4. M. Etienne LAPEZE, président de la FNSAFER

Merci Monsieur le sénateur. Tout d'abord je voudrais signaler que c'est une journée extrêmement intéressante et importante. Nous avons navigué entre l'analyse, la proposition, mais relativement peu, puisque nous avons constaté beaucoup d'impuissance. Je suis néanmoins résolument optimiste puisque je suis ici dans une enceinte législative ; il ne s'agit donc pas d'appliquer la loi mais de la rénover.

Dans un premier point, je voudrais exprimer mon plein accord avec l'intervenant qui m'a précédé : il faut renforcer l'autorité des documents d'urbanisme. Il ne faut pas qu'on révise le POS parce que l'on a changé de majorité, il faut au contraire inscrire l'usage des sols dans la durée. Le foncier agricole plus que tout autre.

Je voudrais également rappeler que Mme Bain nous disait que le coût du foncier pouvait empêcher l'aboutissement de certaines réalisations. Quand nous mesurons le coût du foncier pour les opérateurs industriels ou pour le logement, par rapport au coût du foncier pour l'agriculture, il n'y a pas de commune mesure et il y a une telle marge entre les deux que, s'il n'y a pas un bon document d'urbanisme, l'usage agricole est authentiquement marginalisé car, avec la complicité générale, il y a un enrichissement sans cause. Quand vous êtes d'un côté du trait du POS, cela vaut 20 000 francs l'hectare, vous passez de l'autre côté cela vaut instantanément 5 000 francs (je reste dans des valeurs agricoles de mon département d'origine, le Lot, je ne suis pas dans le périurbain de l'Ile-de-France).

Il faudrait savoir si nous avons le courage de considérer qu'une partie du territoire national a une vocation agricole prioritaire ;  un débat fondamental de société doit être engagé à ce sujet. Le foncier périurbain vert et agricole pose des problèmes. Si je faisais la loi, j'aurais la solution. Il faudrait renverser les éléments : si on a besoin de l'agriculture, il faut créer les conditions de sa pérennité et ne pas poser le problème de savoir si l'on fait ou non un cadeau à l'agriculteur en assurant sa sécurité foncière. Ce n'est pas un cadeau si on lui fait un contrat normal, un contrat de fermage conclu avec la collectivité territoriale, un propriétaire foncier, ou une société anonyme porteuse du capital foncier. L'agriculteur, lui, c'est un fermier, qui doit payer un fermage en disposant d'une garantie d'occupation longue, si c'est la collectivité qui achète. Je ne suis pas juriste, mais je sais que le droit est un empêcheur de tourner en rond ou éventuellement un faciliteur, selon l'usage qui en est fait.

Aujourd'hui quand nous regardons la carte de France, à quel endroit se mettent les friches ? La FNSAFER sait que les friches sont principalement dans le périurbain, et sur la bande côtière, sitôt que l'on a quitté la plage que l'on n'a plus les bungalows pour mettre les orteils en éventail. Au-delà se retrouve en effet un " no man's land " où prospère la friche.

Si l'on ne veut pas qu'il y ait de la friche, il faut que la collectivité prenne l'initiative de recenser tous les propriétaires. En effet la friche périurbaine ne va pas permettre de constituer des exploitations agricoles de grande surface avec les parcelles de taille suffisante. On peut y faire de l'agriculture sous réserve, et nous nous en étions entretenus avec M. le président Larcher, que, si l'on accorde la jouissance de 50 hectares à un agriculteur, il puisse, s'il perd 10 hectares, être assuré d'en retrouver 10. Pour l'agriculteur qui passe un contrat, parce que c'est de la notion de contrat qu'il s'agit, il faut exiger la garantie de garder sa surface en acceptant qu'elle soit mobile. Il faut également réinsérer les agriculteurs dans les zones en friche, ou sinon alors il faudrait inventer le métier de pseudo-agriculteur salarié de la collectivité publique et je ne crois pas que l'on obtiendrait des résultats très significatifs dans ce domaine.

Les SAFER, ont essayé d'aborder cette problématique du foncier agricole et du foncier en général, qui est frappé d'un double droit. Quelqu'un a dit ce matin "Je suis propriétaire et je suis chez moi". Moi, quand j'avais 20 ans, j'ai acheté une exploitation et j'étais sûr de cela. M.Lemas n'est plus là, mais il a parlé des ZNIEFF. J'ai une ZNIEFF de " crapauds à ventres jaunes ". Moi, je suis propriétaire de la mare où il y a les crapauds à ventres jaunes mais si je détruis la mare et que l'on m'assigne au tribunal, je serai condamné même s'il n'y a pas opposition d'un tiers. La puissance publique viendra me sanctionner parce que j'ai détruit la mare, alors que j'ignorais la décision de protection puisqu'on n'est pas obligé de me prévenir : la ZNIEFF n'est pas un document opposable au tiers. Cela veut dire qu'il est né un nouveau droit de propriété, le droit de la propriété collective de la société qui se superpose au droit personnel. Sur les ZNIEFF, nous avons un vide juridique total. J'ai participé à une réunion un jour où l'on définissait qui pouvait prescrire une ZNIEFF. On a décidé que c'était scientifique... J'ai demandé ce que c'était qu'un scientifique parce que je ne suis pas un scientifique sorti des hautes écoles, mais j'ai un peu de science. Et l'on m'a dit que c'est un scientifique qui écrit dans une revue scientifique, alors j'ai dit "Je devrais pouvoir y arriver".

Ce scientifique décrit une ZNIEFF, il la dépose à Paris au muséum d'histoire naturelle et on n'est pas obligé de publier la carte de cette zone. J'ai mis longtemps, avec mes responsabilités professionnelles, à pouvoir me procurer une carte des ZNIEFF. Donc, si j'ai la ZNIEFF chez moi et que je la détruise, on peut me faire un procès. Et c'est le procès de l'opinion publique. Vous avez placé votre colloque sous le thème de la coexistence ville et campagne. Je veux bien que les gens des villes viennent remarquer quelque chose que je n'ai pas vu, alors que je passais devant tous les jours : c'est une éventualité qui force à réfléchir....

Pour ce qui concerne les SAFER, sous réserve que dans le projet de loi d'orientation agricole, la commission mixte paritaire en prenne acte, elles auront la possibilité de préempter pour l'environnement, non pas au profit d'agriculteurs, mais au profit des collectivités territoriales, et pourront prescrire un cahier des charges lors de leurs rétrocessions. Cela fait partie de nos responsabilités d'établissement de service public. D'ailleurs nous mettons souvent des conditions dites particulières et nous l'avons déjà fait par exemple pour la protection de périmètres de captage.

Quand on dit à l'avance aux agriculteurs qu'il y aura besoin du foncier et qu'ils sont les premiers à être gênés par leurs propres concurrences sur les terres, ils souhaitent qu'un schéma et une programmation soient établis longtemps à l'avance. La SAFER de la Marne a, par exemple, eu l'opportunité d'acheter 120 hectares de champagne. Elle en a revendu 100 hectares. Puis elle s'est mise en relation avec le Réseau ferré de France, et le TGV passera au milieu des vignobles de champagne, en détruisant 20 hectares de champagne sans que vous en entendiez parler. Et, il n'y aura personne devant les bulldozers, parce qu'il y a quelque part 20 hectares qui sont mis de côté et cela vaut un peu plus de 50 000 F l'hectare.

Nous nous battrons bec et ongles pour que les SAFER, outil de service public, restent les opérateurs fonciers en milieu rural tout en nous rendant disponibles afin de développer les relations avec les autres institutions.

M.Michel SOUPLET : Merci. Je donne la parole à Mme Prats qui est inspecteur général de l'équipement et qui va évoquer divers exemples concrets d'insertion des entrées de villes dans l'ensemble urbain.

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