14. Politiques européennes de transport aérien - Intervention de M. François LESEIN, sénateur (RDSE) (Vendredi 25 avril)

Selon son rapporteur, le transport aérien risque de subir une profonde mutation au cours des prochaines années avec l'augmentation continue du nombre de passagers.

L'évolution technologique et les transformations du marché - notamment la déréglementation de l'aviation en Europe - vont modifier la configuration du transport aérien. La congestion dans le ciel et au sol obligera aussi les compagnies aériennes à adopter de nouveaux usages.

Les mesures proposées par l'Assemblée pour améliorer le transport aérien consistent notamment :

- à aider l'aviation européenne à faire face à la concurrence mondiale tout en lui conservant son aptitude à répondre aux besoins des consommateurs, sa santé économique et son respect de l'environnement ;

- à mieux intégrer les pays d'Europe centrale et orientale au sein d'un " Espace aéronautique européen commun " ;

- à préparer le secteur au doublement du transport aérien de passagers et de fret qui devrait intervenir d'ici à l'an 2005, en augmentant la capacité des aéroports et en assurant une meilleure intégration avec les autres moyens de transport ;

- à rendre les aéroports plus efficaces en prévoyant pour s'y rendre des moyens de locomotion qui soient à la fois rapides et respectueux de l'environnement, avec possibilité d'enregistrement sur des trains directs ;

- à aider l'Europe à s'adapter aux innovations technologiques, par exemple avec la réservation sans billet et les systèmes de navigation par satellite.

L'Assemblée parlementaire constitue le forum parlementaire de la Conférence européenne de l'aviation civile. La CEAC compte 23 membres qui sont aussi, à l'exception d'un seul (Monaco), tous membres du Conseil de l'Europe.

M. François LESEIN, sénateur (RDSE), prend alors part au débat :

" Monsieur le Président, mes chers collègues, je suis évidemment gêné d'intervenir aujourd'hui dans un débat sur l'avenir de l'aviation civile. Je suis parfaitement conscient des difficultés que vous causent les mouvements de grève qui affectent les transports notamment au départ de Strasbourg.

Nous ne pouvons pas, ici, seconder des revendications qui auraient pour objet le maintien de privilèges ou de rentes de situations liés à des monopoles aujourd'hui condamnés. Aussi, je vous demande, mes chers collègues qui n'êtes pas français, d'accepter les excuses de la France pour la gêne que vous subissez aujourd'hui.

Nous nous devons d'être attentifs à l'ampleur du mouvement de dérégulation en cours après la complète libéralisation des dessertes intra-européennes. La prochaine étape verra, dès le 1er janvier prochain, la libre circulation des brevets et des licences du personnel navigant et technique.

Plus que jamais, l'union de l'Europe s'impose pour accompagner cette libéralisation de mesures d'harmonisation techniques et sociales, car il convient d'éviter non seulement le dumping des salaires, mais surtout la concurrence par le bas des qualifications et des contrôles. L'avantage apparent qu'apporte au consommateur la concurrence par l'abaissement des coûts, et donc des prix, aurait peu de sens, et c'est un euphémisme, si l'avantage de prix s'obtenait par un affaiblissement de la sécurité.

Plus que jamais encore, la concertation et l'union de l'Europe sont nécessaires pour négocier une libéralisation harmonieuse au niveau international.

En effet, si l'Europe ouvre peu à peu ses transports aériens à la libre concurrence, non seulement intra-européenne mais mondiale, certains Etats, tout en prêchant le libéralisme le plus extrême se gardent bien d'en offrir les avantages dans leur propre ciel à la concurrence étrangère.

Ainsi, les Etats-Unis d'Amérique ont pour volonté d'obtenir des accords de "ciel ouvert" avec l'Europe, accords déjà largement établis en raison d'une fâcheuse dispersion des négociations. En revanche, ils refusent aux compagnies étrangères des droits de cabotage sur le vaste territoire des Etats-Unis et ils interdisent aux compagnies étrangères de prendre le contrôle effectif de compagnies américaines.

Je voudrais encore citer un événement très préoccupant pour l'industrie aéronautique européenne. Le plus grand constructeur d'avions américain, qui vient d'ailleurs de se renforcer en absorbant un concurrent et qui domine largement le marché mondial, est en train de négocier avec des compagnies aériennes des contrats de fourniture exclusive d'avions pour vingt, voire trente ans. Il y a là, à l'évidence, une entente qui entrave la libre concurrence. Je m'interroge sur la conformité de ces contrats de fourniture exclusive aux règles de l'Organisation mondiale du commerce.

Il est évident que ces contrats créent des marchés captifs pour ce constructeur, déjà dominant, et interdisent aux constructeurs européens de proposer en toute transparence des avions aux compagnies ainsi liées. Tandis que le fournisseur exclusif, sûr de ses débouchés, peut tout à loisir mettre au point et amortir ses modèles, les constructeurs européens, eux, se voient exclus des marchés les plus rentables par ces ententes verticales, qui d'ailleurs auront un effet négatif sur le progrès technique et affaibliront, bien sûr, la concurrence.

Le libéralisme ne peut être, selon le mot fameux, " un renard libre dans un poulailler libre ".

Plus que jamais, avec vous, je pense, l'Europe doit s'unir pour maintenir des normes sociales conformes aux attentes de nos concitoyens, pour soutenir le progrès technique au bénéfice de tous et, surtout, pour garantir la sécurité du transport aérien. "

La résolution 1124, amendée, contenue dans le rapport 7778 est adoptée.

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