15. Protection des minorités nationales - Intervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) (Mercredi 24 septembre)

Selon le rapporteur, la protection des minorités nationales demeure un élément essentiel de la paix et de la sécurité en Europe et les instruments juridiques et politiques internationaux ne manquent pas ; seule la volonté politique de les accepter et de les mettre en oeuvre reste insuffisante.

La protection des minorités est encore trop souvent assimilée à un problème de politique étrangère plutôt qu'intérieure.

Il importe que les Etats membres du Conseil de l'Europe ratifient, mettent en oeuvre et respectent les instruments juridiques de l'Organisation : la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales et minoritaires.

Seules quelques ratifications sont encore nécessaires pour que ces instruments entrent en vigueur à l'occasion du deuxième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, qui se tiendra les 10 et 11 octobre 1997 à Strasbourg.

Le rapport invite l'Union européenne à utiliser les résultats des exercices de monitoring du Conseil de l'Europe afin d'évaluer dans quelle mesure les droits des minorités sont respectés. De plus, il demande un accroissement des fonds consacrés aux mesures de confiance du Conseil de l'Europe dans le but de prévenir les conflits entre minorités.

M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI), intervient en ces termes :

" Le débat sur la protection des minorités nationales en Europe me permet de rappeler à l'Assemblée les risques d'une politisation de ce sujet et d'en faire une nouvelle idéologie.

La richesse culturelle et linguistique de notre continent est liée à son histoire mouvementée, faite de conquêtes militaires, de mouvements migratoires volontaires ou de populations déplacées Le résultat en fut un morcellement de l'Europe en de multiples entités nationales. Jusqu'à récemment, l'affirmation d'une identité se faisait au détriment d'une autre, l'exemple yougoslave étant le dernier en date. Le Conseil de l'Europe, dans sa défense des droits de l'homme, s'attache à inverser cette logique en permettant aux différentes identités culturelles et linguistiques de s'exprimer dans le cadre national. L'adhésion des pays européens au Conseil de l'Europe contribue d'ailleurs à améliorer cette protection.

Pourtant, il serait faux de croire que la protection des minorités nationales passe forcément par l'élaboration de nouveaux textes juridiques contraignants. Le Conseil de l'Europe et l'Union européenne ont inscrit le respect des droits de l'homme et des libertés individuelles dans leurs textes fondateurs. Toute adhésion à ces institutions implique le respect de ces droits fondamentaux.

Enfin, il ne faut pas oublier que les minorités nationales n'ont pas les mêmes caractéristiques : quoi de commun entre les Basques et les Russes en Lettonie ; les Corses et les Allemands des Sudètes, entre les Tchétchènes et les Gallois. Il serait donc naïf, voire dangereux, de vouloir régler un problème aux multiples facettes avec l'adoption d'un texte unique et valable pour tous les cas relevés en Europe.

La définition même de minorités nationales suscite de vives polémiques. Le pragmatisme et la subsidiarité sont les meilleures réponses à cet épineux dossier.

L'Europe, la construction européenne, ne doivent pas être à l'origine de déchirements au sein des Etats qu'elle se propose de réunir et de fédérer. En effet, ce n'est pas par des dispositions telles celles prévues à l'article 11 du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme que l'on favorisera la ratification par les Etats.

Le rôle du Conseil de l'Europe doit rester celui de promouvoir les droits de l'homme en Europe, notamment ceux des enfants, mais certainement pas d'inciter les minorités à faire sécession ou de contester l'autorité centrale d'une manière plus ou moins violente. Pour ma part, je considère que la ratification de nouveaux instruments juridiques n'est pas nécessaire à la protection des minorités nationales. Les textes existants sont suffisants et le bilan est plutôt positif, même si des améliorations doivent être apportées dans certains pays.

Pour conclure, je m'interroge sur la pertinence de l'adoption de textes par le Comité des Ministres, que les gouvernements ne ratifient pas par la suite. C'est une étrange conception de leur rôle au Conseil de l'Europe. S'il s'agit de se donner bonne conscience, ils feraient mieux d'intervenir politiquement auprès de pays récemment admis, qui ont d'énormes progrès à faire sur la protection des minorités nationales et, pourquoi pas, auprès de certains invités spéciaux au Conseil de l'Europe. "

La recommandation 1345, figurant dans le rapport 7899, amendée, est adoptée à l'unanimité.

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