COMPTES-RENDUS DES ENTRETIENS
DU RAPPORTEUR

M. Didier AARON, antiquaire Vice-Président du Syndicat des négociants d'objets d'art

M. Maurice AICARDI, Membre du Conseil Economique et Social

M. Guy AMSELLEM , Délégué aux arts plastiques

Mme Laure de BEAUVEAU CRAON, Président Directeur Général de Sotheby's

M. Claude BLAIZOT, Président du Syndicat national des antiquaires

M. Marc BLONDEAU , Expert en art moderne et contemporain

Mme Françoise CACHIN , Directeur des musées de France

M. Alain CAZARRE, Directeur régional des douanes au bureau des procédures, régimes économiques et réglementations techniques

M. Gérard CHAMPIN , Président de la Chambre nationale des commissaires-priseurs

M. André CHANDERNAGOR, Ancien ministre, Président de l'observatoire des mouvements internationaux d'oeuvre d'art

M. Jean-Pierre CHANGEUX , Président de la commission des dations et Mme Suzanne STCHERBATCHEFF, Commission des patrimoines

Mme Henriette CHAUBON
, sous-directeur de la direction des professions judiciaires et juridiques à la Chancellerie

Mme Arlette CHOUMER,
Syndicat des personnels des commissaires-priseurs

M. Jean-Marc GUTTON , Directeur de la Société des Auteurs Arts Graphiques et Plastiques,

Mme Anne LAHUMIERE , Président du Comité des galeries d'art

M. Eric LAUVAUX , du Cabinet NOMOS

M. Hervé LE FLOC'H-LOUBOUTIN , Directeur, Chef du service de la législation fiscale

M. Joël MILLON , président de la Chambre des commissaires-priseurs de Paris

M. Pierre ROSENBERG, Président-directeur du Musée du Louvre

M. Jean-Marie SCHMITT , Directeur de l'Institut d'étude supérieur des arts

Maître Jacques TAJAN , commissaire-priseur

M. Eric TURQUIN et M. Bruno de BAYSER, experts

M. Bertrand du VIGNAUD Président de Christie's Monaco et Vice-Président de Christie's France et M. Anthony BROWNE, Président de la Fédération Britannique du marché de l'art

*

* *

En outre, M. Yann GAILLARD a rencontré plusieurs artistes et a été visiter leurs ateliers situés à Paris, Nogent-sur-Marne et Fontenay-sous-Bois. Il s'agit de MM. Fabian CERREDO, Denis MONFLEUR, Michel PELLOILLE, Benoît TRANCHANT et Vincent VERDEGUER.

Entretien de M. Didier AARON,

Vice-Président du Syndicat des négociants d'objets d'art

le jeudi 7 janvier 1999

M. Didier Aaron a tout d'abord souligné l'importance du marché de l'art en France. D'une part, les métiers engendrés par ce marché en France perpétuent une main d'oeuvre d'une qualité unique au monde au point de vue de la qualité et il est essentiel de la sauvegarder. En second lieu, la clientèle des grands antiquaires contribue à la vitalité du marché de luxe. La Biennale des Antiquaires à Paris est, avec Maastricht, l'exposition la plus importante du monde et elle draine un nombre considérable de touristes.

Dans les années 50, le marché de l'art français était le premier au monde, avant d'être supplanté par les Anglais, grâce, notamment, au génie de Peter Wilson. M. Didier Aaron a déclaré qu'il était depuis longtemps partisan d'une réforme de la profession de commissaire-priseur et que l'échec des diverses tentatives effectuées jusqu'à ce jour était dû à une profonde méconnaissance de la profession par les fonctionnaires du ministère de la Justice dont elle relève. Aujourd'hui, il est indispensable de laisser les Anglais s'installer en France afin de relancer le marché et d'intensifier les échanges. Cela contribuera à faire de Paris un pôle culturel mondial.

M. Didier Aaron , à la demande de M. Yann Gaillard , a ensuite identifié les mesures à prendre d'urgence pour améliorer la situation actuelle : la TVA à l'importation qui est totalement dissuasive et ne rapporte donc plus rien ; le droit de suite qui ne profite qu'à quelques familles illustres et ne sert qu'à faire vivre les sociétés chargées de la percevoir ; la convention unidroit signée par la France et dont il s'est déclaré opposé à la ratification par le Parlement. Selon cette convention, tous les objets d'art sortis d'une manière illégale de leur pays de création doivent être rendus à leur pays d'origine. Ce serait, dans ce cas, la quasi-totalité de ses départements d'art grec et égyptien que la France devrait rendre.

M. Yann Gaillard l'ayant interrogé sur l'importance des antiquaires en France, M. Didier Aaron a estimé que leur activité était au moins égale à celle des ventes publiques. Il a déclaré que Paris était la seule ville au monde où il restait des grands antiquaires et que ceux-ci contribuaient au prestige de la capitale. Il a ajouté que les relations avec les musées s'étaient améliorées et que les marchands et les conservateurs avaient compris l'intérêt d'une bonne collaboration. Il a déploré que les commissaires-priseurs français, faute d'une politique adaptée, aient perdu leur place et il a souligné l'extrême nécessité de légiférer sur l'ouverture des ventes publiques avant fin 1999 afin d'être en mesure de faire face à la concurrence de New-York qui devenait le centre mondial du commerce de l'art.

A M. Yann Gaillard , désireux de connaître son opinion sur les procédures de protection du patrimoine, M. Didier Aaron a répondu qu'il était favorable au principe, tout en reconnaissant que les musées devaient éviter de constituer des réserves trop importantes et que la circulation des objets d'art était nécessaire. Il a souhaité que l'interdiction de sortie d'un objet d'art soit assortie d'une obligation d'achat par l'Etat pour ne pas léser le propriétaire. Il a conclu que la France disposait d'atouts majeurs pour reconquérir la première place dans le marché de l'art : Paris est une ville prestigieuse qui constitue un puissant centre d'attraction ; les collectionneurs français sont en nombre important ; il existe de nombreux marchands de qualité ; enfin, les réserves d'objet d'art sont encore considérables sur le territoire français.

Entretien de M. Maurice AICARDI,

Membre du Conseil économique et social

le mardi 26 janvier 1999

M. Maurice Aicardi a tout d'abord rappelé que Paris était le centre du marché de l'art jusqu'à la seconde guerre mondiale. Le marché avait connu ensuite une révolution à laquelle la France avait été incapable de s'adapter, ce qui expliquait son déclin. L'essor international des collections et la mondialisation des échanges avaient transformé la nature des ventes et s'étaient accompagnées d'expertises de plus en plus poussées. Les grandes sociétés anglo-saxonnes de ventes publiques avaient su intégrer ces nouvelles données alors que les Français restaient attachés de façon archaïque à un statut de la profession de commissaire-priseur remontant au XVIe siècle.

M. Maurice Aicardi a souligné que, dans son rapport, il s'était déclaré favorable à ce que les commissaires-priseurs aient un statut d'officier ministériel pour les ventes judiciaires et d'agent commercial pour les autres ventes. Selon lui, l'indemnisation, qui avait été la pierre d'achoppement des précédentes tentatives de réforme, devait se limiter au strict remboursement de la part du monopole acquittée par le commissaire-priseur. Selon M. Maurice Aicardi, il était urgent de légiférer sur cette question car le marché de l'art représentait un enjeu économique important et les grandes sociétés de vente anglo-saxonnes qui allaient s'installer à Paris devaient trouver les Français prêts à récupérer leurs parts de marché.

Les obstacles étaient, d'après M. Maurice Aicardi , principalement d'ordre fiscal. Il a déploré l'impact négatif du droit de suite sur les ventes d'art contemporain en France. Il a fait remarquer également que la menace constante de l'inclusion des oeuvres d'art pour le calcul de l'ISF avait découragé les collectionneurs. Cette menace semblait désormais écartée, notamment grâce à une jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui considérait que l'ISF ne devait en aucun cas être confiscatoire (et qu'en conséquence on ne pouvait soumettre à l'ISF les biens ne produisant pas de fruits), mais M. Maurice Aicardi a convenu avec M. Yann Gaillard que les professionnels étaient encore loin d'être pleinement rassurés à cet égard. Deux conditions étaient, selon M. Maurice Aicardi , absolument indispensables au développement des transactions : la liberté et la discrétion.

En s'appuyant sur des exemples, M. Maurice Aicardi a expliqué que l'expertise d'art n'était jamais absolue et que l'Etat ne devait jamais en endosser la responsabilité sous peine de se voir obligé de garantir des prix et il s'est déclaré opposé à la création d'un ordre d'experts engageant la responsabilité de l'Etat.

M. Yann Gaillard l'ayant interrogé sur les réformes fiscales qu'il souhaitait voir mettre en place, M. Maurice Aicardi a réclamé une définition et un contrôle plus stricts des bénéficiaires du droit de suite ainsi qu'une diminution de sa durée d'application. Il a souhaité que la TVA à l'importation soit limitée aux oeuvres de moins de 50 ans pour faciliter le retour des oeuvres d'art en France. La construction de l'Europe rendait, selon lui, de toute façon, inéluctable une évolution vers une harmonisation fiscale européenne.

M. Maurice Aicardi a ensuite fait valoir les avantages que la réforme du statut des commissaires-priseurs allaient apporter à la France. La redynamisation du marché de l'art entraînera des retombées économiques importantes sur tout le marché de luxe et l'industrie du tourisme et contribuer de façon considérable au rayonnement culturel et au prestige international de la France. M. Maurice Aicardi s'est dit persuadé que c'était désormais entre Paris et New-York que tout se jouait, Londres ayant perdu sa place prépondérante. Dans cette compétition, Paris avait culturellement et historiquement un avantage certain et représentait de plus l'Europe continentale.

M. Maurice Aicardi a souhaité que l'intervention de l'Etat se limite à deux domaines : d'une part, favoriser l'entrée des oeuvres d'art en France en manifestant la même volonté politique que celle qui avait présidé à la loi sur les dations ; d'autre part, protéger le patrimoine. A cet égard, il a fait référence à la loi de 1941 et s'est déclaré favorable à ce que la France se dote d'un dispositif plus efficace que la loi de 1992. Son recours devrait rester exceptionnel et s'accompagner de la constitution d'une réserve financière sur les produits de la Française des Jeux, permettant à l'Etat d'intervenir immédiatement dans ces seuls cas.

Pour conclure, M. Maurice Aicardi s'est déclaré optimiste quant aux chances qu'avait la France de reconquérir la première place sur le marché de l'art.

Entretien de M. Guy AMSELLEM,

Délégué aux arts plastiques

le mardi 26 janvier 1999

M. Guy Amsellem a exprimé son souci de concourir à la promotion des artistes français contemporains, non seulement en France, mais aussi sur le plan international.

La première action à mener pour réaliser cet objectif est de consolider les acteurs privés. Il faut également se demander quel type d'action engager pour donner à l'art contemporain une dimension populaire. A cet égard, il a cité le " Turner price " qui est un prix décerné à un artiste contemporain en Angleterre et qui donne lieu à des manifestations populaires et très médiatisées pendant deux mois.

M. Guy Amsellem a indiqué qu'il essayait de mobiliser des entreprises et des figures emblématiques des médias pour tenter de développer ce type d'initiative en France. Il a ensuite jugé que les institutions françaises gagneraient à être moins angéliques sur la scène internationale qui est devenue un marché.

Il a également évoqué les interventions de l'AFAA (Association française d'action artistique) qui devrait, selon lui, travailler davantage en liaison avec les opérateurs professionnels de l'art ; l'AFAA, qui est une émanation du Quai d'Orsay, et a eu parfois tendance à se substituer aux acteurs du marché de l'art.

Il a ensuite fait part de suggestions, notamment la création d'antennes de représentation permanente des galeries dans certains pays ciblés au sens du marché de l'art. Il a rappelé que le rayonnement international était devenu un enjeu fort de la délégation aux arts plastiques et que la nécessaire diversité des expressions dont elle est garante doit s'accompagner d'une action garantissant la diversité des acteurs, notamment au regard de la part trop importante prise par les acteurs publics d'Etat ou locaux.

M. Yann Gaillard a voulu savoir comment dynamiser le marché de l'art contemporain.

M. Guy Amsellem a proposé une solution simple qui consisterait à ouvrir un droit à réduction d'impôt plafonnée à une somme relativement basse (20.000 ou 30.000 francs). Cette mesure constituerait un message fort d `une volonté de sortir l'art contemporain de son ghetto actuel. Il a cité, à titre d'exemple, la situation à New-York où un nouveau quartier, Chelsea, regroupe de très nombreuses galeries et où justement existe un mécanisme de déduction fiscale pour l'achat d'oeuvres d'art très incitatif pour les jeunes couples. Toute mesure fiscale devrait bien sûr éviter de mettre en oeuvre des dispositifs d'évasion fiscale pour des achats financièrement élevés.

Il a rappelé également qu'il était important d'annoncer une stabilité de l'environnement législatif et réglementaire, au moins sur une législature. A cet égard, il a évoqué la menace récurrente de l'introduction des oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF.

Il a estimé que l'outil fiscal était essentiel, Londres qui est un marché relativement artificiel, ayant été créé grâce au levier fiscal.

S'agissant ensuite de la TVA à l'importation, M. Guy Amsellem s'est déclaré hostile au fait de ramener son taux à zéro mais au contraire favorable à l'idée de se battre contre la dérogation accordée aux Anglais. Ramener la TVA à un taux zéro serait catastrophique pour les artistes français vivants qui, eux, sont soumis à la TVA.

Il a estimé que le rapport de M. Chandernagor ne prenait pas suffisamment en compte la situation des galeries d'art. En effet, notre pays n'a pas besoin de favoriser l'art ancien au détriment de l'art contemporain.

S'agissant du droit de suite, il a indiqué que la position française ne devrait plus varier sur le sujet. Il a rappelé qu'en Allemagne, il existait un prélèvement unique de l'ordre de 5 % sur le produit de la vente qui contribuait au financement de la protection sociale et à celui du droit de la propriété intellectuelle. En France, les galeries contribuent au financement de la protection sociale, soit environ 20 millions de francs par an, si on leur appliquait le droit de suite, le coût total serait pour elles de 70 millions de francs. Cet alourdissement des charges ne paraît pas opportun alors que les galeries sont aujourd'hui un secteur sinistré.

M. Guy Amsellem a alors précisé qu'il avait plaidé auprès du Ministère, d'une part pour que l'on ne dépasse pas le taux des 3 %, y compris pour le segment du marché de l'art portant sur les prix les plus bas, d'autre part, pour qu'un mécanisme de compensation soit institué afin d'éviter que les galeries ne paient à la fois la protection sociale et le droit de suite. Enfin, il a également demandé d'exonérer du droit de suite, la première vente à un particulier, qui est en fait la deuxième vente après la vente aux galeries.

Il a tenu à rappeler que le produit du droit de suite était très inégalement réparti, 40 % bénéficiant à quelques familles, au sein desquelles l'essentiel des bénéficiaires ne vivent pas en France.

Il a surtout insisté sur la nécessité d'éviter que la protection des oeuvres, au titre du droit de suite, ne conduise à surtaxer les segments de marché où les prix sont les moins élevés, c'est-à-dire les oeuvres d'art contemporain.

Il a également rappelé qu'une autre dérogation au titre de la TVA à l'importation était accordée aux Allemands, qui leur permet de cumuler un taux réduit de TVA avec un système de déductibilité. Plutôt que de demander à bénéficier du système allemand, il vaudrait mieux le faire disparaître, comme cela est d'ailleurs prévu au 30 juin 1999.

Il a enfin estimé qu'il fallait créer un espace de stabilité et sans distorsion de concurrence au sein de l'Europe, puis mettre en place un dispositif d'incitation fiscal pour relancer le marché de l'art contemporain, en créant, par exemple, un statut fiscal de collection d'entreprise, comme cela existe déjà en Allemagne. Il s'est cependant montré sceptique sur la réceptivité des services de Bercy à toutes propositions concernant les déductions fiscales.

Entretien de Mme de BEAUVEAU CRAON,

Président directeur général de SOTHEBY'S France

le jeudi 28 janvier 1999

En réponse à M. Yann Gaillard , Mme Laure de Beauvau Craon a déclaré que la société Sotheby's était installée en France depuis 1975 et qu'elle-même en était devenue Président directeur général en 1991. Elle a constaté que le monopole, loin d'avoir empêché la concurrence internationale de s'installer en France, avait au contraire empêché la France d'être au centre du marché de l'art européen, ce qui était sa vocation géographique, historique et culturelle. Comme l'avait constaté la Commission Aicardi en 95, le marché de l'art en France n'est plus un marché international, En effet, les lois régissant le monopole ne sont absolument pas adaptées à la mondialisation du marché de l'art et sont également contraires au Traité de Rome, ce pour quoi la France a reçu une mise en demeure de la commission de Bruxelles en 95 et un avis motivé en août 98.

Mme Laure de Beauvau Craon a souligné l'urgente nécessité de remédier à cette situation en libéralisant le marché de l'art français afin d'endiguer le flot alarmant des exportations et de faciliter le retour de ceux-ci sur le territoire français. Le retard pris par la législation fait perdre des parts de marché à Paris, Sothebys exportant vers l'étranger les unes après les autres les grandes collections qui lui sont confiées.

Tout en reconnaissant l'importance déterminante de la fiscalité sur le marché de l'art, Mme Laure de Beauvau Craon considère que c'est un problème qui doit être traité séparément. Elle rappelle que le taux de TVA à l'importation ainsi que le droit de suite seront réglementés par Bruxelles. Elle encourage la France de faire pression avec l'Angleterre sur Bruxelles pour limiter, à défaut de pouvoir les supprimer, ces taxes. Elle souligne que la plus-value libératoire telle qu'elle est appliquée aujourd'hui en France, l'est au taux le plus favorable de tous les pays concernés par le marché de l'art. Le taux appliqué en France - qui est de 5 % pour les ventes à l'intérieur de la CEE et de 7,5 % pour les ventes à l'extérieur de la CEE - se compare à un taux de plus-value en Angleterre et aux Etats-Unis excédant souvent 40 %. Elle considère qu'un amalgame entre la fiscalité du marché de l'art et la fin du monopole n'est pas souhaitable. Cela rendrait le débat plus confus et retarderait l'ouverture.

A la demande de M. Yann Gaillard , Mme Laure de Beauvau Craon , s'est ensuite prononcé en faveur du projet de loi qu'elle a jugé globalement bon. Deux points en particulier lui paraissaient excellents : d'une part, la possibilité de vendre de gré à gré un bien déclaré non adjugé dans un délai de 8 jours après la vente bien qu'elle regrette la limitation dans le temps, d'autre part, l'interdiction de fixer un prix de réserve à un montant supérieur à l'estimation tel que cela se pratique en Angleterre et aux Etats-Unis dans le but d'une information claire vis-à-vis de l'acheteur. Par contre, elle a jugé que l'article 12 était inutilement contraignant et allait à l'encontre du but recherché en ne laissant pas les sociétés de ventes volontaires gérer elles-mêmes leurs avances comme cela se pratiquait déjà dans les pays anglo-saxons. Dans la nouvelle législation, elle souhaiterait que le transfert de propriété intervienne, comme cela se fait habituellement dans les transactions commerciales, au moment du paiement, et non plus quand le marteau tombe ce qui est le cas à l'heure actuelle, les commissaires-priseurs étant officiers ministériels. Elle souhaiterait également qu'il soit possible d'interdire d'enchères des mauvais payeurs notoires, comme cela se fait en Angleterre et aux Etats-Unis.

Mme Laure de Beauvau Craon a ensuite souligné les avantages que les commissaires-priseurs allaient retirer de la libéralisation de leurs tarifs qui leur permettrait d'augmenter leur taux de commission.

Pour conclure, Mme Laure de Beauvau Craon a déclaré que la réforme était bonne et nécessaire et que son seul souhait était de la voir mettre en oeuvre le plus vite possible dans l'intérêt du marché de l'art en France.

Entretien de M. Claude BLAIZOT,

Président du Syndicat national des antiquaires

le jeudi 14 janvier 1999

Après avoir précisé que la contribution de la commission des finances à l'examen au fond, par la commission des lois du projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques s'inscrivait dans la préoccupation du soutien au marché de l'art français, M. Yann Gaillard a interrogé M. Claude Blaizot sur les facteurs qui expliquent ce déclin et notamment les aspects fiscaux. Il lui a également demandé de préciser si des différences étaient constatées selon les types de produits.

Ayant constaté que l'ensemble du marché était concerné par cette régression, M. Claude Blaizot a souligné que cette réflexion globale était nécessaire pour éviter l'erreur consistant à prendre des mesures ne tenant pas suffisamment compte des réalités et inspirées par les seules apparences médiatiques de ce marché.

S'il a estimé que la situation de la France n'était pas désespérée, en raison de la qualité de ses professionnels, de ses experts et des atouts que représentaient son patrimoine mobilier et son tissu touristique et commercial, il a en revanche constaté qu'elle était désormais reléguée à la troisième place mondiale avec 8 % du marché, dans le même temps où les Etats-Unis importent 50 % et le Royaume-Uni 30 %. Il s'est également inquiété de la sortie du territoire de pièces importantes, alors que leur retour était beaucoup plus problématique

M. Claude Blaizot a reconnu que la segmentation du marché était réelle, que les moyens financiers de la clientèle de nos concurrents étaient d'évidence plus importants, mais il a également fait état de dispositions juridiques et fiscales applicables en France ou en Europe, bien que différentes selon les secteurs, qui dans leur ensemble fragilisaient notre activité.

Il a ainsi cité le " droit de suite ", qui influait surtout sur le marché de la peinture " impressionniste ", les dispositions contenues dans la convention " Unidroit ", qui si elle était ratifiée par la France ne pourrait qu'inciter davantage les acteurs à s'orienter vers les marchés des pays non signataires, en priorité les Etats-Unis, et la " taxe de douane " que constitue la TVA à l'importation qui, d'un faible rapport pour le Trésor, est surtout dissuasive pour le retour des pièces importantes.

M. Yann Gaillard ayant fait remarquer que cette taxe n'était aucunement à la charge du vendeur et que seuls les acquéreurs nationaux étaient tenus de l'acquitter, M. Claude Blaizot a justifié l'intérêt porté au cas des acheteurs français par le souci de sauvegarde de notre patrimoine et affirmé que le client américain se trouvait " de facto " favorisé, dans le coût final de son enchère, du montant de cette taxe, soit 5,5 %.

Il a également estimé que cette situation était de nature à freiner l'attrait pour le marché français des vendeurs dans la mesure où leur produit net ne pouvait qu'être réduit par l'excès de taxes.

Il s'est aussi élevé en ce qui concerne la taxe forfaitaire, contre la différence de traitement fiscal entre l'activité des ventes publiques (4,5 %) et celle du commerce de détail (7,5 %). Il a ajouté que d'autres discriminations étaient injustifiées puisque les sociétés de vente auraient la possibilité de négocier les invendus dans les huit jours qui suivent les enchères et qu'elles bénéficieraient d'une exonération des droits de reproduction de catalogues de vente, ce qui n'était pas le cas des professionnels. M. Claude Blaizot a jugé qu'un marché n'était dynamique que si ses règles étaient à la fois claires et définitives et que leur changement perpétuel en France avait engendré la frilosité des grands collectionneurs à l'égard de son marché.

M. Yann Gaillard , après avoir évoqué la qualité supposée des expertises étrangères, qui disposent d'ailleurs d'experts français, a également fait état de la responsabilité trentenaire et de ses conséquences sur la pratique des experts français, volontiers évasifs. Il a demandé si le système reposant sur le salariat des experts pratiqué par Sotheby's et Christie's était meilleur.

M. Claude Blaizot , précisant qu'il était également président de la compagnie nationale des experts, a estimé que le travail d'expertise anglais n'était pas supérieur à celui exercé en France et que cette activité dans notre pays reposait uniquement sur le savoir et l'expérience, sans référence à un diplôme, ce qui pouvait soulever quelques problèmes quant aux garanties. Il a divisé la profession en deux catégories les salariés et les indépendants, ces derniers ayant sa préférence pour assurer une réelle liberté de jugement et éviter le risque de favoritisme, à l'égard d'un client, par une maison qui ferait pression sur son expert salarié. Rappelant que l'expert avait obligation d'assurance et était coresponsable de la vente avec le commissaire-priseur, il a jugé que le projet, qui visait à instituer une catégorie d'experts agréés par le conseil des ventes, était inadapté de ce point de vue puisque le commissaire-priseur pourra continuer à choisir un expert non agréé. Selon lui cette pratique qui a par le passé permis l'apparition d'experts " feu d'artifice ", a contribué à donner une mauvaise réputation à la place de Paris.

M. Claude Blaizot a ajouté que l'expert agréé ne pourra plus enchérir pour protéger son client et qu'il lui deviendra également difficile d'acheter pour sa clientèle, en raison du risque de communication de son fichier de clients aux commissaires-priseurs.

Selon lui, le projet devrait prévoir en premier lieu d'appliquer à tous les experts, intervenant dans une vente, les mêmes obligations avant d'envisager la création d'une liste d'experts agréés.

Répondant à M. Yann Gaillard qui s'étonnait du manque apparent de rigueur d'un système qui permettait à l'expert d'intervenir dans les enchères, M. Claude Blaizot a affirmé que ce système avait fait ses preuves et qu'il n'avait, à sa connaissance, pas engendré d'abus. Il a ajouté qu'il présentait le mérite de la transparence.

Rappelant qu'il avait participé à la première commission Léonnet sur le problème du Conseil de ventes volontaires, il a estimé que la tâche qui lui était dévolue requérait une trop vaste compétence professionnelle. En effet, ce Conseil paritaire de 14 membres serait chargé de l'agrément et du contrôle d'experts européens compétents dans des secteurs très pointus et ne pourra disposer des moyens nécessaires pour juger de leur véritable compétence.

Il a précisé que les trois grandes compagnies d'experts françaises représentaient déjà à elles seules environ 500 membres et que bien que professionnels, ils éprouvaient des difficultés à opérer une sélection rigoureuse.

M. Yann Gaillard ayant opposé que la difficulté était inhérente à tout conseil et que ceux-ci avaient recours à l'avis de spécialistes, M. Claude Blaizot a rappelé que sa profession avait proposé que le Conseil des ventes volontaires crée, sous son autorité, un Conseil de l'expertise. Il a surtout contesté dans la rédaction de l'article 34 l'absence d'obligation d'assurance pour les experts extérieurs à la liste agréée. Il a reconnu toutefois que le cas des experts salariés ne posait pas ce type de problème puisque la garantie était alors assurée par la société, s'inquiétant cependant du risque présenté par le recours éventuel à des CDD.

En réponse à M. Yann Gaillard , qui évoquait la non mise en cause de l'expert et du commissaire-priseur dans l'affaire d'un tableau de Poussin, M. Claude Blaizot a indiqué que nombre de ventes avaient fait l'objet de contestations et que dans ce cas l'assurance avait été amenée à couvrir la perte. Il a toutefois précisé que dans la plupart des contestations, la vente était purement et simplement annulée, à l'instar de l'affaire évoquée et que les grandes maisons de vente étrangères pratiquait également de la sorte. Il a également ajouté que les professionnels redoutaient le dépôt d'une plainte pour perte de chance.

Évoquant le problème de la garantie exercée contre le vendeur ou à défaut ses héritiers, il s'est étonné qu'elle puisse être trentenaire pour les indépendants (opération non commerciale) et décennale pour les ventes publiques (qui seront assimilées à des opérations commerciales).

En ce qui concerne la frilosité que l'on reproche souvent aux experts français, M. Claude Blaizot l'a expliquée par une certaine méfiance face à l'amélioration des moyens techniques d'expertise qui entraîne la remise en cause d'attributions antérieures, et à l'intervention des assureurs. Il a considéré que si la prudence s'imposait, il convenait toutefois de ne pas sombrer dans l'excès.

En réponse à M. Yann Gaillard qui évoquait la vente d'un tableau seulement " attribué " à Fragonard dans un premier temps et donnant lieu à procès, dès lors que sa signature s'était trouvée confirmée, M. Claude Blaizot a fait état de la quasi impossibilité de légiférer dans ce domaine. Il a considéré que la création de la liste d'experts agréés débouchera sur une formule de cooptation, tout en rappelant qu'il avait été, dans le passé, sur une telle liste à Drouot avant que ce dispositif ne soit abrogé.

Les deux chambres de commissaires-priseurs, l'une nationale et l'autre parisienne, qui disposent d'un conseil de discipline, n'ont, selon lui, jamais réussi à réglementer et assainir cette activité et un Conseil des ventes même sévère et contrôlant suffisamment aura des difficultés à réglementer dans un domaine aussi étendu.

M. Claude Blaizot a répondu à M. Yann Gaillard , qui s'inquiétait des conséquences, pour le marché français, d'une nouvelle réglementation, que, s'il ne partageait pas cette inquiétude, il était en revanche favorable à la garantie du caractère définitif de la vente, en faisant reposer le système sur la responsabilité de l'expert, du commissaire-priseur et de l'assureur, afin de lever les incertitudes qui, en définitive, ne pénalisent que le vendeur.

Par ailleurs, il a précisé que le taux de 5,5 % de la TVA à l'importation était considéré comme dissuasif par tous les acteurs du marché, à l'exception du Comité des galeries d'art, arc-bouté sur le protectionnisme des artistes français. Selon lui, la " sale tax ", applicable à New-York, est contournée par une délocalisation dans les Etats voisins et cette situation est si favorable que nombre d'artistes français de qualité sont installés aux Etats-Unis, malgré la perte du bénéfice du droit de suite. Il a regretté que pour protéger un secteur extrêmement fermé, les chances européennes de l'ensemble du marché soient hypothéquées. Il a également reproché au Comité des galeries d'art de faire des propositions irréalistes, puisqu'elles reposent sur l'hypothèse d'une baisse de TVA de 20,6 % à 5,5 % et sur la récupération de la TVA à l'importation pour les seuls professionnels, ce qui ne manquerait pas de nuire aux ventes publiques. Après avoir rappelé sa proposition de supprimer la TVA à l'importation, pour les oeuvres dont les auteurs sont décédés depuis 70 ans, M. Claude Blaizot a jugé que l'assimilation par la 7 ème directive des oeuvres d'art aux autres produits de consommation était une erreur, celles-ci étant déjà suffisamment génératrices d'impôts et de taxes forfaitaires sur la plus-value, ne serait-ce que par leur réévaluation permanente.

Il a relevé que bien que la taxe instituée en Grande-Bretagne n'était que de 2,5 %, leurs importations avaient toutefois baissé de 40 % depuis sa mise en oeuvre. Constatant la difficulté d'établir un contre-projet de réforme, il l'a expliqué par l'existence de 50.000 entreprises, concernées par ce secteur, dans notre pays, avec de nombreuses activités induites et l'absence de données chiffrées significatives, au point de ne pas trouver un cabinet intéressé par une étude, similaire à celle réalisée par un grand cabinet anglais. Il a également souligné que la situation française était unique, Sotheby's et Christie's ayant phagocyté le marché de l'art à l'étranger.

Après avoir précisé qu'il était spécialiste de la littérature du 19 ème et du 20 ème siècle, M. Claude Blaizot a déclaré que certains de ses clients importants s'étaient expatriés en raison du déplafonnement de l'ISF et de menace d'imposabilité des objets d'art à l'ISF. Il a considéré que l'incorporation des objets d'art à l'ISF aurait pour conséquence la non déclaration de la possession, et leurs exodes clandestins pour leurs ventes.

En conclusion, M. Claude Blaizot a recommandé de n'agir sur le marché de l'art qu'avec prudence en raison de sa grande volatilité.

Entretien de M. Marc BLONDEAU,

Expert en art moderne et contemporain et

de M. Etienne BRETON, Expert en tableaux anciens

le jeudi 7 janvier 1999

M. Marc Blondeau et M. Etienne Bréton ont tout d'abord fait état de leur expérience professionnelle française et anglo-saxonne qui leur a permis de comparer les deux systèmes. Selon M. Blondeau , il existe un réel potentiel pour le marché de l'art en France mais des problèmes de compétence et d'organisation en freinent le développement. Les Anglais disposent d'une efficacité accrue grâce au système de l'expertise interne qui évite le conflit marchand-expert. Beaucoup d'experts français sont partis à l'étranger afin de pouvoir exercer leur profession dans des conditions moins pénalisantes.

Au niveau des commissaires-priseurs, la France n'a pas su s'adapter face au dynamisme des anglais et elle se doit d'avoir aujourd'hui une approche économique de la profession. M. Etienne Bréton a ajouté que le titre d'officier ministériel n'avait plus guère de sens dans un marché mondial et qu'il fallait scinder la profession en deux métiers : les commissaires-priseurs judiciaires et les sociétés commerciales. En réponse à M. Yann Gaillard , M. Marc Blondeau s'est montré partisan d'une libéralisation totale pour les sociétés de ventes volontaires prévues par le projet de loi. Selon lui, la plupart des commissaires-priseurs vont disparaître pour laisser place à un petit nombre de sociétés au sein desquelles on pourrait envisager la création d'un département de ventes judiciaires. A la différence de leurs homologues anglo-saxons, les commissaires-priseurs français n'ont actuellement pas la possibilité de garantir des prix à leurs clients et cela les prive du marché des successions qui se font toutes par vente publique. M. Marc Blondeau s'est montré tout à fait favorable à la mesure interdisant de fixer le prix de réserve à un montant supérieur à celui de l'estimation.

M. Marc Blondeau a ensuite fait état du dynamisme des antiquaires français dont la Biennale constitue un événement exceptionnel dans le marché de l'art et contribue au rayonnement de la France dans le domaine artistique. Il a déploré l'absence d'impact des galeries d'art françaises et a souligné la collaboration que les experts entretenaient avec les antiquaires et qui n'existait pas avec les marchands de tableaux.

Puis M. Marc Blondeau a déclaré que la préemption jointe à l'interdiction de sortie éliminait la France de toute compétition internationale. M. Etienne Bréton a ajouté que l'Etat ne devrait pas préempter un objet frappé d'interdiction de sortie du territoire car cela constituait un abus de droit. Tous deux ont déploré l'impact négatif de l'incertitude que faisait peser sur les ventes publiques l'exercice par l'Etat de ces deux prérogatives.

En réponse à une question de M. Yann Gaillard sur la responsabilité des experts, M. Marc Blondeau a répondu que dans son domaine, celui de l'art contemporain, l'expert était plutôt un généraliste et que la responsabilité était diluée par le spécialiste. Le problème de la responsabilité était plus sensible dans le domaine des tableaux, du mobilier et des objets d'art anciens. Il a ajouté qu'il faudrait ramener la responsabilité des experts de 30 ans à 10 ans. M. Etienne Bréton a ajouté que l'expertise n'était pas une science exacte et que, les spécialistes eux-mêmes étant parfois en désaccord, c'était en dernière analyse le marché qui tranchait.

M. Marc Blondeau a ensuite fait état des atouts que la France possédait dans le domaine du marché de l'art : notre pays est une des plus belles sources d'objets d'art ; il existe dans l'hexagone un nombre considérable de collectionneurs, même si c'est à petite échelle ; on compte 120.000 professionnels du marché de l'art alors qu'aux Etats-Unis, tout étant concentré à New-York, on n'en trouve aucun dans une ville de l'importance de Los Angeles ; Paris, enfin, est une capitale prestigieuse qui attire les touristes du monde entier et constitue une place financière importante. M. Marc Blondeau a souhaité que la taxe d'importation soit diminuée et que le droit de suite soit unifié au niveau européen afin de revitaliser le marché français.

M. Yann Gaillard s'étant interrogé sur la création contemporaine française, M. Marc Blondeau a répondu que le pôle créatif, après s'être situé en France avec l'impressionnisme et l'Ecole de Paris, s'était déplacé, après la seconde guerre mondiale, vers les Etats-Unis où l'Ecole de New-York regroupait actuellement les principaux peintres dont il a souligné qu'ils n'étaient pas exclusivement américains. Il a expliqué cette situation par le fait que les galeries françaises n'avaient pas su donner un rayonnement international à leurs artistes, que certains peintres n'avaient pas fait le choix d'une galerie, que l'Etat avait court-circuité les galeries en traitant directement avec les artistes au détriment de la diffusion commerciale, qu'il existait de fait peu de créateurs en France et enfin que les musées français n'avaient pas su jouer le même rôle moteur dans l'art contemporain que leurs homologues américains. C'est au niveau de la fiscalité et du développement des ventes publiques françaises que l'on doit agir aujourd'hui si l'on veut réveiller le marché de l'art contemporain.

M. Marc Blondeau et M. Etienne Bréton ont tous deux conclu qu'il était possible de redonner à la France la première place dans le domaine du marché de l'art et que c'était avant tout une question de volonté politique.

Entretien de Mme Françoise CACHIN,

Directeur des musées de France,

Conservateur général du Patrimoine,

le jeudi 4 février 1999

M. Yann Gaillard a souhaité connaître la situation du Marché de l'art en France et ses problèmes. Il a également interrogé Mme Françoise Cachin sur les mécanismes de protection du patrimoine et le fonctionnement de la loi de 1992.

Mme Françoise Cachin a tout d'abord rappelé qu'il était très important que le marché de l'art se revitalise en France. Elle a estimé que la réforme du statut des commissaires-priseurs apporterait une nécessaire clarification et que l'arrivée de Sotheby's et Christie's en France serait positive pour dynamiser le marché. En effet, un marché actif fera naître des vocations de collectionneurs en France et, par conséquent, enrichira le patrimoine public à long terme.

S'agissant de la protection du patrimoine en France, elle a déploré la fuite constante de celui-ci depuis un demi-siècle. La loi de 1941 avait mis en place un système permettant de retenir ou d'acquérir, au prix déclaré, les oeuvres présentées à la douane. Avec le nouveau système mis en place par la loi de 1992, la France a trop vite baissé la garde par rapport à d'autres pays d'Europe qui ont continué à protéger leur patrimoine. Les anglo-saxons ont notamment un système remarquable de protection du patrimoine. Les collectionneurs ou les héritiers ne payent pas de droits de succession si les oeuvres d'art restent sur le territoire national. Au moment de la vente, deux solutions s'offrent à eux, soit il vendent sur le marché et ils sont lourdement taxés, soit, ils vendent à une collectivité locale ou à un musée et ils sont moins taxés. De plus, le système anglais s'est donné les moyens d'acquérir les oeuvres avec le pourcentage sur le loto.

Revenant au système français, Mme Françoise Cachin a estimé que la loi de 1992 présentait de graves inconvénients : la première étant la retenue des oeuvres pour trois ans seulement ; le second étant que les vendeurs ne sont pas contraints de vendre à l'Etat si celui-ci leur fait une proposition d'achat ; le troisième étant que le vendeur peut fixer n'importe quel prix alors qu'il faudrait se référer au "fair price", c'est-à-dire, au vrai prix du marché.

Dans le cadre d'une réforme de la loi de 1992, il faudrait proposer le système d'expertise suivant : un expert pour le vendeur, un pour l'Etat, avec en cas de litige, désignation d'un troisième expert. Il s'agit là du système anglais. Le projet de réforme de la loi de 1992 est prêt depuis un an, mais son inscription à l'ordre du jour se heurte à l'encombrement du plan de charge des Assemblées.

Mme Françoise Cachin a indiqué que ce projet de réforme avait fait l'objet d'une concertation avec les représentants du marché de l'art. Ceux-ci sont très favorables aux dispositions concernant le certificat de sortie des oeuvres qui n'est actuellement valable que pour cinq ans. Dans le projet de réforme de la loi de 1992, le certificat serait définitif pour les oeuvres qui ont plus de cent ans et il serait valable vingt ans pour les oeuvres ayant entre 100 et 50 ans.

Mme Françoise Cachin a ensuite évoqué le problème du taux de TVA à l'importation des oeuvres d'art actuellement à 2,5 % en Grande-Bretagne, 5 % en France et 0 % aux Etats-Unis. Elle a estimé urgent de trouver un système de régulation à l'intérieur de l'Europe afin d'éviter de continuer à pénaliser le marché de l'art en France. A cet égard, elle a rappelé que 70 % de ce que vend Sotheby's et Christie's à Londres et surtout à New-York provient de France. Le patrimoine français est "razzié". Elle a précisé que les collectionneurs vont à New-York car il n'y a pas de taxe et qu'ils y gagnent beaucoup plus d'argent qu'à Paris.

Elle a enfin indiqué qu'il fallait bien faire la distinction entre les oeuvres patrimoniales dont le départ de France est très dommageable et le " terreau " du marché de l'art qui se déplace.

Entretien de M. Alain CAZARRE,

Directeur régional des douanes au bureau des procédures, régimes économiques et réglementations techniques

(accompagné de Mmes Nicole PIN et Claire GROUFALL

et de M. Guillaume ADELLE)

ainsi que de Mme Sylvie PERRIN, du bureau de la fiscalité et des transports

le jeudi 28 janvier 1999

M. Alain Cazarré a introduit son propos en soulignant que la douane applique une réglementation qu'elle ne définit pas, même si elle parfois associée à l'élaboration des textes qu'elle doit faire respecter.

Il a souligné la réduction du nombre des contrôles douaniers induite par la création du marché unique, les contrôles - ne concernant plus que les biens en provenance de pays tiers -intervenant essentiellement dans les ports et les aéroports.

M. Alain Cazarré a ensuite exposé les grandes lignes de la réglementation relative à l'importation d'oeuvres d'art en insistant sur la distinction majeure faite entre les importations simples et les importations à titre temporaire. Il a indiqué qu'il n'existait pas de droits de douane en matière d'importation d'oeuvres d'art, de sorte que le rôle de la douane se limitait à la perception de la TVA extra-communautaire. Il a également insisté sur l'absence de procédure spécifique aux biens culturels, considérés à l'importation comme n'importe quelle autre marchandise.

M. Alain Cazarré a expliqué la procédure qui s'applique à l'occasion d'une importation simple : l'importateur doit remplir une déclaration en douane, document administratif unique commun à tous les Etats membres de l'Union. La TVA exigible est calculée sur la valeur déclarée. La douane vérifie toutefois la nature et la valeur des biens déclarés. Ces vérifications ne posent pas de problème, dans la pratique, le seul problème réel, qui est celui des faux, relevant de la compétence des experts et non de celle des douaniers.

Ainsi, la TVA est due quelle que soit la qualité de l'importateur. Toutefois une exception existe au profit du ministère de la culture, des 34 musées nationaux et des établissements agréés par le ministère, ainsi qu'au profit des personnes exonérées ressortissantes d'autres Etats membres lorsque le bien est en transit. Le taux de TVA applicable est celui du pays d'importation, c'est-à-dire le taux français.

A l'inverse, les importations temporaires sont soumises aux régimes douaniers économiques qui permettent d'importer des biens en suspension de TVA. Ces régimes, qui ont pour base légale le code des douanes communautaires et le code général des impôts, autorisent l'admission en suspension de droits, pour une durée donnée. Le choix de l'un ou l'autre de ces régimes est conditionné par le motif de l'opération : ainsi l'importation d'une oeuvre en vue d'une vente, d'une exposition ou d'une expertise se fait dans le cadre du régime dit " de l'admission temporaire " pour un délai initial de 24 mois maximum, éventuellement prorogeable . L'importation d'un bien en vue d'une restauration, d'un encadrement ou d'une autre intervention se fait plutôt dans le cadre dit " du perfectionnement actif ". La TVA n'est alors perçue que lors de la mise à la consommation.

Les contrôles douaniers sont en revanche, plus approfondis en cas d'importation temporaire car il faut s'assurer de l'identité de l'oeuvre importée et de l'oeuvre ultérieurement réexportée.

En réponse à la question de M. Yann Gaillard concernant la date d'exigibilité du paiement de la taxe et les mesures éventuelles à envisager pour faciliter l'activité des importateurs, Mme Claire Grouffal a indiqué que la douane n'exigeait qu'une garantie à hauteur de 10% du montant de la TVA due. En outre les commissaires-priseurs, les antiquaires ou galéristes affiliés auprès d'un organisme reconnu par l'administration des douanes (comité professionnel des galeries d'art et syndicat national des antiquaires) bénéficient d'un régime simplifié de garantie les dispensant de caution, sur production d'une police d'assurance. M. Alain Cazarré a donc conclu qu'il n'existait pas d'obstacle fiscal à l'importation temporaire des biens culturels par des professionnels, seuls les particuliers devant effectivement verser le montant de garantie.

M. Alain Cazarré a ensuite abordé la question de l'exportation des biens culturels et de la protection des trésors nationaux. Il a indiqué que ces biens faisaient l'objet d'une réglementation nationale à laquelle s'ajoute la réglementation communautaire harmonisant les règles d'exportation des biens culturels vers les pays tiers. Il a indiqué que la Douane n'était pas compétente pour autoriser la sortie d'un bien culturel du territoire français -tant vers un autre Etat membre que vers un pays tiers-, seul le ministère de la culture étant habilité à délivrer le certificat . Il a précisé, qu'au sein de l'administration des douanes, le SETICE (Service des titres du commerce extérieur), était, en revanche, compétent pour délivrer l'autorisation d'exportation à destination des pays tiers, sur présentation, par l'opérateur, du certificat de sortie émis par le ministère de la culture. Soulignant la faiblesse des moyens en personnel affectés, dans ce service, au contrôle de l'exportation des biens culturels -2 personnes -, il a indiqué que 2141 licences d'exportation, temporaires ou définitives, avaient été délivrées en 1998, en faisant remarquer que ce chiffre augmentait régulièrement d'année en année, depuis 1993.

M. Alain Cazarré a estimé que l'identité entre les seuils de valeur des biens exportés retenus au niveau français et les seuils européens était de nature à faciliter les mouvements d'oeuvres d'art, et que la réglementation actuelle ne posait pas - ou peu - de problèmes d'application aux douanes.

En réponse à une question relative à la fiabilité des statistiques concernant les exportations de biens culturels, M. Alain Cazarré a fait valoir qu'elles étaient établies par le SETICE mais qu'elles ne pouvaient être complètes dès lors que les particuliers n'étaient pas soumis à l'obligation d'établir une déclaration d'échanges de biens en cas d'exportation intra-communautaire. Il a précisé que les contrôles, en matière d'exportation intra-communautaire, étaient limités à l'obligation de produire à toute réquisition des services douaniers un document permettant d'attester la régularité du transport.

MM. Alain Cazarré et Guillaume Adelle ont conclu leur propos en souhaitant que ne soit pas aggravée ou alourdie une réglementation déjà fort complexe et en exprimant la crainte de voir le marché de l'art se délocaliser encore davantage vers la Belgique et les Pays-Bas en cas de rétablissement de barrières ou d'entraves à la libre circulation intra-communautaire.

Entretien de Maître Gérard CHAMPIN,
Président de la Chambre nationale des Commissaires-priseurs

le jeudi 4 février 1999

Maître Gérard Champin a tout d'abord rappelé que l'élément fondamental intervenu dans le domaine de l'art depuis l'après-guerre était son internationalisation. Le système français d'offices ministériels est un système de proximité excellent dans un marché fermé. Il s'est révélé totalement inadapté à un développement international. La France avait pris des années de retard et il était absolument nécessaire d'opérer une mise à niveau en matière fiscale et parafiscale.

Maître Gérard Champin a ensuite passé en revue les différentes causes de distorsions du marché français. Il a tout d'abord cité la TVA à l'importation qui, selon lui, posait un problème plus psychologique que réel car ses recettes, qui s'élevaient à 40 millions de francs par an, présentaient un caractère tout à fait marginal dans le budget de l'Etat. Néanmoins les Anglais bénéficiaient actuellement d'un taux réduit qui pénalisait les Français. Maître Gérard Champin a rappelé que la 7 e directive européenne avait prévu la mise en place d'un taux unique dans toute l'Union européenne au 1 er juillet 1999 et que le Gouvernement français devrait se montrer très ferme dans les discussions qui ne manqueraient pas de l'opposer à la Grande-Bretagne.

Maître Gérard Champin a ensuite fait état de la liberté de tarif dont bénéficiaient les maisons de vente britanniques. Il s'est félicité de ce que le projet de loi mette fin au tarif encadré pour les ventes volontaires en France, ce qui permettra aux Français de s'aligner sur le taux de 15 % pratiqué par les Anglais pour les objets d'une valeur inférieure à 300.000 francs.

A la demande de M. Yann Gaillard, Maître Gérard Champin a ensuite abordé la question du droit de suite qu'il a jugé généreux dans son principe et justifié à l'époque de sa création, dans les années 20, mais totalement inadapté au marché concurrentiel actuel. Des discussions étaient actuellement en cours au niveau européen où deux points de vue contraires s'affrontaient : celui des Allemands, favorables à une extension du droit de suite, et celui des Anglais, farouchement opposés à sa mise en application. Maître Gérard Champin s'est déclaré favorable à l'instauration d'un taux dégressif et a souligné la nécessité de trouver une solution pour le cas particulier des galeries d'art.

Maître Gérard Champin , en réponse à M. Yann Gaillard, a ensuite évoqué le droit de reproduction comme autre cause de distorsion avec la Grande-Bretagne où ce droit n'existait pas. Ce droit, ancien mais d'application récente en France, avait fait surgir des problèmes partiellement résolus par la loi du 27 mars 1997 exonérant " les reproductions intégrales ou partielles d'oeuvres d'art graphiques ou plastiques destinées à figurer dans le catalogue d'une vente aux enchères publiques effectuée en France par un officier public ou ministériel ". Il était important, selon lui, d'étendre le bénéfice de cette exonération aux sociétés de vente étrangères aussi bien qu'aux galeries d'art.

Maître Gérard Champin a ensuite souhaité que la modification de la loi de 1992 sur la circulation des biens intègre un volet fiscal exonérant du droit d'enregistrement une oeuvre frappée d'interdiction de sortie afin de compenser la perte de sa valeur et a déploré que le ministère des Finances y soit opposé.

Maître Gérard Champin a ensuite abordé la seconde partie de son exposé concernant l'indemnisation des commissaires-priseurs prévue par le projet de loi. Il a rappelé qu'une commission indépendante nommée pour évaluer le préjudice subi avait rendu son rapport en janvier 1998. Le préjudice avait alors été estimé à 900 millions de francs, somme qui avait été diminuée de moitié par le gouvernement sans aucune justification. Maître Gérard Champin a alors proposé que cette somme soit considérée comme une provision sur indemnisation et que les commissaires-priseurs qui pensaient avoir subi un préjudice supérieur puissent le faire valoir. Sa proposition s'inspirait du décret concernant l'indemnisation en cas de création de charge et permettait à la fois de mettre la loi à l'abri de l'inconstitutionnalité dont elle serait frappée si le préjudice subi n'était pas intégralement remboursé et, à l'inverse, de ne pas indemniser les intéressés au-delà de celui-ci.

En réponse à M. Yann Gaillard, désireux de connaître son interprétation de l'article 36 du projet de loi, Maître Gérard Champin a expliqué qu'il s'agissait effectivement d'établir une moyenne entre deux modes d'évaluation et non d'opérer une division ainsi qu'une mauvaise interprétation l'avait laissé penser.

Enfin, Maître Gérard Champin a déclaré que le débat autour de l'indemnisation n'avait pas donné lieu à des fluctuations sur le prix des études et qu'il n'y avait pas lieu d'être inquiet de voir l'indemnisation engloutie par le règlement des affaires récemment soulevées par les médias.

Pour conclure, Maître Gérard Champin s'est déclaré favorable à une limitation de la responsabilité des commissaires-priseurs ramenée à 10 ans, ce qui favoriserait l'attractivité du marché français. Il était important, selon lui, de perpétuer la tradition du droit romain qui visait à protéger l'utilisateur, contrairement au droit anglo-saxon qui tendait à rendre les gens responsables de leurs actes. Une seconde raison présidait au choix de cette durée de 10 ans : la solidarité collective disparaissant lors de la mise en application du projet de loi, les commissaires-priseurs devaient s'assurer pour le passé et les compagnies d'assurance ne prenaient en compte que les dix dernières années.

Entretien de M. André CHANDERNAGOR,

Président de l'Observatoire des mouvements d'oeuvres d'art

le mardi 12 janvier 1999

En réponse à M. Yann Gaillard qui lui demandait son analyse de la situation du marché de l'art en France, M. André Chandernagor lui a fait remarquer que les statistiques en la matière n'étaient pas toujours fiables : en particulier, il a indiqué qu'il avait des doutes sur la réalité d'une tendance qui se traduisait par la baisse des exportations à destination des pays de l'Union européenne, qui avec une part de 17 % se situe à un niveau nettement inférieur aux quelques 25 à 30 % que l'on connaissait au début des années 1990.

Il a avancé l'explication selon laquelle les mouvements d'oeuvre, dans un contexte d'ouverture des frontières intra-européennes, étaient sans doute mal retracés, les particuliers étant dispensés de " déclaration d'échanges de biens ", ainsi que dans certains cas, les opérateurs professionnels. En revanche, les mouvements extérieurs à l'Union européenne demeurent fiables. Nos deux principaux clients sont, à part sensiblement égale, les Etats-Unis et la Suisse.

Evoquant ensuite la question de la position concurrentielle du marché de l'art français, M. André Chandernagor a souligné les raisons du déclin relatif de ce marché : tandis que Londres bénéficiait d'une fiscalité attractive, et de maisons de vente très organisées et très actives : les commissaires-priseurs français se sont trouvés bridés par leur statut, leur tarif et une fiscalité peu attractive. Ils se sont limités au marché intérieur, sans effort suffisant de présence sur le marché mondial.. Au contraire, les Anglais ont su attirer de la marchandise et des clients en provenance de l'extérieur et c'est cet objectif que l'on doit se fixer si l'on veut que Paris redevienne la plaque tournante du marché de l'art qu'il était encore après la deuxième guerre mondiale. Il a noté qu'il y avait une large domination des anglo-saxons sur ce marché, qu'il s'agisse des maisons de vente, de la publicité et de l'exploitation des moyens modernes de communication.

En ce qui concerne le droit de suite, M. André Chandernagor a observé que ce droit, qui aurait pu prendre la forme d'un droit social a été conçu à l'origine comme un droit de nature patrimoniale, ce qui en rend la suppression pratiquement impossible. D'une façon générale, il a insisté sur le fait que si Français et Anglais étaient concurrents, ils avaient des intérêts communs et que la stratégie française, sans doute la plus efficace, serait de se rapprocher de nos partenaires britanniques pour trouver, à l'harmonisation européenne du droit de suite, une solution acceptable qui n'obère pas trop le marché européen -essentiellement Londres et Paris- par rapport à New-York et Genève.

En ce qui concerne l'ISF, M. André Chandernagor a estimé qu'il était en tout état de cause mauvais d'en laisser planer la menace.

Au sujet des experts, il a insisté sur les problèmes posés par la multiplicité des syndicats et sur la nécessité de les convaincre d'adopter et de faire respecter des codes de déontologie, comme il l'avait toujours préconisé. Il a indiqué par ailleurs qu'il n'était pas favorable à ce que les conservateurs des musées nationaux soient autorisés à procéder à des expertises à la demande de tiers. Le mélange des genres aboutirait inévitablement à la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat.

Abordant ensuite la question de l'exercice par l'Etat de ses prérogatives régalienne en matière d'oeuvres d'art, M. Chandernagor a tout d'abord souligné la croissance du nombre de demandes de certificats, qui sont passés de plus de 2.300 par an à près de 3.800 aujourd'hui, tout en attirant l'attention sur le petit nombre de refus de certificats qui n'ont concerné qu'une soixantaine d'objets sur plus de 20.000 demandes depuis 1993.

Il a considéré que le régime actuel de protection des " trésors nationaux " fonctionnait convenablement, même si des efforts restaient à accomplir, à la Direction du Livre, pour réduire la durée de délivrance des certificats. Il a estimé en outre que ce régime doit être adapté pour permettre à l'Etat d'acquérir dans certains cas les oeuvres sur la base d'un prix fixé à dire d'experts. La procédure actuelle de classement est en effet devenu inopérante depuis l'affaire du tableau de Van Gogh, le " jardin à Auvers ", où l'Etat a dû payer une indemnité équivalente à une année de crédits d'acquisition, sans devenir propriétaire du tableau.

En conclusion, M. Chandernagor a souligné que si l'on voulait protéger notre patrimoine, il fallait dans l'environnement ouvert qui et le nôtre, accepter d'y mettre le prix. Il a rappelé que les Anglais, confrontés au même problème, l'ont résolu par l'affectation d'une partie des recettes de leur loterie nationale à l'acquisition d'oeuvres d'art.

E ntretien de M. Jean-Pierre CHANGEUX,

Professeur au Collège de France,

Président de la commission des dations

le mardi 12 janvier 1999

M. Jean-Pierre Changeux a tout d'abord souligné, en réponse à M. Yann Gaillard qui a souhaité connaître son sentiment sur la situation et les perspectives du marché de l'art en France, qu'un marché de l'art florissant dans notre pays ne pouvait que multiplier le nombre d'amateurs, ce qui permettait d'espérer à terme des dons ou des dations venant enrichir les collections publiques.

A l'appui de cette affirmation, il a indiqué que l'on pouvait raisonner par analogie avec l'activité scientifique : faute d'organes de diffusion nationaux, les chercheurs français sont soumis au jugement et à l'expertise de leurs collègues anglo-saxons. Aujourd'hui, ils doivent obligatoirement publier en anglais, alors que longtemps, le français a été la langue de référence pour les publications scientifiques.

Pour lui, une évolution analogue s'est produite pour le marché de l'art qui s'est déplacé progressivement, hier de Paris à Londres, et aujourd'hui de Londres à New-York. Les raisons de cette évolution tiennent largement au fait, d'une part, que Paris n'est plus comme autrefois un lieu où se manifestent une offre et une demande importante d'oeuvres, et, d'autre part, que les anglo-saxons ont une capacité d'expertise incontestée sur le plan international.

Reprenant son argumentation, M. Jean-Pierre Changeux a précisé les conditions qui lui paraissaient de nature à revitaliser le marché de l'art en France :

1.  Développer une capacité d'expertise de niveau international : il a souligné que la crédibilité supérieure des anglo-saxons était un facteur déterminant, à côté de l'existence d'une population d'amateurs capables de payer des prix élevés, qui explique l'essor des places de Londres et de New-York. Il s'est interrogé, à cet égard, sur la légitimité des règles qui interdisent aux conservateurs de faire état de leur opinion d'expert, soulignant que, dans son domaine d'activité, on encourageait les chercheurs à établir des liens avec les entreprises, et que, par ailleurs, il est tout à fait admis que les professeurs de droit donnent des consultations juridiques.

2. Susciter l'apparition d'amateurs d'art : il faut faire en sorte que les personnes qui en ont les moyens s'intéressent à l'art.

3. Définir un statut fiscal privilégié : il s'agit selon lui d'un aspect important dans la mesure où il est établi que beaucoup d'oeuvres quittent le territoire national sans être déclarées. Telle est la raison pour laquelle il est non seulement dangereux de soumettre les oeuvres d'art à l'impôt sur la fortune, mais encore souhaitable de définir un statut privilégié pour celles achetées à l'étranger.

Pour conclure sur ce point M. Jean-Pierre Changeux a indiqué qu'il n'était pas pessimiste et que Paris était par ailleurs une ville suffisamment attractive pour faire venir les collectionneurs internationaux.

En réponse à M. Yann Gaillard qui lui demandait ce qu'il pensait de l'exercice par l'administration de ses prérogatives régaliennes, (préemption et interdiction de sortie) M. Jean-Pierre Changeux a indiqué qu'il ne s'agissait pas, selon lui, d'un frein important, d'autant plus que dans d'autres pays, et notamment au Japon et aux Etats-Unis, il existait des mécanismes très rigoureux de protection des trésors nationaux. Le problème vient parfois du caractère tardif de l'autorisation de sortie, ce qui peut créer un handicap pour les oeuvres très chères.

Abordant, dans un deuxième temps, les problèmes spécifiques de la procédure de dation en paiement, M. Jean-Pierre Changeux a tout d'abord souligné qu'elle avait permis de conserver des éléments importants du patrimoine national dans les domaines les plus variés, rappelant à ce sujet qu'elle concernait non seulement les oeuvres de haute valeur artistique mais aussi celles ayant une importance historique.

Evoquant les opérations récentes les plus marquantes, M. Jean-Pierre Changeux a souligné la diversité des oeuvres acquises (qui vont des oeuvres d'art aux hélicoptères en passant par des bibliothèques ou des collections scientifiques) tout en indiquant néanmoins, qu'en valeur, l'art moderne était le plus important.

En ce qui concerne le bilan de la procédure, il a fait savoir que de plus en plus d'oeuvres étaient déposées en régions et que l'on s'efforçait même, s'agissant d'une procédure de dation et non d'une donation, de tenir compte des souhaits des intéressés quant à l'affectation de l'oeuvre.

Puis M. Jean-Pierre Changeux a attiré l'attention sur le déroulement pratique de la procédure, signalant la modicité des moyens administratifs dont dispose la commission des dations : celle-ci n'a pas de budget, tous les frais étant théoriquement pris en charge par les administrations auxquelles appartiennent les membres de la commission ou les experts consultés.

Il a souligné le caractère fondamentalement volontaire de la procédure, dans la mesure où l'offre initiale, qui est assortie d'une évaluation chiffrée de l'oeuvre et d'une expertise, peut toujours être retirée, même après l'acceptation du ministre. Il a précisé sur ce point que le ministre avait toujours suivi l'avis de la commission des dations et que cette dernière fonctionnait suivant le principe du consensus.

En ce qui concerne la valeur libératoire, M. Jean-Pierre Changeux a insisté sur le fait qu'il prenait toujours comme référence le prix du marché international. La commission a d'ailleurs constitué une banque de données lui permettant de juger des propositions faites à la commission. Il a rappelé que l'oeuvre faisait l'objet d'un double examen portant d'abord sur la valeur artistique et, ensuite, sur la valeur de marché. Globalement, il a indiqué que le bilan de la commission faisait apparaître que les valeurs libératrices préparées par les offreurs étaient, en général, raisonnables mais parfois révisées à la baisse et que dans certains cas, même révisées à la hausse par souci d'équité et de façon à éviter toute contestation.

Pour conclure, M. Jean-Pierre Changeux a indiqué que si la procédure actuelle était satisfaisante, on pouvait songer à l'étendre au paiement d'autres impôts ou dettes vis-à-vis de l'Etat. L'essentiel, selon lui, est de ne pas introduire de plafond dans le montant annuel des dations compte tenu des fluctuations conjoncturelles inhérentes aux offres de dations (décès, partages, héritages).

Entretien de Mme Henriette CHAUBON,

Sous-directeur de la direction des professions
judiciaires et juridiques à la Chancellerie

et M. Mathias Emmerich, conseiller technique

le mercredi 10 février 1999

M. Yann Gaillard a souhaité avoir des précisions, tout d'abord, sur le mode de calcul de l'indemnisation des commissaires-priseurs, ensuite sur le taux et la durée de la taxe prévue à l'article 40 du projet de loi pour son financement et enfin sur la clause de sauvegarde.

M. Mathias Emmerich a tout d'abord indiqué que le calcul de la valeur d'une charge était le résultat de la moyenne entre les deux critères d'évaluation suivants : le chiffre d'affaires et le résultat. La somme ainsi dégagée est affectée d'un coefficient différent pour Paris et la province traduisant la différence des transactions entre ces deux pôles.

Mme Henriette Chaubon a précisé que le produit demi-net est un critère qui sert à évaluer le montant des prix de cession qui est librement fixé entre les parties. Il est obtenu en déduisant des produits bruts les loyers des locaux professionnels, les salaires, les charges sociales et la taxe professionnelle. Dès 1976, une circulaire ministérielle indiquait que la produit demi-net ne correspondait plus tout à fait à la réalité économique. Ce critère avait été retenu dans le premier projet de loi. Il était affecté d'un coefficient élevé, ce qui pouvait s'analyser en une aide. Le total de l'indemnisation s'élevait à 2,3 milliards de francs. Dans le projet de loi actuel, l'aide a disparu, il ne s'agit plus que d'une juste indemnisation du préjudice subi pour laquelle le nouveau Gouvernement s'est appuyé sur le rapport de MM. Cailleteau, Favart et Renard.

S'agissant de la clause de sauvegarde, M. Mathias Emmerich a estimé qu'elle serait difficile à mettre en oeuvre et risquait de générer des contentieux judiciaires à venir. Il a indiqué , en réponse à M. Yann Gaillard, s'agissant de la taxe de 1 % prévue à l'article 40 qu'il ne serait pas inconcevable d'envisager sa suppression qui serait, par ailleurs, bien perçue par les commissaires-priseurs et constituerait un argument de meilleure compétitivité sur le marché de l'art.

Evoquant le système de garantie prévu aux article 11 et 12 du projet de loi, M. Mathias Emmerich a souligné que l'objectif était de protéger des sociétés fragiles ou peu capitalisées en évitant tout lien capitalistique direct entre la société de ventes aux enchères et l'établissement de garantie. M. Yann Gaillard a alors rappelé qu'un certain nombre de commissaires-priseurs souhaitait l'application, en la matière, du droit commercial ordinaire. M. Mathias Emmerich a indiqué qu'il s'agissait d'un dispositif de transition.

Concernant la responsabilité des commissaires-priseurs. Mme Henriette Chaubon a rappelé que le code civil prévoyait une responsabilité de 30 ans à l'égard du vendeur (art. 2262) et de 10 ans à l'égard de l'acheteur (art. 2270-1), alors que le projet de loi (article 27) fixe la responsabilité des commissaires-priseurs à dix ans à partir du fait générateur du dommage.

Enfin, en réponse à M. Yann Gaillard, qu'il interrogeait sur le sort réservé à l'Hôtel Drouot et à la Gazette, M. Mathias Emmerich a répondu que leur sort ne relevait pas seulement de décisions des pouvoirs publics. En tout état de cause, il a estimé que l'arrivée de Sotheby's et Christie's à Paris allait transformer le marché et générer une augmentation des ventes et, par conséquent, faire de Paris le troisième marché mondial de l'art.

Entretien de Mme Arlette CHOUMER

et de M. Claude PAQUET

Syndicat des personnels des commissaires-priseurs

le mercredi 7 avril 1999

M. Claude Paquet a tout d'abord indiqué que l'avant projet de loi sur les ventes aux enchères publiques prévoyait que les indemnités de licenciement pour motif économique étaient calculées à raison d'un mois de salaire par année d'ancienneté. Le projet définitif, après arbitrage auprès du Premier ministre, a abandonné ce système pour en revenir à l'application de la convention collective de la profession. Or, celle-ci est très peu protectrice en cas de licenciements puisque cette situation ne se produisait pratiquement jamais dans la profession. Dans le système retenu, une personne ayant 30 ans de maison et gagnant 10.000 francs par mois percevrait 30.000 francs d'indemnité.

A cet égard, Mme Arlette Choumer a observé que les regroupements de commissaires-priseurs allaient générer de nombreux licenciements. En effet, sur les 1.500 salariés actuellement employés, 400 licenciements sont prévus.

M. Claude Paquet a estimé que le personnel faisait partie des oubliés de la réforme du statut des commissaires-priseurs. Selon lui, le Gouvernement n'a pas voulu créer un précédent en prévoyant une indemnisation des salariés, dérogatoire à la convention collective, dans un projet de loi.

En conclusion, M. Yann Gaillard a déclaré que le Sénat ne manquerait pas de rappeler que l'avant projet de loi était plus favorable au personnel et de déposer un amendement tendant à améliorer les conditions de leur indemnisation.

Entretien de M. Jean-Marc GUTTON,

Directeur de la Société des Auteurs

Arts Graphiques et Plastiques,

le jeudi 28 janvier 1999

M. Jean-Marc Gutton a d'abord replacé la société qu'il dirige dans le contexte des sociétés d'auteurs. Il a souligné qu'une des particularités françaises était la multiplicité des sociétés d'auteurs. Pour lui, la SACEM est forte car elle est seule, à la différence des arts plastiques où longtemps il y a eu deux sociétés.

M. Jean-Marc Gutton a également commenté les raisons de la crise qui a emporté la SPADEM, en soulignant les responsabilités de la tutelle dans les dérives qui ont provoqué la disparition de cette société.

Puis, il a indiqué que sa société, l'ADAGP, regroupait la presque totalité des artistes, à l'exception de quelques grands noms comme Picasso, Matisse ou Delaunay.

En ce qui concerne la question des droits d'auteur, il s'est élevé contre la présentation qu'avait faite le rapport de M. Chandernagor du droit de suite qui n'est pas une taxe mais un droit d'auteur pur au coeur même de la Propriété Intellectuelle.

Il a souligné que la charge représentée par le droit de suite était modérée : le volume des ventes protégées était inférieur à 5 % du total, et le droit de suite correspondrait 0,2 % du chiffre d'affaires global des opérateurs. Pour lui, ces pourcentages seraient identiques entre la France et la Grande-Bretagne si le droit de suite était appliqué dans ce dernier pays.

Enfin, après avoir rappelé que les Américains avaient annoncé qu'ils se pencheraient sur le problème de l'introduction du droit de suite aux Etats-Unis lorsque l'Europe l'aura généralisé, M. Jean-Marc Gutton a fait savoir qu'il était favorable à une dégressivité des taux qui pourraient ainsi passer de 4 à 3, puis 2 %, voire 1 % seulement pour la tranche la plus élevée.

Il a ajouté, en ce qui concerne le droit de reproduction, qu'il ne voulait pas que les opérateurs paient deux fois et donc que ce droit ne serait pas exigé des opérateurs qui, comme les commissaires-priseurs français, paient déjà le droit de suite.

Enfin, M. Jean-Marc Gutton a souligné que les frais de perception de l'ADAGP étaient réellement modérés, par rapport aux 11 millions de francs collectés au titre du droit de suite.

Entretien de Mme Anne LAHUMIERE,

Présidente du Comité des Galeries d'art,

de Mme Marie-Claire MARSAN, Déléguée générale,

et de M. Patrick BONGERS, Galériste

le mardi 5 janvier 1999

Mme Anne Lahumière , a débuté son exposé en indiquant que l'appartenance au Comité des galeries d'art était subordonnée à un double parrainage et à la signature d'un code de déontologie. Le Comité compte actuellement 160 galeries sur un total compris entre 400 et 500 en France. Le galériste, à la différence du commissaire-priseur, effectue un travail de promotion permanent de ses artistes. Ce travail prend la forme d'invitations, de catalogues, d'affiches, d'expositions montées en France et à l'étranger ainsi que de participations à des foires d'art internationales.

Mme Marie-Claire Marsan a fait observer qu'aujourd'hui n'importe qui pouvait s'intituler galerie d'art en se contentant de prendre des oeuvres en dépôt. Elle a souligné qu'une vraie galerie se distinguait par le travail qu'elle opérait en profondeur et dans la durée pour la promotion de l'oeuvre de l'artiste qu'elle avait choisi. Une autre caractéristique essentielle résidait dans le fait que c'était la galerie qui rémunérait l'artiste et non l'inverse.

Mme Anne Lahumière , en réponse à une question de M. Yann Gaillard sur la situation actuelle de la profession, a déclaré que le marché intérieur subissait le contrecoup de la crise de 1990 et était toujours déprimé. Les galeries ne subsistent que parce qu'elles participent à des foires à l'étranger et que 90 % des ventes sont réalisées à l'exportation. Elle a toutefois reconnu que, en dehors de toute conjoncture économique, l'art contemporain n'intéressait pas les collectionneurs français.

M. Patrick Bongers a fait observer que la création française se vendait mal à l'étranger également.

Mme Anne Lahumière a précisé que l'Angleterre, entièrement tournée vers les Etats-Unis, ne représentait pas un marché intéressant dans le domaine de l'art contemporain pour la France. Parmi les pays de la communauté, l'Allemagne était le seul concurrent sérieux et représentait un marché dynamique que la France devait s'efforcer de conquérir. La Suisse représentait également un débouché valable pour la création française.

Mme Marie-Claire Marsan a expliqué la vitalité du marché allemand par la structure fédérale du pays : chaque région développe en effet une politique culturelle intense.

Mme Anne Lahumière a ajouté qu'il existait de véritables incitations pour les collectionneurs à travers les fondations et que la vitalité du marché interne était la cause directe de la reconnaissance des artistes allemands à l'étranger.

Patrick Bongers a fait remarquer que la création allait là où était le marché. La France ayant perdu sa place prépondérante dans le domaine du marché de l'art au cours des années 60, ne représentait plus un centre de création artistique. Il a déploré le manque de moyens mis à la disposition des créateurs et des galeries ainsi que le manque d'intérêt des médias à leur égard et mis en cause l'éducation scolaire, tournée vers la littérature, qui ne donnait aucune culture artistique aux enfants. Tout cela contribuait à décourager le public.

Mme Anne Lahumière a fait valoir que la menace constante d'imposition des oeuvres d'art qui pesait sur le contribuable dissuadait les acheteurs potentiels. M. Yann Gaillard ayant désiré connaître les mesures qu'elle préconisait, Mme Anne Lahumière a proposé que soit mise en place, sous forme de déductions fiscales, une politique d'incitation pour les petites entreprises qui achetaient des oeuvres d'art. Elle a également demandé que la taxe forfaitaire et le droit de reproduction qui pénalisent les galeries d'art soient alignés sur le même taux que celui pratiqué dans les ventes publiques. En ce qui concerne la taxation à la marge au taux nominal de TVA instaurée par la 7 ème directive européenne, elle a souhaité que soit mis en place un système permettant l'application d'un taux réduit lorsqu'il existe une TVA en amont (artistes assujettis, importations) à l'image de ce qui se fait en Allemagne.

Mme Marie-Claude Marsan s'est déclarée opposée au droit de suite, dans la mesure où, en France, les galeries cotisaient déjà pour la sécurité sociale des artistes. Mme Anne Lahumière a souligné l'iniquité du droit de suite qui ne profitait qu'à quelques familles célèbres.

Mme Anne Lahumière a suggéré, pour redynamiser le marché français, d'ouvrir un espace réservé à la création d'artistes français ou résidents français à partir des années 20. M. Yann Gaillard ayant déploré le manque de diversité dans les expositions ou les musées consacrés à l'art contemporain, Mme Marie-Claire Marsan pense que, malgré des efforts, un système de pensée unique persiste malheureusement dans les achats pour les collections publiques. Mme Anne Lahumière a ajouté que, de plus, lorsque les institutions s'adressent directement à l'artiste, cela fausse le marché en fixant de façon arbitraire des prix qui ne sont pas nécessairement le reflet de la réalité et empêche l'artiste d'avoir un rayonnement international faute d'un marché privé. Elle a conclu qu'il était important de garder à l'esprit que le circuit commercial était le seul à même d'offrir la plus grande diversité et d'assurer la plus large diffusion.

. Entretien de M. Eric LAUVAUX,

du Cabinet NOMOS (commissaires-priseurs)

accompagné de Maîtres DUHAMEL et de CORNEILLAN

le mardi 12 janvier 1999

M. Eric Lauvaux a tout d'abord présenté l'organisme représenté par son cabinet : CPR (commissaires priseurs réunis) est un groupement constitué sous forme d'une société civile de moyens rassemblant un certain nombre de commissaires-priseurs de province. En terme de chiffre d'affaires, ceux-ci représentent 13 % du marché français et 22 % du chiffre d'affaires des commissaires-priseurs de province. Il s'agit, a-t-il souligné, d'un groupement stable puisque 5 ans après sa constitution, ce groupement n'a enregistré aucune défection.

Ensuite, M. Eric Lauvaux a précisé le sens de la démarche des commissaires-priseurs de CPR : leur but est d'avoir les moyens de s'adapter aux nouvelles conditions de marché créées par la nouvelle loi et en tout état de cause de faire lever le plus vite possible les incertitudes qui pèsent actuellement sur les futures conditions d'exercice de leur profession.

Plus précisément, il a, avec les deux commissaires présents, évoqué un certain nombre de sujets de préoccupation :

1. L'absence de prise en compte des problèmes posés par les nécessaires restructurations qui vont découler du nouveau régime des ventes aux enchères . Selon eux, on ne tient pas compte du coût fiscal des réorganisations, alors que celui-ci sera immédiatement exigible sans avoir pour contre-partie aucun dégagement de trésorerie. Dans la mesure où actuellement aucun des participants n'est soumis à l'impôt des sociétés, ils ne peuvent bénéficier du régime de l 'article 151 octies du CGI. M. Eric Lauvaux a indiqué qu'il fournirait à M. Yann Gaillard une note technique précisant les difficultés engendrées par l'inadaptation du régime fiscal des plus-values à la situation des commissaires-priseurs.

2. Les conditions d'exercice de l'activité de commissaire-priseur judiciaire. Il a été souligné que le projet de loi était muet sur cette question, or, pour les membres de CPR, une évolution et des regroupements sont inévitables et il faut donc les prévoir et les accompagner. M. Yann Gaillard a pris note du problème posé tout en considérant qu'il relevait de la compétence exclusive de la commission des lois.

3. La conception trop restrictive de la notion de vente publique : Les représentants de CPR ont souligné que le projet de loi ne concernait ni les ventes fermées (fréquentes en matière automobile), ni d'une façon générale les ventes qui pourraient intervenir par Internet. Il y a là une lacune importante notamment du point de vue de l'assiette de la taxe destinée à financer l'indemnisation.

4. L'indemnisation : Les représentants de CPR ont d'abord critiqué le principe même de la taxe qui va conduire à faire financer l'indemnisation par les études les plus dynamiques. Ils ont en effet estimé que compte-tenu de l'état très concurrentiel du marché, la taxe serait en fait supportée par les commissaires-priseurs. En conclusion, ils se sont même demandés s'il n'aurait pas été préférable de ne prévoir ni taxe ni indemnisation. Outre le problème d'assiette déjà mentionné, ils ont insisté sur les modalités critiquables du calcul de l'indemnité (non prise en compte de la dernière année connue, 1997, et traitement discriminatoire entre les études parisiennes et les études de province) et sur les incertitudes juridiques qui pèsent sur le statut fiscal de l'indemnité : s'agit-il d'un revenu ou d'une plus-value ?

5. Questions diverses : Enfin, les représentants de CPR ont souligné la situation relativement favorable faite aux notaires et aux huissiers qui pourront continuer à effectuer des ventes aux enchères volontaires sans avoir à changer de statut.

Entretien de M. Hervé LE FLOC'H-LOUBOUTIN,

Directeur, Chef du service de la législation fiscale
et de M. Jean-Louis JOURNET,
Sous-directeur au service de la législation fiscale

le mardi 9 février 1999

M. Yann Gaillard s'étant tout d'abord interrogé sur la possibilité d'une réforme, voire d'une suppression de la TVA à l'importation, M. Hervé Le Floch-Louboutin a déclaré qu'on était là domaine contraint sur le plan juridique et que la 7 e directive ayant posé le principe de la taxation à l'importation, il n'était pas envisageable de revenir en arrière. Par ailleurs, fondamentalement le marché de l'art s'inscrivait tout naturellement dans le champ d'application de la TVA. Cette TVA n'étant due que par les ressortissants de la communauté européenne, elle ne lui paraissait pas nuire au rôle de Paris en tant que plaque tournante du marché de l'art. M Yann Gaillard lui ayant fait observer que, dans l'incertitude de la destination finale de l'oeuvre, le vendeur donnerait toujours priorité au pays le plus fiscalement favorable, M.  Hervé Le Floc'h-Louboutin a convenu qu'il s'agissait là d'un vrai débat de principe qui rejoignait la problématique des discussions actuelles sur les activités délocalisables et la manière de les taxer. La position de la France était très claire : sur tous les sujets de compétition fiscale elle défendait l'idée d'une taxation minimum.

M. Yann Gaillard ayant fait valoir que le marché de l'art était un marché étroit, ne présentant pas les mêmes enjeux que les grands débats économiques, M. Hervé Le Floc'h-Louboutin s'est élevé contre la logique du moins-disant fiscal qui conduisait à ne pas taxer les riches. M. Jean-Louis Journet a ajouté que le marché allait tout naturellement là où se trouvaient les nouvelles fortunes, à savoir les Etats-Unis. Par ailleurs il lui paraissait que c'était moins la fiscalité que la libre disposition de ses biens qui préoccupait le collectionneur et à cet égard la protection du patrimoine jouait un rôle dissuasif dans le retour des oeuvres sur le territoire français.

M. Yann Gaillard ayant soulevé la question de la dérogation obtenue par les Anglais pour l'application d'un taux réduit de TVA à l'importation, M. Hervé Le Floc'h-Louboutin a répondu que si cette dérogation devait être prorogée, alors la France demanderait un alignement afin de ne pas être pénalisée. M. Jean-Louis Journet a rappelé que la règle de l'unanimité s'appliquerait lors des débats au sein de la Commission européenne sur cette question. Une autre dérogation a alors été évoquée : la possibilité pour les Allemands d'appliquer un régime de taxation à la marge au taux réduit. M. Hervé Le Floc'h-Louboutin a précisé que cette dérogation devait prendre fin en juillet.

En réponse à une question de M. Gaillard, M. Jean-Louis Journet a indiqué que les Anglais pratiquaient la vente de biens sous régime suspensif, ce qui les plaçaient en infraction avec la législation européenne et qu'une action était actuellement en cours à Bruxelles contre eux.

M. Yann Gaillard s'est ensuite fait l'écho de diverses revendications émanant des commissaires-priseurs installés en province quant à la restructuration de leurs études en sociétés de ventes volontaires.

Pour conclure, M. Hervé Le Floc'h-Louboutin a indiqué qu'une réflexion était en cours sur le problème fiscal que risquait de poser la cession des parts de la société Drouot SA appartenant à la Compagnie des commissaires-priseurs lors de la disparition de cette dernière.

Entretien de Maître Joël MILLON,

Président de la Chambre des commissaires-priseurs de Paris

et Maître William STUDER, commissaire-priseur,

le jeudi 4 février 1999

M. Yann Gaillard a demandé à M. Joël Millon d'exposer sa position sur deux points : la situation et les perspectives du marché de l'art français en général et le projet de loi sur les ventes volontaires.

M. Joël Millon a rappelé que si la définition d'un statut des commissaires-priseurs était une urgence, la réforme attendait déjà depuis quatre années ce qui, dans une activité devenue un marché de capitaux, les plaçait en situation difficile par rapport aux maisons commerciales étrangères Sotheby's et Christie's.

Il a estimé que dans ce contexte de mondialisation, la réforme ne pouvait apporter de solution, notamment au problème de la défense du patrimoine, que complétée par des mesures rendant plus attrayantes fiscalement, tarifairement et juridiquement le marché parisien. Il a ajouté que le manque de visibilité, qui résultait de l'attente d'un nouveau statut, entraînait un blocage des ventes d'études comme des ouvertures de capital qui handicapait la profession.

Si M. Joël Millon a rappelé que le projet actuel par rapport au projet Léonnet, établi en concertation et soutenu par M. Toubon, divisait déjà par deux l'indemnisation, il a regretté que le nouveau gouvernement l'ait réduite à nouveau de moitié en supprimant de surcroît le volet social. Il a ainsi déclaré que même si l'expropriation n'était que partielle selon l'avis rendu par la Cour de cassation, l'indemnisation devait rester préalable, totale et juste, ce qui, selon lui, n'était pas le cas dans le projet de loi.

Abordant le calendrier de la réforme, il a considéré que ses délais d'adoption et de mise en place, de une à deux années, notamment pour l'indemnisation, constituaient un handicap pour les opérateurs français, dans une période ou les concurrents étrangers commencent à se positionner . M. Joël Millon a évoqué, à ce propos, la tenue d'une vente par Sotheby's au Château de Groussay, hors de la circonscription de la Chambre de Paris, et la demande présentée par des commissaires-priseurs parisiens de vendre pour Sotheby's au siège du futur hôtel des ventes de cette société à Paris. Il a cependant estimé que même si un recours était déposé, cet aspect juridique était peut-être dépassé.

M. Joël Millon a également considéré que l'incertitude, tant sur les partenaires futurs que sur les moyens financiers, hypothéquait l'avenir de Drouot dont l'activité, essentielle pour le quartier, représentait surtout 6.000 à 8.000 visiteurs quotidiens, un million d'objets vendus chaque année et 2.000 emplois.

Évoquant le Livre blanc qu'il avait initié en 1987-1988 et qui n'avait permis d'obtenir que quelques aménagements, il a rappelé les difficultés pour obtenir la possibilité de créer des sociétés anonymes pour les officiers ministériels. Il a donc plaidé pour une harmonisation totale de règles qui deviendraient applicables à l'échelon international.

M. Joël Millon s'est déclaré partisan, plutôt que de revenir au projet initial de la commission Léonnet s'appuyant sur le produit demi-net, de revenir au projet soutenu par Mme Guigou et élaboré par les trois sages.

Concernant les aspects financiers du projet, il a rappelé ses quatre critiques majeures :

l'incohérence et l'inadaptation du montant de l'indemnisation ;

le renvoi des dispositions financières, telle que celle concernant le fonds de garantie, à une loi de finances ultérieure ;

la durée du délai de traitement des dossiers d'indemnisation qu'il a proposé de ramener de 1 an à 6 mois ;

les risques d'insuffisance de la période de 5 ans pour la perception de la taxe d'indemnisation, et de pérennisation de cette taxe une fois son objet rempli.

Après avoir précisé que la latitude financière du Parlement était délimitée par l'ordonnance de 1959, M. Yann Gaillard a proposé que les deux Chambres de commissaires-priseurs lui présente des exemples concrets d'indemnisation, établis d'une seule voix, afin qu'il puisse se livrer à une comparaison avec les simulations du ministère. Il a remarqué que dans son étude juridique sur le sujet, M. Vedel avait considéré qu'il n'y avait pas lieu à indemnisation, ce qui était également le point de vue initial de l'inspection générale des finances.

M. Joël Millon a affirmé que si le projet n'était pas modifié, en ce qui concerne les règles d'indemnisation, la profession utiliserait tous les recours disponibles pour combattre cette disposition.

Il a tracé un parallèle avec les mesures dont avaient bénéficié les avoués, les greffiers et les agents de change, lors des réformes de leurs professions et considéré que l'indemnisation demandée était raisonnable au regard des rentrées fiscales qu'avait assuré la profession à l'Etat. Il s'est également interrogé sur l'éventualité du rachat d'une étude, dans la mesure ou le projet permettrait de créer une SARL pour 50.000 F.

Après avoir fait remarquer que le système des bénéfices non commerciaux, auquel ils étaient assujettis, ne leur permettait de constituer ni fonds propres, ni réserves, M. Joël Millon a fait observer que la valeur de l'office était validée par la Chancellerie et représentait bien une valeur pécuniaire, prise en compte par l'administration fiscale. Il a rappelé que c'était le ministère de l'Économie et des finances qui avait imposé la réduction du coefficient d'indemnisation à l'article 37 et demandé le retour à l'indemnisation préalable à l'ouverture du marché à l'article 35. Il a précisé que la nouvelle estimation, réduisant de moitié le produit demi-net de 1,8 milliard de francs, qui servait de référence initiale, avait été acceptée en contrepartie de la poursuite d'activité, mais qu'il ne pouvait accepter une nouvelle division aboutissant à une indemnisation globale de 450 millions de francs seulement. Il a fait état de la comparaison avec la maison Christie's dont le volume d'affaires, soit 10 milliards de francs, était du même niveau que le marché français, et de la proposition de M. Pinault de la racheter pour 8 milliards de francs : ce rapport peut inciter, selon lui, à la réflexion sur l'estimation du montant de l'indemnisation par le Gouvernement même s'il ne peut pas être considéré comme applicable en l'état au cas de la réforme.

Après s'être interrogé sur le risque d'application de l'article 40 aux amendements proposés, M. Yann Gaillard s'est inquiété des perspectives de Drouot après cette réforme.

M. Joël Millon a précisé que la grande stabilité de Drouot SA reposait sur l'unicité du lieu de vente et la solidarité collective et qu'elle se trouvera fragilisée par la réforme. Il a estimé que le flou tant juridique que fiscal actuel entravait toutes les initiatives de regroupement ou de revente de parts pour les 110 actionnaires de la société, alors que celles-ci seront un préalable à la constitution de la nouvelle société, d'autant que les deux activités, judiciaires et commerciales, seront dissociées. Drouot SA subissait selon lui les séquelles d'un passage de la personnalité morale de droit public, statut actuel de la compagnie des commissaires-priseurs, à celle de droit privé. Il a jugé que la charge de l'impôt sur les sociétés et des dividendes, applicable à la compagnie au titre des actions de Drouot SA, était difficile à supporter dans le contexte de la réforme. Il a donc souhaité un report du paiement de la plus-value.

Il a enfin regretté la disparition de tout volet social du projet.

Maître William Studer a présenté une proposition de création de société de cautionnement mutuel pour satisfaire aux garanties d'assurance, prévues par le projet de loi, et dont les assureurs et établissements de crédits étaient demandeurs. Son capital, apporté par les adhérents, devrait atteindre environ 20 millions de francs, pourrait bénéficier d'actions libérées de Drouot SA et constituerait un fonds de garantie, pour tout sinistre éventuel, permettant de recourir à l'assurance, tant pour les avances que pour les garanties d'adjudications, et aux financements bancaires.

Entretien de M. Pierre ROSENBERG,

Président-directeur du Musée du Louvre

le mardi 9 février 1999

M. Pierre Rosenberg a tout d'abord déclaré qu'il était temps que le Gouvernement autorise Sotheby's et Christie's à faire des ventes aux enchères publiques à Paris, sinon le marché risquait de s'installer définitivement à Londres. Il a noté qu'une des raisons du succès de la place de Londres tenait à la qualité de ses experts qui font largement défaut auprès des commissaires-priseurs français.

Il a ensuite estimé que l'installation de Sotheby's et Christie's risquait d'entraîner la disparition de l'Hôtel Drouot, situation qu'il regretterait personnellement tout en soulignant le caractère désuet de cette institution. A cet égard, il a rappelé que Sotheby's et Christie's s'étaient substitué au marché parisien au profit de Londres en s'appuyant sur une conception très mondialiste du marché de l'art.

M. Pierre Rosenberg a encore observé que le vrai débat relevait des taxes dans l'Europe communautaire qui incitaient les marchands à vendre à New-York, qu'il s'agisse de la TVA ou d'autres charges qui font qu'un marchand à plus intérêt à vendre à New-York qu'à Londres.

Il a ensuite indiqué que le système anglais de ventes aux enchères était plus rationnel et efficace que le système français. En effet, 95 % des oeuvres ou objets importants sont concentrés sur deux expositions par an et la vente a lieu effectivement 6 mois après, alors qu'en France, elle a lieu le lendemain, ce qui laisse très peu de temps pour s'organiser, et que l'Hôtel Drouot requiert une fréquentation quasi-quotidienne. Il a encore comparé les systèmes français et anglais concernant les experts et regretté qu'en France ces derniers soient en même temps marchands, cette confusion des genres étant préjudiciable au marché de l'art.

S'agissant de la protection du patrimoine national et de la réforme de la loi de 1992, il a indiqué qu'il y avait deux solutions possibles, le système italien de " notification " très protectionniste et le système anglais très libéral. La France n'a jamais su choisir entre les deux. Elle passe sans arrêt de l'un à l'autre. Il a estimé que la loi de 1992 avait pour principal défaut de ne pas donner à ceux qui ont la responsabilité de cette loi les moyens de l'appliquer, notamment les moyens financiers pour l'acquisition des oeuvres.

Il a cité, à cet égard, l'exemple anglais de la loterie et estimé qu'une loterie dont une fraction du produit serait clairement affectée à la défense du patrimoine pourrait constituer une solution en France.

Il a en outre indiqué que les musées nationaux ne pouvaient à eux seuls assurer la défense du patrimoine et que, malheureusement, le " vice " de la collection était peu répandu en France.

M. Pierre Rosenberg a ensuite évoqué les problèmes posés par des décisions judiciaires qu'il s'agisse de l'affaire du " Jardin à Auvers " " ou, plus anciennement, de celle du " Poussin ". A ce titre, il a indiqué que si Le Louvre achète en vente publique un tableau qu'il a identifié, alors que ni les experts ni le commissaire-priseur ne l'ont fait, il sera contraint de le rendre à son propriétaire ; les anglais, de leur côté, défendent avant tout leur réputation, et si une erreur est commise, font tout pour que cela ne se sache pas.

Enfin, il a souligné que le dynamisme du marché de l'art en France tenait pour beaucoup à celui d'une douzaine de jeunes marchands d'une compétence sans équivalent à Londres et New-York.

Entretien de M. Jean-Marie SCHMITT,

Directeur de l'Institut d'étude supérieur des arts

le mardi 22 décembre 1998

M. Yann Gaillard a tout d'abord souhaité savoir s'il était important, pour le développement d'une culture vivante, d'avoir un marché de l'art. M. Jean-Marie Schmitt a répondu par l'affirmative en rappelant que la création actuelle dépendait d'une logique de marché. A cet égard, il a cité l'exemple américain et rappelé qu'après la seconde guerre mondiale le poids économique de ce pays, son dynamisme et le mode de vie américain s'étaient conjugués pour faire basculer quasiment tout le marché de l'art vers les Etats-Unis.

Il a également indiqué que la France avait perdu pied dans l'art contemporain parce qu'elle n'avait pas de marché secondaire et donc pas de recyclage possible pour les acheteurs. Telle est la raison pour laquelle la création française actuelle n'a plus passé les frontières depuis les années 60, à quelques exceptions près.

M. Jean-Marie Schmitt a ensuite indiqué qu'une bonne approche du marché de l'art français nécessitait de le fragmenter en trois parties : le marché de l'art actuel qui ne dispose pas de deuxième marché, le marché de l'art ancien, lui-même divisé entre les oeuvres de niveau international et les oeuvres de niveau national et le marché de l'art moderne.

Il a, enfin, estimé que le problème premier de ce marché était avant tout symbolique. En effet, l'oeuvre d'art n'a pas simplement une valeur vénale ou scientifique mais une valeur symbolique qu'il est très difficile de rattacher à des données concrètes, précises et quantifiables. A cet égard, il a estimé que le marché de l'art français se situait dans une problématique proche de la francophonie, la France se vivant comme une puissance à vocation culturelle universelle. Il a estimé nécessaire de maintenir ce passé de la plus grande Nation sur le plan culturel pour des raisons de rentabilité économique, le tourisme, les produits dérivés ayant pour socle l'exploitation de ce patrimoine.

M. Yann Gaillard a ensuite souhaité connaître l'état actuel du marché de l'art français.

M. Jean-Marie Schmitt a indiqué que Paris se situait en troisième position après New-York et Londres. En terme de ventes publiques, New-York détient 50 % du marché, Londres 35 % et Paris entre 6 et 7 % alors que 60 % des oeuvres vendues sont françaises ou ont été créées en France pour la période située entre 1870 et 1930. Il a estimé que l'objectif de 10 à 15 % de part de marché pourrait être atteint par Paris, les ventes publiques se déplaçant facilement. Il faudrait évidemment que les professionnels se montrent capables d'inverser la tendance actuelle. Il a ensuite précisé que, contrairement aux données chiffrées, Londres restait la capitale où était réellement enraciné le marché de l'art, les différents acteurs -consommateurs, marchands, galéristes, experts- étant extrêmement bien structurés.

Il a estimé que la France disposait également des atouts nécessaires pour constituer le socle qui permettrait de développer le marché des ventes publiques pour la partie la plus volatile et la plus spéculative que représente l'art impressionniste et l'art moderne.

Il a cependant estimé que trop d'incertitudes pesaient sur le marché de l'art français, qu'il s'agisse de la position des professionnels, qui gèrent les stocks, mais ne veulent pas investir, ou de la création, sans cesse reportée, de l'Institut national d'Histoire de l'art français qui constitue pourtant un réel enjeu.

M. Yann Gaillard a souhaité connaître les quelques mesures à envisager pour faire évoluer la situation du marché de l'art.

M. Jean-Marie Schmitt a estimé qu'il fallait lever l'hypothèque " ventes publiques " en réformant très rapidement la profession de commissaire-priseur. L'absence de décision, qui perdure depuis trois ans, neutralise le marché. La situation s'est figée parce que les commissaires-priseurs ont voulu traiter de façon monolithique leur sortie de profession alors qu'il aurait fallu dissocier l'indemnisation de la modernisation de la profession. On ne peut mesurer les conséquences précises de cette attente, mais les ventes publiques sont en " stand-by " et les études qui avaient des velléités d'investir attendent. Cet état de glaciation a des effets sur le marché lui-même. Après avoir espéré 3 milliards de francs, puis être passés à une indemnisation de 850 millions de francs et enfin à 450 millions de francs, les commissaires-priseurs ont désormais un intérêt à faire traîner la situation.

Concernant l'intégration des objets d'art dans l'impôt sur la fortune, M. Jean-Marie Schmitt a estimé qu'il aurait presque être préférable de prendre la mesure proposée en la verrouillant plutôt que de subir cette menace permanente.

S'agissant de la TVA à l'importation, il a estimé que le problème venait du différentiel avec Londres. Il a rappelé que le marché de l'art était très défendu au niveau politique en Grande-Bretagne. Les Anglais, jusqu'à l'intégration dans la communauté européenne, avaient un système permettant l'entrée en franchise de TVA de toutes les oeuvres antérieures à 1973. Ils ont admis, lors de la négociation sur la 7 ème directive sur la TVA de payer un taux réduit dérogatoire de 2,5 %. Cette dérogation vient à échéance en juin 1999 et il devrait passer à un taux réduit " normal ", soit 5 %. Cependant il a indiqué que l'effet de la taxation à l'import était très faible, en effet, on importe environ 1 milliard de francs d'oeuvres d'art en France. Dans ce contexte, il a indiqué que les problèmes fiscaux servaient parfois d'alibi pour justifier l'inaction des professionnels car pour l'acheteur français, payer 5 % de plus une oeuvre d'art n'était pas vraiment rédhibitoire. Toutefois, si un blocage se faisait du côté des anglais, il serait peut être justifié d'aligner le taux français de TVA à l'import sur celui de l'Angleterre. Le coût budgétaire serait peu élevé et permettrait de vérifier si le différentiel de TVA à l'import pénalise effectivement le marché français.

Il a ensuite abordé le droit de suite et estimé que même si les Anglais utilisaient des moyens dilatoires, celui-ci serait étendu à toute l'Europe puisque 11 Etats de la communauté sur 15 l'appliquent déjà.

Le système mis en place à Bruxelles prévoit un taux dégressif de 4 % à 1 % pour les tranches supérieures. Cette taxe pèse sur le vendeur et la durée du droit de suite a été uniformisé à 70 ans. Cependant, le droit de suite va poser un problème pour les galeries qui en sont exonérées au motif qu'elles cotisent déjà à la caisse de sécurité sociale des artistes, à raison de 1 % de leur chiffre d'affaires. Pour cette raison, l'Etat ne leur a pas appliqué la loi de 1957 sur le droit de suite en ne prenant pas les décrets d'application.

M. Yann Gaillard a enfin interrogé M. Jean-Marie Schmitt sur la loi de 1992 relative à l'interdiction de sortie des oeuvres du territoire.

Il a indiqué que le système actuel qui semblait équilibré prévoyait un certificat de libre circulation qui pourrait être refusé par l'Etat pendant une durée provisoire. A l'issue de cette période, soit l'Etat achète l'oeuvre, soit il la classe. Ce système a trouvé récemment ces limites avec la regrettable affaire du tableau de Van Gogh -le jardin à Auvers- où l'Etat a été condamné à payer 145 millions de francs au propriétaire du tableau, notamment du fait de l'arrogance de certains conservateurs. Un projet de loi est actuellement à l'étude à la direction des Musées de France qui vise à modifier la loi de 1992 et qui s'inspirerait du système anglais. Il a jugé primordial que toutes les mesures concernant l'interdiction de sortie ne soient pas applicables aux oeuvres rentrées en France depuis moins de 50 ans. Cela créerait une sécurité patrimoniale pour les collectionneurs qui viennent s'installer en France. En tout état de cause, il a estimé qu'il fallait sortir du système français actuel qui est enfermé dans l'antagonisme collectionneur public-collectionneur privé et examiner toutes les mesures fiscales ou de protection du patrimoine en ayant pour objectif principal de faire émerger la notion de collection et d'encourager les collectionneurs.

Entretien de Maître Jacques TAJAN,

Commissaire-priseur

le mardi 5 janvier 1999

Maître Jacques Tajan a tout d'abord rappelé que jusqu'en 1952 le marché de l'art français était le premier au monde. Désormais, les Anglais avaient conquis ce marché grâce à leurs atouts : statut libéral des commissaires-priseurs, moyens financiers importants, liberté d'action totale.

Les commissaires-priseurs français, étroitement conservateurs dans leur ensemble, prisonniers d'un carcan de réglementation qui remonte jusqu'à Henri II, ont été dans l'incapacité de réagir à cette concurrence.

L'État français a laissé les Anglais se rendre acquéreurs du patrimoine français tout en leur interdisant la revente en France. Maître Jacques Tajan estime qu'au total ce préjudice représente aujourd'hui 50 % du patrimoine privé, ce qui est considérable.

Il a déclaré que le statut d'officier ministériel était inadapté aujourd'hui à une profession qui devait évoluer dans un marché international et qu'une réforme était nécessaire.

Maître Jacques Tajan a rappelé l'importance de la profession de commissaire-priseur. D'une part, ceux-ci jouent un rôle sur le plan culturel car ils consolident le patrimoine en le maintenant en France. D'autre part, ils représentent un poids économique considérable. Les 450 commissaires-priseurs existant en France emploient entre 30 000 et 40 000 personnes dans leurs études, et, si l'on prend en compte les activités périphériques induites, ce sont au total 70.000 personnes qui dépendent d'eux. De plus, les commissaires priseurs sont aussi des auxiliaires de justice et des collecteurs d'impôt.

Maître Jacques Tajan a indiqué qu'il était favorable à un renforcement de la législation en ce qui concerne les ventes judiciaires et, à l'inverse, partisan d'une totale libéralisation pour les ventes volontaires.

Evoquant ensuite le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, Maître Jacques Tajan l'a accusé d'être une réforme en "trompe-l'oeil". En effet, ce texte, selon lui, feint de libéraliser et de moderniser alors qu'en fait il impose une réglementation excessive et inadaptée qui montre une totale méconnaissance de la profession.

A titre d'exemple, Maître Jacques Tajan a cité : la garantie de prix minimum qu'on restreint à la fourchette basse de l'estimation, l'obligation de passer par un organisme d'assurance ou un établissement de crédit pour la garantie des prix au vendeur, la fixation du prix de réserve inutilement contraignante, la possibilité de revente de gré à gré dans un délai de 8 jours mais à des conditions absurdes, puisque le prix ne doit pas être inférieur à l'enchère atteinte lors du retrait de l'objet.

Selon lui, notamment en matière d'avances aux vendeurs des sociétés de ventes volontaires devraient ne relever que du droit commercial commun. Par contre, dans le domaine des ventes judiciaires, Maître Jacques Tajan a souligné la nécessité de protéger le citoyen et de renforcer la législation.

Le marché de l'art français est pénalisé par une fiscalité à l'importation des objets d'art de 5,5 % et par le droit de suite de 3 %. Les Etats-Unis, la Suisse et le Japon, qui représentent les plus grandes réserves d'objets d'art que du monde, sont ainsi empêchés de vendre ceux-ci dans le pays dont ils sont issus.

Pour conclure, Maître Jacques Tajan a évoqué l'indemnisation prévue par le projet de loi qu'il a préféré appeler "avance de trésorerie". Le système envisagé est, selon lui, usuraire car il revient finalement à rembourser deux fois ce qui a été avancé. Maître Jacques Tajan a évoqué les effets pervers de cet esprit "bourse commune" qui pénalise les plus entreprenants et que l'on retrouve également aussi bien dans la règlement de l'affaire Loudmer que dans le financement de l'hôtel Drouot.

De façon générale, Maître Jacques Tajan a dénoncé le " trompe l'oeil " et l'hypocrisie de cette réforme qui consiste à affirmer haut et fort que l'on va donner les moyens de la concurrence aux Commissaires-priseurs français notamment, en rapprochant notre système de celui des autres pays de la communauté.

On affirme ensuite sur divers points : garantie de prix, avance de fonds, vente de gré à gré, que cela va être possible comme dans les autres pays, mais aussitôt on s'empresse d'assortir ces soi-disant possibilités de telles conditions irréalistes qu'en fait, rien ne sera possible à mettre en pratique.

Maître Jacques Tajan a rappelé qu'on assistait par ailleurs à une main mise de l'Etat sur la profession à travers la création d'un conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, constitué majoritairement par des personnalités désignées par les pouvoirs publics.

On est loin du système anglais qui s'inscrit purement et simplement dans le droit des entreprises de service et de commerce quelles qu'elles soient.

Le comble qui résume l'état d'esprit du pouvoir qui veut tout régenter dans cette affaire est atteint notamment, à l'article 10 où on peut lire :

-1 er paragraphe : " Chaque vente volontaire de meuble aux enchères publiques donne lieu à une publicité sous toute forme appropriée ".

Cela ressemble un peu à Monsieur de LAPALISSE, mais enfin...

Hélas, aussitôt après :

-2 ème paragraphe : " Les mentions devant figurer sur la publicité seront fixées par décret ".

Comment et qui, dans un monde qui évolue chaque jour, peut figer définitivement ce qu'il est opportun de faire figurer dans des publicités destinées à tous les pays du monde, avec leur sensibilité et leurs usages, en compétition avec tous les pays où les règles générales qui régissent la publicité sont appliquées un point c'est tout.

Entretien de M. Eric TURQUIN, Expert en tableaux anciens

et de M. Bruno de BAYSER, Expert en dessins anciens

le jeudi 7 janvier 1999

M. Bruno de Bayser a débuté son exposé en attirant l'attention sur le problème majeur de la responsabilité trentenaire dans l'exercice de la profession d'expert en France. Les experts anglais, qui n'ont pas à subir cette contrainte, sont plus brillants que leurs homologues français, condamnés à une vision craintive et timorée dans leurs expertises sous peine de se voir infliger des procès.

Puis M. Eric Turquin a dressé un bref historique du marché de l'art en soulignant que les objets d'art étaient pour un très grand nombre d'origine française ou étaient passés par la France plus tard. Jusque dans les années 60, les Français ont dominé le marché. Ensuite, les Anglais, grâce à une fiscalité plus favorable notamment au niveau des importations, les ont supplantés. C'est désormais vers New York que se déplace le marché, toujours pour des raisons d'ordre fiscal.

Réagissant aux réactions de scepticisme de M. Yann Gaillard , M. Eric Turquin a souligné l'importance du préjudice que la taxe à l'importation faisait subir au vendeur et l'impact direct que celle-ci avait sur le choix du lieu de vente. Les procédures compliquées et les tracasseries administratives que doivent subir à la douane les personnes qui veulent faire expertiser un objet en France constituent un obstacle supplémentaire à la vitalité et au dynamisme de la profession.

M. Eric Turquin a ensuite déploré l'existence du droit de préemption, spécificité française, qui décourage les acheteurs potentiels. Il a souhaité que l'Etat se comporte comme un acquéreur normal et fasse des enchères lors des ventes publiques. M. Eric Turquin s'est également prononcé contre le droit de suite qui ne favorise que quelques grandes familles et ne trouve sa justification qu'aux yeux des sociétés chargés de le percevoir.

M. Bruno de Bayser ayant souligné qu'en France les transactions étaient pénalisées par une fiscalité défavorable et une bureaucratie trop lourde, M. Yann Gaillard a souhaité pouvoir disposer d'un tableau comparatif prenant en compte les différents cas de figure suivant la nature de l'objet, le lieu de vente et la nationalité du vendeur et de l'acheteur.

M. Eric Turquin a fait valoir qu'il était aussi essentiel de favoriser la création artistique que les transactions. Le marché des objets d'art constitue, en effet, une vitrine prestigieuse pour le pays et induit des effets économiques non négligeables. En réponse à M. Yann Gaillard , il a précisé que le Syndicat national des antiquaires allait sous peu publier une étude sur la réalité de ce marché en France. L'exemple du marché du dessin, entièrement recentré sur Paris, prouve qu'il est possible que la France retrouve sa place prépondérante.

Revenant sur le problème de la responsabilité des experts, M. Eric Turquin a déploré qu'en France on ait l'habitude de considérer qu'une vente pouvait être cassée. Il a regretté que le principe relevant du droit commercial commun de sécurité des transactions soit ainsi bafoué. M. Bruno de Bayser a fait valoir que les experts devaient statuer sur 15.000 artistes répartis sur trois siècles. Il était absolument évident que dans ces conditions, les avis ne pouvaient pas être toujours d'une totale certitude. M. EricTurquin a ajouté que l'histoire de l'art était une science humaine et comportait en tant que telle une marge d'erreur et que l'aspect subjectif était essentiel dans l'appréciation d'un objet d'art. Tous deux ont plaidé pour une limitation de la responsabilité des experts.

En réponse à M. Yann Gaillard , M. Eric Turquin et M. Bruno de Bayser se sont déclarés favorables aux propositions de l'Observatoire concernant les listes d'experts agréés et le code de déontologie, mais réservés sur la composition du Conseil des ventes volontaires qui ne devait pas, selon eux, être une émanation de la puissance publique.

M. Yann Gaillard s'interrogeant sur la nécessité de la protection du patrimoine, M. Eric Turquin et M. Bruno de Bayser ont répondu que l'Etat était le plus actif des collectionneurs et que les conservateurs étaient tentés d'utiliser les procédures de protection du patrimoine pour " enrichir " les collections publiques à meilleur compte, ce qui en effrayant les détenteurs d'oeuvres d'art, contribue, en fait, à favoriser les exportations "invisibles". Ils ont conclu que la meilleure façon de protéger le patrimoine était de faciliter sa circulation.

Entretien de M. Bertrand du VIGNAUD, Président de Christie's Monaco et Vice-Président de Christie's France

et de M. Anthony BROWNE, Président de la Fédération Britannique

du marché de l'art

le jeudi 14 janvier 1999

M. Yann Gaillard a tout d'abord rappelé que l'intérêt de la commission des finances pour la situation du marché de l'art français était justifiée par la volonté de comprendre le déclin de la France sur le marché mondial depuis le début des années 1950.

M. Anthony Browne est intervenu en premier pour exposer quelles étaient les raisons pour lesquelles Paris a décliné par rapport à Londres.

Il a souligné que ces deux villes étaient désormais menacées par la montée en puissance de New-York et considéré que la France et l'Angleterre devaient avoir une position commune vis à vis de la Commission de Bruxelles, qui ne voyait pas que l'Europe était désavantagée par des charges élevées dans sa compétition avec les Etats-Unis.

Revenant sur les raisons pour lesquelles Londres a considérablement développé ses affaires dans les années 70 et 80, M. Anthony Browne a rappelé que ce succès était dû à la capacité de Londres à attirer, du fait de la faiblesse de ses coûts, de la marchandise en provenance du monde entier.

Il a indiqué que la Fédération britannique du marché de l'art avait commandé une étude démontrant l'importance du marché de l'art pour l'économie britannique dans des domaines aussi divers que le tourisme, le fret ou l'artisanat, tout en précisant que 40.000 emplois étaient concernés.

En dernier lieu, il a déclaré qu'il est essentiel de comprendre que le marché de l'art à une dimension essentiellement internationale et qu'il était important qu'il puisse se développer dans un environnement fiscal favorable.

Puis M. Bertrand du Vignaud a indiqué les raisons pour lesquelles la société Christie's entendait organiser des ventes à Paris et précisé les raisons pour lesquelles la France avait perdu du terrain par rapport à l'Angleterre.

Tandis que la France a eu tendance à rester dans le cadre d'un système très réglementé, l'Angleterre et le monde anglo-saxon en général s'adaptaient de façon pragmatique et avaient mis en place un mode de fonctionnement faisant une large place à l'autorégulation.

A cet égard, il s'est déclaré satisfait de ce projet de loi portant réforme des ventes volontaires à quelques détails techniques prêts sur lequel il a transmis une note écrite au rapporteur.

Il a néanmoins évoqué un point particulier, celui des ventes après la vente, en soulignant qu'il s'agissait d'une pratique de dernier recours et qu'il préférait, bien entendu, que les lots soient adjugés au cours de la vente.

Répondant à une question du rapporteur sur les garanties apportées par Christie's en matière d'authenticité, M. Bertrand du Vignaud a insisté sur le fait que, par-delà les termes mêmes de leurs conditions contractuelles, les maisons anglaises étaient très attentives à la satisfaction de leurs clients et à leur bonne réputation.

Puis, après que M. Yann Gaillard ait évoqué les obstacles techniques et politiques qui pouvaient s'opposer à l'aménagement du régime des charges et notamment de la TVA, M. Bertrand du Vignaud a abordé les questions fiscales.

Il a attiré notamment l'attention sur le différentiel de taxe entre l'Europe et les Etats-Unis et insisté sur les conséquences néfastes sur le commerce de la " paperasserie " qui résultait de l'introduction de la TVA à l'importation, indépendamment même de la charge supplémentaire qu'elle pouvait constituer.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page