4. Le problème des " fuites de carbone "

L'efficacité de mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre prises unilatéralement par un pays ou un ensemble de pays peut être affectée par un phénomène baptisé " fuite de carbone ". Ces fuites de carbone se produisent si la maîtrise des émissions de CO 2 dans certains pays tend à accroître les émissions de CO 2 des autres pays , à travers les mécanismes suivants :

- le ralentissement de la consommation d'énergies fossiles dans les pays qui s'efforcent de réduire leurs émissions de CO 2 entraîne une diminution de la demande mondiale de ces énergie, donc une baisse de leur prix . Cela peut favoriser une hausse de la consommation d'énergie fossile dans les autres pays ;

- par ailleurs, les efforts de maîtrise des émissions dans les pays " vertueux " peuvent stimuler le développement des activités les plus polluantes dans les pays les moins vertueux, où ces activités seraient de fait plus compétitives.

Les simulations effectuées par l'OCDE à l'aide du modèle Green d'une réduction unilatérale des émissions dans l'Union européenne suggèrent toutefois que l'ampleur de ces " fuites de carbone " serait très limitée (de l'ordre de quelque %), voire négatives.


AMPLEUR DES FUITES DE CARBONE SOUS L'HYPOTHÈSE D'UNE STABILISATION UNILATÉRALE DES ÉMISSIONS DANS L'UNION EUROPÉENNE

À LEUR NIVEAU DE 1990


(en millions de tonnes de carbone)

 

2010

2030

Évolution des émissions de l'Union européenne par rapport au scénario de référence :

- 206

- 389

Évolution des émissions des autres pays :

+ 3

- 13

Source : OCDE, 1995.

Au premier abord surprenant, ce résultat s'explique, selon l'OCDE, par l'action de mécanismes correcteurs :

- la maîtrise des émissions dans les pays de l'Union européenne entraînerait une diminution du prix mondial du pétrole , conduisant à un ralentissement de la croissance économique, donc des émissions de CO 2 , des pays exportateurs de pétrole (OPEP, Russie). Par ailleurs, cette baisse du prix du pétrole favoriserait un effet de substitution interénergie par lequel le pétrole remplacerait plus rapidement le charbon dans les pays en développement, ce qui favoriserait la maîtrise des émissions.

- par ailleurs, les pertes de compétitivité subies par les secteurs à haute intensité d'énergie dans l'Union européenne, s'accompagneraient inévitablement d'un renforcement de l'avantage comparatif des autres secteurs économiques, susceptible de favoriser des relocalisations d'autres activités dans les pays de l'Union.

Le modèle utilisé par l'OCDE ne peut toutefois prendre en compte plusieurs mécanismes susceptibles d' accroître l'ampleur de ces " fuites de carbone 51( * ) :

- l'impact de mesures unilatérales sur les anticipations et les comportements stratégiques des producteurs, qui peuvent être incités à délocaliser leurs unités de production ;

- le pouvoir de marché des producteurs de biens à haute intensité d'énergie dans les pays ne participant pas à la réduction des émissions : si ces producteurs sont moins nombreux, ils pourront accroître leurs marges, ce qui se traduira par un transfert de revenus au profit des pays les moins économes en énergie, donc par une augmentation des émissions totales.

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