B. 2.1.2 LA STRATÉGIE D'ESTIMATION

Notre but est ici d'étudier l'impact des dispositions institutionnelles, réglementaires et (dans la mesure du possible) conventionnelles régissant le fonctionnement du marché du travail sur les ajustements salariaux. Pour chaque grande caractéristique, il existe un certain nombre de représentations théoriques micro-économiques reliant les salaires, les prix, l'emploi et le chômage. La transcription de ces différents modèles dans un cadre macro-économique a été popularisée par Layard, Nickel et Jackman (1991) sous l'appellation de modèle WS-PS. Le salaire y est fonction des prix, du chômage, de la productivité et des dispositions influençant le pouvoir de négociation des salariés en place (syndicalisation, réglementation sur l'emploi, sur les salaires, allocations chômage et autres revenus de remplacement, etc.). C'est sur ce type de spécification que s'appuient nos estimations. Nous intégrons en outre l'impact potentiel du régime de change, et plus précisément de la participation au mécanisme de change européen, sur la formation des salaires.

Le taux de salaire est estimé sous la forme d'un modèle à correction d'erreurs (MCE). A court terme, les variations du taux de salaire sont reliées à celles des prix nationaux, de la productivité du travail, du rapport entre les prix à la consommation et les prix nationaux (termes de l'échange intérieurs), et du taux de chômage. Des retards sont également introduits sur les variables. A plus long terme, le taux de salaire est indexé sur la productivité apparente du travail et peut être sensible au niveau du taux de chômage. L'écart à la relation de long terme est une variable explicative supplémentaire de l'équation de court terme ; le coefficient de cette variable représente l'ampleur de la force de rappel du salaire réel vers la productivité45 ( * ). L'estimation est faite en une seule étape.

La recherche d'estimateurs robustes sur une période aussi courte et l'objectif final de comparaison de la formation des salaires entre pays européens nous ont conduit à mener des estimations simultanées. Pour cela, nous empilons les équations de salaire des différents pays disponibles, en contraignant les coefficients à être identiques entre pays (sauf les constantes). Puis, nous relâchons progressivement, après les avoir testées46 ( * ), les contraintes d'égalité, entre pays, des différents paramètres d'intérêt.

L'équation estimée est la suivante :

log(W it )=a0 i *c+(1-b1 i -b2 i )*log(W it-1 )+b1 i *log(P it )+b2 i *log(P it-1 )

+c1 i *log(Pc it -P it ) +c2 i *log(Pc it-1 -P it-1 )

+d1 i *log(Q it /N it )+d2 i *log(Q it-1 /N it-1 )

+e1 i *TCH it +e2 i *TCH it-1

+s i *SME it

-f i *(log(W it-1 /P it-1 )-log(Q it-1 /N it-1 )-g i *TCH it-1 )

où W it , P it , Pc it , Q it , N it , et TCH it sont respectivement, pour le pays i et à la date t, le coût du travail, le déflateur du PIB, le prix à la consommation, le PIB en volume, l'emploi total et le taux de chômage. Les variables commençant par sont des différences premières. La variable SME it représente le régime de change du pays i à la date t. Cette variable vaut 1 lorsque le pays i participe au mécanisme de change européen et 0 s'il n'y participe pas. Elle n'est en fait pertinente que pour le Royaume-Uni, l'Italie et la Finlande. Les autres pays sont, sur la période d'estimation (91T1 97T4), soit toujours dans le mécanisme de change européen (France, Allemagne, Pays-Bas, Danemark), soit jamais (Suède), et leur appartenance au SME est pris en compte dans la constante (effet fixe : a0 i ). Le Royaume-Uni et l'Italie sortent du mécanisme à la mi-septembre 1992. Puis, fin 1996 l'Italie réintègre le mécanisme (le 24 novembre) et la Finlande y entre pour la première fois (le 12 octobre).

Enfin, le taux de chômage est un indicateur imparfait de l'excès d'offre de travail. Il ne prend en compte que les demandeurs d'emploi déclarés et ainsi sous-estime le sous-emploi. Une mesure alternative, ayant vraisemblablement le défaut inverse de surestimer le sous-emploi, est le taux d'emploi qui intègre l'ensemble des personnes en âge de travailler. Les équations de salaires sont estimées en prenant comme indicateur des tensions sur le marché du travail soit le taux de chômage, soit le taux d'emploi, de façon à apprécier la robustesse de nos résultats.

* (27) 45 Une telle approche nécessite généralement l'étude préalable des propriétés statistiques des données. La relation statistique de long terme doit faire intervenir des données intégrées d'ordre un, et le résidu de cette équation doit être stationnaire. Dans cette étude, le nombre d'observations disponibles pour faire les tests de stationnarité est bien trop faible pour pouvoir justifier statistiquement nos choix de spécification. La forme de la relation de long terme repose donc essentiellement sur des considérations théoriques. Dans les relations (statistiques) de long terme estimées sur notre intervalle de temps, le taux de salaire réel est indexé sur la productivité du travail mais l'indexation n'est pas unitaire, ce que nous imposons dans la suite.

* (28) 46 Les tests du rapport de vraisemblance sont disponibles auprès des auteurs.

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