II. LE CHANGEMENT DE NATURE DES CRÉDITS POUR DÉPENSES ACCIDENTELLES

A. UN MODE DE DÉTERMINATION VOLONTAIREMENT IMPRÉCIS

En réponse à une question de votre rapporteur, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie indiquait que " compte tenu de la nature des dépenses financées à partir de ces deux chapitres, le niveau des besoins est apprécié en fonction de l'exécution des années passées " .

Cette réponse ne paraît pas satisfaisante.

• En premier lieu, elle est contradictoire avec la suite de la réponse.

Le ministère note que, s'agissant des dépenses éventuelles, " la loi de finances reprend la dotation de l'année précédente " . Les chiffres présentés plus haut confirment cette affirmation.

De même, les crédits alloués aux dépenses accidentelles ont été compris entre 250 et 260 millions de francs entre 1990 et 1995.

Mais, votre rapporteur ne peut que s'étonner de la régularité de l'exécution des années passées concernant ce type de dépenses !

Comment, en effet, les besoins peuvent-ils être appréciés en fonction de l'exécution des années passées, compte tenu de la nature même de ces dépenses ? L'éventualité et le caractère accidentel des crédits inscrits aux chapitres 37-94 et 37-95 se reproduisent-ils donc avec régularité chaque année ?

•  En second lieu, l'augmentation exponentielle des crédits alloués aux dépenses accidentelles est argumentée de façon technique, voire technocratique.

En effet, dans sa réponse susmentionnée, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie indique que " en 1999 et 2000, le gouvernement a souhaité augmenter le montant de la dotation pour accompagner la réforme des méthodes de gestion de l'exécution budgétaire (renoncement aux techniques de régulation ; mise en place de contrats de gestion) " .

Cette réponse inspire à votre rapporteur plusieurs observations .

Il en déduit, d'abord, que les crédits du chapitre 37-95, avant 1999, étaient déterminés selon une méthode qui ne donnait pas entière satisfaction.

Par ailleurs, il convient de remarquer que la réforme des méthodes de gestion de l'exécution budgétaire se traduit par une augmentation de la dotation allouée aux dépenses éventuelles et accidentelles.

Enfin, votre rapporteur s'interroge sur le fait de motiver une augmentation aussi importante par la mise en place des contrats de gestion, en raison des imprécisions qui subsistent sur ce dispositif.

En fait, le caractère technique de la réponse apportée à votre rapporteur dissimule - volontairement ? - l'évolution du rôle des crédits alloués aux dépenses éventuelles et, surtout, accidentelles.

B. LA CONSTITUTION D'UNE RÉSERVE DE CRÉDITS

La référence aux contrats de gestion révèle l'évolution de la nature et du rôle des crédits inscrits aux chapitres 37-94 et 37-95 du budget des charges communes.

En effet, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2001, votre commission avait interrogé le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sur les contrats de gestion, qui y avait apporté la réponse suivante : les contrats de gestion " intègrent généralement un objectif de maîtrise des reports, et parfois des mises en réserve de crédits, constituant une marge de sécurité dont le devenir dépend de l'évolution de l'exécution " . Le ministère ajoutait : " le chiffrage exact des économies directement liées aux contrats de gestion n'est pas possible " , indiquant seulement que " s'agissant de l'année 1999, on peut estimer que les contrats de gestion ont engendré quelques milliards de francs de moindres dépenses " .

Les contrats de gestion, dont le montant des économies qu'ils engendrent est pour le moins imprécis - " quelques milliards de francs " -, visent, en fait, à constituer une réserve de crédits destinés à faire face aux aléas de la conjoncture.

Ce fait est d'ailleurs implicitement reconnu par le ministère dans sa réponse précitée : " il serait notamment inexact d'interpréter l'ensemble des crédits concernés par les contrats de gestion comme des économies induites par eux : une partie des reports préservés ou des crédits mis en réserve correspond à des sous-consommations tendancielles , que les contrats de gestion permettent d'identifier et de sécuriser par un accord entre ministères " .

Votre rapporteur estime que la constitution de réserves budgétaires pour faire face à des fluctuations conjoncturelles n'est pas critiquable en soi, au contraire. Mais ce procédé doit être appliqué en cas d'excédent budgétaire , afin de donner leur plein effet aux stabilisateurs économiques. C'est d'ailleurs pour cette raison que le traité de l'Union européenne prévoit que la situation budgétaire des Etats membres doit être équilibrée, voire excédentaire.

Or, tel n'est pas le cas de la France, le gouvernement réalisant des réserves budgétaires en situation de déficits importants et persistants quoique en réduction depuis quelques années.

S'il existe des sous-consommations tendancielles, comme le note le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, il conviendrait logiquement de réduire la dotation inscrite sur le chapitre concerné lors de l'élaboration du projet de loi de finances. De la sorte, les dépenses pourront véritablement diminuer.

Votre rapporteur avait déjà attiré l'attention sur le fait que les " économies " mises en avant par le gouvernement n'étaient, en réalité, que des économies de constatation, les charges d'intérêt de la dette publique, par exemple, qui résultent de la diminution des taux d'intérêt.

A ces économies de constatation, il convient donc d'en ajouter d'autres : celles qui, en fait, ne sont que des reports préservés ou des crédits mis en réserve correspondant à des sous-consommations tendancielles.

Les dépenses éventuelles et les dépenses accidentelles servent donc à constituer une réserve de crédits que le gouvernement peut utiliser de manière discrétionnaire.

C'est sans doute dans cette voie que doit être recherchée l'explication de la très forte augmentation des dotations allouées aux dépenses accidentelles en 1999 et 2000.

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