II. LES MESURES RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION DE LA LOI ONT INUTILEMENT AGGRAVÉ LA COMPLEXITÉ DU DISPOSITIF, OCCASIONNANT AINSI ERREURS, PERTE DE TEMPS ET INCOMPRÉHENSIONS

Alors qu'assez peu de dossiers de demande de CMU ont été reçus et que le contrôle des ressources des anciens bénéficiaires de l'aide médicale n'a pas encore été effectué, la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle a considérablement aggravé, car elle n'en est pas la seule cause, l' " engorgement " de beaucoup de caisses primaires d'assurance maladie.

La grande complexité du dispositif législatif, renforcée par les mesures réglementaires d'application, en est la cause directe : la tâche des agents des caisses qui ont dû apprendre un nouveau métier de contrôleur de ressources, a en effet été rude.

A. BEAUCOUP DE COMPLEXITÉ INUTILE

1. Les agents des caisses ont dû apprendre deux méthodes de contrôle des ressources, une pour la CMU de base, une autre pour la CMU complémentaire

Pour être exact, ce n'est pas un mais deux nouveaux métiers qu'ont dû apprendre les agents des caisses de sécurité sociale pour mettre en oeuvre la CMU : en effet, ni les personnes prises en charge, ni la notion de " foyer ", ni les ressources prises en compte ne sont identiques pour la CMU de base et la CMU complémentaire.

a) Les " foyers " de la CMU de base et de la CMU complémentaire ne sont pas identiques

Pour le contrôle des ressources des demandeurs de la CMU de base, la notion de foyer fiscal s'applique le plus souvent.

Comme l'indique la circulaire DSS/5A/5B n° 2000-21 du 12 janvier 2000 " les revenus pris en compte sont ceux de l'assuré et de ses ayants droit. De manière générale, ces revenus correspondent à ceux du foyer fiscal ".

Il n'y a d'exception à ce principe que lorsque le foyer fiscal ne coïncide pas avec celui de la personne affiliée et de ses ayants droit. Dans ce cas, il appartient aux agents des caisses, soit d'additionner les revenus fiscaux de l'assuré et de ses ayants droit, soit de déduire du revenu fiscal de référence du foyer les revenus correspondant à la ou aux personne(s) non ayant(s) droit.

Pour la protection complémentaire, la réglementation est différente. Le " foyer " se compose, aux termes de l'article R. 861-2 du code de la sécurité sociale :

- de l'auteur de la demande ;

- et de son conjoint soumis à imposition commune ou de son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité et des personnes à leur charge " réelle et continue " , à savoir :

- les enfants et autres personnes de moins de 25 ans rattachés au foyer fiscal du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire ;

- les enfants du demandeur, de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire vivant sous le même toit que le demandeur, âgés de moins de 25 ans et ayant établi une déclaration de revenus autonome ;

- les enfants majeurs du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire âgés de moins de 25 ans qui reçoivent une pension faisant l'objet d'une déduction fiscale et dont le versement ne fait pas suite à une décision judiciaire.

b) Les ressources prises en compte ne sont pas les mêmes

Cette difficulté concernant la double notion de " foyer " répond à celle concernant le périmètre des ressources à contrôler.

Pour la CMU de base, en effet, les ressources prises en compte correspondent à celles qui sont énumérées au 1° du V de l'article 1417 du code général des impôts, à savoir le revenu fiscal de référence figurant sur l'avis d'imposition.

Eléments à prendre à compte dans l'assiette de la cotisation prévue
à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale

(annexe à la circulaire DSS du 12 janvier 2000 précitée)

(1° du V de l'article 1417 du CGI : montant net des revenus et plus-values retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente, tel que pris en compte pour l'appréciation du critère d'exonération applicable en matière de taxe d'habitation).



Eléments à prendre en compte

Source d'information

Eléments à déduire du revenu déclaré (1)

Revenu fiscal de référence (de l'assuré et ses ayants droit) : (I - II +III)

Avis d'imposition

Néant

I. - Revenus pris en compte

 
 

a) Traitements et salaires :

 
 

Traitements et salaires avant tout abattement, dont notamment : congés payés, stages, CES, allocation de préretraite progressive, allocation spécifique de conversion versée par l'ASSEDIC, compléments pour les organisations internationales, rémunérations des gérants et associés, avantages en nature, indemnités de préavis en cas de licenciements, partie imposable des apprentis sous contrat, indemnités journalières de maladie maternité imposables (mais pas IF longue maladie ou accident du travail), allocations journalières imposables (allocation chômage partiel ou total versé par les ASSEDIC), indemnités de stage imposables (durée supérieure à 3 mois) (mais pas les bourses de l'enseignement supérieur).

+ préretraites lorsqu'elles sont imposées dans la catégorie des traitements et salaires.

Traitements et salaires avant tout abattement, tels que déclarés au cadre 1 de la déclaration n° 2042 (après déduction des cotisations de sécurité sociale).

Déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels (et) éventuellement déduction forfaitaire supplémentaire).

La déduction forfaitaire de 10 % ne peut être inférieure à 2.320 F (2.310 F) ou 5.070 F (5.040 F) pour un demandeur d'emploi depuis plus d'un an, ni supérieure à 77.850 F (77.460 F).

 
 
 

La déduction forfaitaire supplémentaire ne peut être supérieure à 20.000 F (30.000 F).

Déduction de frais professionnels pour leur montant réel et justifié.

Abattement de 20 %.

Il se calcule sur le total des revenus nets concernés (total des traitements et salaires après déduction des frais professionnels et des pensions et rentes viagères à titre gratuit après application de l'abattement spécifique de 10 %).

Il est plafonné à 142.200 F (141.400 F). Ce plafond s'apprécie distinctement pour chaque membre du foyer fiscal.

b) Pensions, retraites et rentes :

 
 
 

Pensions de retraites, pensions d'invalidité, pensions alimentaires reçues en espèce ou en nature en exécution d'obligations du code civil (dans la limite d'un plafond de 20.480 F (20.370 F) dans le cas d'enfants majeurs), rentes viagères à titre gratuit (à l'exception de l'AVTS, des allocations du FSV et du FSI, des rentes viagères servies aux victimes d'accidents du travail, des pensions militaires d'invalidité, de l'AAH, du RMI, de l'allocation pour tierce personne).

+ Préretraites lorsqu'elles sont imposées dans la catégorie des pensions, retraites et rentes.

Montant des pensions, retraites et rentes déclarées au cadre 1 de la déclaration n° 2042.

Abattement forfaitaire de 10 % applicable aux retraites, pensions et rentes viagères à titre gratuit.

Il ne peut être inférieur à 2.050 F (2.040 F) par titulaire de ces revenus.

Il est plafonné à 20.100 F (20.000 F) pour l'ensemble du foyer fiscal.

Abattement de 20 % : calcul commun à celui mentionné plus haut.

Rentes viagères à titre onéreux

Montant des rentes viagères à titre onéreux déclarées au cadre 1 de la déclaration n° 2042.

Elles ne sont retenues que pour une fraction représentative du capital, déterminée après l'âge du rentier lors de l'entrée en jouissance de la rente (soit : 70 % si moins de 50 ans

50 % entre 50 et 59 ans

40 % entre 60 et 69 ans

30 % au-delà de 69 ans.

c) Revenus d'activités non salariées :

 
 

(Bénéfices agricoles, bénéfices des professions industrielles, commerciales et artisanales, bénéfices des professions non commerciales et revenus assimilés)

- régime du forfait agricole ;

- régime du micro BIC ;

- régime spécial BNC ;

- régimes du bénéfice réel, transitoire ou de la déclaration contrôlée.

Revenus avant tout abattement, déclarés au cadre 5 de la déclaration n° 2042 au titre de l'année concernée.

- lecture directe du revenu à retenir ;

- déduction d'un abattement forfaitaire de 70 % (activités de vente à emporter ou à consommer sur place et de fourniture de logement et e 50 % pour les prestations de services autres que le logement. Le montant de l'abattement ne peut être inférieur à 2.000 F ;

- déduction d'un abattement forfaire de 35 % ;

- abattement de 20 %, accordé aux adhérents d'un centre ou d'une association de gestion agréé.

Il est plafonné à 142.000 F (141.400 F). Ce plafond s'apprécie distinctement pour chaque membre du foyer fiscal.

d) Revenus fonciers :

 
 

- revenus nets fonciers (loyers, fermages, parts de SCI) ;

- régime micro-foncier

Revenus déclarés dans le cadre 4 de la déclaration n° 2042.

- lecture directe à retenir ;

- déduction d'un abattement de 1/3 du revenu brut.

e) Revenus des valeurs et capitaux mobiliers :

 
 

- y compris l'avoir fiscal ou le crédit d'impôt

Revenus déclarés dans le cadre 2 de la déclaration n° 2042, y compris l'avoir fiscal ou le crédit d'impôt (éventuellement imprimés bancaires).

Abattement annuel de 8.000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés, et de 16.000 F pour les contribuables mariés soumis à l'imposition commune applicable exclusivement aux dividendes d'actions de sociétés françaises, aux produits de parts de SARL et EARL et aux intérêts des sommes inscrites en comptes bloqués d'associés.

f) Montant des plus-values mobilières et immobilières imposables (Cessions à titre onéreux).

 
 
 

Montant des plus-values mobilières et immobilières imposables déclarées au cadre 3 de la déclaration n° 2042, c'est-à-dire après application des abattements spéciaux et généraux et prise en compte du seuil de cession.

Lecture directe du revenu à retenir.

Eléments à prendre en compte

Source d'information

Eléments à déduire du revenu brut global (1)
(somme des différents revenus catégoriels)

II. - Charges admises en déduction

 
 

Déficits :

 
 

Déficits de l'année en cours et déficits reportables des cinq années antérieures (à l'exception de certains déficits fonciers, des déficits agricoles dans certaines circonstances, des déficits d'activités non commerciales à caractère non professionnel, des déficits d'activité commerciale à caractère non professionnel.

Déficits déclarés cadre 4 de la déclaration n° 2042 en ce qui concerne les déficits fonciers imputables, cadre 5 pour les revenus d'activité non salariaux et cadre 6 pour les déficits des années antérieures

Montant porté sur la déclaration.

Charges déductibles du revenu global :

 
 

- CSG sur les revenus du patrimoine ;

- pensions alimentaires versées à un ascendant ou à un descendants ;

- frais d'accueil des personnes âgées de plus de 75 ans ;

- déductions diverses.

Charges déclarées au cadre 6 de la déclaration n° 2042.

- montant figurant sur la déclaration ;

- montant porté sur la déclaration (dans la limite d'un plafond de 20.480 F (20.370 F) par enfant dans le cas de pensions servies à un enfant majeur) ;

- montant porté sur la déclaration (dans la limite d'un plafond de 17.910 F (17.840 F) par personne recueillie) ;

- montant porté sur la déclaration.

Abattements spéciaux :

 
 

- personnes âgées de plus de 65 ans ou invalides quel que soit leur âge ;

- rattachement d'un enfant ayant fondé un foyer distinct ou célibataire, veuf, divorcé, chargé de famille.

- pas d'information synthétique sur la déclaration n° 2042 pour procéder au calcul de ces abattements ;

- informations figurant ligne N du cadre D de la déclaration n° 2042.

- déduction d'une somme de 10.000 F (10.040 F) sir le revenu net global n'excède as 62.300 F (61.900 F) et de 5.050 F (5.020 F) si ce revenu est compris entre 62.300 F (61.900 F et 100.600 F (100.100 F).

Cet avantage est doublé pour les personnes mariées si les deux conjoints remplissent les conditions d'âge ou d'invalidité et si le revenu imposable du foyer fiscal n'excède pas les limites précitées.

- abattement de 20.480 F (20.370 F) par personne rattachée.

Eléments à prendre en compte

Source d'information

Eléments à réintégrer

III. - Réintégration de certaines charges déduites et prise en compte de certains revenus exonérés d'impôt.

a) Réintégration de certaines charges (2) :

 
 

- souscriptions en numéraire au capital SA se consacrant au financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA) ;

- pertes résultant de la souscription au capital de sociétés nouvelles ;

- acquisitions de parts de copropriété des navires civils de charge ou de pêche et des navires de commerce soumis à agrément ;

- souscription en numéraire au capital de sociétés ayant pour objet le financement de la pêche artisanale (SOFIPECHE) ;

- déduction applicable aux investisseurs éligibles au dispositif d'aide fiscale à l'investissement outre-mer.

Charges déclarées au cadre 6 de la déclaration n° 2042

- montants figurant sur la déclaration ;

- montants figurant sur la déclaration ;

- montants figurant sur la déclaration ;

- montants figurant sur la déclaration ;

- montants figurant sur la déclaration.

b) Prise en compte de certains revenus

 
 

- produits de placement à revenus fixes soumis au prélèvement libératoire ;

- traitements et salaires perçus par les contribuables fiscalement domiciliés en France et envoyés à l'étranger par un employeur établi en France ;

- revenus perçus par les fonctionnaires des organisations internationales ;

- revenus exonérés par application d'une convention internationale relative aux doubles impositions ;

- bénéfices industriels et commerciaux exonérés au titre des activités exercées par les entreprises nouvelles dans les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire ou les zones de redynamisation urbaine, par les entreprises dans les zones franches urbaines (pendant 59 mois) et par les contribuables qui exercent ou créent une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole en Corse (pendant 60 mois).

- revenus déclarés au cadre 2 de la déclaration n° 2042 ;

- revenus déclarés au cadre 8 de la déclaration n° 2042 ;

- absence d'obligation déclarative ;

- revenus déclarés au cadre 8 de la déclaration n° 2042, lignes TI, TK ou TL ;

- bénéfices déclarés au cadre 5 de la déclaration n° 2042.

- montant porté sur la déclaration ;

- montant porté sur la déclaration ;

- montant porté sur la déclaration ;

- montant porté sur la déclaration.

(1) Tous les seuils ou plafonds mentionnés se rapportent aux revenus de 1999 (et pour la phase transitoire, aux revenus 1998, chiffres en italique et entre parenthèses).

(2) La réintégration de ces charges suppose qu'elles aient été prises en compte au préalable comme charges déductibles du revenu imposable pour le calcul de l'impôt sur le revenu.


Pour la CMU complémentaire, le décret n° 99-1003 du 25 novembre 1999 modifiant l'article R. 762-8 du code de la sécurité sociale a énuméré les ressources à reconstituer. Non seulement ces ressources ne correspondent pas à celles qui sont énumérées au 1° du V de l'article 1417 du code général des impôts, mais des difficultés supplémentaires résultent du fait que :

- certaines prestations sociales sont prises en compte, d'autres pas ;

- certains avantages en nature ou certaines prestations sociales font l'objet d'une évaluation forfaitaire ;

- et plusieurs dispositions visant à prendre en considération des changements récents dans la situation économique ou familiale du bénéficiaire, prévoient que certaines ressources, dans cette hypothèse, soit seront déduites du total, soit feront l'objet d'abattements.

Pour la détermination des droits à la CMU complémentaire, les ressources prises en compte, aux termes de l'article R. 861-4 du code de la sécurité sociale, comprennent l'ensemble des ressources des personnes composant le " foyer " , nettes de prélèvements sociaux obligatoires, de CSG et de CRDS, y compris les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux.

Toutefois :

- ne sont pas pris en compte : l'allocation d'éducation spéciale, l'allocation de rentrée scolaire et les primes de déménagement, les majorations pour tierce personne, l'allocation compensatrice pour l'emploi d'une tierce personne et la prestation spécifique dépendance, les prestations en nature des assurances maternité, maladie, invalidité ou accident du travail, l'AFEAMA et l'AGED, les aides et secours versés par des organismes sociaux, l'AJE, l'allocation spécifique d'attente, les indemnités en capital de l'assurance accidents du travail et indemnités complémentaires de remplacement, la prime de rééducation et le prêt d'honneur créé par l'article R. 432-10 du code de la sécurité sociale, les bourses d'études (sauf celles de l'enseignement supérieur), les frais funéraires et le capital décès, l'allocation du fonds de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord et l'aide spécifique en faveur des conjoints survivants des membres des formations supplétives.

Sont également déduites les charges consécutives au versement des pensions et obligations alimentaires.

En outre, certaines prestations ou avantages en nature font l'objet d'une évaluation forfaitaire : il s'agit des avantages en nature procurés par un logement à son propriétaire ou ceux dont bénéficie l'occupant à titre gratuit d'un logement, des avantages procurés par des biens mobiliers, immobiliers ou des capitaux non exploités ni placés, ainsi que des aides personnelles au logement.

Enfin, des dispositions spécifiques prévoient des abattements ou déductions spécifiques en cas :

- de diminution au cours de la période de référence, du nombre des personnes composant le foyer (régime de déduction) ;

- de chômage total ou d'une interruption de travail supérieure à 6 mois (abattement de 30 %) ;

- de stage de formation professionnelle ou de perception de l'allocation d'insertion ou de l'allocation de solidarité spécifique (abattement de 30 %).

La très grande complexité de ces règles, avec lesquelles doivent au quotidien " jongler " les agents des caisses et qui n'a pas toujours de fondement logique, est source de beaucoup de perte de temps et d'erreurs.

2. L'évaluation des ressources sur douze mois glissants, pour les seuls salariés, empêche toute automatisation des procédures de contrôle des ressources

La complexité ne s'arrête pas aux différentes définitions du " foyer " et des ressources prises en compte dans le cadre de la CMU. Elle résulte aussi des dispositions de l'article R. 861-8 du code de la sécurité sociale (issu du décret n° 99-1003 du 25 novembre 1999 précité), qui prévoit que, pour les salariés, " les ressources prises en compte sont celles qui ont été effectivement perçues au cours de la période des douze mois civils précédant la demande ", et non pas au cours de l'année civile précédant cette demande.

On comprend bien la logique de cette disposition, qui vise à prendre en considération, aussi fidèlement que possible, la situation économique du demandeur au moment de sa demande de CMU complémentaire.

Cependant, elle n'est utile que pour les demandeurs dont la situation a profondément changé au cours des derniers mois précédant cette demande, et elle fait double emploi avec les dispositions du même article qui prévoient des déductions et abattements en cas de chômage, de séparation ou de décès.

En tout état de cause, elle aurait pu être réservée aux seules personnes dont la situation avait changé en cours d'année.

Cette disposition prévoyant un contrôle des ressources sur " douze mois glissants " empêche toute automatisation du contrôle des ressources, toute référence aux déclarations d'impôt et avis d'imposition, toute collaboration avec les services des administrations fiscales et sociales, toute réutilisation, par les demandeurs, de déclarations de ressources effectuées auprès d'autres organismes que les caisses d'assurance maladie.

Elle oblige les agents des caisses à un long travail manuel de reconstitution des ressources, qui sera malheureusement à recommencer chaque année sur les mêmes bases et selon les mêmes méthodes.

Ce travail est souvent harassant, notamment lorsqu'il s'agit de se référer à des bulletins de salaire rédigés souvent de manière très... sommaire. Ces bulletins de salaire, pour les personnes employées de maison auprès de particuliers ou qui font des " petits boulots ", sont souvent au nombre de 4 ou 5 par mois...

Voici quelques exemples de calculs effectués " à la main " par les agents d'une CPAM :



Dossier n° 2 : Nicole, Lionel, Laurent

Ressources : de mars 1999 à mars 2000

Dossier n° 3 : Claude

Ressources : de février 1999 à février 2000

La règle des " douze mois glissants " , jugée utile par le pouvoir réglementaire pour les salariés, ne l'a cependant pas été, ni pour les indépendants, ni pour les professions agricoles : les articles R. 861-11 à R. 861-15 du code de la sécurité sociale prévoient en effet, pour ces personnes, une évaluation des ressources sur la base de l'année civile précédant celle de la demande.

On pourrait, à première vue, en conclure que, si la tâche n'est pas aisée pour les agents des CPAM qui travaillent sur la base des douze mois glissants, les personnels de l'assurance maladie des indépendants et de la MSA ont la chance de travailler sur la base de l'année civile.

Ce serait oublier que, pour les couples comprenant un salarié et un indépendant ou un agriculteur, le calcul des ressources doit être effectué sur ces deux bases différentes, dans chacun des régimes concernés...

Il est difficile de comprendre l'obstination qu'a manifestée le ministère sur cette question, l'inutile complexité de la règle des " douze mois glissants " ayant été soulignée à plusieurs reprises par la CNAMTS pendant toute la période de rédaction des textes réglementaires.

Ainsi, dès le 20 août 1999, le Directeur général de la CNAMTS, M. Gilles Johanet, avait adressé une première lettre concernant cette question à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Cette lettre mettait notamment l'accent sur les avantages d'une référence aux ressources de l'année civile précédente, et notamment de la collaboration avec la CNAF qu'elle rendait possible.

Puis, le 12 octobre 1999, la commission de l'assurance maladie de la CNAMTS émettait un avis défavorable au projet de décret prévoyant la référence aux " douze mois glissants ".

Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés
Commission de l'assurance maladie

Réunion du 12 octobre 1999

Objet : décret relatif à la composition du foyer et à la détermination des ressources et des charges prises en compte pour l'attribution de la protection complémentaire en matière de santé et modifiant le Code de la sécurité sociale (deuxième partie : décrets en Conseil d'Etat).

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La Commission de l'assurance maladie est appelée à se prononcer sur ce présent projet de décret.

Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés
Commission de l'assurance maladie

Réunion du 12 octobre 1999

Relevé de décisions

Mais rien n'y a fait : sur arbitrage personnel du ministre, semble-t-il, le décret finalement publié a écarté la solution simple que constituait la référence aux ressources de l'année civile précédente pour l'examen des droits à la CMU complémentaire, et a retenu, pour les salariés, la référence aux " douze mois glissants " .

3. Et il faut aussi compter avec les procédures dérogatoires

Par souci de " simplification " -mais cette simplification a malheureusement plus profité aux rédacteurs des décrets d'application qu'aux gestionnaires du dispositif CMU-, " la volonté des pouvoirs publics a été d'établir une stricte identité entre les conditions d'accès au revenu minimum d'insertion et à la couverture maladie universelle complémentaire. " (circulaire DEPSE/SDPS/C2000-7010 du 28 février 2000 du ministère de l'agriculture et de la pêche).

Or, il résulte des textes d'application de l'article 16 du décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 relatif à la détermination du RMI et notamment de la circulaire n° 193 de la CCMSA du 15 décembre 1988 que, " lorsque les conditions d'accès au RMI pour les non-salariés ne sont pas satisfaites, le préfet peut, à titre dérogatoire et pour tenir compte de circonstances exceptionnelles, ouvrir un droit au RMI ".

Aussi, les textes réglementaires concernant la CMU ont imposé aux agriculteurs assujettis au régime fiscal du réel une procédure dérogatoire d'instruction de leurs demandes, qui sera réalisée, non par la caisse de MSA, mais... par le préfet.

Les articles R. 861-11 et R. 861-12 issus du décret n° 99-1003 du 25 novembre 1999 précité réservent ainsi l'admission d'office à l'examen des droits à l'attribution de la CMU complémentaire par les caisses les demandes présentées par :

- les personnes soumises au régime d'imposition des bénéfices agricoles forfaitaires mettant en valeur une exploitation dont le dernier bénéfice agricole forfaitaire connu est inférieur à 1.030 fois le SMIC (41.942 francs) ;

- et les personnes relevant de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC et/ou des BNC dont le dernier chiffre d'affaires hors taxe annuel est inférieur aux limites fiscales du régime micro-entreprises.

En conséquence de l'idée encore trop répandue selon laquelle les exploitants agricoles soumis au régime d'imposition des bénéfices agricoles au réel ou transitoire ainsi que les membres des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés sont nécessairement " plus riches " que ceux qui sont au forfait, elles ne sont pas visées par l'examen direct des conditions d'accès à la CMU complémentaire.

Il appartient ainsi au préfet (et non à la caisse), à titre dérogatoire d'accorder, après évaluation des ressources, le bénéfice de la CMU complémentaire aux intéressés (article R. 861-13 du code de la sécurité sociale).

Selon les départements, l'application de ces textes complexes est plus ou moins difficile. Selon les gestionnaires du régime agricole rencontrés par votre rapporteur, le préfet donne parfois une grande liberté d'instruction à la caisse. Mais, dans d'autres préfectures ou sous-préfectures, il est procédé à un examen très attentif des dossiers, ce qui implique de nombreuses demandes d'information adressées aux caisses de MSA, beaucoup de perte de temps, et parfois aussi beaucoup d'incompréhension de la part des bénéficiaires potentiels de la CMU imposés au réel. Il a même fallu, pour que tous les préfets acceptent d'accorder des dérogations que le ministère publie une circulaire...

Circulaire DEPSE/SDPS/C2000-7010 du 28 février 2000
du ministère de l'agriculture et de la pêche

Objet : conditions d'accès à la CMU complémentaire - Interprétation de l'article R. 861-13 du code de la sécurité sociale

" L'article R. 861-13 prévoit un système dérogatoire, placé sous la responsabilité des préfets de département, ouvert aux personnes qui lors d'une première instruction de leur dossier se sont vu refuser l'accès à cette couverture complémentaire.

" La question peut se poser de savoir si ce dispositif dérogatoire est ouvert aux exploitants agricoles assujettis au régime fiscal du réel.

" La volonté des pouvoirs publics a été d'établir une stricte identité entre les conditions d'accès au revenu minimum d'insertion et à la couverture maladie universelle complémentaire.

" (...) Les exploitants agricoles soumis au régime d'imposition au réel, dans la mesure où ils ne remplissent pas toutes les conditions définies à l'article R. 861-11 mais que leurs ressources sont inférieures au seuil, peuvent faire valoir qu'ils se trouvent dans une situation particulière et prétendre à faire examiner leur demande par vos soins.

" J'attire votre attention sur le fait que cette admission à l'examen de leur dossier repose sur le même principe que celui qui a été fixé dans le cadre de la réglementation afférente au RMI.

" Or, conformément à l'esprit de la loi du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et en l'état actuel des textes réglementaires, ces mêmes exploitants peuvent voir leur dossier examiné par les commissions de dérogation qui ont été mises en place.

Le Directeur des Exploitations
de la Politique sociale et de l'Emploi

Christian Dubreuil

Ces inégalités de traitement en ce qui concerne la procédure d'instruction des demandes de CMU complémentaire s'ajoutent à celles que l'on peut constater en ce qui concerne la CMU de base pour les indépendants.

Ces inégalités, prévisibles compte tenu de la rédaction du projet de loi, avaient été dénoncées par votre rapporteur au cours de sa discussion en séance publique, sans que celui-ci ait bénéficié d'une écoute particulière de la part du Gouvernement.

Ainsi, pour le régime agricole, les règles d'affiliation au régime de la CMU ou au régime agricole se basent sur des critères différents qui feront qu'à revenu égal, deux personnes seront redevables de cotisations d'un montant différent.

La loi prévoit en effet que les bénéficiaires de la CMU seront redevables d'une cotisation lorsque leurs ressources dépasseront un certain plafond fixé par décret.

Or, l'assujettissement auprès de la MSA ne se fait pas sur un critère de revenu mais sur un critère de surface d'exploitation. En effet, selon les dispositions du code rural, relèvent du régime agricole toutes les personnes qui dirigent une exploitation d'une dimension au moins égale à une demi-SMI (surface minimum d'installation), et ce, même si leur revenu est faible.

Il apparaît donc que les personnes dirigeant une exploitation dont la surface est supérieure à une demi-SMI relèveront du régime agricole pour ce qui est de leur couverture maladie et devront verser une cotisation auprès de la MSA selon les règles en vigueur actuellement, et ce, qu'elles disposent de plus ou moins de 3.500 francs par mois.

Les personnes dirigeant une exploitation inférieure à une demi-SMI et sans autre activité relèvent, quant à elles, du régime de la CMU sans devoir acquitter de cotisation si elles disposent d'un revenu inférieur à 3.500 francs par mois.

Un problème d'équité se pose donc. Pour bénéficier d'une couverture maladie, une personne dont le revenu est inférieur à 3.500 francs par mois se verra dans l'obligation d'acquitter ou non une cotisation, selon la taille de l'exploitation qu'elle dirige, et donc selon qu'elle est affiliée ou non au régime agricole.

4. Les formulaires sont impossibles à remplir sans assistance, car peu clairs et parfois erronés ou incomplets

70 % des dossiers transmis dans une caisse d'assurance maladie visitée par votre rapporteur s'avèrent incomplets : plusieurs rendez-vous avec la grande majorité des demandeurs sont ainsi nécessaires au cours desquels les agents des caisses doivent fournir des explications supplémentaires.

Cette perte de temps s'explique par l'insuffisante clarté, et parfois le caractère erroné, ou incomplet, des formulaires administratifs de demande.

Quelques exemples :

•  Quelle est la différence entre " revenus perçus en France, hors de France ou versés par une organisation internationale " (formulaire Cerfa n° 11420*01, déclaration de ressources CMU complémentaire) et " ressources perçues en France, (hors de France) ou versées par une organisation internationale " (formulaire Cerfa n° 11419*01, déclaration de ressources CMU de base) ?

•  Que signifie, pour un demandeur non assisté, les mentions : " Période(s) de référence : du.... au... ou année civile.... " figurant en tête du formulaire Cerfa n° 11420*01 ?

•  Pourquoi la fiche explicative du document Cerfa n° 11420*01 indique-t-elle que la rubrique n° 6 de la déclaration de ressources, consacrée aux prestations familiales et sociales, ne doit pas être remplie par le demandeur, alors qu'elle doit l'être ( " Cette rubrique sera complétée par la caisse d'assurance maladie " ) ?

•  Pourquoi cette même fiche explicative indique-t-elle que l'aide personnalisée au logement, l'allocation logement sociale et l'allocation logement familiale " ne sont pas prises en compte " dans le calcul des ressources, alors que l'article R. 861-7 du code de la sécurité sociale dispose qu'elles sont bien incluses dans ce calcul à titre forfaitaire (12 % du montant du RMI lorsque le foyer est composé d'une personne, et 14 % du montant du RMI fixé pour 2 ou 3 personnes lorsque le foyer est composé de 2 ou 3 personnes) ?

•  Comment les agents des caisses peuvent-ils apprécier " les avantages en nature procurés par un logement " occupé, soit par son propriétaire ne bénéficiant pas d'aide personnelle au logement soit, à titre gratuit, par les membres du foyer du demandeur, l'imprimé de déclaration des ressources ne comportant aucune question sur ce thème ?

Or l'article R. 861-5 du code de la sécurité sociale prévoit que ces avantages sont évalués, de manière forfaitaire, selon des valeurs identiques à celles qui sont prévues pour les aides au logement.

B. CETTE COMPLEXITÉ EST SOURCE D'ERREURS, D'INCERTITUDES ET INCOMPRÉHENSIONS

La complexité du dispositif CMU a contribué à l' " engorgement " des CPAM, constaté depuis le début de l'année 2000.

Certes, il n'est pas anormal que la mise en oeuvre d'une réforme telle que la CMU s'accompagne de quelques dysfonctionnements, au moins en début de période.

Il est cependant frappant que tous les organismes, institutions ou syndicats rencontrés par votre rapporteur aient, chacun pour ce qui les concerne, donné des exemples d'erreurs ou de dysfonctionnements qui apparaissent comme très fréquents.

Et il est certain que, malgré le faible nombre de " nouveaux " dossiers CMU déposés dans les CPAM, cette complexité a contribué à aggraver leur " engorgement " , occasionnant ainsi un grand retard dans le remboursement des dépenses de soins engagées par l'ensemble des assurés sociaux.

1. Quelques exemples d'erreurs, incertitudes et incompréhensions

Envoi de la CPAM du Val-de-Marne

Envoi de la CPAM de l'Essonne

Difficultés rencontrées par la mutuelle X avec la couverture maladie universelle

" A ce jour, dans la gestion quotidienne des bénéficiaires de la CMU, nous avons rencontré quelques difficultés et notamment avec les Caisses primaires d'assurance maladie, soit :

"  Certaines CPAM refusent de délivrer à des assurés sociaux une attestation CMU : l'assuré social est informé qu'il relève bien du dispositif CMU mais la CPAM ayant connaissance d'un organisme complémentaire pour ce dernier, elle demande à l'assuré de résilier son contrat mutualiste et alors, seulement, elle délivrera l'attestation CMU.

" Deux cas de figures se présentent :

" - la CPAM essaye de persuader l'assuré de confier à son centre de sécurité sociale la gestion de la part complémentaire ;

" - il y a confusion dans les termes employés car par radiation du contrat mutualiste, la CPAM veut en fait une radiation du système Noémie qui est un système de télétransmission des prestations entre la CPAM et la mutuelle.

" Dans les deux cas, nous sommes confrontés à un mutualiste angoissé et nous devons alors prendre contact avec la CPAM afin de solutionner le dossier de cet adhérent dans les meilleurs délais.

"  Les assurés sociaux demandeurs de la CMU nous témoignent d'un accueil difficile dans les CPAM car ils sont confrontés à un manque d'information évident de la part des agents qui les reçoivent. Ces mutualistes sollicitent alors la mutuelle et nous font part de leurs angoisses et nous demandent de l'aide : nous devons alors prendre contact avec la CPAM en
présence du mutualiste afin de le rassurer.

"  Les CPAM ne tiennent pas compte des situations d'urgences évidentes qui nécessitent une prise en charge immédiate à la CMU comme le prévoient les textes de la loi et attendent jusqu'à 3 mois pour délivrer l'attestation CMU définitive (alors qu'elles doivent au moins délivrer une attestation provisoire et immédiate au guichet) : là encore, nous sommes face à un adhérent angoissé qui demande notre aide. Nous intervenons alors auprès de la CPAM.

"  Dans le département 93, environ 5.000 assurés sociaux ont reçu une attestation CMU qui a été délivrée par erreur (erreur dans le calcul des ressources par les CPAM). Ces assurés ont bénéficié du dispositif depuis au
moins 2 mois : qui prend en charge la part complémentaire pendant cette période ?

"  Dans certains cas, on reçoit des attestations CMU sur lesquelles n'apparaît pas la famille qui est également bénéficiaire de la CMU : on doit alors prendre contact avec la CPAM pour obtenir des compléments d'informations.

" Néanmoins, la CPAM ne délivrant pas une nouvelle attestation rectifiée à l'assuré, nous devons lui conseiller de faire la démarche auprès de son centre de sécurité sociale afin que la famille ne soit pas pénalisée au moment des soins.

" Pour les concubins qui ont un contrat mutualiste en commun, les deux demandes sont faites en même temps à la CPAM et les attestations
arrivent séparées et à deux dates différentes chez ces assurés : nous sommes alors obligés de séparer les concubins et leur constituer pour chacun un contrat mutualiste dans le cadre de la CMU.

"  En attendant la mise en place d'une procédure de tiers payant entre les CPAM, les organismes complémentaires et les professionnels de santé, les CPAM gèrent à la fois le paiement de la part obligatoire et celui de la part complémentaire : certains adhérents nous adressent des décomptes de sécurité sociale sur lesquels nous constatons que la CPAM n'a réglé que la part obligatoire ou qu'elle n'a pas réglé le forfait (dentaire et optique).

"  Pendant cette période transitoire pendant laquelle les CPAM règlent la part complémentaire, nous avions déjà adressé une carte de mutualiste à un certain nombre d'adhérents qui sont devenus bénéficiaires de la CMU. N'ayant pas d'explication sur l'utilisation de l'attestation CMU auprès des professionnels de santé, ils ont continué à utiliser leur carte mutualiste pour bénéficier du tiers payant. La mutuelle a donc réglé ces prestations à la place des CPAM.

"  Dans notre fichier d'adhérents, nous avons des personnes qui sont enregistrées comme bénéficiaires d'une aide médicale départementale antérieurement au 1 er janvier 2000. Ces derniers auraient dû recevoir une attestation CMU provisoire. Certains continuent de payer une cotisation et perçoivent des prestations et d'autres ont leur contrat suspendu pendant cette période d'AMG, alors qu'ils pourraient bénéficier du dispositif CMU comme le prévoit la loi.

"  Certains pharmaciens et professionnels de santé conventionnés avec la sécurité sociale (centres de santé, dentistes, généralistes, etc.) refusent systématiquement les patients munis d'attestation CMU ou leur demandent d'acquitter leurs soins, ce qui génèrent que certains assurés refusent
aujourd'hui la CMU et choisissent de rendre à la CPAM leur attestation CMU malgré leur situation de précarité.

"  Certains dentistes ou orthodontistes établissent des devis de travaux dentaires sur la base de tarifs supérieurs à ceux définis par l'arrêté préfectoral et ce, bien que le patient ait présenté son attestation CMU.

" Pour conclure, nous ajouterons qu'il existe un véritable manque d'information pour les assurés sociaux mais également pour les associations qui sont sur le terrain et qui sont confrontées aux populations précaires.

" C'est une telle évidence que ces dernières ont sollicité la mutuelle à différentes reprises afin d'organiser des sessions d'information sur la CMU sur la base d'un support que nous avons nous-mêmes constitué.

" On constate bien que pour les assurés sociaux mais également pour le tissu associatif, la mutuelle a une place importante dans le dispositif CMU et devient un " référent " en matière d'accompagnement dans les démarches. "

Lettre du directeur général de l'assurance maladie de Seine-Saint-Denis

La complexité est source d'incompréhensions. Il en est ainsi, par exemple, en matière de prestations familiales, lorsque l'agent de la caisse fait part au demandeur de la CMU complémentaire de la nécessité de déclarer ces prestations, alors que le contraire est écrit sur le formulaire de demande.

Il en est également ainsi pour les personnes âgées qui, de toute bonne foi, ne déclarent pas qu'elles perçoivent le minimum vieillesse, la fiche explicative du formulaire de demande faisant référence à la déclaration d'impôts comme élément utile à fournir à l'appui de la déclaration de ressources, et ces personnes n'allant pas jusqu'à lire la rubrique 9 qui précise qu'il faut déclarer toutes les pensions et rentes, imposables ou non.

Il en est évidemment le plus souvent ainsi pour toutes les personnes percevant le minimum vieillesse ou l'allocation aux adultes handicapés qui ont cru comprendre que le plafond de ressources était de 3.500 francs et qui le dépassent de ... 40 francs, perdant ainsi le droit à la CMU.

Il en est ainsi, enfin, pour les personnes dont les ressources sont inférieures au plafond, mais qui ne bénéficieront pas pour autant de la CMU du fait de la prise en compte forfaitaire de l' " avantage logement " que constitue la propriété ou l'occupation à titre gratuit. Dans ces cas, le formulaire de demande de la CMU ne comportant aucune rubrique consacrée au logement, c'est à l'agent de la caisse qu'il revient de téléphoner au demandeur, lui demander ces renseignements et lui annoncer ensuite la mauvaise nouvelle...

2. La mise en oeuvre de la CMU a contribué à d'importants retards dans le traitement des feuilles de soins

Là aussi, l'alerte avait été donnée dès l'automne : au mois de novembre, l'association des élèves et anciens élèves du CNESS (AECNESS) avait voté une motion mettant l'accent sur les difficultés à attendre, au sein des caisses, compte tenu de la complexité du dispositif CMU.

Cette motion relayait les propos tenus en séance publique par le rapporteur de votre commission lors des débats sur le projet de loi instituant la CMU : il avait en effet, à maintes reprises, insisté sur les difficultés du " nouveau métier " que devraient apprendre les agents des caisses dans des délais très brefs.

Opérant une déconnexion entre le paiement de cotisations et le bénéfice des prestations, mettant en place un contrôle des ressources jamais vu jusque là en assurance maladie, la CMU a exigé de ces agents une véritable " révolution culturelle ".

Devant affronter, malgré le faible nombre de " nouveaux " CMU-istes, une augmentation de la fréquentation des guichets de 30 à 50 %, devant assister les demandeurs dans leurs démarches administratives... et aussi supporter les récriminations de tous ceux qui estimaient avoir droit à la CMU mais dont les ressources avaient finalement été jugées supérieures au plafond, les agents des caisses ont accompli un travail remarquable et fait preuve de beaucoup de patience, d'autant plus remarquable que leur niveau de vie n'est pas toujours très supérieur à celui des bénéficiaires de la CMU...

Fin janvier, compte tenu des conséquences des changements de système informatique, de l'augmentation de la charge de travail résultat des épidémies de fin d'année et de la mise en place de la CMU, 10 millions de feuilles de soins étaient en souffrance dans les CPAM, qui avaient accueilli 500.000 personnes dans le courant du seul mois de janvier.

A la CPAM de Paris, la fréquentation des guichets a été, du 3 janvier au 14 avril, de 584.580 personnes, dont 17,6 % de visites au titre de la CMU ayant pour objet soit des demandes d'informations (26,6 %), soit des demandes de mise à jour de la carte Vitale (pour passer des droits liés à l'aide médicale à la CMU (31,6 %), soit de nouvelles demandes d'attestation CMU (le plus souvent à la suite d'une perte) (21,2 %), soit encore des demandes de dossiers d'attribution de la CMU (22,6 %).

CMU - Accueil centres
au 14.04.200

 

Accueil total

Dont CMU %

Demandes Infos (1)

MAJ Vitale (1)

Attestation CMU (1)

Primo-demandeurs (1)

Semaine 1 03-07/01

38.958

8.416

21 %

2.453

29 %

2.118

25 %

1.515

18 %

1.898

22 %

Semaine 2 10-14/01

45.685

10.176

22 %

2.879

28 %

4.003

39 %

2.451

24 %

2.144

21 %

Semaine 3 17-21/01

44.666

9.388

21 %

2.416

25 %

3.277

35 %

2.413

25 %

1.924

20 %

Semaine 4 24-28/01

43.659

9.081

20,7 %

2.354

25,9 %

2.902

31,9 %

1.905

20,9 %

1.931

21,2 %

Semaine 5 31/01-04/02

36.684

6.695

18,3 %

1.667

24,9 %

2.276

34 %

1.476

22 %

1.383

20,7 %

Semaine 6 07-11/02

42.219

8.309

19,6 %

1.851

22,2 %

2.986

35,9 %

1.780

21,4 %

1.775

21,3 %

Semaine 7 14-18/02

39.533

7.303

18,5 %

1.780

24,3 %

2.425

33,3 %

1.586

21,7 %

1.580

21,7 %

Semaine 8 21-25/02

38.134

7.030

18,4 %

1.637

23,3 %

2.299

32,7 %

1.531

21,8 %

1.643

23,3 %

Semaine 9 28/02-03/03

39.281

6.465

16,4 %

1.689

26,1 %

1.884

29,1 %

1.402

21,7 %

1.550

24 %

Semaine 10 06-10/03

38.527

6.117

15,9 %

1.660

27,1 %

1.775

29 %

1.284

21 %

1.460

23,9 %

Semaine 11 13-17/03

36.359

5.314

14,6 %

1.539

29 %

1.541

29 %

1.020

19,2 %

1.228

23,1 %

Semaine 12 20-24/03

35.842

4.958

13,8 %

1.344

27,1 %

1.308

26,4 %

931

18,8 %

1.380

27,8 %

Semaine 13 27-31/03

36.226

4.753

13,1 %

1.389

29,2 %

1.318

27,7 %

952

20 %

1.126

23,7 %

Semaine 14 03-07/04

36.042

4.715

13,1 %

1.391

29,5 %

1.326

28,1 %

819

17,4 %

1.191

25,2 %

Semaine 15 10-14/04

32.765

4.219

12,9 %

1.322

31,3 %

1.064

25,2 %

809

19,2 %

1.059

25,1 %

CUMUL

584.580

102.939

17,6 %

27.371

26,6 %

32.502

31,6 %

21.874

21,2 %

23.272

22,6 %

(1) Une même personne peut solliciter plusieurs démarches (attestation + MAJ)

dossiers constitués et transmis à la fonction CMU au cours de la 15 ème semaine : 633

Cumul année : 14.831

Dont 195 Base seule

Dont 2.432 Base + complémentaire

Dont 11.098 Complémentaire seule

Accords notifiés : 8.032

Refus : 804

AIDE MÉDICALE ETAT

Cumul Activités Permanences d'Accueil


Personnes reçues : 12.889

Accords AME : 5.883

Refus AME : 324

Les données fournies par la CNAMTS sont cohérentes avec celles de la CPAM de Paris.

Ainsi, au 24 mars 2000, l'ensemble des CPAM avait accueilli, chaque semaine (moyenne sur les 4 dernières semaines), 105.737 personnes venant demander les renseignements ou déposer des dossiers.

Demandes de renseignements

Par semaine (*)

et dépôts de dossiers

Nombre

Structure

Total

105.737

100 %

Par nature de contrat

 
 

Physique

57.809

55 %

Téléphone

28.541

27 %

Courrier

13.462

13 %

Par motif de contact

 
 

Simple renseignements

75.054

71 %

Rens. aux basculés

20.876

20 %

Rens. autres assurés

54.178

51 %

Remplissage de dossiers

30.683

29 %

(*) moyenne sur les quatre dernières semaines

Pendant la même période, le nombre d'équivalents temps plein, dans les caisses primaires, affectés à la CMU (à l'accueil ou pour d'autres fonctions) s'établissait entre 2.316 et 2.626.

CMU
Equivalents temps plein affectés directement à la CMU
CPAM Métropole

 

Effectifs ETP

 

Structure

 

Semaine du 20 au 24/03/00

Semaine du 13 au 17/03/00

Semaine du 31/01 au 04/02

 

Semaine du 20 au 24/03/00

Semaine du 13 au 17/03/00

Semaine du 31/01 au 04/02

Total

2.316

2.359

2.626

 

100 %

100 %

100 %

A l'accueil

1.049

1.091

1.331

 

45 %

46 %

51 %

Aux autres fonctions

1.267

1.269

1.295

 

55 %

54 %

49 %

Les retards importants dans le traitement des dossiers qui ont résulté de cet accroissement significatif d'activité ont nécessité des mesures urgentes.

Ainsi, la CPAM de Paris a décidé de fermer ses guichets et de ne plus recevoir d'appels téléphoniques les 20 et 27 avril, 4, 11et 18 mai.

Surtout, de nouveaux personnels ont dû être recrutés.

A cet égard, le ministère de l'emploi et de la solidarité a adressé la réponse suivante aux nombreux parlementaires qui avaient fait part de leur inquiétude quant aux conséquences de l'engorgement des CPAM sur la qualité du service rendu aux assurés sociaux et aux nombreux professionnels de santé en attente de paiement des tiers payants :

" Le ministère de l'emploi et de la solidarité est très attentif à ce que les caisses disposent des moyens nécessaires pour assurer leurs missions, dans le respect des principes de bonne gestion des ressources publiques et d'une gestion performante du service public. Dans ce contexte, et pour tenir compte de l'événement particulier que constitue la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle (CMU), l'Etat a donné son accord dès cet été pour anticiper des embauches qui normalement auraient dû être discutées dans le cadre de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion pour la période 2000-2002. La commission de gestion administrative de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) s'est prononcée le 18 octobre 1999 en faveur de 1.400 embauches. L'Etat a donné son accord à ces embauches. Par ailleurs, au vu des premières charges de travail liées au démarrage effectif de la CMU, cette commission a donné, le 1 er février 2000, un avis favorable à l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses pour la mise en oeuvre de la CMU et permettre ainsi la résorption du solde de dossiers en instance dans les caisses. Par lettre du 11 février 2000, l'Etat a approuvé cette décision qui prévoit la création de 600 emplois pérennes, dont environ 500 emplois-jeunes et 2.000 mois de contrats à durée déterminée (CDD). "

Votre commission souhaiterait connaître les conditions financières de régularisation de ces créations d'emploi.

Elle estime également difficilement compatibles la nature des tâches auxquelles seront affectés les 500 emplois-jeunes recrutés (guichet, liquidation..) avec la philosophie qui a inspiré l'institution des emplois-jeunes, à savoir la promotion de nouveaux emplois.

Il lui semblerait spécieux de considérer qu'au motif que la CMU constitue une rupture dans notre système d'assurance maladie, les personnels recrutés pour sa mise en oeuvre relèveraient de droit du programme " nouveaux services, nouveaux emplois "...

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