sécurité sociale.

Puis, les institutions paritaires ont été amenées progressivement à créer des régimes de prévoyance complémentaire, couvrant d'autres risques que la vieillesse.

Selon les cas, l'ensemble de ces régimes (retraite et prévoyance) étaient gérés par la même institution ou par deux institutions séparées. Depuis la loi du 31 décembre 1989, ces institutions ont été conduites à distinguer plus nettement dans leurs comptes les opérations de prévoyance. La loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social a conduit à une clarification juridique plus grande, en distinguant les institutions de retraite des institutions de prévoyance, et en imposant une obligation de séparation d'ici le 1 er juillet 1994. Enfin, la loi du 8 août 1994 a entériné ces évolutions en distinguant trois grands types d'institutions paritaires :

- les institutions de retraite complémentaire, qui gèrent les régimes complémentaire de retraite complémentaire obligatoire par répartition, dont la plupart font l'objet d'une compensation interprofessionnelle au sein de l'AGIRC ou de l'ARRCO ;

- les institutions de retraite supplémentaire (IRS) qui gèrent des régimes collectifs de retraite par capitalisation, notamment dans les entreprises publiques et dans le secteur pétrolier (on en dénombrait 125 fin 1995) ;

- les institutions de prévoyance qui gèrent des risques et engagements liés à la personne humaine, autres que la retraite par répartition. On en comptait 87 au 31 décembre 1996.

Seuls ces deux derniers types d'institution réalisent des opérations entrant dans le champ de l'assurance et sont soumises au contrôle de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCMIP).

Précisons enfin que pour exercer leur activité, les institutions de prévoyance doivent avoir obtenu un agrément délivré par le ministre chargé de la Sécurité sociale, agrément subordonné à la constitution préalable d'un fonds d'établissement.

Par ailleurs, la confusion est souvent faite entre les sociétés d'assurance mutuelles régies par le code des assurances et les mutuelles du code de la mutualité - également appelées mutuelles " 45 " . Elles n'ont pourtant qu'un seul point commun : gouvernées par l'esprit et le mode d'organisation mutualiste 6( * ) , elles sont sans capital social et ne peuvent distribuer à leurs membres leurs excédents éventuels.

Car, en réalité, tout les distingue : champ d'intervention, régime législatif, autorité de contrôle et même mode de traitement des adhérents. Au demeurant, le terme " mutuelle " est protégé par l'article L. 122-3 du code de la mutualité qui oblige les organismes relevant du code des assurances à associer au terme de " mutuelle " celui " d'assurance " pour bien établir la distinction.

Ainsi, les sociétés d'assurance mutuelles (SAM), qui interviennent principalement dans le domaine de l'assurance de dommages , sont régies par le code des assurances et soumises au contrôle de la commission de contrôle des assurances (CCA). Elles obéissent aux dispositions des directives européennes d'assurance 7( * ) et notamment au principe de spécialisation énoncé aux articles 8 de ces directives, selon lequel elles doivent limiter leur objet social à l'activité d'assurance et aux opérations qui en découlent directement, à l'exclusion de toute autre activité commerciale.

Les 195 sociétés d'assurance mutuelles (SAM) se subdivisent en :

- Sociétés d'assurance mutuelles sans intermédiaires , souvent appelées MSI (telles que la MACIF 8( * ) , la MAIF 9( * ) , la MAAF 10( * ) etc.) regroupées professionnellement au sein du GEMA (Groupement des entreprises mutuelles d'assurance) ; ce dernier regroupe 15 millions de sociétaires ;

- SAM avec intermédiaires , telles que les Mutuelles du Mans ou le groupe Azur, rattachées professionnellement au ROAM (Réunion des organismes d'assurance mutuelles), proche de la FFSA ;

- et SAM agricoles , locales ou professionnelles (telles que Groupama qui est historiquement la première SAM) et que fédère l'AREMPA.

Les mutuelles " 45 " relèvent quant à elles, comme leur nom l'indique, du code de la mutualité, interviennent dans le domaine de la protection sociale complémentaire 11( * ) et sont soumises au contrôle de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCMIP).

Par ailleurs, à la différence des SAM, qui perçoivent des primes en rapport avec des risques, les MCM peuvent percevoir des cotisations proportionnelles aux revenus, comme le font les mutuelles de fonctionnaires. Enfin, en l'absence de transposition des directives européennes dans le code de la mutualité, elles n'obéissent pour l'instant pas aux dispositions européennes.

Le monde de la mutualité " 45 "

Les mutuelles les plus importantes sont celles qui regroupent, à l'échelon national, des fonctionnaires d'un même secteur (Mutuelle générale de l'éducation nationale, Mutuelle générale des PTT, Mutuelle nationale des hospitaliers et des personnels de santé, Mutuelle générale du personnel des collectivités locales, etc.). D'autres sont constituées à l'échelon local et peuvent se regrouper dans des unions départementales. Le mouvement mutualiste est également important dans le secteur privé, avec des mutuelles d'entreprises, regroupant les salariés appartenant à une même entreprise, ou des mutuelles constituées sur une base professionnelle ou interprofessionnelle.

Les mutuelles peuvent constituer entre elles des unions , elles-mêmes susceptibles de se regrouper en fédérations . Ces groupements ont notamment pour objet de gérer les réalisations sociales communes aux mutuelles adhérentes, et de leur permettre de se réassurer.

Le terme de groupement utilisé pour désigner les mutuelles, les unions et les fédérations rappelle leur appartenance à l'économie sociale aux côtés des associations et des coopératives.

Le remboursement complémentaire à celui du régime d'assurance maladie obligatoire constitue l'activité principale des mutuelles (environ 70 % du chiffre d'affaires total des mutuelles). Les groupements mutualistes qui proposent en outre la couverture des risques accident, invalidité, vie-décès et vieillesse, ainsi que le service de prestations au delà d'un an doivent, sauf si ces activités restent accessoires, constituer en leur sein une caisse autonome mutualiste , seul groupement mutualiste habilité à gérer les risques à long terme, ou transférer à la Caisse nationale de prévoyance la gestion de ces risques (article L. 321-1 du code de la mutualité). Ces caisses n'ont pas de personnalité juridique distincte de celle de la mutuelle fondatrice, mais tiennent une comptabilité complètement séparée.

Certaines mutuelles proposent également des services associés à la couverture des risques (" réalisations sanitaires et sociales " ou " oeuvres sociales ") : elles gèrent des établissements de soins, des centres dentaires et d'optique, des pharmacies, des maisons de retraite, etc. Ces établissements n'ont pas de personnalité juridique propre.

Au total, on comptait 5.780 groupements mutualistes en 1995 (derniers chiffres disponibles), dont 4.500 protégeaient moins de 3.501 personnes et ne géraient pas d'oeuvres sociales. Il y avait 343 unions ou fédérations et 89 caisses autonomes mutualistes.

Les petites mutuelles protégeant moins de 3.501 personnes ne sont en fait contrôlées par aucune autorité de tutelle. Les mutuelles servant jusqu'à 150 millions de francs de prestations par an sont contrôlées par les préfets de régions au travers des directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS). De sorte que 115 groupements seulement sont soumis au contrôle direct de la CCMIP.

L'organisme le plus représentatif du monde de la mutualité est la Fédération nationale des mutuelles de France (FNMF) qui regroupe environ 80 % des mutuelles, qui protègent 30 millions de personnes. Par ailleurs, les mutuelles de fonctionnaires, qui représentent 4,2 millions d'adhérents, sont fédérées et représentées par la Mutualité fonction publique (MFP). Enfin, les mutuelles interprofessionnelles, qui représentent un nombre d'adhérents double de celui de la MFP, sont représentées par la Fédération nationale de la mutualité interprofessionnelle (FNMI).

Enfin, une confusion a souvent lieu, dans le public, entre les organismes mutualistes et les organismes de Sécurité sociale. Elle a trait au fait que d'importantes mutuelles - 167 au total -, notamment dans la fonction publique, gèrent des régimes obligatoires de Sécurité sociale, soit comme centres correspondants, ou comme sections locales, pour le régime général, soit comme organismes conventionnés dans le cadre du régime des travailleurs non salariés ou du régime agricole, soit enfin comme gestionnaires des régimes spéciaux. C'est notamment le cas de la MGEN et de la MNEF. Elles sont rémunérées à ce titre par des " remises de gestion " versées par les caisses primaires d'assurance maladie.

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