Jacques LEMERCIER Secrétaire Général de FO PPT

Je remercie le sénateur Larcher pour l'organisation de ce colloque et le sénateur Delfau pour sa contribution presque quotidienne au débat. Je remarque qu'il existe au quotidien de nombreuses similitudes dans leur vision du problème même s'ils insistent plus aujourd'hui sur leurs points de désaccord. J'ajouterai que la Commission Supérieure du Service Public réalise un travail particulièrement important quelle que soit la coloration politique de son président. En tant qu'organisation syndicale réformiste, nous nous félicitons de son fonctionnement et de la contribution réelle qu'elle apporte au débat.

J'avoue au passage avoir été surpris par les résultats de l'étude mentionnée par la représentante de Madame Schweren. Je ne reconnais pas dans ces résultats les propos des consommateurs et des associations de consommateurs que je fréquente.

En écoutant les débats de cette journée, je me disais qu'au fond, nous étions en train d'organiser la suppression progressive de quinze monopoles nationaux publics pour instaurer quatre postes multinationales dont le capital serait peut-être détenu à terme par les fonds de pension américains. J'espère sincèrement que ce n'est pas l'objectif des parlementaires présents et je crois qu'il faut penser aux intérêts de la France. En fait, je pense que le principe de subsidiarité devrait être mieux appliqué.

D'autre part, je pense qu'il y a un amalgame abusif dans les propos de certains intervenants entre service d'intérêt général et service public. Un boulanger, par exemple, exerce bien une activité d'intérêt général. Mais il peut à tout moment choisir de quitter la ville où il se trouve. Force Ouvrière souhaite donc que l'on continue bien de parler de service public puisque tel a été le socle sur lequel a été constitué le service universel qui en est une version très allégée. Il nous paraît en effet que les activités d'intérêt général doivent être gérées par des entreprises qui se trouvent sous la tutelle de l'État. Cela permet un contrôle plus direct du parlement.

Je suis actuellement l'un des vingt et un membres au niveau mondial de l'Internationale des communications où je représente les pays du Sud. Cela m'a permis de constater à quel point la poste française était atypique en Europe : elle ne saurait être comparée à la poste hollandaise ou allemande puisqu'elle représente un réseau de 17 000 bureaux très dense et bien maillé. Les contrastes démographiques et géographiques ne permettraient d'ailleurs pas de traiter la poste française comme la poste hollandaise.

En ce qui concerne la directive européenne, les organisations syndicales réformistes sont satisfaites de la transposition qui a été faite en France et qui n'a pas amené de bouleversement du paysage réglementaire. Nous pensons que le véritable problème à terme viendra de la péréquation tarifaire. Si l'on ne s'accorde pas sur le recours à la péréquation, il sera très difficile de s'accorder sur les autres questions. De plus, il nous paraît très important que les services réservés soient définis de façon assez large pour être adaptés au contexte français qui se distingue nettement de celui de l'Allemagne, des Pays-Bas ou du Royaume-Uni. C'est pour cette raison que nous sommes opposés au fond de compensation qui n'a pas fonctionné aux États-Unis, par exemple dans le domaine des télécommunications. Nous préférons de loin le recours à la péréquation tarifaire.

J'aimerais également reparler des charges indues qui ont été mentionnées par les sénateurs Larcher et Delfau et que nous estimons à 8 milliards de francs par an. Cela explique en partie le manque de financement auquel La Poste se trouve confrontée lorsqu'elle souhaite investir dans des domaines stratégiques comme le colis. C'est d'autant plus grave que le ministre insistait ce matin sur la nécessité pour l'entreprise de s'autofinancer. Cela ne sera possible que si ces 8 milliards de francs indus ne sont plus supportés par La Poste. Or rien n'a été fait dans ce sens.

Les intervenants précédents ont tous insisté sur le rôle de banque sociale de La Poste. Nous pensons cependant que ce n'est pas à elle de l'assumer et nous sommes en faveur de sa spécialisation dans le domaine postal parce que nous refusons que l'entreprise ne devienne une banque nationalisée. Cela reviendrait à empiéter sur les prérogatives des banques qui connaissent actuellement de graves difficultés en matière d'emploi. Cela ne signifie pas pour autant que La Poste ne sera pas habilitée à développer les produits que lui concédait la loi de 1990 (notamment en terme d'assurance). Nous souhaitons simplement que la loi actuelle soit appliquée.

Pour financer la présence postale en milieu rural et le rôle de guichet social de La Poste, nous pensons que l'État doit prendre ses responsabilités.

Comme l'a souligné le sénateur Delfau, il faut constituer des contrats de plan État/régions qui permettront aux départements et aux collectivités locales de discuter avec La Poste. En effet, nous ne croyons pas que les collectivités locales puissent discuter directement avec La Poste. Nous appuyons également l'idée d'une poly-activité des bureaux de poste mais de nombreuses tentatives ont été faites en ce sens depuis dix ans qui ont montré combien la mise en place de ces organismes était difficile. Il existe en effet certaines rigidités au sein d'administrations d'État, d'administrations locales ou d'entreprises publiques qui ont des statuts très différents.

Pour conclure, je dirai que La Poste est à la croisée des chemins. Les postiers le comprennent et il faut aujourd'hui leur proposer un projet d'entreprise publique clair et compréhensible qui leur donne une idée précise de leur avenir. Ils ont déjà admis la nécessité d'une alliance avec un opérateur mondial dans le domaine des colis. Ils sont également conscients de ce qui se passe actuellement en Allemagne et en Hollande et attendent à présent que l'État donne les moyens à La Poste de passer une alliance stratégique. Il faut donc trouver des solutions en interne, en utilisant par exemple les filiales qui peuvent assurer un relais privilégié avec un opérateur privé. Les organisations syndicales réformistes s'impliqueront alors pour faire avancer les choses le plus rapidement possible.

Gérard LARCHER

J'ai entendu les intervenants précédents utiliser un certain nombre de termes dont la définition me paraît être un peu trop élastique. J'aimerais donc rappeler quelques définitions précises.

Juridiquement, le service postal en France ne concerne que les activités de courrier et de transport de Presse. Le service universel ne concerne que la partie courrier du service public en France : un service du courrier en tous points du territoire avec une qualité, des délais et des conditions de prix satisfaisants. Or certains intervenants ont ajouté à cette notion des éléments qui ne relèvent pas du service public.

Ainsi, La Poste a en France un rôle d'aménagement du territoire. Or le coût net du réseau est de 3 à 4 milliards de francs par an. Pour connaître la pertinence de notre réseau, je pense qu'il faut le comparer avec d'autres pays d'Europe qui connaissent des conditions similaires.

De plus, La Poste a un rôle de guichet bancaire pour les plus démunis. C'est une question importante puisque, dans mon département, par exemple, la moyenne des retraits effectués est de 29 francs. Aux Pays-Bas, par contre, les activités postales et financières ont été clairement séparées et il existe à présent une législation en faveur de la bancarisation des plus démunis. Ce système ressemble à celui qu'évoquait François-Xavier Bordeaux.

II serait donc faux de croire que nous sommes les seuls à chercher des réponses aux questions d'aménagement du territoire et de bancarisation des plus démunis. Ce sont malheureusement des problèmes communs aux 15 pays de l'Union.

En 1990, j'avais proposé un amendement visant à donner à La Poste quelques libertés supplémentaires en matière financière. J'ai alors vu l'AFB et le ministre des finances s'y opposer très clairement. Je pense donc que nous devons réfléchir à une nouvelle voie pour éviter que La Poste n'ait à assumer une responsabilité bancaire trop importante. Bancariser La Poste reviendrait à ne pas pouvoir adosser un certain nombre d'opérations.

Page mise à jour le

Partager cette page