b) L'instauration d'une " taxe CO2 "

En 1991, la Commission européenne a proposé d'instaurer une taxe de 10 $ par baril de pétrole afin de stabiliser, pour l'an 2000, les émissions de CO 2 à leur niveau de 1990. Face à l'opposition du Conseil, la Commission a présenté en 1995 une proposition révisée ménageant une période transitoire. Les difficultés persistant, elle a par la suite proposé l'instauration d'une taxe sur l'énergie prévoyant des exonérations pour les industries à haute intensité énergétique.

Quelles que soient les modalités retenues, et à supposer levées les réticences du Conseil sur ce sujet, une taxe sur le CO 2 ou sur l'énergie n'aurait pas, comme le reconnaît la Commission, pour vocation première l'instauration d'une nouvelle ressource propre. Il s'agirait avant tout d'un instrument au service des politiques communes, au premier rang desquelles la protection de l'environnement.

Toutefois, cette taxe pourrait, selon les estimations de la Commission, procurer un montant de recettes correspondant à environ 1 % du PNB de l'Union européenne, ce qui permettrait de couvrir plus des trois quarts de ses dépenses. Cela étant, cette estimation pourrait se révéler largement au-dessus de la réalité compte tenu de la possibilité, dans certains secteurs, de remplacer des activités polluantes par d'autres plus respectueuses de l'environnement. Une telle substitution serait d'ailleurs l'objectif d'une " éco-taxe " qui provoquerait donc une diminution de son propre rendement.

En outre, comme l'observe la Commission, son produit serait imprévisible puisqu'elle serait perçue dans des secteurs extrêmement sensibles aux fluctuations économiques.

c) Les autres propositions de nouvelles ressources propres

Un droit d'accises sur le tabac, l'alcool et les huiles minérales

C'est en 1978 que la Commission a, pour la première fois, proposé une taxe sur l'alcool et le tabac. Elle estimait qu'une simple taxe de 0,15 écus sur chaque paquet de cigarettes permettrait de collecter l'équivalent de 0,3 % du PIB de la CEE. Vingt ans après, elle continue à réclamer ce prélèvement, constatant que tous les Etats membres de l'Union européenne imposent des droits d'accises sur l'alcool et le tabac mais avec des taux fort divers. Dans son " Plan d'action pour le marché unique ", publié en 1997, la Commission estimait d'ailleurs nécessaire d'éliminer les distorsions significatives dans le domaine de la taxation indirecte.

Dans l'annexe 2 de son rapport sur les ressources propres, la Commission a une nouvelle fois pris position pour l'affectation d'une partie des droits d'accises à l'Union européenne, soulignant que les recettes pourraient être importantes.

Toutefois, le Parlement européen et la Commission ont mis en avant certains inconvénients qui résulteraient de l'affectation à l'Union européenne de ce type de prélèvement :

- d'abord, les accises sur le tabac, l'alcool et les huiles minérales sont d'importants instruments des politiques nationales : politique de la santé, politique de l'environnement... ;

- en deuxième lieu, comme l'a relevé le rapport de M. Langes de 1994, ce type de prélèvement a un aspect régressif en ce qu'il s'agit d'un impôt sur la consommation qui, vu la faible élasticité de la demande d'alcool ou de tabac aux variations de prix, pèse autant (et même davantage en proportion) sur les consommateurs modestes que sur les consommateurs aisés ;

- les coûts de gestion et de perception de ces droits seraient nettement plus élevés que ceux des actuelles ressources propres.

La taxation des services de communication

Dans l'annexe 2 de son rapport sur les ressources propres, la Commission évoque une proposition, contenue dans une étude de 1997, consistant à taxer l'imposition des communications. Trois séries de services pourraient fournir la base de cette imposition : les services de téléphone et de téléphonie mobile ; les transports routiers ; les transports aériens. La Commission souligne la nécessité d'imposer les activités dans ces deux derniers domaines, vu l'encombrement du trafic routier et aérien. En ce qui concerne les services de télécommunication, elle considère que, ceux-ci étant en étroite corrélation avec le PNB, " le principe de l'équité y trouverait son compte " .

Plusieurs obstacles semblent toutefois s'opposer à l'instauration de cette taxation, tout au moins dans l'immédiat :

- les services de communication et de transport sont déjà soumis à la TVA ou aux droits d'accises (parfois aux deux) ;

- les coûts administratifs liés à la perception de ces taxes seraient plus élevés que ceux des ressources actuelles ;

- " même si l'on prévoit une forte croissance des services de consommation, il est certain que les recettes tirées de cette source ne permettront de financer qu'une partie du budget de l'Union européenne " . Il faudrait une taxe d'aéroport acquittée au départ de 15 euros pour rapporter environ 10 % du budget ; pour financer une autre tranche de 10 %, il faudrait une taxe annuelle moyenne de 40 euros par ligne téléphonique.

Une retenue à la source sur les intérêts

Cette proposition a d'ores et déjà été formalisée dans un projet d'acte communautaire soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (proposition E 1105). Cette proposition de directive du Conseil " visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté " intervient près de dix ans après une autre proposition de directive visant à introduire un régime unique de retenue à la source et qui n'avait pu obtenir l'unanimité des membres du Conseil. Le nouveau projet offre une option à chaque Etat où sont payés des intérêts : ou bien appliquer un régime de retenue à la source de 20 % ou plus, ou bien fournir à tout Etat membre dans lequel le bénéficiaire des intérêts a sa résidence fiscale toutes les informations nécessaires sur les intérêts perçus.

On observera que la proposition de directive présentée par la Commission ne tend pas à créer une nouvelle ressource propre puisque les recettes ainsi perçues auraient un caractère national. La possibilité d'une retenue à la source affectée directement à l'Union européenne est cependant évoquée dans le rapport sur les ressources propres : " l'efficacité économique voudrait que l'on affecte la taxe à un niveau d'autorité supérieur " . Le rapport juge cependant impossible de déterminer si cette taxe procurerait des recettes suffisantes et observe que l'harmonisation de la base taxable est encore insuffisante.

Le document de travail de la direction générale de la recherche du Parlement européen invoque également les inconvénients économiques de cette taxe (découragement de l'investissement et risque de fuite de capitaux). Ces critiques s'appliquent cependant à toute forme de taxation des revenus de l'épargne, qu'elle soit nationale ou européenne. Elles ne sauraient donc à elles seules fonder un refus de transfert de cette taxation à l'Union européenne dès lors que ce transfert serait financièrement neutre pour les assujettis. En revanche, l'objection émise par ce document de travail sur l'insuffisance des rendements attendus et sur leur instabilité pourrait être utilisée par les opposants à une telle taxe européenne.

Un impôt sur le seigneuriage de la Banque centrale européenne

Détentrice du monopole d'émettre des billets ayant cours légal, une banque centrale dispose ainsi constamment de valeurs sur lesquelles elle ne paie pas d'intérêts et qui sont la contrepartie de valeurs porteuses d'intérêts (notamment les emprunts d'Etat). Les bénéfices ainsi obtenus, le seigneuriage, constituent sa principale source de revenus. L'idée a été émise d'imposer ces recettes.

La BCE est appelée à détenir le monopole des billets de banque en euros. Les recettes provenant du seigneuriage seront distribuées aux banques centrales des Etats participant à la troisième phase de l'Union économique et monétaire en fonction de leur souscription de capital auprès de la BCE. La Commission estime donc que " pour permettre le transfert du seigneuriage au budget de l'Union européenne, il faudrait imposer directement les bénéfices " desdites banques centrales nationales. La recette ainsi perçue, qui serait simple à gérer, pourrait aller, selon les estimations, jusqu'à 0,2 % du PNB de l'Union européenne. En revanche, le traitement des Etats membres ne participant pas à l'euro poserait un problème de transition. En tout état de cause, cette nouvelle ressource ne pourrait intervenir avant 2002, première année de circulation des billets en euros.

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