Alan JOHNSON Député anglais, ancien responsable syndical de la poste britannique

Je vous remercie de m'avoir invité à participer à ce colloque. Je voudrais vous décrire quelques aspects du rôle de ciment social que la poste essaie de jouer en Angleterre ainsi que la façon dont elle a su se transformer pour faire face au nouvel environnement concurrentiel.

Les services postaux anglais ont été créés au XVIIème siècle. Par la suite, ils sont devenus une entreprise publique qui, en 1990, s'est scindée en trois entités distinctes : Royal Mail pour les lettres, le service des colis et le réseau de 90 000 bureaux répartis sur l'ensemble du territoire.

Au cours des onze années de son mandat, Madame Thatcher a privatisé de nombreuses sociétés mais ne s'est jamais attaquée à la privatisation de la poste. C'est John Major qui a tenté de le faire mais il a dû y renoncer après deux ans d'efforts infructueux. Les britanniques ont en effet soutenu très fortement la campagne que mon syndicat a mené contre la privatisation. Finalement, le Gouvernement a été obligé de recourir à un sondage sur la question : sur les 15 400 réponses adressées, seul un faible pourcentage était en faveur de la privatisation.

L'activité postale anglaise est à la fois efficace et profitable : depuis 20 ans, elle a fonctionné sans aucune subvention publique, ce qui explique certainement en partie la réaction populaire en faveur du maintien de la poste dans le giron de l'État. Les gens craignaient également que la privatisation n'entraîne des problèmes sociaux et des difficultés de toutes sortes.

La poste anglaise tient aussi sa popularité de son efficacité : elle délivre le courrier dans les endroits les plus reculés du pays six jours sur sept. 90 % des habitants reçoivent même une deuxième livraison de courrier au cours de la journée. Le tarif est uniforme, contrairement aux télécommunications, et c'est un élément très important pour ceux qui vivent en milieu rural. Ainsi, sur les 90 000 bureaux existants, la moitié sont déficitaires mais la poste les maintient pour assurer un service public harmonieux. De fait, si seulement 5 % des villages anglais possèdent une banque, 60 % d'entre eux possèdent un bureau de poste.

Depuis les années 60, il existe également des bus postaux qui acheminent le courrier vers des zones qui ne sont pas reliés par les transports publics. C'est le cas notamment en Ecosse. Nous avons également des bureaux de poste spéciaux pour les aveugles. A Noël, un service spécial est constitué pour répondre aux lettres que les enfants écrivent au Père Noël. Cela fait partie de la dimension sociale du service public. En fait, la poste affecte intimement la vie des citoyens qui se sont battus contre la privatisation malgré la promesse faite par les ministres de maintenir ce service public. A l'époque où j'étais responsable postal pour le personnel de la poste, nous avons pris conscience de l'attachement que le public éprouvait pour notre service.

Après l'échec de la privatisation, il nous a fallu relever trois défis : la libéralisation, la globalisation et l'arrivée des nouvelles technologies. La poste devait s'adapter tout en restant un service public et en assurant un service universel. Le principal problème venait du fait que la poste était pénalisée par le Gouvernement qui la considérait comme un service administratif et non comme une entreprise publique. Cela signifie qu'il n'hésitait pas à ponctionner ses bénéfices pour le réaffecter à d'autres services.

Finalement, le Gouvernement a accordé à la poste une liberté commerciale. Cela a été très difficile à mettre en place mais, d'ici quelques semaines, une loi va être votée en faveur du maintien du service universel dont j'ai parlé précédemment. Il ne serait pas normal, en effet, de faire payer au secteur privé le service public qui doit être financé par l'État.

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