B. LA FUSION BAE - GEC MARCONI

La fusion entre BAe et GEC-Marconi, apparue comme une demi-surprise, a constitué une initiative considérée dans l'ensemble des pays européens, excepté la Grande-Bretagne sans doute, comme susceptible de constituer un obstacle sérieux sur la voie d'une intégration de l'industrie aéronautique européenne.

Cette approche se recommande sans doute de justifications fortes mais il apparaît cependant excessif de présenter cette fusion comme de nature à empêcher l'union de l'industrie aéronautique européenne, même si elle renvoie aux calendes la perspective d'un groupe électronique européen puissant.

La fusion intervenue en janvier 1999 a consisté en l'absorption par BAe des actifs d'électronique de défense de GEC regroupés dans Marconi Electonic Systems.

Structure du groupe GEC avant la fusion

GEC
General Electric Company

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

MARCONI
Electronic Systems

 

MARCONI
Communications

 

Électronique industrielle

Avionique

Systèmes navals

Ingénierie et technologie

Amérique du Nord

_________________________

 

Réseaux mobiles

Réseaux stratégiques

Réseaux Optiques

Réseaux de données

Communication de défense

_________________________

 

Picker

Gilbarco

Videojet

Avery Berkel

Woods Air Movement

EASAMS

Distribution & Trading

_________________________

Alenia Marconi Système (50 %)

Thomson Marconi Sonar (49,9 %)

Matra Marconi Space (49 %)

 

Comstar (50 %)

 

GDA (50 %)

Du point de vue financier, les arrangements pris à l'occasion de l'opération ont amené à rémunérer les actionnaires de GEC en leur distribuant 36,7 % du capital du nouveau groupe et en leur payant une soulte de 440 millions de livres selon un échéancier étalé sur quatre ans.

Ces conditions ont conduit alors à évaluer la transaction à 7,7 milliards de livres, soit une valorisation de Marconi jugée extrêmement favorable représentant plus de 18 fois le bénéfice d'exploitation de 1998.

Des considérations strictement financières excluant tout jugement sur le potentiel de Marconi amènent toutefois à relativiser ce jugement puisqu'aussi bien la rétribution des actionnaires de GEC devait être étroitement dépendante du cours des actions distribuées à eux. Les marchés ayant mal réagi à une opération entraînant dilution du capital de BAe, le bénéfice de la fusion pour les actionnaires de GEC s'est révélé très inférieur à ce qui était anticipé.

Une observation plus importante doit alors être faite : la fusion a certes appauvri les actionnaires de BAe, elle n'a, en revanche, pas beaucoup écorné les capacités financières de l'entreprise puisque ses débours réels ont été limités à la soulte évoquée plus haut. Dans ces conditions, les marges de manoeuvre financières de BAe sont restées quasiment intactes. On peut même considérer -v. infra- qu'elles ont été améliorées.

Le bilan financier de l'opération conduit alors à s'interroger sur les raisons profondes du refus que les dirigeants de GEC ont opposées à l'offre concurrente de Thomson.

La pertinence de cette interrogation est renforcée par la considération du volet stratégique de la fusion BAe-GEC.

L'intérêt industriel de cette opération conduit à examiner les avantages des concentrations verticales entendues par opposition aux concentrations horizontales.

Selon BAe, les avantages procurés par la fusion avec Marconi se déclinent autour des éléments suivants :

- l'amélioration de l'efficience opérationnelle à travers une meilleure gestion des programmes,

- une clientèle élargie,

- un potentiel de croissance accru du fait d'une capacité plus grande à satisfaire les besoins de la clientèle,

- des gains à l'exportation,

- des réductions de coûts à hauteur chaque année de 275 millions de livres,

- la réunion de capacités technologiques plus importantes,

- et des opportunités de carrière plus grandes pour les employés.

Il est significatif que la plupart des arguments produits par BAe concernent non pas les aspects industriels de la fusion mais ses aspects commerciaux.

Les arguments de nature industrielle sont soit assez vagues -l'amélioration de la capacité technologique-, soit quelque peu contradictoires. En effet, les réductions de coûts annoncées ne seraient que différées. Le bilan net de la fusion serait même négatif au cours des deux années à venir, les coûts de la fusion devant s'élever à 200 millions de livres contre un gain attendu de 190 millions. Ce n'est qu'au-delà que les diminutions de charge interviendraient sans que cette perspective soit assise sur des prévisions telles qu'on puisse leur accorder quelque crédit.

Rien de cela n'est véritablement étonnant. Les concentrations verticales ne sont pas assises sur la considération de synergies industrielles susceptibles de déboucher sur une optimisation des coûts de production et de recherche. C'est en ce sens que les propositions de Thomson auraient sans doute mérité un meilleur sort. Les seules réductions de charges réellement envisageables concernent en fait les coûts d'administration générale ou, éventuellement, les frais financiers.

La logique de l'opération est donc ailleurs.

Réside-t-elle dans les perspectives commerciales ouvertes par la fusion ? Une approche nuancée s'impose. Elle conduit à mettre en évidence l'importance des positions commerciales de Marconi qui opère sur des marchés porteurs et a un accès privilégié au marché américain. On rappelle à ce sujet que 64 % des 3,7 milliards de livres de chiffre d'affaires de Marconi Electronic Systems ont été réalisés à travers des ventes à l'étranger en 1998 et que, grâce au rachat de l'entreprise américaine Tracor, Marconi est le sixième électronicien présent aux États-Unis. Il est à ce titre associé à des programmes aussi importants que le JSF.

Mais, en contrepartie, les dangers d'une intégration verticale doivent être soulignés si celle-ci devait se traduire par des préférences économiquement injustifiées. En outre, l'aversion américaine à l'égard des concentrations verticales manifestée spectaculairement avec le refus de la fusion entre Lockheed - Martin et Northrop - Grumman pourrait nuire aux positions commerciales du nouveau groupe.

Au fond, le seul intérêt totalement incontestable de l'opération semble résider dans l'acquisition d'une entité très profitable ayant atteint un niveau élevé de retour sur chiffre d'affaires (11,3 % en 1998) moyennant un prix effectif modeste.

Cet aspect des choses, ironie du sort, renforce la portée très négative de l'initiative de BAe au regard du processus d'intégration des industriels européens. Il tend à accroître les écarts de performance financières entre les partenaires. Mais, l'essentiel est ailleurs. L'intégration des actifs de GEC-Marconi dans l'entreprise aéronautique unique voulu par les pouvoirs publics européens n'est pas souhaitable.

L'entreprise aéronautique unique a vocation à regrouper les forces de l'aéronautique sur la base de concentrations d'actifs horizontale, par métiers, et non d'introduire dans son périmètre des électroniciens qui, par leur intégration dans l'entreprise, apparaîtraient comme des fournisseurs obligés.

En outre, la très forte vocation américaine de GEC-Marconi rend tout à fait inenvisageable pour l'entreprise aéronautique mais aussi pour GEC-Marconi elle-même une telle solution. La filialisation des activités électroniques de BAe s'imposera.

Sera-t-elle suffisante pour restaurer les conditions du regroupement de l'aéronautique européenne ?

La réponse à cette question dépend de façon cruciale des équilibres de l'entité qui en résulterait, ce qui en fait que rendre plus nécessaire encore l'émergence d'une entreprise sans suprématie.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page