N° 430

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès verbal de la séance du 21 juin 2000

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat (1) sur les travaux de la Délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au cours de la session ordinaire 1999 de cette Assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,

Par Mme Josette DURRIEU,

Sénateur.

TOME II

Actes du colloque :

" Le Conseil de l'Europe : naissance d'une conscience européenne ",


organisé par la délégation française à
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe,
pour le cinquantième anniversaire du Conseil de l'Europe


Paris - Palais du Luxembourg - 1 er décembre 1999

(1) Cette délégation était composée en 1999 de : MM. Nicolas About, Marcel Debarge , Mme Josette Durrieu, MM. Daniel Hoeffel, Jean-François Le Grand, Lucien Neuwirth, membres titulaires ; MM. James Bordas, Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-Schmidt, Daniel Goulet, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, membres suppléants .


Conseil de l'Europe.

 

DE LA CHUTE DU MUR DE BERLIN AUX NOUVELLES CRISES RÉGIONALES : UNE GRANDE EUROPE DÉMOCRATIQUE À CONSTRUIRE

Ouverture

M. Christian PONCELET

Président du Sénat

Un anniversaire, c'est l'occasion de rappeler des souvenirs et aussi d'envisager l'avenir. Reportons-nous il y a cinquante ans et mesurons le courage visionnaire de ceux qui créèrent le Conseil de l'Europe, afin d'y trouver à notre tour l'optimisme des bâtisseurs d'unité.

Mai 1949, nous sommes au lendemain de la seconde guerre mondiale. En trente ans, l'Europe s'est par deux fois embrasée. Des générations entières ont été fauchées dans leur jeunesse, des villes historiques ont été réduites en cendres et notre civilisation a pu pressentir qu'elle était, selon le mot de Paul Valéry, mortelle.

Mais les plus clairvoyants refusèrent de se résigner au suicide de l'Europe et ont appelé à la réconciliation et d'abord à la réconciliation entre la France et l'Allemagne.

Tel était le voeu de Winston Churchill.

Tel était l'idéal des « Etats-Unis d'Europe » déjà évoqué par Victor Hugo.

Tel était le principe de l'organisation de coopération dont nous fêtons le cinquantième anniversaire.

C'est dans ce climat qu'est né le Conseil de l'Europe. La volonté de paix par la démocratie s'est manifestée par la signature du Traité, le 5 mai 1949. Elle s'est encore affirmée par l'élaboration de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales signée le 5 novembre 1950.

Mais déjà la guerre froide a divisé les anciens alliés qui avaient vaincu le nazisme.

Séparée de sa moitié orientale, l'Europe occidentale a jeté toutes ses forces dans la reconstruction, permettant l'épanouissement des solidarités économiques et de la souveraineté partagée au sein de l'Union européenne.

La démocratie s'y est enracinée, en Grèce comme au Portugal et en Espagne.

Est-ce à dire que le Conseil de l'Europe avait accompli sa mission ? Evidemment non, comme l'a montré l'évolution de notre continent depuis 1989.

Aussi visionnaires que leurs prédécesseurs de 1949, des responsables d'Europe occidentale ont pressenti le besoin de liberté qui montait inéluctablement en Europe centrale et orientale.

Six mois avant la chute du mur de Berlin, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a accueilli des délégués des Parlements de quatre Etats d'Europe centrale et orientale, selon le voeu du Président Louis Jung, et sous la présidence de M. Miguel Angel Martinez.

Ce pari audacieux sur l'avenir, ou plutôt sur les hommes et leur soif de liberté, a été gagné.

Quarante et un Etats, c'est-à-dire à peu près toutes les nations de notre continent, sont aujourd'hui membres du Conseil de l'Europe. Tous souscrivent aux dispositions du statut en faveur de la démocratie et des libertés fondamentales. Tous sont signataires de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ce texte m'apparaît essentiel pour forger la conscience européenne en ce qu'il pose de véritables engagements normatifs, qui obligent les Etats membres à se dépasser en matière de droits de l'homme. C'est pourquoi le Conseil de l'Europe, loin d'être une simple antichambre de l'Union européenne comme certains le considèrent, représente pour moi une véritable communauté de valeurs .

En plus d'un accélérateur du progrès démocratique, le Conseil de l'Europe est aussi un laboratoire de prospective sur de nombreux sujets de société : il a ainsi réfléchi et légiféré dans des secteurs aussi fondamentaux et divers que la bioéthique, ou l'autonomie des collectivités locales qui constitue le soubassement et le fondement de la démocratie.

Les élus des Parlements des quarante-et-un Etats du Conseil de l'Europe débattent ainsi des grandes questions de notre temps et dessinent, à l'Assemblée de Strasbourg, l'avenir du « modèle européen ».

L'acquis est donc immense et l'espoir ne nous est certainement pas moins permis qu'aux fondateurs du Conseil de l'Europe dans une Europe en ruine.

Pourtant, ceux qui prophétisaient il y a peu « la fin de l'histoire » sont cruellement démentis.

Des conflits se sont rallumés dans les Balkans, dans le Caucase et sur le territoire de l'immense Russie.

Ce n'est pas un échec de la coopération européenne. C'est un défi et je suis sûr que nous y ferons face.

Le Général de Gaulle nous a enseigné que la vie est un combat et la liberté également et qu'en fait, la vie est un combat pour la liberté .

Je forme le voeu que les Etats déjà membres à part entière du Conseil de l'Europe et qui sont proches des foyers de conflit -je pense à l'Albanie dont je salue le Président du Parlement parmi nous, à la Bulgarie, à la Croatie, à l'ex-République yougoslave de Macédoine, à la Géorgie- montrent à leurs voisins le chemin de la paix.

Certains Etats non encore membres participent déjà aux travaux de l'Assemblée parlementaire comme « invités spéciaux ». Je sais que tous les représentants de ces Etats, qui participent aujourd'hui à notre colloque, partagent déjà l'idéal européen, et j'espère qu'ils pourront porter votre message commun à ceux qui s'obstinent dans l'impasse de haines ancestrales.

L'adhésion au Conseil de l'Europe, comme à la Convention européenne des droits de l'homme, exclut radicalement le fantasme de nations « ethniquement pures ». Dès lors, il n'y a pas d'autre voie pour la résolution des conflits que la démocratie, le suffrage universel libre et secret, la liberté de la presse et des partis, la sanction de la violence.

En conclusion, je voudrais remercier mon amie Mme Josette DURRIEU, Présidente de la délégation parlementaire française à l'Assemblée du Conseil de l'Europe, d'avoir pris l'initiative de cette journée de commémoration, de réflexion et de projection dans l'avenir.

Je forme des voeux pour que les travaux de votre colloque fassent progresser la conscience européenne, faite indissociablement de respect de l'autre et de respect égal des disciplines collectives sans lesquelles il n'est pas de liberté individuelle.

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