Le rôle des collectivités locales

M. Alain CHENARD
Président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe
Conseiller municipal à la Mairie de Nantes

C'est avec émotion que je vous présente aujourd'hui les actions du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux. Nous bénéficions de nombreuses coopérations entre l'Assemblée Parlementaire et le C.P.L.R.E., même si elles restent insuffisantes. L'action du Conseil de l'Europe est globale : nous devons avoir le plus de contacts possible pour que notre action soit efficace. Si l'Assemblée parlementaire a ses missions propres, auprès des Etats en particulier, nous sommes ici dans une maison, le Sénat, où beaucoup d'élus locaux siègent. Un Etat ne devient nation que si les collectivités locales sont actives, vivantes et inscrites dans le quotidien des citoyens. L'action que mène le Conseil de l'Europe auprès des collectivités locales est désormais reconnue et c'est justifié.

Souvenez-vous de l'importance des jumelages. Nous sortions d'un conflit difficile, meurtrier. Nous nous étions entre-tués. Il fallait oublier, effacer et reconstruire. Mais il fallait surtout se découvrir, se reconnaître. Les jumelages ont joué un rôle fondamental dans ce sens. Aujourd'hui plus personne n'imagine possible un conflit entre la France et l'Allemagne. A l'occasion de notre célébration du cinquantième anniversaire, nous avons reçu deux associations d'élus, l'une de République Sberka, l'autre de Bosnie Herzégovine. Ces associations étaient nées dans des contextes difficiles. Elles ont décidé symboliquement de fusionner en une seule association. Cela m'a rappelé les premières collectivités locales qui, quatre ans après la fin de la guerre, prenaient le risque de se faire insulter avec les premiers jumelages. Les collectivités locales ont aidé à créer une nouvelle Europe qui ne se pense plus en termes de conflits.

Nous avons le même chemin à parcourir pour qu'au-delà du Mur déchu en 1989, nous puissions construire un espace homogène de connaissances et de reconnaissance de valeurs mutuelles. C'est possible, même si les formes seront peut-être nouvelles. Compte tenu des difficultés économiques justement soulignées par le représentant de la Moldavie ce matin, les jumelages doivent sans doute proposer de la chaleur humaine, mais également une coopération beaucoup plus concrète et technique. Lorsque, il y a 20 ans, avec Oskar Lafontaine, nous décidions de jumeler nos villes avec Tbilissi, nous savions qu'un jour peut-être, nous pourrions construire ensemble quelque chose de nouveau. Je suis retourné en Géorgie récemment : je l'ai retrouvée toujours aussi fière, mais profondément meurtrie.

Il sera donc nécessaire, au niveau des collectivités locales, de donner un contenu à nos jumelages qu'il faudrait d'ailleurs sans doute appeler « partenariats » plutôt que « jumelages ». C'est une rude tâche de rétablir la démocratie là où elle a souvent été ignorée. L'Assemblée parlementaire, le Secrétariat général, ont largement participé à la période post-1989 de la vie du Conseil de l'Europe au niveau législatif en aidant à élaborer les lois fondamentales. Nous sommes pour notre part heureux d'avoir pu coopérer avec eux pour tout ce qui concerne le volet collectivités locales. Je tiens à remercier M. Martinez, qui présidait l'Assemblée parlementaire, et Mme Lalumière, alors Secrétaire général, de leur compréhension du rôle de ces dernières sans lesquelles la concrétisation de la démocratie n'est pas possible.

Le Conseil de l'Europe doit veiller à ce que ces valeurs sur lesquelles nous construisons ce nouvel espace soient toujours présentes à notre esprit. C'est l'objectif de notre rapport de monitorage. Tous les ans, nous inscrivons à l'ordre du jour 5 ou 6 pays qui peuvent être des démocraties émergentes ou même installées de plus longue date. L'année dernière, nous avons examiné (entre autres) l'Allemagne et la Hollande. Cette année, nous étudierons la France, dont l'élan de décentralisation devrait peut-être être réactivé.

Nous sommes présents sur le terrain. Dernier exemple, nous avions des contacts au Kosovo avant que le conflit n'éclate. Des maires nous avaient fait part de leurs difficultés. Nous avions pu établir des propositions dont on sait qu'elles ont été utiles au moment de Rambouillet et dans la déclaration de l'ONU. L'ONU nous a demandé d'aller au Kosovo dès juillet pour pouvoir faire des propositions. J'ai vécu là-bas des jours difficiles mais passionnants. Mais nous savons bien que ce qui est en train de se résoudre aux Balkans peut rester problématique dans d'autres lieux. Rien n'est jamais résolu en ce domaine. Madame Lalumière citait le Général de Gaulle, qui a dit du Conseil de l'Europe qu'il était une institution qui dort au bord du Rhin. Quand j'entendais sous ma fenêtre, à Pristina, pendant la nuit, les compresseurs de l'ONU nous fournissant de l'électricité, je n'avais pas l'impression que c'était le doux chant de Lorelei qui montait jusqu'à moi...

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