CHAPITRE II :

LES LIMITES DES DISPOSITIFS ACTUELS :
POURQUOI AMÉLIORER LES MODES DE RÉGULATION ?

Le système financier et monétaire international s'est construit autour de deux polices complémentaires : les organisations internationales, principalement celles de Bretton Woods, et un corpus de normes propres à unifier les pratiques de supervision financière et bancaire. Or ces deux garants de l'équilibre font aujourd'hui la preuve de leurs limites, montrant la nécessité d'une nouvelle régulation.

I. LE RÔLE LIMITÉ ET AMBIGU DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES MULTILATÉRALES

A. LE FMI : UNE ACTION CONTRAINTE ET CONTESTÉE

1. Un rôle limité à la résorption des déséquilibres de la balance des paiements

Le Fonds monétaire international est une institution centrale du système monétaire international défini par la conférence de Bretton Woods. Ses missions ont cependant considérablement évolué au cours des trente dernières années. Le FMI a en effet été créé dans le but de réguler le système monétaire international de changes fixes, et de mettre fin aux fréquentes dévaluations compétitives utilisées au cours des années trente . Or, le démantèlement du système monétaire international fondé sur la fixité des taux de change au début des années soixante-dix a modifié de manière fondamentale son rôle, qui demeure cependant essentiel à la stabilité du système monétaire international.

Le FMI est devenu un instrument de régulation financière et d'aide aux pays de développement, chargé de permettre à ces pays de surmonter des crises temporaires de financement de leur déficit de la balance des paiements. L'action du FMI consiste ainsi à prêter de l'argent aux pays connaissant ce type de difficultés, à condition que ceux-ci mettent en oeuvre des politiques appropriées pour parvenir à l'équilibre de leur balance des paiements. La limitation du capital du FMI implique que les prêts aient une durée réduite, afin de disposer constamment des financements nécessaires pour venir en aide aux pays en crise.

2. L'action du FMI est contrainte par une obligation de prudence...

L'action du FMI est contrainte par une obligation de prudence dans l'appréciation des situations financières des pays et par rapport aux signaux qu'il est susceptible de délivrer aux marchés financiers. Lorsque le FMI considère qu'une crise va survenir, celle-ci ne se produit pas nécessairement. Cependant, il doit veiller, en émettant ses avertissements, à ne pas aggraver la situation qu'il dénonce, en confirmant les doutes et les réserves des marchés financiers. Ce risque d'" anticipation autoréalisatrice " constitue une limite constante à l'action du FMI, qui risque de jouer le rôle d'un " pompier pyromane ", qui allumerait le feu en tentant d'éteindre les braises des déséquilibres en formation. L'économiste Jeffrey Sachs, très critique de l'action du FMI en Asie, rappellait ainsi en 1998 : " On compare parfois cette institution [le FMI] à une compagnie de pompiers. Moi elle me fait plutôt penser à une personne qui crierait au feu dans un théatre. Elle a vu quelques flammèches qui pourraient se transformer en incendie - pour le moment, ce ne sont que des petits problèmes structurels -, mais elle ne trouve rien de mieux à faire que de donner l'alerte en hurlant " Au feu ! au feu ! ". Résultat : c'est la panique ! Croyez-moi : en Asie, le FMI n'a pas aidé à restaurer la confiance ! au contraire, il a suscité un mouvement de défiance chez les investisseurs qui se sont tous dit : Si le FMI est là, mieux vaut s'en aller. ".

Le rôle du FMI dans la surveillance des économies et la prévention des crises est rendu particulièrement délicat par l'influence de ses appréciations sur les anticipations des marchés financiers. Les critiques portent donc aussi bien sur l'absence de signaux d'alarme délivrés par l'institution, que sur l'effet dévastateur que peuvent avoir ceux-ci sur les pays en situation de fragilité.

3. ...et par la mise en oeuvre des politiques d'ajustement par les gouvernements nationaux

Lors de leur audition par le groupe de travail, le 18 mai 1999 24( * ) , MM. Stanley Fischer et Jean-Claude Milleron ont indiqué les limites de l'action du FMI dans la prévention des crises, liées notamment à l'action des gouvernements compte tenu du respect du principe de souveraineté des Etats. Les crises financières peuvent avoir une origine politique, qu'il n'est pas facile de prévoir. De plus, le FMI n'est pas toujours écouté par les gouvernements lorsqu'il émet des avertissements quant à la possibilité ou à l'imminence d'une crise.

L'action du FMI est ainsi fortement dépendante de la volonté politique des gouvernements des pays qui subissent une situation de crise, et ce, à toutes les étapes de son intervention. Le FMI ne peut agir que quand les gouvernements en font la demande. Or, ceux-ci ne font souvent appel au FMI que lorsque la situation apparaît impossible à maîtriser sans un soutien financier important. A propos de la crise en Asie, Michel Camdessus rappelait ainsi en 1998 que " la surprise n'a pas été moindre pour les pays eux-mêmes que pour les opérateurs sur les marchés. Quelque peu grisés par de longues années de succès, ils en ont ignoré les prémisses autant que les avertissements qui leur venaient de l'extérieur. Ce syndrome du déni est pour beaucoup dans l'ampleur des sinistres auxquels il leur a fallu faire face quand ils se sont enfin décidé - trop tard ! - chacun à leur tour, à appeler à l'aide le FMI et la communauté internationale . " 25( * ) Or, le FMI ne dispose pas de la même vitesse de réaction que les marchés financiers, du fait de son statut d'institution internationale.

L'action du FMI est également limitée par la mise en oeuvre par les Etats des réformes nécessaires à la résorption de leurs déséquilibres financiers. En effet, il ne peut se substituer à l'action de l'administration, notamment dans le domaine fiscal, et ne peut contrôler sur le terrain les engagements pris par les gouvernements. Enfin, il reste tributaire, à l'ensemble des stades de son intervention, de l'information qui lui est communiquée par les autorités nationales.

Une des clés de la résolution des crises financières est l'implication du secteur privé. Or, le FMI ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte à l'égard du secteur privé, et ne peut que s'en remettre aux gouvernements des Etats pour mettre en oeuvre les conditions de sortie de crise. Il ne peut contraindre, par exemple, les banques et établissements de crédit à maintenir leurs fonds dans un pays. De plus, ses interventions peuvent emporter des effets pervers et renforcer les déséquilibres : dès lors que les interventions du FMI sont anticipées par les marchés financiers, ceux-ci sont incités à sous-évaluer le risque des placements, et à renforcer ainsi les facteurs même qui justifient son intervention . Les modalités d'action du FMI ont été critiquée après la crise asiatique, les soutiens financiers aux pays en difficulté servant essentiellement à rembourser les capitaux privés, et incitant ceux-ci à des prises de risque excessives dans les pays émergents.

Enfin, l'analyse des situations économiques et les interventions financières du FMI ne prennent pas nécessairement en compte la dimension systémique des problèmes, car elle s'effectue pays par pays.

4. Le coût social des mesures d'ajustement prônées par le FMI constitue un dilemme majeur pour cette institution

Les politiques d'ajustement imposées par le FMI sont fondées de manière simple selon le schéma suivant : dans un premier temps, le volume des importations permettant de parvenir à un équilibre de la balance des paiements, compte tenu des perspectives d'exportation, est défini conjointement avec les autorités du pays sollicitant l'aide du FMI. Par la suite, ce volume d'importation définit, compte tenu de la propension à importer du pays et des prévisions de croissance, le niveau de consommation et des dépenses de l'Etat permettant d'atteindre l'équilibre de la balance des paiements. Les politiques d'ajustement prônées par le FMI impliquent donc une forte réduction des dépenses budgétaires et ont un effet récessif inévitable sur les économies des pays émergents confrontées à un problème de financement de leur balance des paiements.

Les préconisations de rigueur du FMI en matière de politique budgétaire et monétaire ont conduit en Asie notamment à une forte élévation du niveau des taux d'intérêt, qui a provoqué la faillite de nombreuses entreprises fortement endettées, et sont sans doute partiellement responsables des troubles politiques et sociaux en Indonésie. Selon Joseph Stiglitz, principal économiste de la Banque mondiale, le FMI aurait imposé une politique budgétaire et fiscale trop rigide et contraignante à l'ensemble des pays d'Asie en crise, alors que les politiques menées en la matière ne peuvent être tenues pour responsables de l'émergence de cette crise.

Lors de son audition par le groupe de travail, le 21 avril 1999 26( * ) , M. Jean-Pierre Landau a rappelé que le FMI avait donné l'impression, au cours de ses récentes interventions, qu'il était porteur de certaines valeurs, en particulier du modèle économique américain, jugé supérieur, et que ses actions consistaient à l'implanter au tréfonds des sociétés des Etats secourus. Or, ceci avait été très mal vécu par les Asiatiques.

Il convient de rappeler à cet égard que les Etats-Unis disposent de 17,87 % des quotes-parts du FMI, soit presque autant de droits de vote. Compte tenu des modalités de prise de décision au sein du FMI, qui suppose une majorité qualifiée correspondant à 85 % des droits de vote, les Etats-Unis disposent de fait d'un droit de veto sur les décisions du FMI. Les pays de la zone euro représentent, quant à eux, 22,66 % des quotes-parts. Cependant, leur influence est considérablement moindre que celle des Etats-Unis, du fait d'une insuffisante coordination entre les pays. Une révision de la formule de calcul des quotes-parts est actuellement étudiée par le FMI, afin d'accorder une plus large place aux pays émergents, probablement au détriment de l'Europe.

De nombreux hommes politiques et économistes ont souligné les effets désastreux des politiques macro-économiques imposées par le FMI sur les niveaux de vie des pays en voie de développement. La prise en compte de ces critiques a conduit le FMI à mener des politiques d'ajustement " à visage humain ", en élargissant la gamme des prêts accordés aux pays en voie de développement. Cet infléchissement de la politique du FMI a conduit celui-ci à s'intéresser davantage aux réformes structurelles et aux conséquences sociales des politiques d'ajustement mises en oeuvre dans ces pays.

L'élargissement du champ d'action du FMI l'a amené à interférer avec les compétences de la Banque mondiale, et à faire apparaître ces deux institutions comme concurrentes davantage que comme complémentaires. La Banque mondiale a en effet considéré que la FMI tendait à mettre en oeuvre des conditions qui entraient dans son champ de compétence, sans l'associer à leur définition.

M. Jean-Pierre Landau a évoqué, lors de son audition par le groupe de travail 27( * ) , les relations désastreuses entre le FMI et la Banque mondiale au cours de la crise asiatique, puisque le FMI mettait en cause les politiques économiques des pays atteints par la crise, tandis que la Banque mondiale tenait pour responsables les marchés financiers.

Le FMI a été accusé par de nombreux économistes et hommes politiques d'avoir fait preuve de " myopie " au cours des récentes crises. Lors de son audition par le groupe de travail 28( * ) , M. Christian de Boissieu a estimé que le FMI devrait se recentrer sur l'objectif qu'il lui était dévolu au moment de sa création, c'est-à-dire le financement des crises de paiement à court terme. Il a observé que le FMI impulsait des politiques structurelles, ce qui est du ressort de la Banque mondiale.

B. LA BANQUE MONDIALE : UNE COORDINATION INSUFFISANTE AVEC LES AUTRES INSTITUTIONS

Le système de Bretton Woods était conçu de manière complémentaire. Alors que le Fonds monétaire international devait traiter les questions de balance des paiements et assurer leur équilibre, la Banque mondiale se voyait confier la responsabilité de la reconstruction et du développement. D'une certaine manière, elle aidait les pays à se développer, réduisait la pauvreté dans le monde et accordait des crédits aux pays membres du FMI. Parallèlement, des banques régionales spécialisées ont vu le jour, en Amérique (la Banque interaméricaine du développement - BID), en Asie (la Banque asiatique de développement) et en Afrique (la Banque africaine de développement). Celles-ci ont le même objectif de développement économique, dans leur zone.

Repères chronologiques sur la Banque mondiale

1944

Création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), siège à Washington

1946

Première assemblée générale de la banque à Savannah

1952

Entrée du Japon et de l'Allemagne

1955

Création de l'Institut de développement économique

1956

Création de la Société financière internationale (SFI)

1960

Création de l'Association internationale de développement (AID)

1966

Création du Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements

1988

Création de l'Agence multilatérale de garantie des investissements

1990

Création du Fonds pour l'environnement mondial

1992

La Suisse, la Russie ainsi que 12 républiques de l'ex-URSS deviennent membres de la Banque mondiale

1994

177 Etats-membres

En réalité, le FMI et la Banque mondiale se sont longtemps développés selon des logiques indépendantes. Le premier a mis en place ses propres instruments financiers tandis que la seconde développait ses modèles économiques sur des hypothèses différentes de celles utilisées par le Fonds. Des dysfonctionnements forts ont existé et peuvent demeurer. Le premier réside dans le maintien, à un niveau très important, d'aides sous forme de prêts d'ajustement structurel de la Banque mondiale dont on ne voit pas toujours ce qui les distingue des actions du FMI. Ceci est d'autant plus source d'inefficacité quand ils interviennent dans le secteur financier, domaine de compétences partagées. Le second renvoie à la possibilité de divergences de diagnostic ou de conditionnalité (FMI et Banque mondiale ne s'entendaient pas, par exemple, sur le rythme de privatisation de la société ivoirienne de raffinage en Côte d'Ivoire). Le troisième est la persistance de zones d'incertitude, comme en témoigne l'impossibilité pour les responsables de la Banque africaine de développement de définir précisément à votre rapporteur la notion de " bonne gouvernance " pourtant quotidiennement utilisée. Par ailleurs, ces institutions ont pu apparaître parfois comme bien trop cloisonnées, la Banque mondiale ne s'ouvrant pas aux questions de surveillance bancaire et le FMI restant réticent à sortir des concepts de stabilisation macro-économique pour entrer dans une logique de développement 29( * ) . Souvent, la Banque mondiale a pu considérer que le FMI proposait des solutions qui l'impliquaient sans pour autant l'associer à leur élaboration.

Le chevauchement des interventions des institutions de Bretton Woods :
l'exemple du Centrafique

" Jeune Afrique économie : Quel est l'état de vos relations avec les bailleurs de fonds, notamment le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ?

Anicet Georges Dologuélé *
: Nous avons signé, en juin 1998, un accord pour une Facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR) avec le FMI. Si le premier décaissement a bien été versé, le deuxième, qui devait intervenir au mois de décembre 1998, n'a pas eu lieu. De fait, les élections législatives ont entraîné des dysfonctionnements de l'économie et nous n'avons pas pu conclure " la revue à mi-parcours " avec le FMI. Une mission du Fonds s'est rendue en Centrafrique, en février 1999, et cet examen a été conclu à la fin du mois d'avril. Dans la foulée, le deuxième décaissement devrait intervenir au mois de juin.

Pour sa part, la Banque mondiale doit présenter devant son conseil d'administration un programme de Crédit d'ajustement structurel (Cas). La décision devrait être prise d'ici à la fin du mois de juin. Comme nous sortons d'une période de crise, la Banque mondiale propose de monter un programme post-conflit qui a l'avantage d'être moins contraignant qu'un Programme d'ajustement structurel (Pas) classique. Le décaissement est plus rapide et, entre deux décaissements, nous ne sommes pas contraints de respecter certains critères de performance. Cela permet de relancer la machine avant de pouvoir bénéficier de programmes sectoriels bien précis.

La Banque africaine de développement (Bad) se situe à peu près dans le même timing. Elle a effectué une mission en mai 1999 pour localiser les projets à financer. L'arrêt des décaissements de la Bad est lié essentiellement à des retards que nous avons pris dans les échéances de remboursement. Les décaissements du FMI et de la Banque mondiale devraient nous aider à faire face à ces retards et donnent une bouffée d'oxygène à l'économie du pays. Nos arriérés de paiement, qui s'élevaient à 6 milliards de F CFA à la fin de décembre 1998, se situent actuellement aux environs de 7 à 8 milliards. "

* alors Premier ministre de la République centrafricaine

Source :
Jeune Afrique économie , 28 juin - 11 juillet 1999

Depuis , la crise asiatique et les débats auxquels elle a donné lieu entre le FMI et la Banque mondiale, ces institutions ont amélioré leur coordination. M. James Wolfensohn l'exprimait ainsi le 21 janvier 1999 : " Je suis convaincu que les rôles respectifs de la BIRD et du FMI sont mieux harmonisés. D'une façon générale, notre institution soeur est chargée de la stabilisation macro-économique dans nos pays clients et du contrôle à exercer. Quant à nous, nous sommes responsables des aspects structurels et sociaux du développement. Ces deux rôles ne sont manifestement pas dissociables et nous collaborons très étroitement sur une base journalière. " 30( * ) La Banque s'est ainsi retrouvée, après de vives discussions, aux côtés du Fonds dans la réflexion sur la crise asiatique et ces deux institutions ont élaboré avec la Banque asiatique de développement le plan de sauvetage mis en oeuvre dans cette région. De même, en Amérique latine, la Banque, le Fonds et la BID ont défini de manière conjointe les programmes de réformes économiques structurelles nécessaires à la sortie de la crise.

La crise a permis de mettre en place des mécanismes de coordination et de répartition des rôles entre les deux institutions. Elles se sont accordées sur un partage des compétences en matière financière, avec la création d'un comité de liaison assurant une information régulière des activités de chacune. Outre le développement des missions conjointes (les fameuses reviews ), les institutions se sont accordées sur la possibilité pour le dirigeant de chacune de participer pleinement aux réunions du comité intérimaire (FMI) et du comité de développement (Banque mondiale). Progressivement, une meilleure coordination se met donc en place.

Le FMI, la Banque mondiale et les banques régionales de développement ont ainsi des missions différentes mais sont contraints d'agir de concert. Le Fonds délivre une aide budgétaire globale à un Etat ; la Banque finance des programmes d'amélioration des conditions de vie, de développement des systèmes de santé et d'éducation ; les banques régionales s'inscrivent dans une logique de projets, la plupart du temps structurants pour l'espace régional. Cependant ces trois formes d'aide interviennent dans un contexte commun et devraient donc découler d'un diagnostic commun ; de même, elles supposent la réunion de conditions dont les plus importantes (réformes structurelles, cadre législatif, privatisations, blocage des salaires, abandon du soutien des prix, réduction du nombre de fonctionnaires, etc.) font partie des compétences communes aux trois institutions.

C. LES LIMITES RENCONTRÉES PAR L'INTERVENTION DES AUTRES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

1. Les limites de l'action et de la légitimité de la Banque des règlements internationaux

La Banque des règlements internationaux est compétente en matière de supervision bancaire. L'action de cette institution est cependant limitée par ses statuts, notamment l'absence de moyens de contrainte appropriés. En effet, le FMI dispose de la conditionnalité des aides pour obliger un pays à modifier les conditions macro-économiques des pays, tandis que la BRI ne dispose pas des moyens de contraindre les pays à mettre en oeuvre ses recommandations en matière de gestion bancaire. De plus, la BRI souffre de l'absence en son sein de nombreux pays, même si des pays émergents rejoignent désormais cette institution (neuf banques centrales de pays émergents y ont adhéré en 1996). Sa légitimité repose cependant sur une plus grande ouverture aux pays émergents, afin que les recommandations et les réglementations émanant de la BRI prennent une dimension universelle, et dépassent le cadre des pays de l'OCDE. Enfin, le consensus nécessaire à son fonctionnement constitue un obstacle sérieux au développement de son rôle dans la régulation financière internationale.

2. De nombreux cercles d'échange et de lieux de décision sont réservés aux pays développés

De nombreux groupes informels de concertation ont vocation à améliorer la coordination des politiques économiques et monétaires à l'échelle mondiale. Le plus connu d'entre-eux, le G 7, regroupe les sept pays les plus riches du monde (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie et Canada) ainsi que la Russie (G 8), et représente ainsi près de la moitié du PIB mondial. Les décisions prises au sein de cette instance ont des conséquences importantes sur l'évolution des taux d'intérêts et des parités entre les monnaies notamment. Le G 7 constitue en effet le cadre de la gestion des responsabilités monétaires dans le monde. Cependant, ses décisions manquent de légitimité dès lors qu'elles sont perçues par les pays en voie de développement comme émanant d'un " gouvernement de fait " du monde dont ils se trouvent exclus. L'ancien directeur général du FMI, Michel Camdessus, a proposé peu avant son départ de l'institution, un élargissement de ce groupe à une trentaine de pays. Le caractère informel et restreint des sommets du G 7 serait préservé, mais la légitimité de ses décisions serait accrue par une telle mesure.

Le groupe des vingt (G 20), constitué du groupe des sept pays les plus industrialisés (le G 7), et de onze " nouveaux " pays (l'Argentine, l'Australie, le Brésil, la Chine, l'Inde, le Mexique, la Russie, l'Arabie Saoudite, l'Afrique du sud, la Corée du sud et la Turquie), en sus d'un représentant de l'Union européenne et d'un représentant du FMI, s'est réuni pour la première fois au mois de décembre 1999. Ce groupe doit émettre des avis, notamment sur la surveillance des flux de capitaux et sur la place du FMI dans le système monétaire international. Cependant, il n'a pas vocation à prendre des décisions.

Le groupe des vingt-deux (G 22), connu également sous le nom de " Willard Group " a été mis en place par le FMI à la suite de la crise financière internationale, afin de proposer des solutions à cette crise. Il comprend les pays membres du G 7 et d'autres pays développés et émergents touchés par la crise.

Le Groupe des trente-trois (G 33), élargit également le G 7 à de nombreux pays émergents. Cependant, il constitue un lieux d'échange, et non de décision, et apparaît comme une timide ouverture des pays riches vers le reste du monde.

La puissance et le manque de légitimité du G 7 a conduit les pays en développement à créer des groupes analogues afin de faire entendre leurs voix et constituer une force de proposition face aux pays industriels. Le G 24, qui comprend huit pays africains, huit pays d'Asie et huit pays d'Amérique latine revendique ainsi une représentation équitable des pays en développement dans les processus de décision afin de mettre la politique monétaire et financière au service du développement.

La multiplication des groupes informels regroupant les dirigeants de pays ne favorise pas la lisibilité des moyens et des objectifs de ceux-ci dans le système international, et ne résout pas la question de la légitimité du G 7. Son élargissement à de nouveaux pays permettrait sans doute d'accroître cette légitimité et de limiter la formation de groupes concurrents.

3. Les instances de supervision et de concertation : un rôle limité par leur objet

Plusieurs organisations internationales sectorielles sont en charge d'édicter des règlements et d'émettre des recommandations afin d'assurer le bon fonctionnement des institutions financière dont elles exercent la supervision. Il s'agit notamment du Comité de Bâle pour les banques, de l'Association internationale des contrôleurs d'assurance (IAIS en anglais), dont le secrétariat est situé dans les locaux de la Banque des règlements internationaux à Bâle, pour le secteur des assurances, et de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), dont le siège est à Montréal. L'action de ces organisations est essentielle pour la définition des réglementations et l'établissement de codes de bonne conduite, qui sont mis en oeuvre dans les pays membres par les autorités nationales. Cependant, leur rôle est limité par leur objet, et la compartimentation des compétences selon le type d'institution financière, ainsi que par leur influence limitée sur les pratiques des pays émergents. Les standards fixés par ces institutions sont en effet applicables aux pays développés qui disposent d'un secteur financier structuré et déréglementé, et ne répondent généralement pas aux besoins des pays émergents.

L'augmentation de la fréquence et de la taille des sinistres financiers a suscité l'inquiétude des organismes de réglementation, qui se sont interrogés sur l'opportunité d'une réglementation accrue. De nombreuses instances de supervision et de concertation regroupent des autorités des pays industrialisés, notamment le Groupe des Trente (G 30), le Comité de Bâle, et l'IAIS. L'IAIS et l'OICV ont fondé en 1996 un forum commun sur les conglomérats financiers, sous l'égide du Comité de supervision bancaire, situé à Bâle. Ce forum a étudié les modalités d'une plus grande coordination afin d'aboutir à la définition de principes communs de supervision des institutions financières.

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