La consolidation de la démocratie en Albanie

M. Skender GJINUSHI
Président du Parlement albanais

L'organisation de cette commémoration du cinquantième anniversaire du Conseil de l'Europe prouve que l'institution a bien justifié son existence. L'Europe d'avant la Deuxième Guerre mondiale, qui, selon Churchill, était remplie de fleuves de sang, avait compris déjà que sa géopolitique devait changer. Elle devait dorénavant être basée sur la coexistence et l'égalité entre les peuples et les individus. Les valeurs de l'Europe occidentale furent opprimées pendant plus de quarante ans à l'Est. La chute du Mur de Berlin fit naître l'espoir que la partie orientale pouvait suivre l'exemple occidental. Les Pays d'Europe Centrale et Orientale sont aujourd'hui proches de cette intégration.

Mais malheureusement, les pays de Balkans, en butte à une histoire de conflits interethniques, s'embrasèrent : de nouveaux Etats furent créés, résultant de la désintégration de l'ancienne Yougoslavie. Cette évolution est en contradiction avec le mouvement d'intégration européenne. Cependant, l'analyse des événements témoigne de l'attachement des peuples des Balkans à la coexistence et à la construction d'une Europe commune fondée sur l'égalité entre les peuples. La Yougoslavie repose sur des critères contraires à ceux du Conseil de l'Europe. Elle ne peut donc pas se rattacher à l'Europe sans passer par la désintégration. La désintégration des Etats artificiels fondés sur une idéologie nationaliste fut inévitable au même titre que celle du bloc de l'Est basée sur l'idéologie communiste. Cela fut réalisé grâce à la volonté, aux sacrifices et aux aspirations européennes de ces peuples. La paix en Bosnie et au Kosovo a marqué la fin de cette désintégration, créant pour la première fois les conditions réelles pour l'intégration des peuples des Balkans, y compris l'Albanie, en les traitant de manière égale. Cette réalité nouvelle marque l'arrêt de la désintégration balkanique en même temps que l'amorce du processus d'intégration européenne. La situation actuelle des Balkans est à plus d'un point similaire à celle dans laquelle se trouvait l'Europe occidentale à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. La région doit suivre la voie suivie par l'Europe occidentale et favoriser les initiatives bilatérales et multilatérales, en particulier par l'intermédiaire d'institutions telles que le Conseil de l'Europe, l'OSCE et l'Union européenne.

La voie de l'intégration est aujourd'hui plus claire car nous n'avons pas à la mettre en place comme ce fut le cas pour l'Europe occidentale. Nos pays sont membres du Conseil de l'Europe et de l'OSCE, acceptant d'appliquer des principes. Cependant, ils ne remplissent pas encore les conditions institutionnelles et économiques pour garantir leur respect. Le pacte de stabilité entend répondre à cette difficulté. Il constitue en effet l'unique moyen pour le développement ultérieur de la région. Cela explique le soutien que lui apporte la politique albanaise.

La démocratisation des pays de la région constitue un autre enjeu majeur. Cette démocratisation doit favoriser la stabilité interne, le respect des minorités, les politiques de bon voisinage et l'intégration. Pour sa part, l'Albanie avance vers une consolidation de sa démocratie. Après avoir surmonté les dernières crises et la situation au Kosovo, la situation est en voie de normalisation. Ainsi, une réforme institutionnelle, législative et économique a été menée afin de mettre en place la nouvelle constitution préparée en étroite collaboration avec la Commission de la Démocratie par le Droit, fondée par un Accord partiel du Conseil de l'Europe et qui siège à Venise. Cette initiative a pour but de respecter les engagements pris lors de la récente admission au Conseil de l'Europe. L'Albanie a récemment ratifié la convention sur la protection des minorités du Conseil de l'Europe ainsi que la convention européenne sur l'autonomie du pouvoir local. Le projet de loi sur les investissements est parmi les plus libéraux d'Europe. Ces avancées ont été rendues possibles par le soutien apporté par diverses institutions internationales : le Conseil de l'Europe, l'OSCE, la Banque mondiale, le FMI, etc. Je remercie le Conseil de l'Europe pour son soutien en vue de l'adoption d'une législation démocratique et du renforcement des institutions démocratiques en Albanie.

L'admission de l'Albanie au Conseil de l'Europe a été perçue comme un grand événement, comme le premier pas vers l'Europe de demain, comme la première porte qui s'ouvrait à nous. Cela se vérifie chaque jour.

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