B. UNE CROISSANCE TOUJOURS VULNÉRABLE AUX ALÉAS EXTÉRIEURS

1. Le risque américain

Depuis maintenant de nombreuses années, les économistes évoquent le " risque américain " qui plane sur la croissance européenne.

Ce risque ne s'est jusqu'à présent pas réalisé, se transformant plutôt en une chance pour la croissance. Le dynamisme de l'économie américaine, ininterrompu depuis 1992, avec une croissance annuelle moyenne un peu supérieure à 3,5 % en volume jusqu'en 1999, s'est accompagné d'une très forte augmentation des importations. Celle-ci a creusé le déficit extérieur des Etats-Unis mais a également fortement contribué à l'activité en Europe. Les exportations de l'Union européenne vers les Etats-Unis ont en effet progressé sur un rythme annuel moyen de 12 % entre 1992 et 1998 quand les importations en provenance des Etats-Unis ne s'accroissaient que de 8,4 %.

Il n'en reste pas moins que les déséquilibres de la croissance américaine se sont creusés et conduisent à envisager les effets d'une résurgence inflationniste, d'une détérioration prononcée de la position extérieure des Etats-Unis ou encore d'un éclatement de la " bulle financière " qui s'y est créée.

Ces perspectives ont fait l'objet de différentes simulations réalisées par l'OCDE qui a exploré trois scénarii :

- une phase d'expansion-récession aux Etats-Unis ;

- un affaiblissement accusé du dollar ;

- une correction importante sur les marchés boursiers.

Le premier de ces scénarii correspond à celui d'un atterrissage manqué de l'économie américaine : l'inflation s'accroît, conduisant les autorités monétaires à relever régulièrement les taux d'intérêt qui atteignent 8 % en 2001 (contre 6,1 % dans le scénario de référence) ; l'économie américaine ralentit fortement sous l'effet de la hausse du dollar et de la correction boursière qui en résultent ; l'impact du cycle américain se diffuse en Europe ; après 2002 toutefois, le desserrement de la politique monétaire favorise un retour de la croissance.

Par rapport au compte central établi par l'OCDE, les Etats-Unis entrent en récession en 2002 après avoir fortement ralenti l'année précédente. La croissance européenne ne pâtit que progressivement de la remontée des taux d'intérêt et de la récession américaine. L'impact du choc est centré sur l'année 2002.

Scénario de référence à moyen terme

Pourcentages de variation par rapport à la période précédente

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Etats-Unis

Croissance du PIB réel

Inflation

Taux d'intérêt nominaux à court terme

Balance courante (% du PIB)

Zone euro

Croissance du PIB réel

Inflation

Taux d'intérêt nominaux à court terme

Balance courante (% du PIB)

3,8

1,6

4,6

- 3,7

2,1

1,3

2,9

0,8

3,1

2,3

5,7

-4,3

2,8

1,7

3,3

0,7

2,3

2,4

6,1

- 4,2

2,8

1,7

4,3

0,8

2,0

2,3

5,5

- 4,0

2,6

1,7

4,3

0,9

3,0

2,2

4,8

- 3,9

2,5

1,7

4,3

0,9

3,4

2,2

4,8

- 3,8

2,4

1,6

4,3

1,0

3,4

2,1

4,8

- 3,7

2,3

1,6

4,3

1,1

Source : OCDE

Scénario d'expansion-récession aux Etats-Unis

Pourcentages de variation par rapport à la période précédente

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Etats-Unis

Croissance du PIB réel

Inflation

Taux d'intérêt nominaux à court terme

Balance courante (% du PIB)

Zone euro

Croissance du PIB réel

Inflation

Taux d'intérêt nominaux à court terme

Balance courante (% du PIB)

4,1

3,5

7,9

- 4,8

3,1

1,8

4,4

1,0

1,5

3,5

8,0

-4,4

2,8

2,1

5,1

1,2

- 0,2

3,5

6,3

- 3,6

1,8

2,2

4,5

0,9

3,2

3,0

4,1

- 3,7

2,5

1,7

4,0

0,8

4,3

2,2

4,1

- 3,6

2,5

1,7

4

0,8

3,4

1,8

4,1

- 3,3

2,2

1,4

4,0

0,8

Source : OCDE

Plus que les valeurs absolues figurant dans le tableau ci-dessus, c'est le sens des enchaînements qu'il décrit qui doit être souligné. De l'ampleur de la contagion des taux d'intérêt américains dépend l'effet en Europe du choc monétaire et financier qui surviendrait au Etats-Unis.

Cette conclusion forte est confirmée par le deuxième scénario où un affaiblissement prononcé du dollar se produirait : la baisse du dollar atteindrait 20 % de sa valeur au cours de l'année N sous l'effet des inquiétudes liées à la dégradation de la position extérieure des Etats-Unis provoquant une chute des marchés d'actions de 25 % et une hausse de l'inflation contrecarrée par un relèvement important des taux d'intérêt. Le ralentissement de l'économie américaine se produit plus tôt que dans le scénario précédent et atteint un niveau supérieur.

Scénario d'affaiblissement du dollar des Etats-Unis

Pourcentages de variation par rapport à la période précédente

 

Année N

Année N+1

Année N+2

Année N+3

Année N+4

Année N+5

Etats-Unis

Croissance du PIB réel

Inflation

Taux d'intérêt nominaux à court terme

Balance courante (% du PIB)

Zone euro

Croissance du PIB réel

Inflation

Taux d'intérêt nominaux à court terme

Balance courante (% du PIB)

2,8

3,4

8,0

- 4,2

2,3

1,2

1,8

0,5

2,2

3,2

8,6

- 3,2

2,4

1,2

1,6

0,2

- 1,8

2,6

7,3

- 2,9

2,6

1,1

2,3

0,1

3,2

2,4

6,6

- 2,7

2,5

1,0

2,8

0,2

3,6

2,4

6,1

- 2,6

2,5

0,8

2,8

0,4

3,4

2,4

5,9

- 2,5

2,4

0,6

2,8

0,5

Source : OCDE

Toutefois, comme le montre le tableau ci-dessus, si la croissance européenne en est ralentie, elle ne connaît pas de " trou d'air ", l'appréciation de l'euro favorisant une politique monétaire permissive qui compense en partie les effets défavorables de l'évolution des taux de change sur le commerce extérieur européen.

Enfin, le scénario d'une correction importante des marchés d'action confirme les enjeux d'une politique monétaire appropriée. On suppose qu'une baisse de la valeur des actions américaines de 30 % se produit au premier semestre de l'année N, entraînant une baisse de 15 % dans les autres pays de l'OCDE.

L'appauvrissement des agents économiques provoque une contraction de la demande qui ralentit la croissance. Cependant, l'assouplissement de la politique monétaire modère les effets de la correction boursière. Très limités en Europe, ils sont plus accusés aux Etats-Unis mais s'y estompent rapidement.

Scénario de correction sur les marchés boursiers

Pourcentages de variation par rapport à la période précédente

 

Année N

Année N+1

Année N+2

Année N+3

Année N+4

Année N+5

Etats-Unis

Croissance du PIB réel

Inflation

Taux d'intérêt nominaux à court terme

Balance courante (% du PIB)

Zone euro

Croissance du PIB réel

Inflation

Taux d'intérêt nominaux à court terme

Balance courante (% du PIB)

2,6

2,4

5,0

- 4,1

2,6

1,7

3,0

0,6

1,9

2,6

4,2

- 3,9

2,7

1,6

3,5

0,6

2,3

2,3

4,2

- 3,8

2,8

1,5

3,5

0,6

3,0

1,9

4,2

- 3,6

2,7

1,5

3,5

0,7

3,1

1,8

4,2

- 3,4

2,3

1,2

3,5

0,7

3,3

1,6

4,2

- 3,3

2,2

1,1

3,5

0,8

Source : OCDE

2. Le risque européen

L'entrée dans la troisième phase de l'Union européenne et l'adoption de l'euro se sont accompagnées d'un transfert du lieu d'exercice de la politique monétaire de la Banque de France vers la Banque centrale européenne (BCE) et, surtout, d'une mutation de la politique monétaire qui, de nationale qu'elle était, s'est européanisée.

La BCE est en effet appelée à régler ses décisions sur des données européennes. C'est la stabilité des prix en Europe que le Traité lui commande d'assurer. Cet objectif crée un risque pour la France.

En effet, les écarts de conjoncture entre pays européens et en particulier, leur divergences au regard de leur position dans le cycle ainsi qu'au regard du niveau d'emploi de la population active, créent le risque d'un approfondissement des divergences de performances en matière d'inflation.

La hausse moyenne des prix en Europe, qui s'est d'ailleurs accélérée au cours des premiers mois de l'année 2000, s'est accompagnée de résultats de plus en plus variables par pays.

Ainsi, même à supposer que la France ne connaisse pas de tensions inflationnistes, le risque d'un resserrement de la politique monétaire européenne, consécutif à une dégradation des performances moyennes, ne peut être éludé.

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