II. UN SYSTÈME NATIONAL DE SANTÉ EN VOIE DE DÉCENTRALISATION RAPIDE

Le système national de santé espagnol est organisé selon les principes établis par la Loi générale sur la santé du 25 avril 1986 qui a posé la règle d'une gestion publique des services de santé, incluant la médecine générale et spécialisée et les hôpitaux.

A. SEPT COMMUNAUTÉS AUTONOMES ONT BÉNÉFICIÉ DU TRANSFERT DE COMPÉTENCES EN MATIÈRE DE SANTÉ

Si le système de santé est public, la compétence de sa gestion n'appartient plus, pour toutes les communautés autonomes, à l'Etat central : la Constitution du 31 octobre 1978 avait en effet prévu, dans son article 148, que les communautés pourraient revendiquer et assumer la compétence en matière de santé.

De fait, le transfert de compétences sanitaires au profit des communautés autonomes a été organisé à partir de 1981 : il a répondu à des préoccupations politiques, au moment où l'Espagne venait de faire face à une tentative de coup d'Etat. Il a d'abord concerné celles des communautés " historiques " qui revendiquaient ce transfert.

Le transfert s'est donc opéré selon des modalités très pragmatiques , sans que, notamment du point de vue financier, tous les arbitrages nécessaires aient été réalisés au préalable. Il a concerné les compétences, les structures et les personnels de santé. Ceux-ci ont conservé leur statut de fonctionnaire et disposent des mêmes droits qu'auparavant, à l'exception de quelques différences en matière de rémunération, pour sa partie variable.

Les transferts ont ainsi concerné :

- en 1981, la Catalogne (décret royal 1517/1981 du 8 juillet 1981) ;

- en 1984, l'Andalousie (décret royal 400/1984 du 22 février 1984) ;

- en 1987, le Pays basque et Valence (décrets royaux 1536/1987 et 1612/1987 des 6 et 27 novembre 1987) ;

- en 1990, la Galice et la Navarre (décrets royaux 1679/1990 et 1680/1990 du 28 décembre 1990) ;

- et, en 1994, les Canaries (décret royal 446/1994 du 11 mars 1994).

Les communautés autonomes concernées par ces transferts ne représentent que sept communautés sur dix-sept, mais déjà 62 % de la population espagnole.

L'ensemble des compétences et du système sanitaire devrait être complètement transféré aux communautés autonomes d'ici 2002-2004.

Si le transfert, organisé pour des raisons politiques, a été très rapide au départ, il prend plus de temps pour certaines communautés qui n'expriment pas d'aussi fortes revendications d'autonomie que le Pays basque ou la Catalogne, par exemple. Il suppose aussi la mise à niveau préalable des infrastructures sanitaires afin de garantir l'existence d'une offre de soins homogène sur l'ensemble du territoire.

B. LE RÔLE DE L'ETAT SERA BIENTÔT RÉSIDUEL POUR LA GESTION DU SYSTÈME, MAIS IL DEMEURE MAJEUR POUR SON FINANCEMENT

L'INSALUD, placé sous la tutelle du ministère de la santé et de la consommation et du ministère du travail et de la sécurité sociale, ne gère donc plus aujourd'hui directement que les services de santé concernant 38 % de la population ; à terme, l'ensemble sera transféré.

Pour autant, le rôle de l'Etat n'est pas appelé à disparaître.

L'article 149 de la Constitution espagnole dispose en effet que la coordination générale du système, la politique du médicament, la législation sanitaire (régime du personnel du système national de santé, normes minimales applicables aux établissements, réglementation sanitaire) et les relations internationales en matière sanitaire demeureront dans le champ de compétences étatique.

D'ores et déjà cependant, l'Etat doit coopérer avec les communautés dans ce domaine. Les conditions de la politique régionale de santé sont en effet définies, depuis 1987, par voie de consensus au sein d'un Conseil inter-territorial du système national de santé qui réunit des représentants de l'Etat et des communautés autonomes.

Ce Conseil, institué par la loi générale de santé de 1986, constitue l'organe permanent de coopération et d'information entre les communautés autonomes, et entre l'Etat et les communautés autonomes. Sa composition est paritaire, le nombre de représentants de l'Etat étant égal à celui des représentants des communautés autonomes (17 membres chacun, soit un total de 34 membres). Il est présidé par l'Etat, qui a vocation à garantir l'équité du système sur l'ensemble du territoire.

Il n'y a pas de vote en son sein, les décisions se prenant par consensus. Une seule exception a été constatée depuis sa création, un vote ayant été nécessaire pour élire l'actuel vice-président du Conseil.

Le Conseil se réunit en séance plénière au moins 4 fois par an, à l'initiative de la présidence ou du tiers de ses membres. Il se réunit également en commissions et groupes de travail, aboutissant à la conclusion d'environ 40 accords chaque année.

Ces accords concernent en majorité la santé publique : cette dernière a ainsi fait l'objet de 76 accords, sur un total de 228 accords conclus entre 1987 et 1998.

A travers son financement, l'Etat conserve un rôle majeur dans le système de santé espagnol, même si l'on peut s'interroger sur la pérennité d'un dispositif dans lequel les autorités responsables des dépenses ne sont pas celles qui ont le pouvoir de déterminer ou de faire évoluer les financements.

Les ressources financières des systèmes de santé des communautés autonomes résultent en effet exclusivement du produit d'une répartition nationale du budget de la santé entre communautés.

C. DEPUIS 1994, DES SCHÉMAS DE FINANCEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ TENTENT DE DÉFINIR LES MODALITÉS DE RÉPARTITION DES RESSOURCES ET DE MAÎTRISER L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES

Au cours des premières années qui ont suivi les transferts de compétence, la répartition des 12 % du budget national consacré à la santé (soit 4.000 milliards de pesetas) entre le système " national ", d'une part, et les communautés dotées d'une compétence sanitaire, d'autre part, a été réalisée au strict prorata du nombre d'habitants. Mais, si les dépenses réelles étaient supérieures aux dépenses prévisionnelles, le bouclage financier était assuré par l'Etat, ce qui a favorisé une forte augmentation des dépenses.

Le système était de surcroît peu homogène, avec des différences importantes dans l'allocation des ressources entre régions, et, selon des responsables catalans rencontrés au cours de la mission de votre commission, discriminatoire : en effet, si les dépassements faisaient l'objet d'une participation automatique de l'Etat pour le Pays basque, ce n'était pas le cas pour toutes les communautés autonomes, d'où des difficultés importantes entre communautés.

La clé de répartition " population " demeure la principale (elle vaut pour environ 98 % des financements).

Mais d'autres ont été ajoutées avec, depuis 1994, l'adoption de schémas de financements pluriannuels du système de santé. Le premier a couvert les années 1994 à 1997 ; il a tenté de planifier à moyen terme, pour mieux la maîtriser, l'évolution des dépenses de santé.

Pour la période 1998-2001, un nouveau schéma de financement est venu corriger certaines modalités de la répartition des ressources. D'autre clés de répartition que celle de la population couverte sont venues s'y ajouter, comme l'évolution de cette population et la prise en compte des personnes " déplacées ", c'est-à-dire celles qui vont se faire soigner dans une autre communauté autonome que celle de leur résidence habituelle.

Ainsi, les clés de répartition des financements qui ont été décidées par consensus, s'établissent comme suit :

- 98 % des financements sont distribués en fonction du volume de la population couverte ;

- 0,5 % sont distribués via un fonds de modulation financière qui compense les pertes éventuelles de population d'une année sur l'autre ;

- 1,4 % sont répartis via un fonds visant à prendre en considération, d'une part, les personnes " déplacées " et, d'autre part, certaines technologies ou activités de pointe, comme les greffes.

Le schéma prévoit en outre que les économies réalisées dans le secteur de la santé, à la suite notamment de l'accord conclu entre les pouvoirs publics et l'industrie pharmaceutique, y seront réinvesties.

Ce système de schémas de financements pluriannuels garantit une certaine stabilité en éliminant l'incertitude budgétaire et en prévoyant l'indexation des financements sur le PIB : son objectif est en effet de rendre la croissance des dépenses budgétaires de santé parallèle à celle du PIB nominal.

Ses points faibles, selon les responsables de l'INSALUD, résultent de la difficulté à obtenir un consensus entre communautés autonomes sur les critères de pondération de la répartition financière, ainsi que de la difficulté de rendre les communautés autonomes responsables de leur gestion.

Des communautés offrent ainsi à leurs habitants de meilleures prestations que le système défini au niveau national : ainsi, en Andalousie, la liste des médicaments pris en charge est plus large que celle qui a été établie au niveau national.

En vertu des dispositions de la loi générale de santé de 1986, en effet, les régions peuvent financer sur leurs ressources propres les dépenses supérieures à celles dont le financement est garanti par l'INSALUD.

Une autre faiblesse importante du système résulte dans l'imperfection du système d'information permettant d'évaluer le volume des populations " déplacées ".

Selon les responsables catalans de la santé rencontrés au cours de la mission, le système des schémas de financement présente d'autres points faibles.

Ainsi, le premier schéma de 1994 prenait, pour base de l'évolution du budget de la santé, une estimation sous-évaluée des dépenses réalisées en 1993.

En outre, ce schéma ne prévoyait pas les modalités d'apurement de la dette du système de santé, obligeant ainsi les communautés autonomes à rembourser des dépenses très anciennes.

Ces responsables critiquent aussi l'absence de prise en considération de la structure par âges de la population, et notamment du nombre de personnes âgées qui consomment plus de soins que la moyenne de la population.

Enfin, ils considèrent qu'il n'est pas logique de s'en tenir à une répartition des financements proportionnelle au nombre d'habitants : ainsi, les Catalans, qui ont un revenu par habitant supérieur à la moyenne espagnole, consomment en conséquence plus de soins de santé.

Ces considérations conduisent certains Catalans à réclamer, pour leur Communauté autonome, un pouvoir fiscal qui permettrait d'adapter les ressources de son système de santé à celles de ses habitants.

Pour un montant total de 4.046.477 millions de pesetas, la répartition du budget de la santé, en 1999, était la suivante :

- INSALUD, dépenses non transférées : 1.542.007 millions de pesetas ;

- dépenses transférées aux communautés autonomes : 2.504.470 millions de pesetas, dont :

. Andalousie 727.443 millions de pesetas

. Catalogne 655.285 millions de pesetas

. Valence 407.744 millions de pesetas

. Galice 278.862 millions de pesetas

. Pays basque 219.019 millions de pesetas

. Canaries 161.950 millions de pesetas

. Navarre 54.166 millions de pesetas

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