11.  Respect des obligations et engagements contractés par l'Albanie - Intervention de M. Jean-Claude MIGNON, député (RPR) (Mercredi 29 janvier)

Devenu membre il y a un an et demi, l'Albanie a notamment ratifié la Convention européenne des Droits de l'Homme, plusieurs de ses Protocoles ainsi que la Convention pour la prévention de la torture. Elle a instauré, sans l'avoir officiellement déclaré, un moratoire sur les exécutions des peines de mort.

Des progrès énormes, certes, estime le rapporteur qui regrette cependant que l'Albanie ait limité le droit à des élections libres. Selon une réserve formulée, pour une durée de 5 ans, au Protocole n° 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, les élections sont soumises à des lois albanaises qui privent une catégorie de personnes de toute participation au niveau national et local. Ces lois, incompatibles avec les principes d'un Etat de droit doivent, selon le rapporteur, être abrogées ou modifiées substantiellement dans un proche avenir.

En ce qui concerne la police, le rapport stipule que des actions illégales commises par des policiers doivent être sanctionnées sans délai. Une coopération renforcée avec le Conseil de l'Europe en matière de réforme de l'Académie de police lui paraît également nécessaire.

Des progrès ont été enregistrés, notamment en matière d'indépendance du pouvoir judiciaire et de réforme du Parquet. Des réformes concernant la nomination, la révocation et l'immunité des juges et procureurs devraient cependant être poursuivies.

Le rapporteur souligne la nécessité d'un régime fiscal équitable pour la presse et souhaite une amélioration de l'accès des médias aux informations officielles, ainsi que des reportages politiques impartiaux à la télévision.

Pour permettre à l'Albanie de poursuivre ses réformes, le rapporteur demande un renforcement de l'assistance financière et d'experts du Conseil de l'Europe.

M. Jean-Claude MIGNON, député (RPR), s'est exprimé dans les termes suivants :

" Monsieur le Président, chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour faire le point sur le respect des obligations et des engagements contractés par l'Albanie. Je tiens avant tout à témoigner, de par mon expérience et mes discussions avec des Albanais, qu'ils soient dirigeants ou simples citoyens, de leur formidable volonté de s'inscrire dans la lignée des pays respectant leurs engagements. Je tiens vraiment à saluer cette volonté qui ne se traduit pas seulement par la signature d'accords, mais qui se manifeste aussi de façon concrète à travers le vaste plan de réformes engagé.

Il y va désormais de notre devoir d'aider ce pays à franchir les obstacles sur la voie qu'il a choisie et qui le mène vers la démocratie. Je ne voudrais pas seulement limiter notre rôle à celui d'observateurs qui se contentent de faire le bilan sur ce qui a été fait et sur ce qui reste à faire en Albanie. Bien évidemment, cette étape est nécessaire et s'inscrit dans un processus plus large de partenariat. La fin de la division de l'Europe nous a offert une chance historique, celle de parvenir à un continent où " démocratie pluraliste et parlementaire, universalité des droits de l'homme et prééminence du droit " seront les mots clés.

L'Albanie a choisi la démocratie et tout ce que cette notion suppose réellement : le respect des droits et des libertés de chacun. Depuis que l'Albanie est devenue Etat membre du Conseil de l'Europe, cette république a fait d'énormes progrès dans le respect des obligations et des engagements qu'elle avait alors contractés. Je ne souhaite pas faire aujourd'hui point par point l'inventaire de ces progrès ou des manques à combler. Je me contenterai de souligner les avancées qui, à mes yeux, m'apparaissent significatives et les efforts que l'on pourrait attendre de l'Albanie, pays démocratique.

Sur le plan de la situation extérieure, on ne peut qu'encourager la République d'Albanie à poursuivre dans la voie de la tolérance et du dialogue. Comme le soulignait un de mes collègues de la Commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale française, auteur d'un rapport au nom de cette commission sur l'Albanie : " La politique extérieure de l'Albanie est sage en dépit d'une situation des nationalités dans les Balkans qui l'intéresse directement ".

En effet, la situation de l'Albanie est unique en Europe centrale et orientale : sa diaspora est estimée à 2,5 millions de personnes alors que sa population est de 3,4 millions. La population issue de cette diaspora s'est installée sur les territoires jouxtant l'Albanie. La tentation de reconstituer une grande Albanie était forte, mais ce pays a su y résister. Même sur la question du Kosovo, province rattachée à la République de Yougoslavie et peuplée à 90 % d'Albanais, l'Albanie se borne à demander l'autonomie. Par ailleurs, depuis la signature d'un traité d'amitié avec la Grèce en mars 1996 sur l'ouverture d'écoles grecques pour la minorité grecque, les relations entre ces deux pays sont devenues plus sereines.

Sur le plan de la politique intérieure, l'Albanie a fait preuve, dans des délais relativement courts, de beaucoup de volonté et de pragmatisme pour parvenir au respect des engagements qu'elles avaient pris lors de son adhésion au Conseil de l'Europe. Il convient, entre autre, de noter les progrès effectués dans le sens de l'indépendance du pouvoir judiciaire, la ratification récente de la Convention européenne des Droits de l'Homme et de la Convention pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, la signature de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, l'adoption et la mise en vigueur de lois de décommunisation.

D'énormes progrès ont déjà été réalisés dans le sens d'une plus grande démocratie mais d'autres doivent l'être. Les élections de mai 1996 qui ont conduit le Parti démocratique albanais du Président Berisha à la majorité absolue ont été contestées par l'opposition et par le bureau des élections locales d'octobre 1996. L'Albanie a refusé les services de l'OSCE préférant que ce soit notre Conseil de l'Europe qui observe le scrutin. La délégation du Conseil de l'Europe s'est déclarée " satisfaite du déroulement des élections tout en regrettant quelques cas d'irrégularités ".

Je ne prétendrai pas que cette situation est normale, ni que la liberté d'expression des médias, la liberté de réunion, l'indépendance du pouvoir judiciaire soient entièrement assurés. Je pense cependant qu'il faut en chercher les raisons dans les circonstances qui ont présidé à la libération de l'ancien régime communiste. N'oublions pas d'où revient l'Albanie et le chemin qu'elle a déjà parcouru ! Et est-il vraiment nécessaire, comme les Etats-Unis le réclament, de demander l'adoption d'une nouvelle Constitution et des élections anticipées ? Je ne crois guère au bien-fondé de ce type d'action. Il faut être plus modéré dans ses propos et ne pas sous-estimer les efforts déjà entrepris par l'Albanie.

Je souhaiterais que par un dialogue ferme mais ouvert, tous ensemble, dans un processus consensuel et en douceur, nous parvenions à retrouver une vie institutionnelle normale en République d'Albanie.

Enfin, en tant que parlementaire français, je me réjouis du traité d'entente, d'amitié et de coopération qui a récemment été conclu entre la République d'Albanie et la République française. Aidons l'Albanie à devenir comme elle le souhaite, une vraie démocratie. Le Président Berisha affirme ses priorités, à savoir le rapprochement avec l'Union européenne pour ce qui concerne l'économie et avec les Etats-Unis pour les questions de sécurité. Dans cette perspective, il serait peut-être souhaitable de soutenir, comme la France le fait déjà, le principe de la conclusion d'un accord d'association entre l'Albanie et l'Union européenne. "

A l'issue du débat, la résolution 1114, amendée, contenue dans le rapport 7716 a été adoptée à l'unanimité, ainsi que la recommandation 1312, amendée, contenue dans le rapport 7716.

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