CHAPITRE PREMIER :

LA CROISSANCE EN PERSPECTIVE

La reprise de l'activité économique esquissée en 1996 puis confirmée à partir du deuxième trimestre de 1997 s'est accélérée en 1998.

Faible, la décélération observée en 1999 devrait laisser place à un rythme moyen plus soutenu en 2000, année avec laquelle nous entrons à nouveau dans le domaine des prévisions et donc de l'aléa.

Cet exposé général qui concerne à la fois la loi de règlement de 1998, le projet de loi de finances rectificative pour 2000 et le débat d'orientation budgétaire pour 2001 est, naturellement, l'occasion de revenir sur la croissance 1998-2000 en tenant compte des années qui l'ont précédée. Il doit aussi s'intéresser aux années à venir, 2000 bien sûr, mais aussi la suite et, en particulier, les années 2001 à 2003 qui constituent l'horizon du programme pluriannuel des finances publiques.

Une mise en perspective de la croissance française s'impose donc pour, à partir de données du passé et de comparaisons internationales, tenter d'approcher de quoi demain pourrait être fait.

Accroître la transparence en matière d'information économique

Avant d'évoquer quelques uns des aspects de l'environnement économique de la politique des finances publiques, il convient de regretter vivement le manque de transparence du gouvernement à l'égard du Parlement et, finalement, de l'opinion publique en matière d'information économique.

Ses manifestations abondent ; aussi bien devra-t-on considérer comme de simples exemples parmi d'autres les éléments ici mentionnés qui, tous, concernent les aspects prospectifs de la politique budgétaire.

S'agissant du projet de loi de finances rectificative pour 2000, l'on relèvera que, malgré une profonde révision des hypothèses économiques sur lesquelles il repose par rapport à celles qui avaient été posées pour préparer la loi de finances de l'année, son exposé des motifs ne contient aucune description détaillée des nouvelles prévisions du gouvernement. Les " budgets économiques pour 2000 et 2001 " ne sont ainsi pas portés à la connaissance du Parlement.

S'agissant du débat d'orientation budgétaire pour 2001, une observation analogue s'impose malgré la diffusion de quelques données de prévision.

Pour les années suivantes, y compris celles couvertes par le programme de stabilité (2001-2003), aucune projection économique n'est fournie, les documents du gouvernement se bornant à mentionner une fourchette de prévisions que ne vient expliquer aucune présentation formelle des résultats détaillés de l'exercice de projection ni moins encore des hypothèses sur lesquelles il se fonde.

Il est à tous égards judicieux de situer la politique financière de l'Etat dans une perspective pluriannuelle . Le débat d'orientation budgétaire devrait être un temps fort de cet exercice en comportant un examen des perspectives économiques, des engagements publics dans le temps, déjà acquis ou annoncés à l'occasion de ce débat, et de l'interaction entre ces deux séries d'éléments. Encore faudrait-il pour cela que le jeu des apparences fasse place à celui des démonstrations. C'est le devoir du gouvernement qui dispose, en droit, de l'initiative en matière financière, et, en fait, d'un quasi-monopole sur l'information économique et financière, de réunir les conditions d'un tel débat.

Force est de constater qu'il s'y soustrait. Il s'y soustrait par la nature des documents qu'il diffuse spontanément. Il s'y soustrait encore lorsque votre commission des finances le questionne afin d'obtenir les précisions nécessaires et les documents permettant de compléter les informations lacunaires qui sont produites, laissant sans réponse satisfaisante les questionnaires qui lui sont adressés.

Il faut corriger de tels errements, au terme desquels le Parlement qui, pourtant, consent chaque année les crédits indispensables à la formation de l'expertise économique du gouvernement, se voit privé des fruits et des moyens de celle-ci. Il s'agit là d'une exigence élémentaire au service d'une démocratie plus vivante.

I. 1998-2000, UN RYTHME DE CROISSANCE SOUTENU

La croissance entre 1997 et 1999

 

En volume aux prix de l'année précédente et en %

 

1997

1998

1999

Produit intérieur brut (PIB)

1,9

3,1

2,9

Importations

6,9

11

3,6

Total des emplois finaux

2,8

4,5

3,1

Consommation finale effective des ménages dont :

0,5

3,1

2,2

- dépenses de consommation des ménages

0,1

3,3

2,1

- dépenses de consommation individuelle des administrations publiques

1,6

2,1

2,7

Consommation finale effective des administrations publiques

2,9

- 2,7

2,4

Formation brute de capital fixe , dont

- 0,1

6,3

7,1

- sociétés non financières et entreprises individuelles

0,4

7,9

7,6

- ménages

0,9

3,5

7,8

- administrations publiques

- 5,5

2,5

2,5

Variation de stocks (en contribution au PIB)

0

0,6

- 0,3

Exportations

11,8

7,8

3,7

A. LA CROISSANCE RÉAMORCÉE EN 1997 ET ACCÉLÉRÉE EN 1998

En 1998, l'accélération de la croissance observée dès 1997 s'est accentuée. La croissance en volume a atteint 3,1 % contre 1,9 % l'année précédente. Elle a ainsi dépassé le niveau de la croissance potentielle de l'économie française et s'est trouvée, mais globalement seulement, en ligne avec les prévisions économiques de la loi de finances de l'année.

Ecarts entre les prévisions économiques associées à la loi de finances
et les résultats effectifs en 1998

La croissance pour 1998 a atteint avec 3,1 % le niveau escompté dans la loi de finances de l'année (3 %). Cependant, ses composantes ont été sensiblement différentes de ce qui était attendu.

Les prévisions sur les contributions à la croissance du PIB pour 1998

 

1998

Demande intérieure hors stocks

2,1

dont :

 

Consommation des ménages

1,2

Consommation des administrations

0,3

FBCF

0,5

dont

 

Entreprises

0,4

Ménages hors EI

0,1

Administrations

0,0

Variations de stocks

0,3

Commerce extérieur

0,6

Exportations

1,4

Importations

- 0,8

PIB

3,0

Les contributions effectives à l'évolution du PIB en 1998

 

1998

Dépenses de consommation finale des ménages

1,8

Dépenses de consommation finale des administrations publiques

0,0

Formation brute de capital fixe totale dont

1,1

- Formation brute de capital fixe des sociétés non financières et entreprises individuelles

0,8

- Formation brute de capital fixe des administrations publiques

0,1

- Formation brute de capital fixe des sociétés financières

0,1

Solde extérieur des biens et services

- 0,5

Exportations de biens et services

2,0

Importations de biens et services

- 2,5

Variation de stocks

0,6

Produit intérieur brut

3,1

Source : INSEE, Comptes nationaux

Par comparaison avec les prévisions, la croissance s'est beaucoup plus que prévu appuyée sur la demande interne tandis que l'évolution du solde extérieur qui, en prévision, devait l'alimenter, a en réalité exercé des effets négatifs.

Cette recomposition de la croissance a abouti, notons-le, à une évolution économique plus " riche en prélèvements obligatoires " puisque plus riche en " emplois taxés " .

En 1997, la reprise était venue pour l'essentiel du commerce extérieur, le rythme de progression des exportations atteignant 13,6 % sous l'effet du dynamisme de la demande étrangère et d'une amélioration de la compétitivité-prix des exportateurs. Ainsi, 1,3 des 1,9 point de croissance observée en 1997 étaient venus du commerce extérieur. Il est à noter que sans cette contribution et sans celle des administrations publiques, 1997 aurait été une année noire pour la croissance, la consommation des ménages et l'investissement étant restés quasiment étales.

Le rétablissement de la demande interne en 1998 a ainsi plus qu'opportunément pris le relais de l'extérieur pour tirer la croissance.

La contribution du commerce extérieur à la croissance s'est en effet révélée négative de plus de 0,5 point de PIB en 1998. Cette évolution s'explique par un fléchissement du rythme de croissance des exportations, mais aussi par une nette accélération des importations. Ce dernier phénomène rarement évoqué et, semble-t-il, lié au dynamisme particulier de la consommation des ménages, ne constitue pas un très bon signe quant à la capacité de l'offre domestique à satisfaire leur demande.

Le ralentissement des exportations provoqué par la diffusion des crises dans le monde émergent est resté modéré en moyenne annuelle, cette circonstance conjoncturelle ayant sans doute fortement contribué à ancrer la reprise économique dans les esprits des agents et, ainsi, à permettre à la demande interne de progresser.

Celle-ci s'est en effet accrue dans tous ses compartiments.

La consommation des ménages , composante la plus importante du PIB, s'est nettement accélérée, les ménages réduisant considérablement leur taux d'épargne, passé de 16,3 à 15,5 points entre 1997 et 1998. La progression de la consommation des ménages s'est concentrée sur les produits industriels, les achats d'automobiles progressant de 10,7 % et ceux de biens d'équipement de plus de 18 %. Ce chiffre inusuel traduit sans doute un effet " Coupe du monde de football " et l'extension de l'équipement informatique français.

La demande des entreprises s'est quant à elle traduite par un essor des investissements encore mesuré et surtout par un comportement de restockage massif au terme duquel les variations de stocks ont contribué à 0,6 des 3,1 points de croissance enregistrés en 1998.

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