B. LE DIAGNOSTIC S'AVÈRE TRÈS LARGEMENT CONTESTÉ PAR LES PARTENAIRES SOCIAUX

L'échec était sans doute prévisible. Ardue, la tâche s'est d'ailleurs avérée très vite compromise.

Dès le début, et par écrit, la CGT-FO précisait qu'elle ne pouvait pas s'engager sur un objectif de diagnostic partagé, rappelant notamment qu'un consensus peut se constater a posteriori mais non se décréter a priori .

Dans un courrier adressé à M. Jean-Michel Charpin, le 22 octobre 1998, M. Marc Blondel, Secrétaire général, écrivait en effet : " Qu'il s'agisse du rôle et des modalités de la protection sociale collective, de la prise en compte des effets importants des orientations en matière de politique économique mais aussi des questions telles que la démographie où les experts eux-mêmes débattent contradictoirement, il est par définition difficile de préjuger d'un diagnostic commun. Autant la démocratie qui sied au Plan est importante, autant il apparaît pour le moins audacieux de postuler a priori un objectif consensuel. "

A l'issue du processus de concertation, il est apparu que le contenu du rapport, " L'avenir de nos retraites ", faisait l'objet de critiques sévères de la part des partenaires sociaux, à l'exception de la CFDT dont les réactions apparaissent les plus mesurées.

Ces critiques et remarques, qui figurent en annexe du rapport sous la rubrique " Avis des organisations " et qui ont été abondamment relayées par les médias, portent autant sur les hypothèses et les résultats des projections que sur les pistes de réformes envisagées par le rapport.

1. La contestation des hypothèses et des résultats des projections

Dans leurs contributions écrites, plusieurs organisations se rejoignent pour formuler un certain nombre de critiques méthodologiques.

Certaines organisations syndicales regrettent le choix d'hypothèses qu'elles qualifient souvent de " pessimistes ", voire, pour la CGT, de " catastrophistes ".

La CFE-CGC souligne ainsi " qu'elle a apprécié la qualité des travaux de l'équipe du Plan et du dialogue qui a été mené, même si elle ne partage pas le pessimisme des hypothèses imposées et si elle regrette un certain nombre de lacunes dans les pistes ouvertes. "

Pour la FSU, " l'utilisation des prévisions démographiques est biaisée : pour les besoins de la cause, l'évolution du rapport actifs/retraités est privilégiée par rapport à celle du rapport actifs/ensemble des inactifs, qui s'accroît beaucoup moins vite que le premier.

" - Le rapport table sur la poursuite de ce que certains économistes ont appelé la " crise de la productivité " : c'est ce que traduisent les hypothèses d'une augmentation tendancielle de 1,7 % de la productivité du travail, et de 1,5 % de la productivité globale. Ces hypothèses ne sont pas argumentées, et le rapport rejette d'un revers de main l'idée que l'avènement des nouvelles technologies pourrait à terme engendrer d'importants progrès de productivité ;

" - Il prend comme hypothèse centrale celle d'un taux de chômage de 6 %, en avançant l'idée scandaleuse que ce taux de " chômage structurel " correspond au pourcentage que représenterait la main d'oeuvre inemployable, que -compte tenu de l'" inadaptation " de ses qualifications- la collectivité serait incapable d'insérer.

" Ces hypothèses traduisent une attitude inacceptable de démission dans la lutte nécessaire pour le développement de la croissance et de l'emploi. Elles reflètent en même temps la soumission à une " pensée unique ", qui ne prend même pas en compte les avancées récentes de la théorie économique " standard ", alors que ces dernières mettent en évidence la capacité des dépenses collectives utiles (formation, recherche...) à provoquer une croissance " endogène ".


Pour sa part, le Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA) s'élève " contre la procédure d'intégration des revenus du patrimoine, ô combien disparates, dans les ressources des retraités ce qui a permis un constat de parité entre ces dernières et celles des actifs. Il faut comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire les salaires des actifs et les pensions des retraités. "

La CFTC met l'accent sur " l'insuffisante prise en compte de la variable démographie du pays (nombre d'habitants) bien qu'elle n'offre pas une grande sensibilité quant au résultat jusqu'à 2040. "

La plupart des organisations syndicales relativisent en outre la fiabilité de projections réalisées à un horizon aussi lointain.

La CFTC souligne ainsi : " Reste que décrire la situation économique de la France dans 30 ou 40 ans, le niveau du PIB et sa ventilation, le taux d'activité et donc le niveau du chômage, l'incidence des flux financiers... semble aventureux. Une grande prudence dans les prévisions s'impose donc. "

Pour la CGT, " Personne ne peut déterminer aujourd'hui à quel âge on devra partir en retraite dans trente ou quarante ans car personne ne sait aujourd'hui ce qu'il adviendra d'ici là de la société dans laquelle nous vivons. Quelle démographie, quelle immigration, quel allongement de la durée de vie sans incapacité physique ou intellectuelle, quels gains de productivité ? Quelle durée de travail hebdomadaire, annuelle, quelle organisation du travail et notamment quel partage tout au long de la vie active entre temps de formation, temps d'activité professionnelle, temps d'activité sociale, temps de repos, de loisirs, de vacances, etc. ? "

La FEN-UNSA remarque que " l'apparence de vérité absolue que présentent les nombres pourvus de décimales conduit à rejeter dans l'ombre les remarques méthodologiques qui devraient en atténuer singulièrement la portée. "

La CFE-CGC déclare pour sa part : " il nous semble nécessaire de ne pas nous appuyer sur des projections théoriques qui sont le reflet de modèles d'ores et déjà dépassés, afin qu'un véritable débat puisse s'instaurer. "

S'agissant des résultats des projections et du diagnostic proprement dit, certaines organisations syndicales et patronales contestent les analyses du rapport, regrettant parfois que l'accent n'ait pas été mis sur tel ou tel aspect.

A l'inverse de ce qu'avance le rapport, la CFTC fait valoir : " Des analyses qui ont été faites et qui ont été exposées devant la commission de concertation du Plan, il ressort que la variable la plus sensible sur la question des retraites est celle de l'emploi. Il apparaît donc indispensable de lier les études sur évolution de l'emploi et évolution des retraites. "

Pour sa part, la CGT-FO s'interroge : " Nous ne pourrions plus payer les retraites en 2040 ? Qui aurait envisagé en 1960 qu'en l'an 2000, nous assumerions les taux de remplacement actuels avec plus de 3 millions de chômeurs et 1 million de RMIstes ? Nous refusons donc de nous laisser enfermer dans un carcan monétariste et comptable. "

Le MEDEF juge que le contenu du rapport " ne reflète (...) pas la réalité d'aujourd'hui qui est le mode de calcul très avantageux des retraites des régimes spéciaux, nonobstant l'absence de prise en compte des primes pour le calcul des pensions, primes qui ne sont d'ailleurs pas assujetties à cotisations. Il est néanmoins souligné que l'écart devrait se creuser entre les assurés des régimes qui ont fait l'objet de réformes et les autres, ce qui est en réalité déjà le cas.

" De plus, cette présentation masque l'élément essentiel, c'est-à-dire que calculé par rapport à la cotisation payée par le salarié, le retour sur contributions est beaucoup plus favorable pour les retraités du secteur public. "


Pour le MEDEF, " l'équilibre des régimes spéciaux est en effet garanti par une contribution massive de l'employeur, baptisée " subvention d'équilibre " ou " cotisation fictive ". Or, ce sont, pour la plus grande part, les employeurs et les salariés du secteur privé qui bénéficient des retraites les moins importantes, et les usagers du secteur privé qui assument, par l'impôt et à travers le coût des services publics, le surcoût des retraites du secteur public.

" Les systèmes de retraite fonctionnent selon une logique de solidarité à l'envers, ce sont ceux qui ont le moins d'avantages qui contribuent pour garantir les avantages plus élevés des autres. "


La CFTC juge au contraire que " La méthode de travail choisie par le Commissariat général du Plan conduit à la " dramatisation " du problème de la retraite. De plus, l'orientation du débat conduit systématiquement à la remise en cause des régimes spéciaux et plus particulièrement de celui des fonctionnaires ". Elle considère que cette dramatisation est " inutile ".

Il apparaît au total, et ceci a été confirmé lors des nombreuses auditions auxquelles votre rapporteur a procédé, que la partie proprement diagnostic du rapport, c'est-à-dire l'état des lieux et les projections à long terme, ne fait l'objet d'aucun consensus parmi les partenaires sociaux.

Les critiques sont naturellement plus vives encore à l'égard des propositions que contient le rapport.

2. Le rejet des propositions

Parmi les organisations syndicales, seule la CFDT " se retrouve dans les 12 constats dégagés par la commission et partage le diagnostic établi. " ; elle juge la réforme des retraites " indispensable " et " urgente " : " indispensable car le système de retraite par répartition a fait ses preuves et doit absolument pouvoir continuer à assurer des pensions d'un bon niveau aux salariés, c'est l'objectif premier pour la CFDT " ; " urgente : cinq ans est un délai très court pour se préparer à faire face au choc démographique ; il n'y a donc plus de temps à perdre. ".

L'allongement de la durée de cotisation fait ainsi l'objet d'un rejet quasi unanime de la part des organisations syndicales, à l'exception de la FNSEA.

Ainsi, pour la FNSEA, " la proposition d'allonger progressivement la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier de la retraite au taux plein doit être approuvée. Cette mesure doit évidemment être appliquée à tous les régimes de retraite mais elle doit être complétée par divers aménagements de la réglementation actuelle. ".

En revanche, la CFTC note que " l'allongement de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein, qui est envisagé par le Commissariat général du Plan, s'inscrit à contresens de la situation actuelle de l'emploi, marquée par le chômage massif des jeunes, la précarité et les cessations précoces d'activité. ".

Les retraites au péril du libéralisme 5( * )
ou la critique radicale du rapport Charpin

Dans cet ouvrage collectif rédigé par un groupe de travail réuni sous l'égide de la Fondation Copernic, les auteurs s'efforcent de montrer que " l'organisation actuelle des retraites ne doit pas fondamentalement être remise en cause, qu'elle avait en elle-même les capacités, la souplesse, la vitalité pour résoudre les problèmes qui pourraient éventuellement se poser dans les prochaines décennies. " Une conclusion découle de ces travaux : " il n'est pas acceptable, sur la base d'hypothèses discutables, de prendre aujourd'hui des mesures régressives socialement pour résoudre d'hypothétiques problèmes en 2040. "

Pour les auteurs, " Deux mesures sont ainsi envisagées : outre l'augmentation du nombre d'annuités nécessaire pour avoir droit à une retraite à taux plein, il s'agit d'instaurer des fonds de pension comme appoint à la répartition. Il faut comprendre à quel point ces deux mesures sont complémentaires. L'augmentation du nombre d'annuités reviendra de fait pour beaucoup de salariés à une baisse importante des niveaux des pensions issues de la répartition. Cette baisse programmée sera un " encouragement " pour ceux qui en ont les moyens (les mieux payés dans les grandes entreprises, quant aux autres...), bénéficiant pour cela d'aides financées par la collectivité, d'adhérer à des fonds d'épargne censés leur verser une rente complémentaire. "

Selon les auteurs, " Sans surprise, le rapport Charpin donne son aval à la mise en oeuvre du fonds de réserve qui vient d'être créé par le gouvernement. Ce fonds de réserve, dont le rapport préconise qu'il soit essentiellement placé en actions, n'est évidemment rien d'autre qu'un fonds de capitalisation. Nous avons montré au cours de ce livre que la capitalisation ne pouvait en aucun cas répondre au problème démographique. C'est pourtant cette illusion que le rapport colporte à propos du fonds de réserve. "

Les auteurs considèrent que " l'introduction de fonds de pension, loin d'être le complément harmonieux d'une répartition consolidée, en serait le fossoyeur. Les régimes de retraites échappaient pour l'essentiel à l'emprise du capital. L'extension du champ de la finance entraînerait un nouvel affaiblissement des possibilités de décision démocratique. La cohésion du salariat, déjà mise à mal par le développement du chômage et de toutes les formes de précarité, serait encore plus entamée. Bref, l'offensive néolibérale aurait remporté un nouveau succès. "

Celui-ci n'est pourtant pas inévitable " Certes, toute la communication mise en oeuvre vise justement à essayer de délégitimer les mobilisations possibles. C'est l'objectif du rapport Charpin et de sa présentation médiatique. Nos gouvernants, échaudés par le mouvement de décembre 1995 - Lionel Jospin a eu une phrase révélatrice de sa pensée profonde en disant que la méthode Juppé avait fait perdre 4 ans-, ont utilisé les séances de la commission Charpin comme une préparation d'artillerie pour essayer de paralyser la volonté de riposte des salariés. Les accusations habituelles d'archaïsme et de corporatisme à l'endroit de ceux qui refusent la logique libérale ayant montré leurs limites, la " science économique " a été convoquée pour démontrer le caractère inévitable des mesures à prendre. " (...)

" Car, au-delà du débat intellectuel absolument indispensable, c'est bien maintenant de mobilisation sociale qu'il devrait s'agir. Celle-ci doit certes d'abord bloquer des projets qui signifieraient, s'ils étaient appliqués, une régression sociale majeure. Mais il serait insuffisant d'en rester là. Nous ne pouvons par exemple nous satisfaire des inégalités programmées par la réforme de 1993 entre salariés du privé et du public. Revenir sur celles-ci doit permettre de rétablir une équité mise à mal par le gouvernement Balladur. Plus largement, il faut imposer un véritable débat démocratique sur l'avenir des retraites. Il doit permettre de poser les alternatives réelles en matière des grands choix sociaux qui doivent être l'objet d'une maîtrise consciente de la part des citoyens. "


La CFE-CGC s'interroge : " Comment peut-on proposer, sans réflexions préalables, un allongement de la durée de carrière en pronostiquant un taux de chômage à 9 % et en ignorant les pratiques actuelles de gestion des fins de carrières par des entreprises qui qualifient " d'âgés " les salariés dès 50 ans ? A tout le moins un engagement financier de l'Etat est indispensable pour garantir le maintien dans un régime indemnitaire de tous les salariés privés d'emploi avant 60 ans, jusqu'à ce qu'ils puissent bénéficier de leurs droits à une retraite sans abattement. ".

Pour la CGT, " l'allongement de la durée de cotisation n'est pas la solution au problème du financement des retraites dans un contexte de sous-emploi. Reculer aujourd'hui l'âge de la retraite reviendrait :

" - soit à transférer des charges assumées aujourd'hui par les régimes de retraite sur le régime d'assurance chômage ; on ferait alors le très mauvais choix de financer du chômage, y compris pour les jeunes, plutôt que de la retraite ;

" - soit à contraindre les salariés âgés de soixante ans à faire liquider leur retraite avec un montant de pension amputé d'un tiers, ce qui serait socialement inacceptable et économiquement dommageable. "


Pour la CGT-FO, " accepter a priori et comme évidence que seul l'allongement de la durée de cotisation sauvera la retraite par répartition relève du pathétisme et/ou de la provocation. "

La CGT-FO estime ainsi que " le rapport du Plan se livre à un exercice dialectique préconisant des conditions similaires pour les salariés des services publics et privés, mais avec un alignement par le bas. C'est l'objet de la proposition de porter la durée de carrière à 42,5 ans pour tous. L'équité positive, progressiste eut consisté à ramener la durée de cotisation à 37,5 ans dans le privé ; à cet égard, nous tenons à rappeler que les 40 ans de cotisation est la mesure qui rapporte le moins dans la réforme de 1993.

" L'allongement de carrière trouverait sa justification dans l'allongement de l'espérance de vie : un trimestre de vie supplémentaire égale un trimestre de travail supplémentaire ? Où est le progrès social ? En fait la motivation n'est que financière et nous renvoie à l'un de nos précédents propos ; toutes choses égales par ailleurs, maintenir 1.400.000 salariés âgés de plus de 60 ans dans l'emploi en 2040, c'est une chose mais que fait-on d'autant de jeunes qui piétinent à la porte des entreprises et se désespèrent de la société ? "


La contribution de la CGT-FO s'achève d'ailleurs par cette phrase menaçante : " Ce que nous avons combattu avec succès en novembre-décembre 1995, nous ne saurions l'accepter en 1999. "

L'UNSA note pour sa part : " Alors qu'aucune tendance lourde de retour au plein emploi ne se dessine, une des préconisations du Commissaire général du Plan conduit à repousser de fait l'âge de départ à 65 ans ou plus pour bénéficier d'une retraite convenable, par le biais d'un allongement à 42,5 ans de la durée d'affiliation requise associée à un système d'abattement fortement pénalisant. Si la version finale du rapport envisage des prises en compte de périodes d'études ou d'apprentissage, les effets d'un tel allongement risquent d'être particulièrement pernicieux pour ceux des salariés, généralement les moins qualifiés, qui auront pendant des années de galère enchaîné " petits boulots précaires ", périodes de chômage (indemnisé ou non, validé ou non), RMI et autres CES.

" S'agissant des agents de la fonction publique et des services publics, l'aggravation des règles de calcul envisagées (abattements et 42,5 ans) prend un tour d'autant plus inadmissible qu'il n'est pas tenu compte du fait qu'il s'agit de régimes statutaires, avec dans certains secteurs, une majorité de départs en retraite avec une pension proportionnelle liée à une carrière incomplète. Il n'est pas tenu compte enfin des spécificités d'emploi se traduisant par l'exigence de limites d'âge. "


L'UNSA ajoute : " Nous sommes d'autant plus opposés à la proposition de passage aux 42,5 ans, que cette mesure aurait pour effet d'aggraver sensiblement, de notre point de vue, les inégalités en matière de retraites dont sont victimes, aujourd'hui déjà, les femmes. "

La FSU refuse l'allongement de la durée d'assurance requise pour avoir le taux plein : " Le rapport ne craint pas la contradiction avec le constat fait dans le chapitre II selon lequel " l'âge de cessation d'activité est devenu, dans un contexte de fort chômage, un instrument de la politique de l'emploi ". Il prétend résoudre cette contradiction en affirmant que " cette réforme suppose un contexte économique modifié ", mais -comme on l'a vu- il fait totalement l'impasse sur les conditions par lesquelles ce contexte pourrait être transformé, et il se résigne même dans les faits à ce qu'il reste inchangé.

" Dans la mesure où cette mesure s'inscrit dans le cadre de la renonciation à la lutte contre le chômage, ou bien on joue les générations les unes contre les autres -les jeunes voyant leur entrée dans la vie active contrariée par le maintien au travail de salariés plus âgés-, ou bien on programme une amputation drastique des retraites. "


Enfin, le Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA) insiste " pour qu'en aucun cas un allongement de la durée d'assurance requise pour avoir le taux plein ne se traduise pas une baisse contrainte du taux de remplacement et souligne l'incompatibilité de cette mesure avec le sous emploi des jeunes et la sortie anticipée de la vie active. ".

Les organisations patronales sont en revanche favorables à l'allongement de la durée de cotisation, le MEDEF considérant, pour sa part, que le passage à 170 trimestres de cotisation est, à terme, insuffisant.

Pour le MEDEF, " Si la réforme proposée, qui est indispensable, conduit donc effectivement à atténuer l'ampleur des déficits prévus initialement, elle est loin de permettre, dans la meilleure hypothèse d'évolution des taux de chômage, l'équilibre des régimes. "

Le MEDEF considère par conséquent " que les orientations envisagées sont à l'évidence insuffisantes, compte tenu de l'ampleur attendue des déficits des régimes de retraite et qu'elles reportent les problèmes sur les générations futures. ".

De même, la CGPME est favorable à l'allongement à 170 trimestres dans tous les régimes de la durée d'assurance requise pour l'obtention de la retraite à taux plein. Elle fait cependant observer :

" -  d'une part, que le paramètre de la durée d'assurance n'est pas le seul (...) et que l'harmonisation doit concerner l'ensemble des paramètres, y compris ceux qui permettent de calculer le montant des droits à pension (prise en compte des 25 meilleures années de carrière dans tous les régimes) ;

" - d'autre part, que l'on peut s'interroger sur la possibilité, pour la grande majorité des futurs bénéficiaires des régimes de retraites de base, d'atteindre une telle durée d'assurance, compte tenu d'un certain nombre d'évolutions intervenues lors des dernières années, notamment avec l'entrée beaucoup plus tardive dans la vie active.

" En tout état de cause, l'objectif à terme rapproché doit au moins être de prévoir, pour les bénéficiaires des régimes spéciaux et particuliers, l'application des deux éléments majeurs de la réforme de 1993 appliquée au régime général, c'est-à-dire 160 trimestres pour la durée d'assurance et calcul des droits à pension sur la base des 25 meilleures années de carrière. "


Sur le fonds de réserve, les positions s'avèrent moins tranchées. Certaines organisations sont favorables à son principe mais ne se prononcent pas sur ses modalités (FO, CFDT). D'autres conditionnent au contraire leur approbation à l'examen des modalités d'alimentation et de gestion de ce fonds (CFE-CGC, FNSEA, UNSA). Pour leur part, les organisations patronales -qui craignent une augmentation des prélèvements obligatoires- et la FSU en refusent le principe.

La CFDT souhaite ainsi " le renforcement du fonds de réserve pour les retraites. "

La CFE-CGC estime pour sa part que " la création et le développement de fonds de réserve collectifs qui lisseraient les évolutions démographiques à venir est possible dès lors que son alimentation ne procède pas d'une hausse de cotisation mais plutôt d'une alimentation à partir des privatisations et des transferts de réserves telles que celles de change de la Banque de France devenues sans objet du fait du passage à l'Euro. ".

La CGT-FO considère qu'il convient " de préserver et de consolider le système de retraite par répartition, solidaire et égalitaire. Cette action passe en partie par le développement et l'abondement du fonds de réserve créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui permettra d'amortir l'arrivée massive des retraités à partir de 2006. ".

L'UNSA estime qu'il faudra trouver des financements complémentaires pour alimenter les régimes obligatoires par répartition, notamment pour passer le cap des années 2005-2015 : " Le fonds de réserve peut constituer une solution intéressante à ce problème, sous réserve d'en examiner de manière approfondie les modalités d'investissement, de financement et de gestion. ".

La FNSEA pose ses conditions à la création d'un fonds de réserve : " la constitution de réserve pour le financement ultérieur des pensions de retraite peut paraître paradoxale dans le cadre des régimes par répartition. L'hypothèse n'est crédible que si on est certain que des ressources sont plus facilement mobilisables aujourd'hui que demain. Or aujourd'hui, il faut financer un chômage important et un coût de la santé excessif. A l'avenir, ces coûts seront limités et la richesse nationale se sera accrue. Un fonds de réserve conjoncturel n'est donc à la rigueur acceptable qu'à la condition d'être commun à l'ensemble des régimes de base et dans le but exclusif de faire face à la hausse brutale du financement nécessaire au cours des quelques années qui suivront 2005. ".

La FSU refuse " la proposition complémentaire de la constitution d'un fonds de réserve (qui) constitue, de l'aveu même du rapport, un pas vers la capitalisation, et le " rendement " de ce fonds serait soumis aux aléas du marché financier. Elle vise à faire accepter -de manière insidieuse- une augmentation des cotisations. ".

Pour le MEDEF, " les autres marges d'action proposées par le rapport impliquent toutes un appel à des contributions supplémentaires et donc un alourdissement des prélèvements obligatoires, dont le niveau est déjà très excessif dans notre pays.

" La création d'un fonds de réserve n'a aucun sens en situation de déficit budgétaire. Le projet de rapport n'évoque même pas la question de son financement qui ne pourrait a priori être assuré au niveau nécessaire que par une nouvelle augmentation des prélèvements obligatoires. ".


La CGPME est également " hostile aux suggestions relatives au " fonds de réserve " destiné à atténuer le choc financier que vont engendrer inévitablement les nouvelles conditions démographiques.

" (...) elles impliquent de nouveaux prélèvements obligatoires importants -plusieurs points de cotisation certainement-, ce qui renforcerait le niveau global de ces prélèvements, alors même qu'ils atteignent un degré (46,1 % en 1998, comme en 1997) jugé unanimement intolérable. Au surplus, ces prélèvements auraient " vocation " bien entendu à augmenter à partir du moment où ils seraient pérennisés et si la situation économique générale s'aggravait, notamment si le taux de chômage était supérieur à celui prévu dans le schéma concernant ce fonds de réserve. ".


L'UPA considère que le fonds de réserve " ne peut à lui seul régler la question du financement des retraites ".

Les contre-propositions parfois formulées sont diverses et souvent contradictoires. Les organisations patronales se rejoignent toutefois dans leur demande d'une mise en place rapide d'un étage supplémentaire de retraite par capitalisation sous la forme de fonds de pension.

Pour limiter le vieillissement démographique, la CFTC considère " qu'une politique familiale moderne mettant en jeu des moyens tant légaux que financiers, se fixant des objectifs ambitieux pour assurer une vraie conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, serait, dans l'immédiat, facteur de dynamisme et de croissance économique, et à terme, en mesure de stimuler la natalité permettant ainsi le retour à un taux de fécondité susceptible d'assurer le renouvellement des générations. ".

La CFE-CGC propose de revoir le système actuel de financement devenu " caduc " : " Nous proposons d'étudier la substitution d'une partie des cotisations vieillesse, actuellement intégralement basées sur la masse salariale, en cotisations assises sur la consommation. Pour les salariés, cette réforme serait indolore et pour les entreprises, elle permettrait d'envisager une nouvelle réflexion sur l'emploi devenu moins taxé. ".

La CGT propose un certain nombre de pistes de réforme permettant " de dégager dès à présent des moyens supplémentaires de financement pour les retraites. " :

" La première réforme à entreprendre pour cela est la réforme de l'assiette des cotisations sociales patronales. La contribution des entreprises doit tenir compte de la totalité de la richesse produite dans l'entreprise et non de la seule masse salariale proprement dite qui n'en constitue qu'une partie aujourd'hui. (...).

" Une deuxième mesure peut et doit être prise immédiatement : l'extension de l'assiette des cotisations salariales et patronales pour la retraite à tous les éléments de rémunération qui n'en font pas partie aujourd'hui.

" S'y ajoute une troisième mesure : faire participer les revenus financiers des entreprises au financement des retraites. ".


Pour l'UNSA, " le financement doit être élargi au-delà de la seule référence à la masse salariale, à la fois, par la participation de l'ensemble des revenus à l'effort de solidarité intergénérationnelle et par une profonde réforme des contributions d'employeurs qui pénalisent actuellement l'emploi. ".

La FNSEA considère pour sa part qu'une augmentation du prélèvement est " envisageable ". Elle juge qu'il " n'est pas inconvenant d'envisager une augmentation de la part du PIB redistribuée aux retraités, actuellement égale à 12,1 %. ".

Pour la FSU, " la première marge d'action pour assurer l'avenir des retraites est celle que peut fournir la relance de la croissance, de la productivité et de l'emploi. Cela suppose d'autres choix économiques et sociaux : la répartition et l'utilisation des richesses à chaque période conditionnent le montant des richesses futures. Dès lors que la priorité est effectivement donnée à la croissance et à l'emploi, la donne est radicalement modifiée. "

Les organisations patronales renouvellent le souhait de la mise en place d'un étage supplémentaire de retraite par capitalisation.

La CGPME considère que les propositions concernant le fonds de réserve " font l'impasse, et c'est là sans doute la critique majeure, sur tout développement d'un véritable étage de retraites complémentaires par capitalisation, seuls susceptible, dans un cadre de souplesse, de compléter les revenus issus des pensions des régimes de base et des régimes complémentaires obligatoires par répartition.

La CGPME " réitère donc sa demande auprès des pouvoirs publics de mise en oeuvre rapide de dispositions législatives, y compris les incitations fiscales (jouant notamment à l'entrée dans le système) permettant la mise en place de ces formules de retraites complémentaires par capitalisation. Celles-ci pourraient être mises en place dans le cadre des entreprises, des branches professionnelles ou au niveau national interprofessionnel. ".

Le MEDEF juge " tout à fait regrettable que, dans le cadre d'une réflexion ayant pour objet d'explorer toutes les pistes, la question de la capitalisation n'ait finalement été abordée qu'au travers du fonds de réserve. L'apport des fonds de pension en tant que complément de la répartition n'a fait l'objet d'aucune étude approfondie. ".

Pour sa part, L'UNAPL " demande, avec détermination, qu'à coté du système par répartition, il soit établi des formes de capitalisation pouvant apporter un complément de prévoyance. Ces formes de capitalisation doivent pouvoir bénéficier d'une défiscalisation les rendant attractives. L'épargne des Français est actuellement très importante mais, aujourd'hui, elle est trop orientée vers des placements obligataires destinés le plus souvent à financer la dette de l'Etat et qui devraient, dans l'intérêt même de l'économie nationale, servir à l'amélioration de la retraite de nos concitoyens. ".

Au vu de ce bilan, on peut s'interroger sur l'utilité réelle de cette concertation qui n'a abouti à aucun résultat tangible.

Il n'y a que le Premier ministre pour feindre de croire, dans l'entretien accordé au Parisien le jeudi 29 avril 1999, que " tout le monde s'accorde désormais sur la réalité et l'ampleur des difficultés que va rencontrer, si rien n'est fait, notre système de retraites " et que " le diagnostic que fait le rapport Charpin est partagé par tous. "

Pour votre rapporteur, cela ne semble pourtant pas l'avis, par exemple, de la FSU qui " ne partage pas des éléments essentiels de ce diagnostic, (...) conteste la sélection qui a été faite des scénarios fondant les projections qui sont présentées, (...) rejette a fortiori les pistes de réforme qui sont avancées. ".

L'objectif pédagogique de cette mission a, à l'évidence, échoué. Le rapport Charpin s'avère en fin de compte un nouveau travail d'experts, réalisé, il est vrai, sous le regard des partenaires sociaux.

Mais, peut-être le véritable objectif de la mission confiée au Commissaire général du Plan était-il, par-dessus la tête des partenaires sociaux, de s'adresser directement à l'opinion publique ?

Il semble toutefois que le premier effet sur l'opinion publique du rapport Charpin soit davantage une inquiétude diffuse quant à la pérennité de nos régimes de retraite que la prise de conscience d'une nécessaire réforme.

A court terme, le rapport Charpin risque donc d'avoir surtout pour effet d'encourager les efforts d'épargne individuels...

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