Vers une identité européenne

Mme Josette DURRIEU

Présidente de la Délégation française à l'Assemblée du Conseil de l'Europe

Le Conseil de l'Europe a 50 ans. Qui le sait en France ?

Cette institution, née d'un acte fondateur signé à Londres en 1949 par Churchill et Edouard Herriot, a pour mission de promouvoir la paix par la démocratie et les droits de l'Homme.

Aujourd'hui, 41 Etats en sont membres, de l'Atlantique à l'Oural et au Caucase... Le dernier pays qui ait adhéré en avril 1999 est la Géorgie. Il reste cinq pays candidats. Et l'Europe achevée compterait donc 46 Etats.

Depuis la création du Conseil de l'Europe, le 5 mai 1949, cinquante ans de paix relative ont passé dans cette Europe qui a été le théâtre de tous les conflits et qui ne doit pas le redevenir. Il y a un siècle, un sénateur de la Seine, entre 1875 et 1885, Victor Hugo, disait : " UN jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Espagne, vous Angleterre, Allemagne, vous, toutes les autres nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure et constituerez la fraternité européenne. Un jour viendra où il n'y aura plus d'autre champ de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées ". Mikhaïl Gorbatchev a cité Victor Hugo le 6 juillet 1989 dans son discours attendu de Strasbourg, devant une assemblée à la fois surprise et attentive. Il répondait à une invitation de Louis Jung, alors Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

De 1949 à 1999, avec l'étape décisive de 1989, cinquante années de l'histoire de l'Europe se sont écoulées : la chute du Mur, le vent de l'Est qui balaie tout, le concept nouveau de la Maison commune européenne, une nouvelle ruée vers l'Ouest, marquée par une très grande ambition et par un immense espoir, histoire d'une réconciliation et d'une construction collective toujours en devenir. " Comme un fleuve rentre dans son lit, l'Europe est rentrée dans son histoire et dans sa géographie " , dira François Mitterrand. Au cours des dix dernières années, l'histoire a basculé en soldant à la fois les comptes de la Première Guerre mondiale et de la Deuxième Guerre mondiale. Nombre de forces verrouillées ont été libérées depuis Versailles et Yalta. IL nous faut non seulement rêver, mais surtout imaginer, travailler et construire. Lech Walesa disait à Strasbourg : " Europe, je fais appel à ton imagination ". Je voudrais saluer l'impulsion décisive donnée par Catherine Lalumière, secrétaire générale de l'Assemblée parlementaire de 1989 à 1994, accompagnée entre 1992 et 1996 par Miguel Angel Martinez, alors Président. Catherine Lalumière a dit -et ses mots ont été déterminants : " Je revendique le choix de l'audace pour la démocratie. Il faut savoir choisir entre les risques. Le véritable risque serait de laisser ces pays dehors. Ayons l'audace de les faire entrer ". Ce sont plus de vingt acteurs nouveaux qui évolueront sur la scène européenne. Nombre d'espoirs, de promesses, de crises et d'urgences jalonneront le passage d'un certain ordre européen à un autre.

Après la chute du Mur de Berlin en 1989 et depuis dix ans, les pays de l'ex-bloc soviétique ont engagé leur longue marche vers la démocratie...

Etre admis au Conseil de l'Europe était la consécration de la rupture. C'était, aussi, la reconnaissance et la perspective d'une intégration à plus ou moins long terme à l'Union européenne.

L'Europe est une référence absolue pour ces nouveaux Etats. Sa construction est, également, nécessaire à la stabilisation de notre espace européen.

Le Conseil de l'Europe est ainsi devenu le forum au sein duquel les notions de liberté, de démocratie et de respect des droits de l'Homme ont façonné les esprits et les mentalités des élites politiques de ces nouveaux Etats.

Bien sûr les pays membres n'étaient pas encore des démocraties achevées au moment de leur adhésion... je pense à la Russie, à la Croatie, à l'Ukraine, qui ont pourtant adhéré. Je pense à la Bosnie-Herzégovine qui est candidate ou à la République Fédérale de Yougoslavie qui l'est aussi... Et cependant ces pays évoluent rapidement sous le regard des parlementaires des démocraties anciennes et des experts qui les observent et visitent ces pays. Adhésion qui peut être remise en cause, par exemple pour la Biélorussie dont le statut d'invité spécial a été suspendu.

Le Conseil de l'Europe est devenu cette enceinte unique où pouvait se nouer le dialogue permanent et organisé dans des conditions d'égale dignité.

Le Conseil de l'Europe est devenu ce creuset où se forge l'identité européenne et, peut-être, ce destin commun qu'évoque Edgar Morin. Le Conseil de l'Europe façonne les mentalités, tant il est vrai que tout est question d'esprit et de disposition volontariste. Le Conseil de l'Europe est le lieu d'apprentissage de la démocratie et de la citoyenneté.

Tous ces pays ont besoin d'une Europe unie, pacifique, démocratique, tolérante et prospère. Le risque majeur aujourd'hui est celui d'une Europe fragmentée. L'enjeu du troisième millénaire est l'adhésion des peuples à une identité européenne complémentaire des identités nationales. Le message officiel du Conseil de l'Europe pour le cinquantième anniversaire se terminait ainsi : " Au seuil du nouveau siècle, le Conseil de l'Europe est résolu à saisir pleinement les chances offertes par cette grande Europe de la démocratie. Il s'emploiera résolument à construire une Europe des citoyens un véritable Conseil des Européens ". Au nom de la Délégation française, je salue fraternellement les 800 millions de femmes et d'hommes qui forment cette grande Europe.

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