II. UNE EFFICIENCE INSUFFISANTE

L'insuffisante capacité de la direction générale des impôts à assurer une administration des prélèvements obligatoires aux meilleurs coûts a été constatée par le rapport Lépine consacré à la comparaison de neuf administrations fiscales dans le monde.

Cette situation a provoqué des réactions avec, à l'occasion de la conclusion d'un " contrat d'objectifs et de moyens ", la définition d'une priorité axée sur l'amélioration de l'efficience de la DGI.

Il convient de revenir tout à la fois sur le diagnostic et sur l'objectif posé dans le contrat susmentionné.

A. UNE EFFICIENCE INSUFFISANTE

Malgré quelques réserves, le constat du rapport Lépine selon lequel l'efficience médiocre de l'administration fiscale française appelle des progrès s'impose tout particulièrement dans sa deuxième branche.

1. Une efficience globalement médiocre

Même si elle pose de difficiles problèmes de méthode -en particulier parce qu'elle fait généralement l'impasse sur la qualité des services rendus ou leur capacité à satisfaire des normes immatérielles telle par exemple que l'égalité des administrés- l'évaluation de l'efficience des services publics ne peut plus longtemps être négligée.

Malgré certains aspects contestables, le travail le plus complet disponible s'agissant de la direction générale des impôts -et peut-être s'agissant des administrations publiques en général- réside dans le rapport Lépine rendu en mars 1999 dont l'objet est de rendre compte d'une mission de l'inspection générale des finances sur les organisations fiscales dans neuf pays 23 ( * ) dans une perspective de comparaison avec la France.

Le diagnostic du rapport -qui ne concerne pas que la direction générale des impôts- consiste à souligner le caractère relativement coûteux de notre administration fiscale.

a) Aperçu général, un coût de gestion comparativement élevé

Le diagnostic posé dans le rapport est synthétisé dans le graphique ci-après :

de différentes administrations fiscales

Recettes prises en compte : impôts et cotisations sociales, sauf pour l'Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni (impôts seulement) / France : DGI + CP (ACOSS exclue)

Source : IGF - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Avec un rapport coûts de gestion / prélèvements nets encaissés de 1,6 %, la France se situerait à l'avant-dernier rang en matière de productivité de son administration fiscale.

Les facteurs expliquant les écarts de performances tels qu'ils sont repérés dans le rapport sont :

- la fonction de recouvrement dont l'analyse permet d'identifier un écart de 0,3 point entre les administrations françaises et leurs homologues (les coûts du recouvrement représente 0,5 % des recettes nettes en France, contre 0,2 % en moyenne dans l'échantillon) ;

- les modes de gestion de l'impôt (la retenue à la source pour l'impôt sur le revenu existe dans tous les pays sauf la France) ;

- le nombre d'administrations fiscales qui induit des coûts de liaison ;

- la densité des réseaux ;

- une répartition différente des coûts entre les dépenses de personnel et les investissements de modernisation (informatique et formation notamment), les dépenses de personnel représentent ainsi en France 81 % des dépenses totales, soit 13 points de plus que la moyenne de l'échantillon (68 %) ; les dépenses informatiques représentent, en sens contraire, souvent 20 % du budget total, soit plus du double de ce qu'on trouve en France.

En revanche, la prise en charge d'impôts locaux, très complexes et donc à gestion coûteuse, par les administrations fiscales françaises ne contribue qu'à hauteur de 0,08 % au taux d'intervention de 1,60 %.

Il faut accorder toute son importance à cette observation compte tenu des termes du discours habituel sur le sujet qui imputent au volet " collectivités locales " de l'activité des administrations fiscales la moitié de leurs coûts.

b) Un diagnostic à compléter

Le diagnostic posé par le rapport appelle certaines réserves et quelques compléments.

Tout d'abord, l'on doit souligner la portée seulement relative de l'indicateur utilisé pour mesurer le coût de notre administration fiscale. La réintégration des cotisations sociales permet à elle seule de diminuer la valeur du ratio à 1,13 % soit à un niveau équivalent à celui de la moyenne de l'échantillon.

Le rapport admet d'ailleurs que la productivité du système fiscal et le type d'impôts gérés constitue un facteur important d'explication de la disparité des coûts et souligne tout particulièrement que les comparaisons peuvent être faussées en raison du mode de gestion des cotisations sociales.

La gestion des cotisations sociales, partout moins coûteuse que celle des impôts, car largement confiée aux entreprises, est, dans certains pays, confiée aux administrations fiscales dont " ipso facto " les performances ressortent ainsi améliorées en affichage.

En outre, la signification du dénominateur -les recettes nettes encaissées- n'est pas entière puisqu'elles n'intègrent pas une partie importante des charges que suppose l'exercice des missions des services fiscaux et qui sont susceptibles de varier beaucoup d'un pays à l'autre. Il faut en particulier souligner un point important. L'on sait que le contrôle fiscal consomme une part significative des moyens de l'administration mais que le recouvrement des droits constatés à sa suite est particulièrement difficile. Dans ces conditions, les pays dans lesquels le contrôle fiscal est peu développé pourraient disposer mécaniquement d'une situation avantageuse au regard de l'indicateur de performance utilisé dans le rapport. Doit-on pour autant les juger plus performants ? Conclure en ce sens n'apparaîtrait guère raisonnable.

Il apparaît surtout que les écarts de coûts tenant aux modes de gestion des impôts ne sont pas appréhendés sur une base entièrement significative. Ces écarts reposent principalement sur le degré d'externalisation de la gestion des impôts (retenue à la source mais aussi gestion des encaissements, voire sous-traitance de certaines tâches, informatiques en particulier).

Ces solutions ne font pas s'évaporer les charges d'administration de l'impôt. Simplement une partie des coûts liés à ces tâches est assumée directement par des tiers dans les pays où elles sont externalisées.

Dès lors, il est essentiel d'évaluer ces transferts de charges et d'en comparer les coûts qu'ils induisent pour les tiers avec ceux que ceux-ci supportent quand l'administration fiscale les prend directement à son compte.

Ce bilan constitue l'un des aspects du rapport qui demande à être complété.

On relèvera de surcroît qu'à supposer que l'instauration d'une retenue à la source -ou de quelque autre modernisation de procédures- se traduise par des économies effectives dans l'administration de l'impôt, de telles réformes seraient exogènes à l'administration fiscale en tant qu'organe administratif. Autrement dit, les économies de moyens qui pourraient, par ricochet, en découler ne sont en rien dépendantes d'une meilleure organisation ou d'un meilleur fonctionnement de l'administration fiscale mais bien d'une modification du contexte d'exercice de ses missions -voir infra pour davantage d'informations sur le sujet important de la modernisation du contexte d'exercice des missions fiscales de la DGI.

Mais d'autres observations du rapport appellent des développements plus approfondis.

L'on doit surtout regretter de ce point de vue que le rapport ne contienne pas, sauf une exception (le recouvrement), d'appréciations quantitatives de l'impact des différents facteurs explicatifs des performances comparées des administrations fiscales qu'il identifie. L'on ne peut ainsi pondérer les différentes explications avancées. La recherche subséquente d'économies n'en est pas facilitée.

A titre d'exemple, l'explication des écarts de performance des administrations fiscales à partir des parts respectives des salaires dans le budget total n'est pas assez développée pour emporter la conviction.

- Il est certain que plus la proportion des salaires dans les budgets des administrations fiscales est élevée, moins ces budgets sont flexibles. Ainsi, les économies dans le budget français sont ardues compte tenu de sa structure, tandis qu'il est plus aisé de réduire les dépenses d'investissement.

- Il est probable, mais ce n'est pas entièrement démontré et moins encore évalué, qu'un stock important d'investissements informatiques peut contribuer à améliorer les performances des administrations fiscales. Mais, la répartition, à un instant donné, des charges de salaires et d'investissement ne renseigne pas sur le niveau absolu des investissements mis en oeuvre par l'administration fiscale. Si cette répartition instantanée donne des indications sur les flux, elle n'en donne pas sur les stocks -ainsi des dépenses d'investissements importantes peuvent provenir de la nécessité de combler un retard de stocks. Elle peut en outre être trompeuse, les tâches externalisées pouvant atteindre des dimensions variables et donner lieu à des dépenses de fonctionnement supplémentaires.

2. Tentative d'affinement des facteurs d'inefficience

a) Des coûts de gestion variables selon les impôts

Il faut d'abord remarquer les coûts de gestion sont variables selon les impôts.

Coût de gestion des impôts

(en millions de francs)

Coût total

Equivalent

Rendement

Taux d'intervention DGI

Assiette et contrôle (1)


Recouvrement

(2)


Total

emplois budgétaires

1996

(3)

Assiette et contrôle (1) / (3)

Recouvrement

(2) / (3)

IR

4.800,1

4.800,1

19.725

300.600

1,60 %

TH

1.249,4

1.249,4

5.134

58.300

2,14 %

TF

1.025,2

1.025,2

4.213

105.500

0.97 %

TP

1.092,8

1.092,8

4.491

129.600

0,84 %

IS

1.225,6

1.225,6

5.036

143.200

0,86 %

Taxe sur les salaires

158,4

158,4

651

44.400

0,36 %

TVA

2.618,7

2.192,0

4.810,7

19.768

545.600

0,48 %

0,40 %

Droits d'enregistrement (*)

540,5

627,7

1.168,2

4.801

57.100

0,95 %

1,10 %

Taxe/conventions d'assurance

2,3

0,9

3,3

13

26.000

0,01 %

RAS et Prélèvements/RCM

2,5

9,0

11,5

47

9.800

0,03 %

0,09 %

Vignette

0,2

354,0

354,3

834

13.300

2,66 %

Droit de bail

52,2

231,8

284,0

1.167

9.800

0,53 %

2,37 %

ISF

121,0

23,3

144,4

593

8.900

1,36 %

0,26 %

Impôts divers

143,4

384,5

527,9

1.296

45.000 (**)

0,32 %

1,10 %

TOTAL IMPÔTS

13.043,8

3.811,8

16.855,7

67.769

1.497.100

0,87 %

0,54 %

AGENTS A DISPOSITION

122,7

458

COÛT TOTAL DGI

19.784,8

79.760

*hors droit de bail et taxe sur les conventions d'assurance

** dont 35.000 recouvrés par la DGI et 10.000 par la CP

Il n'existe pas de corrélation étroite entre les effectifs mobilisés pour gérer un impôt et le rendement de cet impôt. Ainsi le nombre des emplois budgétaires consacrés à la gestion de la TVA est analogue à celui en charge de l'impôt sur le revenu alors même que le rendement de la TVA est supérieur à celui de l'impôt sur le revenu et que, de surcroît, la DGI établit et recouvre la TVA tandis que le recouvrement de l'impôt sur le revenu est confié au Trésor Public.

Chaque impôt recèle en réalité des difficultés d'administration variable. Ainsi la large externalisation des tâches d'assiette en matière de TVA et, à l'inverse, la lourdeur de ces tâches en matière d'impôt sur le revenu sont à l'origine des écarts de coûts mentionnés plus haut.

On relèvera en ce sens le coût particulièrement élevé de l'établissement de la taxe d'habitation et du recouvrement du droit au bail.

Les graphiques ci-après permettent de visualiser la répartition par impôts des coûts d'assiette et de contrôle et des coûts de recouvrement de la DGI.

b) Le recouvrement, l'exception française

Le rapport Lépine souligne en outre l'importance particulière des coûts de recouvrement.

Deux types de recouvrement y sont distingués : le recouvrement forcé qui débute lorsqu'une dette fiscale n'a pas été payée à son échéance et le recouvrement spontané.

Le rapport pose le constat d'une exception française en matière de recouvrement.

Elle serait triple :

- la surveillance des obligations déclaratives et celle du recouvrement spontané ne sont pas intégrées en France ;

- l'encaissement y reste largement décentralisé et n'est pas industrialisé ;

- le recouvrement forcé n'y est pas confié à des unités spécialisées.

L'intégration des opérations d'assiette et de recouvrement relève, soit d'une réalité institutionnelle (Etats-Unis, Pays-Bas, Canada) où les deux tâches sont confiées aux mêmes services, soit d'une réalité fonctionnelle lorsque des fichiers uniques récapitulant les dettes fiscales (travaux d'assiette) et les paiements (travaux de recouvrement) permettent une surveillance conjointe des déclarations et des paiements.

La France serait le seul pays à avoir adopté une organisation fondée sur une segmentation des services d'assiette et des services de recouvrement.

Ce constat du rapport appelle d'abord un complément important : le recouvrement n'est pas unifié en France puisque coexistent au moins trois administrations de recouvrement spécialisées par type de prélèvement (impôts directs : DGCP, impôts indirects : DGI, droits de douane : DGDDI) 24 ( * ) .

Il appelle aussi un commentaire : la séparation de l'assiette et du recouvrement paraît relever d'une exception en France du fait de l'éparpillement du recouvrement entre trois administrations et des cloisonnements fonctionnels entre services d'assiette et de recouvrement plutôt qu'en raison de l'existence de services chargés du recouvrement que partagent de nombreux pays (sauf les Etats-Unis, les Pays-Bas et le Canada).

L'encaissement des recettes fiscales est généralement organisé selon deux modèles distincts. Dans la plupart des pays, le système bancaire assure lui-même la gestion des encaissements qui ne transitent donc pas, dans leur détail, par des comptables publics. Dans quelques pays, les encaissements sont effectués par l'administration mais sont extrêmement centralisés et donc industrialisés.

Les mécanismes d'encaissement - Recouvrement spontané

La gestion intégrale du recouvrement spontané par le système bancaire

Les systèmes mixtes : centres de traitement et secteur bancaire

Espagne, Italie, Pays-Bas, Suède, Allemagne

Royaume-Uni, Canada, Etats-Unis

Paiement des impôts à la banque

Paiement des impôts à la banque ou par chèque adressé au centre informatique

Liberté de choix de la banque

Liberté de choix du mode de paiement

Elimination totale du chèque

Traitement de 30 % à 90 % des paiements dans un nombre réduit de centres d'encaissement (3 pour le Royaume-Uni : 700 milliards de francs par centre)

Fonds transférés par la banque au compte du Trésor (compte ouvert auprès de la banque centrale ou d'une banque commerciale)

Fonds transférés par la banque et par le centre d'encaissement au compte du Trésor

Remontée d'informations sur le paiement : le contribuable renvoie un formulaire de paiement à la banque (qui le transmet) ou directement à l'administration fiscale (centre informatique)

Remontée d'informations sur le paiement : formulaires envoyés au centre de traitement

Comptabilisation par les centres informatiques de l'administration fiscale

Comptabilisation par le centre de traitement

Analyse automatique du solde du compte du contribuable

Analyse automatique du solde du compte du contribuable

Surveillance des obligations de paiement : assurée par le service de gestion de droit commun

Source : IGF - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

En France, l'encaissement est décentralisé (3.840 postes comptables), même si des méthodes particulières (virements des entreprises à la Banque de France, prélèvements automatiques) permettent de nuancer ce constat. Le développement de ces méthodes met d'ailleurs en cause la logique d'éparpillement du réseau de recouvrement 25 ( * ) .

La spécialisation des organes de recouvrement forcé est la règle . Les comptables de la DGI et de la DGCP exercent quant à eux indifféremment les tâches de recouvrement spontané et de recouvrement forcé en dehors même des autres tâches qui leur incombent (notamment assiette des droits d'enregistrement pour les comptables de la DGI - 20 % de leurs charges). Dans les autres pays, le recouvrement délicat est confié à des entités spécialisées. Mais, celles-ci interviennent diversement. En Italie, le service est extérieur à l'administration et concédé. En Suède et en Espagne, il s'agit d'un organisme administratif particulier. Dans les autres pays, le recouvrement forcé est exercé par des unités spécialisées intégrées aux unités de base en liaison directe avec les services d'assiette et de contrôle fiscal.

Cette exception française expliquerait la médiocrité des performances de coûts du recouvrement en France.

Le graphique rend compte de l'importance relative des coûts de recouvrement en France.

Source : IGF - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Cette situation s'explique principalement par l'importance de la part des coûts de recouvrement dans l'ensemble des coûts des administrations fiscales en France.


Part des coûts de recouvrement dans les coûts fiscaux

Part des coûts de recouvrement dans les coûts fiscaux

1997

Allemagne*

15,0 %

Canada

16,1 %

Espagne

13,9 %

Etats-Unis

17,0 %

Irlande

14,0 %

Italie

17,9 %

Pays-Bas

12,2 %

Suède

18,1 %

Royaume-Uni (IR)

12,7 %

France (DGI/CP)

32,3 %

* Allemagne : extrapolations données OFD Münich

Cf. annexe 1 pour le détail des données et source ?

Source : IGF - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

La part des coûts de recouvrement dans le total des coûts fiscaux est en effet en France plus du double de celle constatée en moyenne (32,3 % contre 14,5 %).

Cela semble tenir à son tour à l'importance des moyens consacrés en France au recouvrement spontané qui y absorbe 54,1 % des effectifs contre 24 % en Irlande ou 29,6 % au Royaume-Uni. Ce constat ne serait que la résultante du mode d'organisation du recouvrement en France qui laisse peu de place à son industrialisation.

Source : IGF - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

En conséquence, la productivité des agents chargés du recouvrement est, en France, nettement moins bonne qu'ailleurs.

Source : IGF - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

On remarquera qu'il existe un lien assez étroit entre cet indicateur et le champ des recettes recouvrées.

A l'exception du Canada et de l'Espagne les pays les plus performants (et inversement) sont aussi ceux où les administrations recouvrent (et inversement) les cotisations sociales.

Missions comparées des administrations de recouvrement

Echantillon

Type de recettes

Impôts directs d'Etat

Impôts locaux

Impôts indirects

Douanes -accises

Cotisations sociales

Etats-Unis (IRS)

X

X

Suède *

X

X

X

X

X

Espagne

X

X

X

X

Royaume Uni

X

X

X

Irlande

X

X

X

X

Canada

X

X

X

X

X

Pays Bas

X

X

X

X

Italie

X

X

X

France (DGI, DGCP)

X

X

X

Allemagne

X

X

X

* Suède : l'impôt sur le revenu est essentiellement local, RFA : impôts partagés

Source : : IGF - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

On remarquera aussi qu'il existe un lien étroit entre les coûts et performances en recouvrement et le degré d'externalisation atteint, qu'il s'agisse de pratiques de retenues à la source ou de centralisation des encaissements par le système bancaire ou la Banque centrale.

La CSG, un exemple français de retenue à la source

Le Conseil des impôts a consacré d'intéressants développements aux modalités de recouvrement de la contribution sociale généralisée (CSG) dans son rapport de 1995 dont les développements suivants méritent d'être cités.

" La création d'un nouvel impôt posait la question de son recouvrement. Deux solutions étaient possibles.

La première consistait à confier le recouvrement du nouveau prélèvement en totalité à l'administration fiscale. Cette solution a été écartée pour deux raisons.

Elle était très coûteuse. Il n'existe en effet aucun impôt prélevé par l'administration fiscale sur une assiette de revenus d'activité et de transfert similaire à celle de la CSG et dont le circuit de recouvrement aurait pu être réutilisé pour cette dernière. Il fallait donc mettre sur pied un nouveau circuit, ce qui, selon les estimations faites à l'époque, nécessitait l'embauche de 5.000 agents.

Ensuite et surtout, la retenue à la source était difficile à mettre en place. Les entreprises auraient dû verser les cotisations et la CSG, pourtant établies sur des bases très proches, en deux lieux différents et faire ainsi face à de nouvelles obligations déclaratives.

Les pouvoirs publics ont donc retenu la seconde solution qui consiste à recouvrer la CSG par le biais des circuits existants. Le recouvrement de la CSG a ainsi été confié aux organismes qui collectaient déjà des prélèvements sur des assiettes proches de celles du nouvel impôt.

Comme on l'a vu, les aménagements juridiques nécessaires ont été apportés pour mettre en oeuvre cette solution et la CSG a été scindée en trois contributions, chacune recouvrée selon des modalités différentes :

- la contribution sur les revenus salariaux et les revenus de remplacement est recouvrée par voie de retenue à la source par les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale ;

- la contribution sur les produits de placement est précomptée en même temps que le prélèvement libératoire et sur les mêmes revenus ;

- la contribution sur les revenus du patrimoine est établie et recouvrée comme l'impôt sur le revenu.

Cette solution présente deux avantages, inverses des inconvénients mentionnés plus haut. D'une part, elle rend très bon marché le recouvrement du nouvel impôt, géré comme un prélèvement additionnel aux prélèvements existants. D'autre part, la retenue à la source peut être utilisée dans la plupart des cas.

La CSG est ainsi toujours prélevée à la source, sauf dans les cas où il y a impossibilité.

Au total, 97 % du produit de la CSG sont recouvrés soit par retenue à la source, soit par voie de paiement spontané. "

Bilan du recouvrement de la CSG

1. Un recouvrement efficace 26 ( * )

On peut estimer le taux global de recouvrement de la CSG à 99,7 %. Ce chiffre est obtenu en pondérant le taux de recouvrement de chacune des trois contributions par sa part dans le produit total.

Ce bon résultat s'explique en grande partie par l'emploi de la retenue à la source. Les moins bonnes performances proviennent, en effet, des domaines où la CSG est collectée par une autre procédure (cas des revenus du patrimoine et des travailleurs indépendants). Ainsi, pour ces derniers, le taux de restes à recouvrer en fin d'exercice est plus de cinq fois supérieur au taux moyen (13,6 % contre 2,25 %).

Il est vrai qu'on pourrait craindre que ce résultat ne soit qu'apparent. La notion de prise en charge qui existe pour la voie de rôle est en effet inconnue de la retenue à la source et l'administration n'a donc pas la possibilité de déceler les impayés par confrontation entre le produit attendu et le produit effectivement encaissé. Le taux de recouvrement des impôts prélevés à la source est donc par définition égal à 100 %. Seule une action de contrôle peut permettre de déceler des fraudes insusceptibles d'apparaître dans les statistiques d'encaissement.

Les données qui ont été fournies au Conseil permettent de penser que celles-ci restent de faible importance.

Pour les 217.398 établissements contrôlés par les URSSAF, soit 12 % des établissements affiliés au régime général, le montant des redressements représente 0,3 % des cotisations liquidées. De même, les contrôles effectués chaque année par les brigades fiscales sur une cinquantaine d'établissements financiers ne laissent pas entrevoir de problèmes.

2. Un recouvrement rapide

L'actuel mode de recouvrement de la CSG procure deux avantages de trésorerie.

D'abord, la plupart des recettes de CSG sont versées à un rythme mensuel.

Ensuite, et c'est le second avantage de trésorerie, la CSG est généralement calculée sur les revenus de l'année au titre de laquelle elle est due. Cette imposition suit donc au plus près l'évolution des capacités contributives et une augmentation des revenus donne immédiatement ses effets avantageux sur le rendement du prélèvement, sans qu'il y ait à souffrir comme dans le cas de l'impôt sur le revenu d'un décalage de un, voire deux ans. "

3. Un recouvrement bon marché

Le recouvrement de la CSG offre un dernier motif de satisfaction, qui tient à son faible coût.

La retenue à la source est en effet un mode de recouvrement moins onéreux que la voie déclarative, et ce pour trois raisons.

D'abord, l'administration n'a pas à établir l'assiette et est ainsi déchargée d'une tâche qui lui incombe en cas de procédure déclarative.

Ensuite, la retenue à la source limite le nombre de redevables. C'est en effet le débiteur du revenu qui verse l'impôt et non le détenteur. Or, on sait qu'il y a moins d'employeurs que d'employés et moins d'établissements financiers que d'épargnants. Le nombre de redevables gérés par les URSSAF est ainsi divisé par cinq, puisque 4,5 millions d'établissements précomptent la CSG due par 20,8 millions de contribuables. De même, pour la CSG sur les revenus de placement, on ne compte que 4.500 déclarants en 1993.

En troisième lieu, la retenue à la source rend inutile l'établissement de seuils de recouvrement qui sont le lot de la méthode déclarative. On sait en effet que, dans ce dernier cas, l'administration renonce aux créances fiscales dont le montant ne couvre pas les frais de leur recouvrement. C'est pourquoi les cotisations d'impôt sur le revenu inférieures à 400 francs ne sont pas exigées. Le manque à gagner qui résulte de ces abandons n'est pas négligeable. On a vu qu'il s'établit à 75 millions de francs pour la contribution sur les revenus du patrimoine.

4. Un transfert de charge réduit sur les redevables

Si la retenue à la source présente tant d'avantages pour l'administration, c'est parce qu'elle lui permet de transférer une partie des tâches d'assiette aux débiteurs du revenu. On pouvait donc craindre que le recouvrement de la CSG ne fasse peser sur ces derniers une charge de gestion supplémentaire. C'est en effet à eux qu'il revient d'établir l'assiette de la CSG, de la calculer et de la verser.

Mais ce risque est tempéré par le fait que les débiteurs de revenus ont le plus souvent déjà calculé au titre de prélèvements préexistants l'assiette sur laquelle s'applique la CSG ou une assiette très proche (les cotisations sociales pour les employeurs, le précompte maladie pour les organismes qui versent les revenus de remplacement, le prélèvement libératoire pour les établissements financiers). Il n'y a donc de charge supplémentaire que dans les cas où il existe des différences d'assiette. "

Le nombre des agents chargés du recouvrement est particulièrement élevé en France comme le montre le tableau ci-dessous.

Agents chargés du recouvrement

Allemagne

Canada

Espagne

Etats-Unis

France

Irlande

Italie

Pays-Bas

Suède

Royaume-Uni

20.400

6.672

2.186

18.300

24.900

700

15.000

3.044

2.028

6.633

Or, cet état de fait ne s'accompagne pas de performances supérieures . Au contraire, qu'il s'agisse du montant des recettes recouvrées par agent ou du niveau des restes à recouvrer la France enregistre des performances très inférieures à la moyenne.

Volume du stock cumulé de restes à recouvrer (RAR)

Niveau des RAR (1997)

Restes à recouvrer

Recettes totales nettes

RAR/Recettes nettes

Evolution des RAR (3 ans)

Royaume Uni (IR)

2.200

103.891

2,1 %

- 40,9 %

Canada

10.200

193.754

5,3 %

+ 22,8 %

Suède

54.200

944.900

5,7 %

+10,0 %

Allemagne

32.897

544.791

6,0 %

+ 10,5 %

Pays-Bas

15.675

250.878

6,2 %

- 4,7 %

Espagne

932.045

14.160.133

6,6 %

+ 8,0 %

Irlande

1.329

13.963

9,5 %

- 67,4 %

France (DGI/CP)

215.000

1.524.000

14,1 %

+ 1,4 %

Etats-Unis

214.000

1.480.011

14,5 %

n.d

Italie

125.500

568.534

22,1 %

n.d

Moyenne

9,2 %

En monnaie nationale (millions)

R.U : exercice des créances contestées ; RAR : impayés depuis plus de 3 mois

Source : IGF - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Entre 1986 et 1996, le montant des " restes à recouvrer " s'y est accru de 45 % passant de 145 à 211 milliards de francs.

Cette contre-performance provient pour beaucoup des difficultés rencontrées pour encaisser les dettes fiscales consécutives à des règlements collectifs ou à un contrôle fiscal.

L'une des explications de ces difficultés à côté de celle associée à l'état de la législation en matière de procédures collectives consiste dans le cloisonnement entre les services d'assiette et de recouvrement. Celle-ci provoque à la fois une mauvaise circulation de l'information quant à la situation des contribuables et un " choc de cultures " au terme duquel les services d'assiette -soit dans le traitement des demandes gracieuses, soit dans l'exercice de leur métier de vérificateur- ne tiennent pas compte des contraintes des services du recouvrement.

L'on doit aussi évoquer un problème supplémentaire puisqu'il n'est pas irréaliste d'imaginer que les services de la DGI en charge de l'assiette et du contrôle fassent bénéficier les comptables de la DGI de la primeur de leurs informations afin de leur éviter, le cas échéant, la concurrence de leurs " alter ego ", les comptables de la DGCP. Si ce soupçon ne peut pas être aisément étayé par des données concrètes, les difficultés d'accès des comptables de la DGCP aux informations de la DGI lui laissent pleinement place.

c) Effectifs et productivité

L'administration fiscale française apparaît comme l'une de celles qui gèrent le moins de prélèvements .

Recettes gérées en part de PIB (1)

Ratios de productivité

Recettes / PIB

Allemagne

91,9

France (DGI/CP)

100,0

Espagne (AEAT)

97,3

Etats-Unis (IRS)

99,2

Canada

129,0

Italie

137,0

Irlande

177,7

Royaume-Uni (IR + CE)

181,8

Pays-Bas

190,8

Suède

293,0

Allemagne : extrapolation à partir des données de Bavière et Rhénanie-Westphalie

(1) France = indice 100

Cette situation qui provient du champ des missions confiées aux services fiscaux en France d'où sont exclues en particulier les cotisations sociales a pour effet mécanique une valeur relativement faible du dénominateur de l'indicateur -le taux d'intervention- utilisé pour mesurer la productivité des administrations fiscales.

On pourrait s'attendre à ce qu'en contrepartie la valeur du numérateur de cet indicateur - le coût de gestion des prélèvements- soit elle-même comparativement faible. Dans les conventions du rapport -(discutables sur certains points, on l'a vu)-, il n'en est rien.

Coûts de gestion des missions fiscales en part de PIB (1)

Ratios de productivité

Coûts de gestion/PIB

Allemagne

98,0

France (DGI/CP)

100,0

Espagne (AEAT)

53,7

Etats-Unis (IRS)

30,3

Canada

84,0

Italie

129,7

Irlande

92,3

Royaume-Uni (IR + CE)

94,7

Pays-Bas

146,0

Suède

95,0

Allemagne : extrapolation à partir des données de Bavière et Rhénanie-Westphalie

(1) France = indice 100

Hormis l'Italie et les Pays-Bas pays dans lesquels les recettes gérées par les services fiscaux occupent une place nettement plus importante, la France est le pays qui supporte les coûts de gestion les plus élevés.

Cette situation pourrait provenir des différences sensibles entre les volumes d'effectifs des différentes administrations fiscales.

Evolution des effectifs 1991-1997

1991

1993

1997

1997/1991

1997/1993

Espagne

10.284

10.798

nd

+ 5 %

Etats-Unis

115.628

113.352

102.000

- 12 %

- 10 %

France (DGI + CP)

135.576

136.433

134.500

- 1 %

- 1 %

Irlande

6.275

6.034

- 4 %

nd

RU (Revenue)

28.967

30.547

nd

+ 5 %

Suède

65.753

58.460

52.000

- 21 %

- 11 %

Pays-Bas

12.731

12.001

11.191

- 12 %

- 7 %

Source : IGF - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Le tableau ci-dessus qui semble l'établir doit cependant être complété. Certes, il permet de mesurer des niveaux physiques et des évolutions qui ont leur signification. Mais, il ne permet pas de mesurer la productivité des effectifs puisqu'il n'estime ni leurs coûts ni leurs plans de charge qui sont très dissemblables.

On soulignera qu'il contient des données non pertinentes au moins pour la France. Les effectifs mentionnés cumulent en effet l'ensemble des agents de la DGI et de la CP (134.500), alors que le nombre d'agents dédiés à des missions fiscales n'y est, selon le rapport lui-même, que de 79.201, soit 58,9 % des effectifs mentionnés.

Les tableaux ci-après sont donc plus " parlants ". Ils donnent des indicateurs de productivité par groupe de pays classés en fonction du niveau des recettes encaissées en pourcentage du produit intérieur brut (PIB).

Après les Pays-Bas et l'Italie, la France se situe au troisième plus mauvais rang sous l'angle du coût du couple DGI-DGCP exprimé en pourcentage du PIB. Mais le montant des prélèvements gérés en Italie et aux Pays-Bas étant supérieurs, l'efficience des deux premiers pays en ressort nettement meilleure.

Groupe de pays où les recettes encaissées tournent autour de 18 % du PIB

Ratios de productivité

Recettes/PIB

Coûts de gestion/PIB

Recettes/agent (MF)

Coûts/habitant (FRF)

Habitants/agent

Allemagne

17,19 %

0,294 %

15,48

440 F

601

Espagne

18,20 %

0,161 %

22,52

128 F

1.563

Etats-Unis

18,56 %

0,091 %

80,13

148 F

2.662

France (DGI/CP)

18,71 %

0,300 %

19,24

417 F

738

Groupe de pays où les recettes encaissées s'étalent entre 24 et 36 % du PIB

Ratios de productivité

Recettes/PIB

Coûts de gestion/PIB

Recettes/agent (MF)

Coûts/habitant (FRF)

Habitants/agent

Canada

24,13 %

0,252 %

21,44

254 F

882

Italie

25,63 %

0,389 %

27,83

441 F

958

Irlande

33,25 %

0,277 %

28,69

308 F

775

Royaume-Uni

34,02 %

0,284 %

37,23

353 F

881

Pays-Bas

35,69 %

0,438 %

30,03

591 F

622

Suède : recettes encaissées > 50 % du PIB

Ratios de productivité

Recettes/PIB

Coûts de gestion/PIB

Recettes/agent (MF)

Coûts/habitant (FRF)

Habitants/agent

Suède

54,82 %

0,285 %

61,72

376 F

853

Sous les réserves liées à la représentativité de l'échantillon, les niveaux respectifs des recettes fiscales recouvrées par chaque agent ne permettent pas d'établir que les fonctionnaires français seraient moins efficaces que leurs pairs . Au sein du groupe de la France, la situation des Etats-Unis apparaît exceptionnelle et le chiffre mentionné dans le rapport pour la France est proche de la moyenne de son groupe, même s'il semble minorer les performances effectivement obtenues. On peut en effet évaluer celles-ci à environ 23,8 millions de francs 27 ( * ) contre les 19,24 mentionnés dans le rapport.

En sens inverse, les économies d'échelle qu'engendre un élargissement des compétences des administrations fiscales doivent être soulignées.

En revanche, le coût/habitant est nettement supérieur en France à la moyenne du groupe mais aussi des autres pays (417 francs contre 345,6 francs en moyenne, soit 20 % de plus que le coût moyen).

Cela résulte d'abord d'une densité fiscale, mesurée comme le rapport du nombre des habitants au nombre d'agent, élevée, la plus élevée derrière l'Allemagne et les Pays-Bas (738 habitants par agent du fisc contre 1.053,5 en moyenne, soit 1,30 fois la densité moyenne).

A ce sujet, il est intéressant de mettre en évidence deux observations complémentaires.

La densité des agents du fisc mesurée par le nombre d'habitants pris en charge par chaque agent des impôts n'est pas mécaniquement dictée par la densité du réseau d'implantation territoriale.

Des pays où le nombre des implantations locales est faible peuvent connaître une densité élevée de leur administration fiscale.

Densité du réseau d'unités locales généralistes

France

Allemagne

Canada

Espagne

Etats-Unis

Irlande

Italie

Pays-Bas

Royaume

Uni

Suède

Moyenne

Nombre d'unités généralistes

3840

645

60

206

33

130

950

66

500

120

Population

58,6

81,9

30,3

39,3

267,2

3,6

57,4

41,5

59

8,9

Superficie

551

357

9971

505

9973

71

302

15,6

244,1

450

Nombre d'unités pour 1 million d'habitants

65,5

7,9

2,0

5,2

0,1

36,1

16,6

1,6

8,5

13,5

10,2

Nombre d'unités pour 100.000 km2

696,9

180,7

0,6

40,8

0,3

183,1

314,6

423,1

204,8

26,7

152,7

Source : IGF - Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

Les Pays-Bas se classent au premier rang pour le premier critère avec un agent du fisc pour 622 habitants mais sont l'un des pays qui comptent le moins d'implantations territoriales.

L'exemple du Canada est encore plus frappant puisqu'il n'est pas suspect d'être biaisé par des questions de superficie. Le nombre d'habitant par agent du fisc est au Canada de 882 soit un chiffre nettement inférieur à la moyenne. Il est ainsi caractéristique d'une forte densité liée à l'importance relative du nombre des agents du fisc, alors même que le nombre des implantations territoriales n'y est que de 60.

A l'inverse, il va de soi qu'un réseau largement disséminé sur le territoire n'a de sens que s'il est suffisamment pourvu en effectifs. A cet égard, le vaste déploiement territorial du réseau fiscal français est un facteur explicatif très fort de la densité des agents du fisc au sens large.

L'importance relative des effectifs doit en outre être pondérée par leurs coûts unitaires si l'on veut apprécier l'efficience globale du dispositif.

De ce point de vue, les dépenses de personnel par agent ressortent comme très disparates des données publiées dans le rapport.

B. LE " CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS " 2000--2002 " DE LA DGI

La DGI a présenté le 27 octobre 1999 un " contrat d'objectifs et de moyens " pour la période 2000-2002 qui comporte ses engagements en matière d'amélioration de l'efficience de ses missions.

Le principe de cette démarche ne peut être que totalement approuvé. Toutefois, elle rencontre plusieurs limites.

L'une d'entre elles a déjà été évoquée avec le caractère purement interne à l'administration du processus engagé qui ne permet pas de satisfaire l'exigence d'une reddition de comptes auprès d'un organe extérieur.

Elle est particulièrement choquante pour le Parlement en ce sens qu'elle s'accompagne d'une programmation des crédits de la DGI à horizon 2002 qui relève pleinement de sa compétence démocratique.

D'autres limites concernent le contenu même du contrat qu'il convient d'abord de rappeler.

1. La substance du contrat

L'objectif est d'obtenir des gains d'efficacité bruts s'élevant à 3.228 emplois ainsi que l'indique le tableau ci-après.

Gains d'efficacité associés au contrat d'objectifs et de moyens

Année

2000

2001

2002

TOTAL

Informatisation

242

818

905

1.965

Réforme des CRI (1)

160

160

160

480

Solde des mesures de simplification décidées en 1999 : régime des petites entreprises (suppression du forfait) :

- en CDI

135

135

- en recettes

48

48

Autres mesures d'allégement (évaluation provisionnelle des simplifications législatives ou organisationnelles à intervenir)

160

240

200

600

TOTAL

745

1.218

1.265

3.228

(1) Centres régionaux informatiques.

Mais, en l'état, compte tenu des incertitudes, l'objectif retenu est plus limité, avec 3.000 emplois libérés.

Pour l'essentiel (60 %) les progrès d'efficacité sont attendus de l'informatisation avec les processus suivants :

- la mise en place de serveurs d'information dans le domaine foncier : 275 emplois ;

- la poursuite de la dématérialisation dans le domaine fiscal (liaisons avec la Banque de France et dossiers 2004) : 140 emplois, et foncier (FIDJI, plan cadastral et extraits d'actes) : 803 emplois ;

- l'extension des applications existantes (MIRIAM dans le réseau comptable, MADERE dans les conservations des hypothèques) : 112 emplois ;

- le déploiement d'applications nouvelles (BDRP essentiellement) : 500 emplois ;

- le développement des téléprocédures (TVA essentiellement) : 135.

Les gains évoquées au titre des réformes de structures s'élèvent à environ 800 emplois sur 5ans grâce à la restructuration des centres régionaux d'informatique, dont 480 sur la période 2000-2002, en incluant les départs naturels.

Enfin, les gains d'efficacité proviendraient aussi de la mise en oeuvre de nouvelles mesures de simplification législatives ou organisationnelles . Certaines sont acquises. Ce sont celles qui sont recensés dans le tableau ci-dessus au titre de la réforme des régimes applicables aux petites entreprises. D'autres sont éventuelles, liées à des " mesures de simplification déjà identifiées par la DGI ou en cours d'étude " et concerneraient 600 emplois supplémentaires qui pourraient être dégagés de 2000 à 2002.

Quelques uns des aménagements nécessaires à l'obtention des résultats mentionnés ont déjà été introduits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1999 avec, en particulier, l'instauration d'obligations de dématérialisation de certaines opérations fiscales.

Elles concernent :

l'obligation de déclaration par voie électronique pour les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxe réalisé lors de l'exercice précédent excède 100 millions de francs en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à compter du 1 er mai 2001 ;

l'obligation de télérèglement pour les entreprises dont le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent excède 100 millions de francs en matière de TVA.

Une autre réforme importante qui n'est pas prise en compte dans les gains mentionnés ci-dessus consiste en l'instauration d'une " déclaration express " à partir de 2001.

Elle suppose la pré-impression des salaires et pensions principalement ainsi que, si possible, des revenus de capitaux mobiliers.

Sa mise en oeuvre n'interviendrait qu'à partir de la campagne 2001, avec une montée en charge progressive qui laisse prévoir une concrétisation de tous les effets positifs en matière d'allégements de charge à partir de 2003 seulement.

Les éléments d'assiette concernés par cette " pré-impression " ne seraient plus saisis dans les centres des impôts -où leur saisie avait pourtant été rapatriée au nom de l'efficacité- mais par les centres régionaux informatiques.

Dématérialisation et simplification sont au coeur des économies anticipées dans le " contrat d'objectifs et de moyens ". Cette modernisation des processus fiscaux va dans le bon sens mais votre rapporteur souhaite, à ce propos, rappeler deux exigences. D'abord, le processus de modernisation technologique doit respecter les administrés ; il doit être conduit avec eux et non sans, ni encore moins, contre eux. Ensuite, la simplification des procédures fiscales doit respecter les principes fondamentaux qui s'imposent à notre système de prélèvements. Elle ne doit pas déboucher sur des pratiques susceptibles d'écorner le principe d'égalité devant l'impôt et votre rapporteur souhaite à ce sujet évoquer certains aspects négatifs de la réforme du régime des " petites entreprises ".

Cela étant rappelé, il faut observer que les objectifs recherchés dans le " contrat d'objectifs et de moyens " demeurent assez limités.

On relèvera d'abord qu'une partie des effets attendus dépend de la réalisation de conditions extérieures si bien que le contrat ne peut être entièrement assimilé à la définition d'une politique volontariste. Il est partiellement soumis à aléas.

Il faut ici souligner que la démarche pluriannuelle qui est retenue ne doit en rien entamer les prérogatives du Parlement en matière budgétaire qui restent assises sur le principe d'annualité budgétaire. Il convient de remarquer que les engagements de la DGI doivent plutôt conforter les capacités de contrôle et d'évaluation du Parlement puisqu'ils impliquent la construction et le suivi d'indicateurs précis de gestion (v. supra).

2. Une portée limitée

Mais, au-delà, l'ampleur des gains d'efficacité annoncés doit être correctement circonscrite.

Les 3.248 emplois bruts " économisés " sont, pour la moitié environ, réalloués à la DGI dans les conditions décrites ci-dessous si bien que les " économies " nettes d'emplois s'élèveraient à 1.380 emplois.

Réductions nettes d'emplois

Catégorie

2000

2001

2002

Total

A créations

100

100

100

300

plan social

130

130

130

390

Solde net cadre A

230

230

230

690

B plan social B en A

- 130

- 130

- 130

- 390

plan social C en B

243

223

223

689

Solde net cadre B

113

93

93

299

C rendus à l'Etat

- 420

- 480

-600

- 1.500

transformation en B

- 243

- 223

- 223

- 689

transformation en A

- 160

- 160

- 160

- 480

création ex auxiliaires

+ 60

-+ 100

+ 140

+ 300

Solde net cadre C

- 763

- 763

- 843

- 2.369

Evolution nette des emplois

- 420

- 440

- 520

- 1.380

Il est d'abord prévu de réutiliser les emplois libérés pour créer de nouveaux emplois :

- 720 emplois de catégorie C pour financer la déconcentration de la gestion des ressources humaines et la gestion de la taxe sur les logements vacants ;

- 780 emplois dont 300 emplois pour améliorer les prestations rendues aux usagers et 480 emplois devant financer la création de 300 nouveaux emplois d'inspecteurs destinés principalement au contrôle fiscal.

Les emplois libérés serviront aussi à financer des plans sociaux ministériels qui sont décrits comme suit :

" Les plan sociaux ministériels décidés pour 2000 et 2001 concerneront 243 transformations de C en B et 130 transformations de B en A en 2000, et 223 transformations de C en B et 130 nouvelles transformations de B en A en 2001.

Il est en outre anticipé au présent contrat qu'un plan identique à celui de2001 sera reconduit pour 2002, soit 223 transformations de C en B et 130 transformations de B en A.

Au-delà de ces plans sociaux ministériels, la DGI demande la création de 300 emplois d'inspecteur par transformation d'emplois C. Cette opération mobilisera au total 480 des 780 emplois C disponibles pour améliorer la qualité du service public. Sur ce total, de 480, 180 seront utilisés pour financer le différentiel d'indice (1,6 C pour 1 A) " -v. supra-.

Au terme de ces mouvements nets, l'évolution des effectifs de la DGI serait la suivante :

Evolution prévisionnelle des effectifs de la DGI

1999

2000

2001

2002

A et A+

18.614

18.848

19.078

19.308

B impôt et géo

23.196

23.308

23.401

23.494

C/D

36.360

35.595

34.832

33.989

Ouvriers du cadastre

161

161

161

161

Contractuels

117

116

116

116

Total effectifs budgétaires

78.448

78.028

77.588

77.068

Sur trois ans, les gains nets d'emplois s'élèveraient à 1,8 % soit 0,6 % par an, " performance " qui n'est pas très éloignée de celle observée ces dernières années. Les 1.380 emplois " économisés " doivent être mis en rapport avec les cessations d'activité qui, sur la période, devraient atteindre 5.608 agents. Un peu pus des ¾ des agents partant en retraite seraient ainsi remplacés.

Une part importante des économies d'emplois serait en outre consacrée à des créations d'emplois contestables -celles nécessaires à la gestion de la taxe sur les logements vacants- au regard du souci d'efficience.

Une autre partie serait mobilisée dans le cadre de " plans sociaux " dont le contenu mériterait d'être clairement exposé à la représentation nationale.

In fine , le budget de la DGI évoluerait comme suit :

Evolution du budget global de la DGI sur la période 200/2002

(en millions de francs)

Budget de référence 2000

2001

2002

21.970 (*)

22.046

22.033

L'évolution prévisible du budget global de la DGI ne comporterait donc pas de réduction des moyens mais une progression modérée. Les crédits prévus en 2002 atteindraient tu niveau supérieur à celui de 1999 (+ 1,6 %).

* 23 Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Suède, Allemagne, Pays-Bas, Irlande, Espagne, Italie et France.

* 24 Sans compter les URSSAF et les Assedic.

* 25 Dont il faut souligner qu'il assume en France bien d'autres tâches pouvant justifier un large déploiement territorial.

* 26 Il faut noter que les URSSAF suivent les encaissements globaux sans distinguer leur provenance (CSG, cotisations sociales). Le tri n'est effectué qu'en fin d'exercice, au prorata des sommes dues. Mais cette méthode ne remet pas en cause les résultats avancés. Elle n'a en effet d'incidence qu'en cas de redressement.

* 27 Soit 1.886 milliards de francs de recettes fiscales (fiscalité d'Etat et locale) rapportés à 79.201 " emplois fiscaux ".

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