Audition de M. François LOGEROT,
Président de la première chambre de la Cour des comptes.

M. le Président - Monsieur le Président, je vous souhaite la bienvenue.

M. François LOGEROT - Je vous remercie infiniment.

M. le Président - Vous êtes une personnalité qui vient nous rendre visite assez souvent et notre commission a beaucoup de plaisir à travailler très régulièrement avec vous. C'est donc avec d'autant plus de considération que nous vous accueillons ce matin.

Comme vous le savez, notre commission est dotée des prérogatives qui sont attribuées aux commissions d'enquête. Nous travaillons actuellement dans le cadre d'une mission chargée de recueillir les éléments d'information sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration et dans l'exécution des lois de finances. Nous travaillons selon une méthode pluraliste qui nous conduit à désigner des rapporteurs émanant de tous les groupes politiques siégeant au Sénat et plus particulièrement au sein de notre commission des finances. Figurent donc parmi les rapporteurs, le rapporteur général, Philippe Marini, Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, Paul Loridant et votre serviteur.

Conformément au droit en la matière, je rappelle à la fois à la commission et à la personnalité auditionnée que le secret doit être conservé sur les travaux non publics de notre commission et que nous travaillerons ce matin dans le cadre de travaux non publics, dont soumis au secret.

Je dois également rappeler à notre personnalité auditionnée les dispositions du code pénal qui traite du faux témoignage et qui entraînent les peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, que je dois recueillir le serment des personnalités auditionnées, je vais donc, Monsieur le Président, vous demander de bien vouloir prêter serment, de dire toute la vérité, rien que la vérité, de lever la main droite et de dire « je le jure ».

M. François LOGEROT - Je le jure.

M. le Président - Je vous remercie beaucoup.

Je vais vous donner la parole afin que vous puissiez ouvrir cette audition par un propos introductif. Après, conformément aux usages de notre commission, Monsieur le Rapporteur général vous posera des questions, vous lui répondrez immédiatement. Ensuite, nous ouvrirons la discussion à l'ensemble de la commission.

Monsieur le Président, vous avez la parole.

M. François LOGEROT - Je vous remercie, Monsieur le Président. Laissez-moi vous dire d'abord le plaisir que j'ai à participer à vos travaux dans ce cadre un peu exceptionnel que vous venez de rappeler. Je dois dire aussi que j'ai prêté ce serment traditionnel pour une commission d'enquête avec d'autant plus de sérénité que je me sentais déjà tenu aux mêmes obligations par mon propre serment de magistrat.

Le fil conducteur de vos travaux, si j'ai bien compris, en tout cas en ce qui concerne la première chambre de la Cour des comptes, est d'apprécier comment la Cour des comptes s'acquitte de ses missions à l'égard du ministère des finances en général, c'est-à-dire sur le contrôle de l'exécution des lois de finances bien entendu, mais plus généralement, et les questions écrites que vous avez bien voulu me transmettre en témoignent, sur le fonctionnement des services centraux et extérieurs de ce ministère.

Ce sont de vastes sujets que je ne pourrai évidemment pas détailler complètement dans mon propos liminaire, mais je suis bien entendu à l'entière disposition du rapporteur général et des autres membres de votre commission qui voudraient approfondir certains aspects.

En introduction, je dirai seulement quelques mots sur les compétences de la chambre, je les ai détaillées dans une des notes écrites. Ces compétences se caractérisent par leur diversité puisque cela part du travail, central évidemment, sur l'exécution des lois de finances. Il y a les contrôles juridictionnels sur les comptables supérieurs de l'Etat, qui occupent tout de même pas loin de 20 % de notre activité, des contrôles administratifs sur le ministère des finances et ses prolongements comme les établissements administratifs, à la vérité peu nombreux en ce qui concerne les finances et également un grand nombre de contrôles sur les entreprises publiques du secteur financier public au sens large ; cela comprend aussi bien la Caisse des dépôts et consignations et son groupe que vous connaissez particulièrement, Monsieur le Président, les banques et assurances qui demeurent dans le secteur public, évidemment leur nombre a considérablement décru, mais jusqu'à ces tous derniers mois, nous avons eu fort à faire avec des dossiers sur le Groupe des assurances nationales, par exemple, ou sur le Crédit Lyonnais avant sa privatisation. Il reste dans ce secteur public, à tout seigneur tout honneur, la Banque de France bien entendu sur laquelle nous allons reprendre prochainement un programme de contrôle plus actif. Puis, il reste aussi des établissements publics ou des sociétés de défaisance dont la gestion est évidemment assez compliquée à contrôler car elle échappe aux règles traditionnelles de gestion des entreprises.

Une deuxième caractéristique de ces compétences, c'est la part importante des tâches obligatoires qui représentent pratiquement 60 % du potentiel de la chambre, d'ailleurs assez limité puisque, je le rappelle, une chambre de la Cour comme celle-ci ne représente qu'environ une cinquantaine de personnes directement attachées aux contrôles.

Dans la programmation de nos tâches, j'ai fait également une note sur ce point, nous sommes obligés de prendre en compte d'abord les tâches obligatoires sur la loi de finances, sur les contrôles juridictionnels, sur le contrôle alterné au rythme de quatre ou cinq ans sur les établissements publics et entreprises publiques. Donc, la partie des contrôles administratifs sur le fonctionnement des services, qui sont des contrôles facultatifs, est relativement réduite puisque je peux l'évaluer à peu près à un quart ou 30 % du potentiel, suivant les années.

Je voudrais également très brièvement dire un mot, puisque vous m'avez posé la question à ce sujet, sur les informations dont dispose la Cour.

J'aurai peut-être l'occasion de préciser ces points, mais la Cour des comptes a certes un accès total, protégé par la loi d'ailleurs, à l'ensemble des informations comptables, celles qui doivent lui être soumises spontanément en appui des comptes, mais également elle a accès aux dossiers administratifs à l'intérieur des administrations à l'occasion de ses contrôles.

Cela dit, nous n'avons quand même pas des pouvoirs d'investigation qui s'apparenteraient à des pouvoirs de police, c'est-à-dire que nous n'ouvrons pas de force les tiroirs ou les armoires.

Lorsqu'on me pose la question de savoir : "Avez-vous accès aux notes internes des ministères, celles que les directeurs font pour les cabinets des ministres ?", je dis « oui quand on nous les remet spontanément ou bien quand, en ayant connaissance, nous les demandons ». En effet, à partir du moment où nous avons connaissance de leur existence et que nous les demandons, on ne peut pas nous les refuser.

Je connais dans l'ensemble de ma carrière trois ou quatre cas où il a fallu que le Premier président demande à un ministre la communication d'un document et même dans un cas se déplace personnellement chez le ministre pour l'obtenir, mais ces cas sont assez rares.

Dans l'activité de contrôle, il doit y avoir une certaine atmosphère entre le contrôleur et le contrôlé non pas de connivence, mais de respect mutuel et d'un minimum de coopération pour que l'information vienne à nous même quand nous ne pouvons pas toujours à l'avance détecter des documents qui seraient intéressants.

Je diviserai mon propos en deux parties en essayant d'être le plus concis possible, tout naturellement en parlant d'abord des contrôles sur l'exécution des lois de finances, et ensuite des autres contrôles sur le fonctionnement des services du ministère des finances.

S'agissant de l'exécution des lois de finances, ce travail présente quelques caractéristiques qui se sont d'ailleurs un peu renouvelées dans la période récente. En effet, avec l'accélération de la production des comptes, dont on doit d'ailleurs se féliciter et qui nous permet maintenant de déposer notre rapport à la fin du premier semestre et, je l'espère, cette année en même temps la déclaration générale de conformité, notre travail est pris dans un délai très court de quatre mois, entre début février et fin mai. Nous ne nous en plaignons pas compte tenu de l'objectif poursuivi, mais c'est une contrainte forte de toutes nos équipes.

A la fois la première chambre, une vingtaine de personnes, et dans les autres chambres, les rapporteurs particuliers de toutes les notes d'exécution des budgets ministériels, c'est-à-dire au total à peu près 50 magistrats et rapporteurs, dans cette période de l'année, ont une priorité essentielle qui est d'aboutir à rassembler les éléments de notre rapport de synthèse.

Un autre élément, assez nouveau, est que de plus en plus nos rapporteurs essayent dans ce court laps de temps de procéder à des enquêtes plus approfondies et notamment des enquêtes sur place car tout n'est pas dans les documents généraux qu nous sont produits.

Par contre, une caractéristique demeure et s'est presque renforcée, c'est qu'il n'est pas question dans ce court laps de temps de faire, comme je l'ai dit déjà à la commission il y a quelque temps, un contrôle détaillé même par sondage des opérations décrites dans les budgets ministériels. Ne serait-ce que parce que les pièces justificatives ne sont pas encore rassemblées par les services de la comptabilité publique pour être délivrées à la Cour sur un rythme trimestriel.

Pour pallier cet inconvénient, nous essayons de faire des enquêtes sur place dans les postes comptables et tout particulièrement à la Paierie générale du Trésor ou à l'Agence comptable centrale du Trésor pour contrôler sur place un certain nombre de pièces, notamment sur les opérations de fin de gestion sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure, du fait que nous n'avons pas encore accès direct à ces pièces.

Dernier point plus nouveau depuis quelques années, notre tendance est à enrichir le rapport qui est un document de référence, c'est-à-dire où les parlementaires et également les gens de la presse, les conseillers qui veulent s'y intéresser, trouveront l'ensemble des références sur l'exécution des lois de finances. Dans cette masse d'informations financières qui est quelquefois un peu touffue, -mais quand nous essayons de la réduire, il arrive que les administrateurs des commissions de finances nous disent : "C'est bien dommage, cette année, nous ne trouvons pas ceci, nous ne trouvons pas cela"-, donc, nous ne pouvons guère réduire. Nous essayons d'enrichir, d'une part, en faisant ressortir mieux les observations que la Cour a définitivement retenues sur des problèmes de fond, et, d'autre part, en assortissant le rapport lui-même d'un certain nombre de monographies sur l'exécution d'un budget ministériel sur plusieurs années. Nous en produisons plusieurs chaque année. Cela nous permet et vous permet d'avoir une vue cavalière sur plusieurs années de l'évolution d'un budget.

Parmi les questions importantes qui sont abordées d'ailleurs dans votre questionnaire figure un des aspects qui a retenu notre attention depuis quelques années, c'est celui du contrôle des opérations de fin de gestion.

En effet, nous avons constaté dans toutes ces années récentes que les gouvernements quels qu'ils soient ont le souci de piloter le résultat final d'exécution de la loi de finances dans des proportions importantes. Evidement, ce souci a coïncidé avec la question de la qualification de la France pour l'accès à la monnaie européenne et a coïncidé aussi avec une situation difficile, que le Sénat connaît bien, des finances publiques en général dans la période 1993-1997.

Qu'avons-nous constaté ?

Nous avons constaté une situation extrêmement contrastée selon les années. Jusqu'en 1997 à peu près, le problème était de peser au maximum sur le déficit final, ce qui a donné lieu à des reports de charges importants, par exemple, 28 milliards de francs selon une estimation de la Cour en 1995, de ponctionner le plus possible sur les trésoreries d'organismes extérieurs à l'Etat, de procéder à des régulations budgétaires brutales, parfois un peu aveugles qui ont pour effet quelquefois de désorganiser et de démotiver surtout les responsables des administrations.

Au contraire, depuis les trois dernières années, avec une amélioration relative des finances publiques, nous avons assisté à des reports de recettes sur l'exercice suivant, notamment des reports de recettes non fiscales que nous évaluons, pour 1999 par exemple, à environ 18 milliards de francs, mais ce point est encore en cours de contradiction avec les services du ministère des finances, donc j'avance ce chiffre avec prudence, et au recours à d'autres moyens encore. Par exemple en 1998, la Cour a relevé et a critiqué le fait que les recettes tirées de la privatisation du groupe GAN ne soient pas remontées du tout au budget de l'Etat. Il y en avait pour 25 milliards de francs.

De nouveau, cette année, nous avons constaté ces phénomènes. Nous avons également constaté un phénomène plus nouveau qui ne repose pas à notre connaissance sur un pilotage volontaire du résultat, mais sur des difficultés administratives, jusqu'à preuve du contraire. C'est le gonflement des comptes d'imputation provisoire.

En comptabilité générale, un compte d'imputation provisoire doit être soldé au 31 décembre. Dans le cas de l'Etat, l'imprécision des règles fait que ces comptes d'imputation provisoire non seulement existent, mais ne sont pas vidés au 31 décembre. Nous avons constaté qu'en 1999 les imputations provisoires de recettes fiscales ont grossi dans des proportions importantes alors que les comptes d'imputation provisoire de dépenses étaient à un niveau plus bas. Ce qui fait que, si par hypothèse, au 31 décembre, tous ces comptes avaient pu être vidés et les recettes et dépenses réaffectées dans les comptes budgétaires, puisque pour l'instant elles sont dans des comptes de bilan, le déficit budgétaire se serait trouvé mécaniquement réduit par rapport à ce qu'il était en définitive.

Je ne peux pas encore avancer devant vous aujourd'hui un chiffre sur ce point puisque nous sommes en train de procéder à ces vérifications détaillées, mais le phénomène nous paraît à la fois inquiétant et nouveau par son ampleur.

Pour quelle raison y a-t-il ces phénomènes de pilotage ?

Il appartient au Sénat d'apprécier les raisons politiques ; les raisons techniques existent. C'est l'imprécision des textes relatifs à la comptabilité de l'Etat, notamment des règles de rattachement des opérations pendant la période complémentaire d'un mois qui fait qu'en quelque sorte on arrête la pendule le 31 décembre à minuit. Des opérations jusqu'au 28 janvier, dans certaines conditions, peuvent être raccrochées à l'exercice précédent ; mais, dans cette période de trois semaines ou d'un mois, certaines opérations, notamment en recettes mais également en dépenses, peuvent être soit rattachées à l'exercice finissant, soit au contraire comptabilisées dans l'exercice nouveau.

Dans notre rapport préliminaire qui vous a été adressé il y a quelque temps, nous avons relevé quelques cas particulièrement éclairants en ce sens. Nous estimons que l'existence de cette journée complémentaire crée une zone d'incertitude, un risque d'opacité plus particulièrement à l'égard du Parlement sur les conditions dans lesquelles se clôt l'exercice budgétaire.

Pour autant, probablement ne faut-il pas empêcher un gouvernement de piloter un résultat, d'autant plus que, dans le courant de l'exercice budgétaire, il y a des événements nouveaux. Mais nous pensons qu'il faudrait s'y prendre autrement. Par exemple, en prenant une véritable loi de finances rectificative dans le cours de l'exercice et non pas dans les tous derniers jours. Nous savons que les trois quarts à peu près des crédits ouverts en lois de finances rectificatives ne sont pas utilisés et se trouveront reportés à l'exercice suivant, car la loi de finances rectificative paraît le 30 ou 31 décembre.

De même, s'il s'agit de réguler la dépense en cours d'année, faudrait-il faire appel à d'autres mécanismes comme, par exemple, l'instauration de crédits conditionnels dont le Parlement pourrait apprécier à la fois le volume et les destinations finales, le gouvernement restant maître à l'intérieur de cette opération globale de mettre en jeu ou non ces crédits.

Nous pensons que d'autres procédés pourraient permettre d'avoir une certaine maîtrise du résultat mais dans des conditions plus claires, notamment vis-à-vis du Parlement.

J'en viens maintenant, et je serai assez bref aux constatations d'ensemble de la Cour sur le fonctionnement des services centraux et extérieurs du ministère des finances.

J'ai fait une note plus détaillée à ce sujet, mais je voudrais d'abord bien dire que, si le rôle de la Cour est naturellement critique, -il est rare que la Cour décerne des satisfecit-, je crois pouvoir dire pour ne pas y revenir que l'on ne peut pas méconnaître que le ministère des finances, globalement, assure ses missions avec efficacité. La recette fiscale rentre. Le service pour les collectivités territoriales est assuré. Le contrôle de régularité de la dépense publique est globalement assuré.

Cela dit, ce pourrait être fait dans de meilleures conditions d'économie, de clarté et de bonne gestion.

Il est difficile de résumer en quelques phrases les observations que nous avons pu accumuler au cours des années, notamment dans nos derniers contrôles. Dans la note que je vous ai remise, j'essaye de regrouper ces observations selon trois volets que je vais très rapidement citer.

Premièrement, c'est un ministère qui dispose d'une relative aisance budgétaire. Pour des raisons que le Sénat connaît bien, l'existence de sources de crédits soit par fonds de concours, soit par ressources totalement extrabudgétaires, est importante puisque, bon an, mal an, elle aboutissait à augmenter d'un bon quart ou d'un bon tiers même les recettes votées par le Parlement.

Cette situation est en train de se modifier puisque les crédits d'articles, soit 11 milliards de francs, ont été intégrés en 1999 et la rebudgétisation des fonds extrabudgétaires est en cours. Il reste encore des sommes importantes à budgétiser, notamment toutes les sommes que le réseau du Trésor public retire de la fonction épargne, environ 1,2 milliards de francs consacré au fonctionnement, dont les 2/3 pour les rémunérations.

Cette aisance budgétaire se traduit par une sous-consommation assez étonnante. En 1999, le taux de consommation des crédits de ce ministère, dont le budget est essentiellement de fonctionnement, c'est 90 % et même pour le titre III, c'est-à-dire le titre des dépenses de fonctionnement proprement dit, 92 %. Donc, on peut s'interroger sur le bon calibrage des moyens budgétaires accordés au Ministère des Finances.

Du côté de l'investissement aussi, on a une situation en 1999 où les autorisations de programme ne sont consommées que pour moitié environ et les crédits de paiement moins encore à 43 %.

Ce phénomène se reproduit d'année en année avec une tendance dans les dernières années à s'aggraver. Donc, nous pensons que, sur un plan global, ce ministère, qui devrait d'ailleurs d'un certain côté pouvoir se montrer en exemple aux autres ministères dépensiers, sur ce plan-là, n'est pas exempt de reproches.

Un deuxième type d'observations, qui ressort tout à fait nettement en particulier des enquêtes que nous avons menées et que nous continuons de mener sur la gestion des personnels -c'est fondamental au ministère des finances, 75 % de la dépense- est que le ministère des finances n'applique pas avec rigueur les règles qu'il impose avec raison aux autres ministères.

Cette constatation est tout à fait probante. Je me permets de vous renvoyer à notre rapport public sur la fonction publique du début de l'année, sur deux points tout à fait essentiels.

Les autorisations budgétaires en termes d'emploi n'ont aucun rapport avec la réalité puisque 20 % des emplois du ministère des finances, en tout cas des services financiers, c'est-à-dire quelque chose comme 25 000 personnes, sont en situation de surnombre de grade. Par exemple, un trésorier principal est payé sur un poste d'inspecteur. Ceci est permis par le fait qu'il y a une inflation de la ligne souple. Je pense que les spécialistes budgétaires que vous êtes n'ont pas besoin d'une définition. Cette ligne souple, la ligne d'ajustement en pied de chapitre, pour les finances, atteint jusqu'à 7, voire 8 % actuellement. Autant dire que vous donnez l'autorisation budgétaire dans le bleu, si vous me permettez cette familiarité.

Le deuxième aspect, non moins important, c'est que tous les systèmes à quelques exceptions près de rémunérations accessoires des personnels des finances ne reposent sur aucune base réglementaire valable. C'est une accumulation de décisions ministérielles, voire directoriales au fil du temps, qui aboutit à un écheveau quasiment inextricable où je crois même que les directeurs eux-mêmes ont du mal à se retrouver dans les systèmes de primes, d'indemnités, de remises ou de commissions diverses.

Sur ce plan, des assurances ont été données au Parlement et à la Cour. J'espère qu'elles seront tenues. Nous assurerons un suivi de ces décisions et nous vous en rendrons compte.

Par ailleurs, une circulaire Budget/Fonction publique du mois d'octobre 1999, qui n'est pas sans rapport avec les contrôles conduits par la Cour, a prescrit une régularisation dans toutes les administrations. D'ores et déjà, vous l'avez peut-être constaté dans certains ministères, de nouveaux décrets sont venus remettre à plat et réorganiser les systèmes de rémunérations accessoires. Il faut absolument que le ministère des finances s'y engage.

Enfin, troisième et dernière observation générale qui repose également sur des constatations, notamment des constatations tirées de notre activité juridictionnelle sur les trésoreries générales et sur les recettes des impôts : cette administration souffre d'un excessif cloisonnement aussi bien au niveau central qu'au niveau des services extérieurs et tout particulièrement affectant les directions à réseau, c'est-à-dire les grandes directions, Comptabilité publique, Impôts et Douanes. Or, nous croyons que ces cloisonnements excessifs sont une des raisons d'un certain nombre de dysfonctionnements et d'inadaptations de cette administration. La mauvaise coordination au sein de l'administration fiscale a été montrée par la « mission 2003 » . Quelle que soit l'issue pour l'instant incertaine de ses travaux ou en tout cas leur remise en chantier, on ne doit pas masquer la réalité des constatations. Nous voyons ce dysfonctionnement de l'administration fiscale à longueur d'année dans nos contrôles juridictionnels, au détriment des intérêts du Trésor.

Autre phénomène, l'incompatibilité des réseaux informatiques entre la DGI et la Comptabilité publique, l'insuffisante coopération entre comptables des deux réseaux lorsque, par exemple, tous les deux ont des intérêts à faire valoir dans des procédures collectives de liquidation d'entreprise. Bref, les exemples abondent. Nous pensons qu'un effort doit être fait pour vaincre la rigidité des structures et adapter d'une façon générale le fonctionnement en tirant parti notamment des nouvelles technologies.

Est-il acceptable que le ministère des finances comprenne encore 50 % d'agents de catégorie C, donc des agents d'exécution, en général d'ailleurs de bonne qualité, souvent surdiplômés par rapport à leur niveau ? On voit des agents ayant un DEUG, voire une maîtrise, passer et réussir le concours de contrôleur. Bien sûr, après, ils vont pouvoir monter dans la hiérarchie, mais tout de même, est-ce le bon niveau de recrutement et surtout faut-il autant d'agents d'exécution alors que les nouvelles technologies doivent faciliter, rendre plus rapides les tâches d'exécution ?

Je vais m'arrêter là, Monsieur le Président, car j'ai déjà dépassé le temps que vous m'aviez imparti, mais je pense vraiment qu'il serait nécessaire que le ministère des finances soit à la pointe des efforts de réforme de l'Etat et nous n'en sommes pas encore arrivés à ce stade ; peut-être les crises récentes accélèreront-elles les prises de conscience auxquelles la Cour pour sa part essaye de contribuer.

M. le Président - Merci, Monsieur le Président, de cette introduction très claire qui va nous aider à procéder à une bonne audition.

Je vais donner la parole à M. le Rapporteur Général auquel vous répondrez immédiatement.

M. Philippe MARINI, Rapporteur général - Je voudrais tout d'abord évoquer les conditions de l'exercice 1999 et l'actualité m'en fournit l'occasion puisque nous avons reçu récemment le rapport préliminaire de la Cour des comptes relatif à l'exécution de la loi de finances pour l'exercice 1999, puis, dans la journée d'hier, les remarques formulées par le ministre de l'économie et des finances et la secrétaire d'Etat au Budget sur ledit rapport.

Monsieur le Président, je vais vous donner connaissance de cette réponse.

Ce sont les ministres qui parlent.

" Comme l'année dernière, certains points de désaccord méthodologiques qui ont fait l'objet d'échanges entre la Cour et nos services aux travaux préparatoires à la rédaction du rapport préliminaire nous paraissent devoir être soulignés.

La Cour écrit dans son rapport qu'en 1999 « les charges nettes du budget général ont augmenté de 3,3 % en valeur et de 2,8 % en volume. C'est beaucoup plus que ce qui était prévu (1 % en volume)."
Fin de citation de la Cour.

"La Cour, poursuivent les ministres, compare cependant en matière d'évolution des dépenses les engagements pris par le gouvernement en loi de finances et les résultats de l'exécution budgétaire mesurés sous d'autres conventions.

En effet, l'engagement du gouvernement portait sur l'ensemble des dépenses en dette nette, hors remboursements et dégrèvements et à périmètre constant alors que la Cour mesure l'évolution des dépenses en dette brute, y compris les remboursements et dégrèvements, hors tout retraitement de périmètre.

Le seul retraitement intervenu sur les dépenses en exécution par rapport à l'objectif porte sur les dépenses considérées comme exceptionnelles par le gouvernement en 1999 et imprévisibles en début d'année, soit 10 milliards de francs au titre de la prise en charge d'une dette de l'UNEDIC et 3 milliards de francs versés pour les intempéries de 1999.

Ces endettements sont clairement d'un caractère ponctuel et non reconductible. Ils nous semblent à ce titre pouvoir être exclus des charges "structurelles" de l'Etat.

Par ailleurs, la Cour se livre à une analyse détaillée des opérations de fin de gestion portant sur certaines recettes non fiscales. Il convient de ce point de vue de rappeler que ces recettes n'ont pas en général le caractère de pérennité et de stabilité qui caractérise les recettes fiscales. Elles ne participent pas au socle "structurel" des dépenses de l'Etat, mais s'apparentent plutôt à des profits exceptionnels ou relatifs. Compte tenu de la conjoncture économique favorable en 1998 et 1999, il n'a pas été jugé souhaitable de "puiser" jusqu'au maximum dans ce gisement. Le gouvernement s'est réservé le droit de moduler son appel à des recettes de nature exceptionnelle en fonction des besoins de sa gestion et de l'évolution de ces autres postes."


Monsieur le Président, vous n'avez sans doute pas eu le temps ni de recevoir, ni d'approfondir ces remarques, mais je me permets de les citer car elles sont, je crois, au coeur de notre propos et de nos investigations.

Je voudrais évoquer deux choses à ce sujet.

Dans la tradition de l'administration, on compare prévision à prévision, exécution à exécution. Comparer exécution à prévision semble à la limite, mais j'exagère à peine, incongru.

J'ai le souvenir, pas si lointain, du temps où j'étais moi-même directeur financier d'un établissement public et où, pour acquérir le maximum de marges de manoeuvre par rapport à mes tutelles, je disais toujours que l'on ne devait comparer une prévision qu'à une prévision et une réalisation à une réalisation. Je m'opposais bec et ongles avec d'excellents arguments de méthode à tout rapprochement exécution par rapport à prévision. C'étaient de petits enjeux. Ils sont beaucoup plus considérables au plan de l'Etat, mais les mêmes données culturelles prévalent.

Monsieur le Président, nous avons hier soir auditionné votre éminent collègue Jacques Bonnet, votre prédécesseur à la présidence de la première chambre. Jacques Bonnet avec le style que nous apprécions, s'est livré à quelques commentaires à partir de son rapport de 1997, dont nous nous sommes efforcés ensemble de tirer les conclusions actuelles.

Il nous disait en substance que le système d'information est mauvais. Il repose sur des méthodes insuffisantes ou obsolètes. Les fonctionnaires qui l'appliquent sont bons, mais ils sont bons dans un système mauvais. Je simplifie et je résume le propos d'un certain nombre de collègues que l'on a entendus hier soir.

Je voudrais savoir si vous partagez cette vision et quelle remarque cela appelle de votre part.

Revenons aux considérations spécifiques de la fin de l'exercice 1999.

J'ai également été assez interpellé par les propos qui nous ont été tenus au sujet des relations financières de l'Etat et de la COFACE. C'est une illustration de ce concept de recettes non fiscales.

En substance, certains nous disent qu'il y a une créance de l'Etat, c'est bien l'argent de l'Etat, 7 milliards de francs lui appartiennent, qui volontairement n'ont pas été rapatriés dans les comptes de l'Etat, on le fera lorsque la conjoncture l'exigera.

Ceci me semble poser un réel problème de principe, problème que la Cour a soulevé en différentes occasions. Il convient, pour respecter les règles de transparence et pour informer correctement le Parlement et l'opinion, qu'il y ait en ce qui concerne les fins d'exercice une méthode, une procédure, que l'on ne puisse pas au gré des circonstances, et comme le dit le ministre de façon presque impudique dans la lettre qu'il adresse au Premier président de la Cour des comptes, « puiser » dans le gisement en fonction de l'opportunité.

Je suis pour ma part très choqué par ces pratiques et même par le vocabulaire utilisé. Puiser dans un gisement plus ou moins selon l'opportunité, est-ce cela la comptabilité publique, l'exigence de reddition de comptes dans un Etat démocratique et, en tout cas, dans un Etat où les juridictions financières et les assemblées parlementaires exercent leur rôle de contrôle ?

Voilà, Monsieur le Président, les quelques considérations que je voulais développer devant vous et au sujet desquelles la commission d'enquête serait très intéressée de connaître vos appréciations.

M. le Président - Merci, Monsieur le Rapporteur Général.

Vous avez la parole, Monsieur le Président.

M. François LOGEROT - Je vous remercie, Monsieur le Président.

Monsieur le Rapporteur Général, je n'avais pas encore connaissance de cette lettre. Je savais qu'elle était en préparation. A vrai dire, je ne suis pas surpris par son contenu puisque, bien entendu, au niveau de la direction du Budget, les mêmes arguments nous ont été opposés dans la phase de contradiction rapide et informelle qui a eu lieu pour le rapport préliminaire.

A quoi doit-on comparer le résultat de l'année et les masses budgétaires constatées ?

Je n'irai pas tout à fait aussi loin que vous, Monsieur le Rapporteur Général, sur le fait que la comparaison avec les prévisions n'a pas lieu d'être ou, en tout cas, est secondaire car la loi de finances est aussi une loi, c'est-à-dire que l'on rend compte à ceux qui l'ont votée de l'exécution de cette loi. Donc, c'est un éclairage. La Cour des comptes, d'année en année, est évidemment plus attachée, et c'est que nous avons fait et ce qui n'a pas plu visiblement, c'est, en comptabilisant l'ensemble des charges, de dire que dans le résultat final les charges globales augmentent d'un peu plus de 3 % alors que l'on avait prévu qu'elles n'augmenteraient que de 1 % en volume.

Si l'on se met à déduire, pour des raisons qui peuvent se justifier ou plus exactement qui expliquent le résultat, telle ou telle charge de la comparaison, au motif qu'elle n'est pas structurelle, mais quelle est l'année où il n'y a pas des charges conjoncturelles ou exceptionnelles ? Peut-être pas autant que cette année, puisque les deux cas cités sont le remboursement du prêt de 10 milliards de francs de l'UNEDIC et les 3 milliards de francs mis en garantie à la Caisse centrale de réassurance pour les intempéries. Je signale en passant qu'il n'y avait peut-être pas urgence à mettre ces 3 milliards de francs à la Caisse centrale de réassurance au mois de janvier sur la base d'une évaluation, qui tient je crois en 20 lignes, des besoins de refinancement des assurances à venir. Cela ne pouvait-il pas attendre un peu ? Mais admettons. A ce moment-là, si l'on retranche 13 milliards de francs des dépenses, cela veut dire que le déficit n'est plus de 206 milliards de francs, mais de 193, où s'arrête-t-on ?

Nous apportons au Parlement et à l'opinion les résultats en disant quel est l'ensemble des charges. Que le gouvernement -d'ailleurs nous pouvons le faire aussi par souci d'honnêteté- indique qu'en particulier on distingue dans ces charges telle ou telle opération tout à fait exceptionnelle qui n'avait pas pu être prévue, pourquoi pas, mais cela n'enlève rien à notre sens au constat que nous faisons.

Suivant les époques, on intègre ou non les opérations dites exceptionnelles. Souvenez-vous, pour la bonne cause, c'était pour se qualifier pour Maastricht, on a intégré dans les comptes publics, pas dans les comptes de l'Etat directement, les 37,5 milliards de francs de la soulte de France Télécom. Si ce n'était pas une opération exceptionnelle, qu'est-ce que c'est ? Mais celle-là était bonne à prendre vu l'objectif poursuivi. Nous demandons d'être raisonnable et de ne pas changer tout le temps de méthode.

Nous avons même eu -le Premier président m'a dit l'autre jour que c'était vraiment être très méchant- la curiosité d'appliquer au résultat de 1999 les mêmes normes que le ministère des finances voulait nous voir appliquer en 1998, car ce même débat a eu lieu l'année dernière. En appliquant exactement les conventions que le ministère des finances a appliquées l'année dernière, en retraitant un certain nombre d'opérations et en en excluant d'autres, nous arrivons à une progression des charges de 4,6 %. Nous ne disons pas que c'est le résultat puisque nous sommes autour de 3 %, mais c'est bien la preuve qu'il n'est pas bon, en tout cas la Cour ne s'engagera pas dans cette voie, de changer de méthode d'appréciation suivant les exercices.

Voilà ce que je peux répondre.

Quelle est la source profonde ?

Il y a probablement effectivement des phénomènes politiques sur lesquels je ne porte pas d'appréciation. J'ai peut-être mon avis en tant que citoyen, mais pas en tant que magistrat de la Cour des comptes. Il y a bien entendu des soucis de présentation et d'affichage politique, je n'ai pas à me prononcer là-dessus.

Il est vrai que le système d'information est mauvais. Ce débat est irréaliste. La « cagnotte » provient en partie de ce que vous avez voté. Le système d'information est très imparfait. Que s'est-il passé ?

On a su assez vite que les recettes fiscales seraient plus importantes que prévu, mais on ne savait pas exactement de combien, notamment par ces phénomènes d'imputations provisoires de TVA ou d'impôt sur les sociétés arrivant dans les derniers jours de décembre et dont on ne savait pas quelle partie on allait pouvoir réimputer en recettes budgétaires, du fait semble-t-il des défaillances de systèmes informatiques puisqu'il s'agit de versements d'impôts effectués directement par virement Banque de France par les entreprises, le seuil ayant été abaissé de 100 millions de francs de chiffre d'affaires à 10 millions de francs. Donc, il y a eu un afflux de recettes fiscales dont on n'a pas su jusqu'au dernier jour combien allaient pouvoir être effectivement prises en compte comme recettes budgétaires et non pas laissées en compte d'imputations provisoires.

Ensuite, quand on l'a su, vers le 10 ou 15 janvier, on s'est inquiété à ce moment-là de ce que l'on allait faire sur les autres terrains, sur les recettes non fiscales. Certaines étaient déjà passées. Par exemple les 9 milliards de francs que la société-écran du GAN, la SGGP, a fait remonter au mois d'octobre, étaient là. On n'allait pas les renvoyer.

Par contre, il y avait d'autres sommes que l'on pouvait ne pas faire rentrer. Par exemple, la CADES doit 12,5 milliards de francs à l'Etat chaque année, on n'en a fait rentrer que 7. Ce sont des droits de l'année qui auraient dû être constatés sur l'année. L'interprétation des textes comptables, même si elle permet certains ajustements, à mon avis, ne permettait pas celui-là.

Sur la COFACE, il avait été prévu, mais il est vrai que c'était en décembre 1998, 7 milliards de francs de recettes non fiscales. La loi de finances rectificative, publiée le 30 ou le 31 décembre 1999, avait réduit ce chiffre à 3 milliards de francs. Résultat : zéro, car au dernier moment on a décidé de rien ponctionner.

Sur ce point, Monsieur le Rapporteur Général, je partage votre interrogation et votre critique. Ce sont des procédés tout à fait opaques et qui ne respectent pas un minimum de permanence des méthodes.

S'agissant de la COFACE, c'est un sujet que je ne connais pas dans l'intime détail car il relève de la compétence de la deuxième chambre, compétente pour le commerce extérieur. Par contre, je sais que cela fait trois ans que l'on discute les termes d'une convention entre l'Etat et la COFACE qui statuera sur les modalités de jeux de trésorerie entre l'Etat et la COFACE. On aurait pu aboutir un peu plus rapidement à des règles un peu plus claires.

Au-delà de tout cela, il y a une espèce de jeu de miroirs ou de renvois entre un Etat et des entités qui sont soit des démembrements de l'Etat purs et simples, je pense par exemple aux établissements publics de défaisance ou à des organismes certes extérieurs, c'est le cas de la COFACE maintenant, mais qui sont liés par des règles importantes de lois et d'obligations avec l'Etat.

Une des voies pour réduire ces incertitudes, cette opacité, c'est progressivement d'aboutir à une consolidation des comptes entre l'Etat et les satellites qui lui appartiennent, auquel cas, les phénomènes que nous constatons seront neutralisés en conciliation et, vis-à-vis de l'extérieur, c'est d'avoir dans des annexes au compte général de l'administration des finances, dans le hors bilan, soit des charges futures consenties par l'Etat, des garanties données par l'Etat, soit au contraire des créances à long terme. Evidemment, la partie des charges est sans doute plus importante, notamment si l'on inclut dans le hors bilan des charges de retraite futures. C'est un gros sujet à débattre.

Là aussi, le système d'information, à la fois instantané, c'est-à-dire la remontée d'information comptable qui devrait à l'époque de l'ordinateur être plus rapide à centraliser, et d'autre part le système d'organisation comptable devraient permettre de réduire dans l'avenir les phénomènes que nous constatons.

M. le Président - Merci, Monsieur le Président.

M. François TRUCY m'a demandé la parole.

Y a-t-il d'autres demandes de paroles ?

M. François TRUCY - L'importance évidente de tout ce travail me suggère quelques questions sur les moyens dont dispose l'Etat.

Les observations que la Cour est amené à faire sur les comportements de l'Etat et ses problèmes font-elles partie d'une publication spéciale ou du rapport annuel ?

Sur le plan international, la Caisse des Dépôts française a toujours fait école et tous ces pays en émergence qui cheminent délicatement sur le chemin de la démocratie vous envoient-ils des magistrats pour étudier la faisabilité pour eux d'une telle structure ? Vous-même envoyez-vous des stagiaires actifs à l'étranger ?

Enfin, pour ne parler que de l'Europe des Quinze, estimez-vous qu'il y aurait un bénéfice -j'aurais tendance à le penser- à ce que la France prenne des idées et des exemples chez certains de nos partenaires pour ce qui est de l'élaboration des budgets ?

M. Philippe ADNOT - Monsieur le Président, vous avez mis en évidence que l'Etat ne s'imposait pas à lui-même les règles qu'il impose aux autres et vous avez parlé, par exemple, de la CADES et des 5 milliards de francs qu'ils n'ont pas versé. C'est une bonne illustration car, dans n'importe quelle entreprise ou collectivité locale ou autre organisme, le fait que cela ne soit pas versé n'aurait pas d'incidence car la dette étant certaine elle aurait fait partie du bilan général et on aurait pu avoir une bonne visibilité.

Comment peut-on s'y prendre pour que les recettes certaines ou les dettes certaines puissent apparaître très clairement et que l'on puisse avoir une visibilité un peu meilleure ?

M. le Président - Dans le rapport que le rapporteur général a cité il y a un instant, le rapport préliminaire, je lis à propos des pratiques relatives aux recettes non fiscales qu'elles ne correspondent pas aux exigences croissantes de sincérité et de permanence des méthodes dans les pays les plus développés.

Avez-vous connaissance que, dans certains pays, ces principes de sincérité et de permanence de méthodes aient été plus clairement fixés dans des textes ?

Les recettes non fiscales sont autorisées dans la loi de finances. Lorsqu'il est décidé de ne pas les prélever, ceci résulte d'une décision. Il me semblerait important que vous nous disiez de quelle décision elles résultent. Il m'intéresserait de savoir si ces décisions venaient à être contradictoires avec le vote du Parlement, ceci constitue ou pas une atteinte au droit ou à la loi. J'aimerais avoir un peu d'élucidation juridique sur ce sujet.

Deuxième question ou troisième selon que vous considériez la deuxième comme une question séparée, nous entendons que les situations hebdomadaires du budget sont difficiles à lire. Est-ce que ce sont des documents à partir desquels vous travaillez ou, au contraire, avez-vous depuis un certain temps considéré que ceci ne vous éclairait pas utilement dans vos travaux ?

J'aimerais votre sentiment de praticien reconnu et également de personnalité qui connaît parfaitement le Parlement, ses missions, son rôle et sa manière de les exercer. Je voudrais connaître votre appréciation sur le respect de l'autorisation parlementaire dans l'exécution des lois de finances et de son évolution.

Pensez-vous que l'exécutif au fil des années fait plutôt des progrès ou, au contraire, s'éloigne-t-il de plus en plus du respect de l'autorisation parlementaire ?

Une autre question nous préoccupe beaucoup, c'est celle de l'amélioration, car c'est une grande nécessité du contrôle de la dépense publique.

Avez-vous quelques idées sur la manière d'améliorer l'utilisation du droit d'enquête des commissions des finances ?

Là encore, votre grande pratique, votre bonne connaissance du Parlement pourraient nous éclairer.

Voilà pour l'instant les questions que je souhaitais vous poser.

M. François LOGEROT - Je vais tenter de répondre dans l'ordre des questions qui m'ont été posées.

M. TRUCY a abordé la question des moyens. Personne ne peut dire quel est l'optimum d'un organe de contrôle. J'aurais deux fois plus de rapporteurs, je ne serais pas en peine de leur donner du travail, mais dire que c'est absolument indispensable, je ne sais pas. Il y a une certaine dose de contrôle à ajuster.

Il y a quelques années, envoyer des questionnaires de 200 questions à certaines directions des services fiscaux pour répercussion sur les receveurs des impôts, n'était pas très productif car on recevait des réponses au bout de trois mois qui, dans bien des cas, éludaient la question ou reprenaient ce qui figurait déjà dans les pièces justificatives que nous avions, donc, on était réduit au même point. Finalement, on transformait la question en une injonction qui était une pure injonction d'instruction. Il y avait une espèce de dose de contrôle qui n'était pas bien calibrée. Il vaut mieux des questions plus précises sur des sujets vraiment importants que trop de questions en même temps à un même responsable.

Cela dit, votre question est tout à fait pertinente en ce sens que je crois que la Cour en général -j'ai la faiblesse de le penser, la première chambre notamment- est à la limite très basse de ce qui est possible. Songez que je n'ai que l'équivalent de 20 ou 22 rapporteurs à temps plein pour toutes les tâches de la chambre, des tâches interchambres et des enquêtes en commun avec les chambres régionales des comptes. Par exemple, en ce moment, nous participons avec certaines d'entre elles à une enquête sur la tutelle exercée par les casinos et les relations entre les casinos et les collectivités territoriales sur les territoires desquelles ils sont implantés. C'est tout à fait intéressant, mais cela mobilise une partie de nos moyens.

Le Premier président est évidemment très conscient de ce problème. Une des solutions n'est pas d'accroître les effectifs du corps des magistrats. D'ailleurs nous appartenons à un corps qui, comme le Conseil d'Etat ou l'Inspection des finances, est traditionnellement, c'est une vieille habitude française, considéré comme un réservoir où les ministres, les administrations, les chefs d'entreprises publiques, etc. viennent puiser. Dans un sens c'est très flatteur, mais cela désorganise souvent nos travaux. Quand un rapporteur part inopinément dans un cabinet ministériel, du jour au lendemain son chantier est en plan. L'équipe à laquelle il participait se trouve déséquilibrée.

Une des voies de solutions est, plutôt que de modifier les statuts ou créer des emplois de magistrat, de permettre que le Premier président fasse le plein des effectifs budgétaires dont il dispose ; or, ce n'est pas le cas pour diverses raisons techniques sur lesquelles je ne veux pas m'appesantir. L'essentiel est que nous puissions accueillir des rapporteurs pour quatre ou cinq ans, pour une durée suffisamment longue, mais pas seulement des administrateurs en mobilité comme nous en avons déjà, pour qu'ils viennent renforcer nos rangs, acquérir à la Cour une expérience valorisante pour eux et nous apporter des compétences que nous n'avons pas suffisamment : des informaticiens, des spécialistes d'organisation, des spécialistes de gestion de personnel. Il y a 20 administrations françaises où il y a des gisements de compétences.

Par ailleurs, nous avons des administrateurs ou des personnels de ce niveau qui n'ont pas toujours dans leur administration les débouchés naturels car tout le monde ne peut pas être sous-directeur.

Nous pouvons très bien pour des périodes de quelques années accueillir ces gens. Nous le faisons déjà. Nous avons une cinquantaine de rapporteurs extérieurs. Ce chiffre pourrait doubler sans aucune difficulté, mais pour cela il faut des décisions. Le Premier président essaiera sans doute d'obtenir des résultats en ce domaine par une clarification du budget de la Cour.

Vous m'avez posé la question des publications. Tout dépend de la nature des observations. Bien entendu, en matière d'exécution budgétaire, le support naturel, c'est le rapport annuel sur l'exécution des lois de finances, ce sont aussi les réponses aux questionnaires des commissions qui viennent compléter ce rapport et quelquefois même aborder des sujets nouveaux qui nécessitent que l'on fasse des enquêtes supplémentaires.

Le ministère des finances, comme les autres administrations, n'est pas à l'abri du rapport public annuel de la Cour. D'ailleurs, la preuve, c'est ce rapport sur la fonction publique où deux des principaux chapitres sont consacrés au personnel des finances.

Je rappelle qu'il arrive, pas très souvent, qu'une insertion remarquée au rapport public concerne le ministère des finances. Je me souviens encore -c'était en 1990 ou 1991- de l'émotion soulevée dans le ministère et pour tout dire l'indignation, parce que la Cour avait osé faire une insertion au rapport public sur la construction du ministère des finances à Bercy. Peut-être n'en sont-ils pas encore revenus. La Cour a eu cette audace !

Cela dit, nous ne le faisons pas très souvent, d'abord parce que les moyens de la première chambre sont relativement limités et que nous avons déjà ce gros rapport annuel à assurer, et aussi parce qu'il y a des sujets sur lesquels l'expression publique est difficile.

Par exemple, exposer les dysfonctionnements de l'administration fiscale, ce n'est pas très commode. Comment cela serait-il exploité, y compris par des gens qui cherchent les failles, les moyens d'égarer l'administration fiscale ? Ce sont des sujets sur lesquels la communication administrative ou à l'intention du Parlement est sans doute plus facile.

Nous faisons aussi des rapports sur les entreprises publiques. Là, je voudrais dire une chose qui peut-être n'a pas toujours été comprise, c'est que la Cour parle peu publiquement des entreprises publiques, notamment dans la période des privatisations.

Dans le rapport sur le GAN, que vous avez reçu, Monsieur le Président, et sur ses filiales, il y avait matière de nombreuses observations publiques. Mais pouvions-nous, à un moment où le GAN allait être privatisé ou venait de l'être, sur des affaires qui, bien entendu, appartenaient à la période de gestion publique, atteindre l'image de marque de la société qui demeurait même si elle devenait privée une grande compagnie d'assurances ? Ce n'est pas commode de mettre publiquement sur la table des observations sur des entreprises en période de privatisation.

De même, nous sommes en train de finaliser une enquête longue et difficile sur le Consortium de réalisation sur le CDR. C'est un sujet très complexe qui fait revivre tout l'épisode du cantonnement des actifs du Crédit Lyonnais, revendus dans des conditions souvent difficiles. Là aussi, il y aurait certainement matière à des observations publiques. D'ailleurs, la question n'est pas tranchée. Je ne peux pas l'exclure. Néanmoins, il faut le faire avec une main légère car le CDR est impliqué dans 250 ou 260 contentieux, ce sont des contentieux civils pour la grande majorité d'entre eux et il y a quelques contentieux pénaux. Il y a des contentieux devant les tribunaux internes et il y a des contentieux aux Etats-Unis. Tout ce que dira la Cour dans un sens ou dans un autre peut être utilisé, exploité par les avocats. Vous voyez que, sur ce domaine des entreprises financières, la publicité est un vrai problème.

Vous m'avez posé aussi des questions sur la coopération au sens large.

Oui, nous essayons, avec des moyens malheureusement trop limités et très limités par rapport à d'autres pays. J'ai, par exemple, en tête l'extraordinaire activité de coopération technique des Canadiens et notamment du rôle du vérificateur général du Canada notamment à l'égard des pays francophones d'Afrique. Ils ont tous les avantages. Ils offrent -évidemment, quelquefois, certains trouvent qu'il fait froid à Montréal ou à Ottawa- des stages au Canada. Ils apportent les techniques de l'audit à l'anglo-saxonne et en même temps ils parlent français. C'est merveilleux. La Cour des comptes n'a pas les mêmes moyens. Pour autant, nous avons un courant d'échanges à la fois avec leur organisation régionale, et individuellement avec quelques institutions. Tous ces pays n'ont pas des institutions de contrôle au même niveau de compétence, d'organisation ou quelquefois même -je crois que je peux le dire devant cette commission- ces institutions de contrôle sont des façades et les alibis du pouvoir. Néanmoins, un effort est fait.

Nous constatons avec plaisir que, peu à peu, il se forme des petits groupes de magistrats financiers, de bons auditeurs qui commencent à compter dans leur pays. Nous en avons une preuve, c'est que le Premier président a eu l'idée d'associer certains de ces auditeurs de pays africains à nos contrôles sur les activités de la FAO et du Programme alimentaire mondial dont nous sommes le commissaire aux comptes. Dans certaines missions de pays, nous associons ces auditeurs, ce qui est à tous égards profitable.

Sur le plan européen aussi nous avons une coopération. Le Premier président préside pour trois ans l'organisation européenne des Cours des comptes et des audits généraux de finances publiques. C'est une occasion de contacts assez étroits notamment avec les Hollandais, les Anglais, les Allemands. Nous essayons, notamment sur les questions budgétaires et comptables, de voir un peu comment ils procèdent. Tout simplement, nous n'avons pas suffisamment de temps pour envoyer en mission ou en stage des magistrats de façon assez suivie pour pouvoir vraiment pénétrer l'intérieur du système.

Nous avons quand même eu une bonne expérience de contrôle en échangeant un auditeur français contre un auditeur anglais avec le National Audit Office. Cela a été tout à fait intéressant et décapant en ce sens que l'un comme l'autre ont dit beaucoup de mal dans leur maison mère de l'autre maison. Cela s'équilibrait. Evidemment, les reproches étaient à peu près symétriquement différents.

Monsieur ADNOT a posé une question à propos de la CADES. Oui, il y a une dette certaine, et pour qu'elle soit prise dans un compte de bilan, il faudrait une comptabilité en droits constatés, ce que n'a pas l'Etat.

La comptabilité de caisse est pratiquement la règle, encore qu'il y ait des exceptions, par exemple en matière de recettes fiscales par voie de rôle, il y a des droits constatés, il y a des restes à recouvrer.

La mission sur la comptabilité patrimoniale du ministère des finances, que M. ARTHUIS avait mis en place et qui a poursuivi ses travaux, aboutit à un certain nombre de propositions que les ministres des finances ont approuvées. Nous avons trouvé que cela allait bien lentement, mais des progrès sont sensibles. Déjà maintenant, vous avez pu constater dans le compte général de l'administration des finances que les opérations de la dette publique seront traitées en droits constatés. C'est un premier résultat.

Il y a aura un provisionnement malheureusement uniquement statistique, mais c'est déjà un progrès -il n'a pas d'incidence budgétaire, c'est-à-dire que, contrairement à une provision dans un compte d'entreprise, ce n'est pas une charge de l'exercice- des créances fiscales. On s'aperçoit que, quand il y a 100 de restes à recouvrer, la probabilité est qu'il y ait 22 ou 23 de recouvrement au bout du compte, au bout de plusieurs années. Donc, il y a une recette qui n'est pas certaine. Il faut provisionner son absence. Mais c'est un provisionnement statistique qui est déjà un progrès de clarté.

La comptabilité en droits constatés vient compléter la comptabilité de caisse car la comptabilité de caisse est quand même bien nécessaire ne serait-ce que pour pouvoir afficher justement le déficit de l'année. C'est un des critères européens, on est jugé là-dessus.

Il faudrait qu'il y ait progressivement la mise en place d'une comptabilité en droits constatés sans pour autant abandonner la comptabilisation des opérations en termes de caisse.

Monsieur le Président, vous m'avez posé des questions assez redoutables.

L'exigence croissante de sincérité et de permanence des méthodes, oui, nous constatons qu'elle est mieux observée à l'étranger. Je parlais à l'instant des droits constatés, l'Italie s'est mise aux droits constatés il y a trois ans et avec une rapidité extraordinaire. Nous savons que les Italiens sont des gens de talent et qui savent réagir. Ils n'ont pas mis comme nous des années à faire ce virage. J'ajoute que ce virage est d'autant plus nécessaire que la comptabilité nationale maintenant européenne fonctionne en droits constatés. Si nous ne faisons rien, il y aura un écart croissant entre la présentation comptable de l'Etat chez nous et les normes européennes.

D'autres exemples peuvent être donnés. Les Anglais sont en train de passer également à une comptabilité patrimoniale beaucoup plus détaillée. De ce point de vue, je me permets de vous renvoyer aux travaux qui ont été faits par la mission sur la comptabilité patrimoniale et dont je pense qu'il n'y a aucune raison pour que votre commission n'y ait pas accès. Cette mission a fait des enquêtes longues et précises dans un grand nombre de pays étrangers et elle a fait des constatations tout à fait étonnantes.

Il ne faut pas aller sans doute jusqu'à l'exemple de la Nouvelle-Zélande. En Nouvelle-Zélande, les collectivités publiques n'ont plus rien à voir avec ce que nous connaissons en France, car les ministères passent des contrats d'objectifs et de moyens avec des agences spécialisées pour l'exécution des opérations de l'Etat, sauf peut-être dans certains domaines comme la diplomatie et la défense. La comptabilité et les budgets de ces agences sont traités strictement comme des entreprises privées. Nous en sommes très loin et aucun pays, à ma connaissance, n'est allé aussi loin que la Nouvelle Zélande. Mais entre notre situation et celle-ci, il y a sans doute des situations intermédiaires où les principes comptables fondamentaux de sincérité et de permanence des méthodes, de transparence devraient s'appliquer.

Vous m'avez également demandé : Qu'en est-il lorsqu'une recette non fiscale est prévue dans la loi de finances et lorsqu'il est décidé finalement de ne pas la prélever ? Cette décision est-elle contraire à la loi ?

Je ne crois pas que l'on puisse l'affirmer. Je pense que c'est seulement une responsabilité politique que prend le gouvernement car un crédit n'est pas une obligation de dépense, de même une prévision de recettes reste une prévision. C'est une prévision qui, en matière fiscale, est doublée d'une autorisation. Le vieux principe, qui remonte bien avant la République, c'est que le Parlement consent l'impôt.

Concernant la situation hebdomadaire et plus généralement les situations infra annuelles budgétaires, nous les recevons, d'ailleurs certaines d'entre elles sont publiées. Les notes bleues de Bercy et Internet aussi publient des situations mensuelles. Nous les connaissons. Nous les regardons. Nous ne les étudions pas en détail. Pourquoi ? Parce que nous considérons que notre rôle comme en matière de contrôle en général est un rôle a posteriori avec les faiblesses que cela représente car on est après l'événement, et également les garanties que cela représente car on statue sur des opérations qui ont eu lieu, qui existent, qui sont justifiées, donc qui sont dans les comptes. Nous n'analysons pas de façon régulière la situation budgétaire infra annuelle. C'est peut-être un progrès à faire qui nécessiterait de la part de la première chambre un effort supplémentaire et sans doute aussi des moyens accrus que nous n'avons pas.

Vous devez bien vous rendre compte d'une chose, c'est que mes rapporteurs -mis à part le rapporteur général, qui tout au long de l'année, soit travaille sur le rapport, soit prépare le suivant- passé la période du rapport, font autre chose. Ils font des contrôles de TPG, d'entreprises publiques, sur le personnel des finances, etc. Pour l'instant, nous n'avons pas de travail suivi sur les situations infra-annuelles budgétaires. D'ailleurs, elles sont d'une interprétation très difficile. Mais nul doute que si l'on s'y attachait un peu, on pourrait les décrypter et porter des appréciations sur elles.

Enfin la question du respect de l'autorisation parlementaire s'améliore-t-il ou se dégrade-t-il ?

Un verre est toujours à moitié vide ou à moitié plein. Je pense cependant qu'il y a un certain nombre de progrès, indépendamment des progrès de nature comptable que j'évoquais tout à l'heure.

Par exemple, je me souviens, quand j'étais moi-même il y a une dizaine d'années rapporteur pour les recettes fiscales et les recettes non fiscales, la part des recettes non fiscales figurant en prévision était beaucoup plus réduite qu'aujourd'hui. Si bien que les comparaisons entre prévision et exécution, dont le rapporteur général disait tout à l'heure que ce n'était pas le bon exercice, étaient particulièrement risquées. Elles étaient d'ailleurs extrêmement difficiles.

Les recettes non fiscales sont plus largement budgétisées. Il y a encore un effort à faire à notre avis, c'est d'essayer de faire une budgétisation qui ne sera là aussi qu'une prévision globale des fonds de concours. Même s'ils ont été réduits du fait d'un certain nombre de réintégrations comme aux finances, ils représentent bon an mal an 45 à 50 milliards de francs. C'est une catégorie de recettes très difficile à suivre en exécution puisque les reports sur fonds de concours sont fondus -voilà encore un mauvais système d'information comptable- dans les reports généraux.

Par exemple, les opérations financées par les fonds européens qui arrivent en fonds de concours dans les caisses de l'Etat français, nous les suivons la première année en exécution de fonds de concours. La seconde année, c'est reporté et c'est fondu dans le chapitre de rattachement. On n'est pas capable directement en lisant les comptes -il faut une enquête-, de savoir quelle est la proportion des fonds de concours européens qui est consommée. Il y a encore un effort à faire là dessus.

Une autre amélioration, c'est la rebudgétisation. Le Parlement et je crois le Sénat, en particulier, y est pour quelque chose. La Cour croit aussi qu'elle y est pour quelque chose modestement. Ces rebudgétisations sont quand même assez considérables, 11 milliards de francs de crédits d'articles, 2 ou 3 milliards de francs -je n'ai plus le chiffre exactement en tête- dans les opérations du cadastre et des hypothèques, mais là il y a encore à faire. Il reste les opérations d'épargne de la comptabilité publique à réintégrer. Cela va se faire. Le Conseil constitutionnel l'exige pour le 1 er janvier 2001. Cela va donc se faire. C'est un progrès.

Il y a aussi des rebudgétisations dans d'autres ministères. A l'Agriculture, à l'Equipement, les rémunérations dites d'ingénierie des personnels des corps techniques sont rebudgétisées depuis cette année.

Là, il y a bien une amélioration dans le sens de l'universalité budgétaire, dans la lisibilité des documents.

Il y a aussi une amélioration dans la présentation des documents budgétaires. Nous en avions parlé lorsque le Premier président est venu devant vous il y a quelques semaines. Les bleus sont d'un abord un peu plus facile. Simplement, les agrégats sur les lignes budgétaires qui sont mentionnés dans les bleus sont des agrégats de structures et non pas des agrégats de missions. Ce qui serait très important, ce serait de pouvoir rattacher les moyens à une mission avec la difficulté des comptabilités analytiques, c'est-à-dire de pouvoir répartir les moyens généraux. Là, des progrès sont à faire.

Ce qui a été décidé sur les rapports d'activité des ministères et sur les rapports de gestion budgétaires qui seront annexés à la loi de règlement, puisque c'est une nouveauté qui nous a été annoncée, amélioreront encore un peu l'information.

Enfin, quant à l'amélioration du droit d'enquête, c'est un sujet que je connais assez peu. Je crois qu'un droit comme celui-là s'use ou dépérit s'il n'est pas utilisé suffisamment. Si je peux me permettre d'exaucer un voeu, c'est que votre commission, -d'ailleurs c'est vrai aussi pour la commission de l'Assemblée nationale- utilise, quand elle pense qu'il y a vraiment un sujet important ou que la Cour n'a pas pu ou su lui apporter les informations qu'elle désirait, ce droit d'enquête. Evidement, techniquement, ce n'est pas très facile car il faut y consacrer du temps.

Nous savons par expérience que dépouiller une liasse c'est long et c'est souvent décevant. Quelquefois on la referme après trois heures et on n'a rien trouvé. Le temps des parlementaires et de vos collaborateurs est évidemment très précieux. Malgré tout, on peut préparer un contrôle, c'est-à-dire faire savoir à l'avance exactement ce que l'on cherche et demander qu'il y ait un premier tri dans l'information dans le service que vous allez contrôler. Je ne peux pas entrer plus dans le détail car cela dépend beaucoup de ce que vous rechercheriez.

Par exemple, si les opérations de fin de gestion vous intéressent, vous pouvez parfaitement demander à l'Agent comptable central du Trésor ou Payeur général de tenir à votre disposition toutes les opérations réalisées dans la dernière semaine de la période complémentaire sur tel type de recettes non fiscales.

D'ailleurs, si c'était nécessaire, le cas échéant, la Cour serait prête non pas à vous accompagner directement car, légalement, ce n'est pas vraiment possible, mais en tout cas à titre de coopération à donner à vos collaborateurs des indications sur la manière de faire et sur la façon dont nous procédons.

M. le Président - Merci, Monsieur le Président, de la qualité de cette audition et précisément la qualité des informations que vous nous avez données et qui nous permet par cette coopération constitutionnelle entre la Cour, les commissions, le Parlement et singulièrement les commissions de finances de l'Assemblée et du Sénat de concourir au meilleur accomplissement possible des missions qui nous ont été respectivement confiées.

J'apprécie beaucoup que nous ayons pu avoir ce matin cet échange car il est utile pour nous dans le travail que nous avons engagé.

Merci encore, Monsieur le Président. Merci à tous.

La séance est levée à 11 heures 30.

Séance du 10 mai 2000

La séance est reprise à 16 heures sous la présidence de M. Alain Lambert.

Audition de M. Thierry BERT,
Chef du service de l'Inspection générale des finances.

M. le Président .- Je vous souhaite la bienvenue.

Nous sommes réunis à l'occasion de cette audition dans le cadre de la mission que nous avons reçue du Sénat, qui est chargée de recueillir des éléments d'information sur le fonctionnement des services de l'Etat, dans l'élaboration puis dans l'exécution des lois de finances.

Notre commission des finances a été dotée des prérogatives de commission d'enquête. Nous avons choisi une méthode pluraliste qui nous a conduit à désigner un nombre de rapporteurs équivalent à celui des groupes politiques qui siègent au sein de notre Assemblée et au sein de notre commission, et nous avons donc un rapporteur par groupe, qui sont MM. Philippe MARINI, rapporteur général, Roland du LUART, Bernard ANGELS, André VALLET, Paul LORIDANT et moi même.

Je rappelle à la commission et à la personnalité auditionnée que le secret doit être conservé sur les travaux non publics de notre commission et que les travaux que nous allons conduire au cours de cet après-midi sont non publics.

Je dois, conformément à la loi, rappeler à la personnalité auditionnée les dispositions du code pénal qui traitent du faux témoignage ; ce sont celles prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je dois vous demander de bien vouloir prêter serment en disant toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant « je le jure ».

M. Thierry BERT .- Je le jure.

M. le Président .- Je vous remercie.

Je vous donne la parole pour un propos d'introduction et, ensuite, le rapporteur général vous posera des questions. Après vos réponses, j'ouvrirai la discussion à l'ensemble de la commission.

Vous avez la parole.

M. Thierry BERT .- Je vous remercie.

J'ai reçu un certain nombre de questions, sur lesquelles j'ai un peu travaillé, et je me suis dit que la meilleure méthode était probablement de resituer dans le fonctionnement général de l'Etat et du ministère des finances le service de l'Inspection générale des finances, car il y a un certain nombre d'idées qu'il faut écarter. La première, et la plus forte, est que l'Inspection générale des finances est une sorte de tour de contrôle et de gendarme universel du ministère des finances et, au travers du ministère des finances, de l'ensemble des affaires financières de l'Etat. Ce serait prétentieux de le croire de ma part et ce serait illusoire de la part de votre assemblée.

Si nous distinguons le service de ce que j'appellerai le corps ou l'ensemble de l'Inspection générale des finances, je pourrais vous décrire le service en disant que ce service, qui est sous mon autorité, est d'abord extrêmement petit.

Je remettrai au Président les effectifs budgétaires et les effectifs réels. Depuis le début du siècle, nous sommes 110 au niveau de l'effectif budgétaire. Nous n'avons pas fait de gain de productivité, mais depuis les années 1900, nous n'avons pas non plus augmenté, ce qui finalement n'est pas mal. 85 en effectifs réels, 61 personnes en deuxième et troisième classe, ce qui correspond aux jeunes enquêteurs-auditeurs, ce qui correspond à des auditeurs dans une entreprise d'audit et de contrôle. 32 inspecteurs généraux.

Voilà l'ensemble de ce qu'est le service, le reste étant des secrétaires et des personnels liés à l'organisation.

Donc c'est un tout petit service. Pourquoi croit-on que c'est plus gros ? Parce que le corps comporte environ 400 inspecteurs des finances vivants, et que, sur ces 400 vivants, 200 environ sont à la retraite, 100 sont à peu près au service et 100 dans une activité extérieure, en disponibilité ou en détachement. Je donnerai ces chiffres, que vous aurez dans l'exposé écrit.

Voilà les ordres de grandeur.

Dans ces conditions, je pourrais d'abord souligner que ces 100 personnes se comparent aux 188 000 agents du ministère des finances, ce qui fait un ratio contrôleurs sur contrôlés qui est extraordinairement faible.

D'autre part, ce ratio est d'autant plus faible que les missions confiées au service sont de nature extrêmement différente. Il y en a en gros trois. Un premier bloc sont ce que j'appelle le contrôle interne du ministère, c'est l'aspect audit interne de l'entreprise ministère des finances. C'est la cellule d'audit interne qui vérifie le respect des procédures, des règlements, de la déontologie, mais qui vérifie également le rapport entre le coût et l'efficacité des services, d'abord dans les services déconcentrés, direction générale des impôts, direction générale de la comptabilité publique, direction générale de la concurrence et de la consommation, direction générale des douanes, mais également dans les procédures générales qui sont mises en place par le ministère.

Cette deuxième forme d'audit, audit de procédure, a été particulièrement importante ces dernières années et notamment depuis deux ans, puisque nous nous sommes rendus compte qu'un certain nombre de procédures étaient trop complexes, que d'autres avaient un rapport coût/efficacité mauvais, et quelquefois effarant, de toutes petites taxes coûtant deux à trois fois plus cher que ce qu'elles ne rapportent. D'autres encore étaient tellement mal organisées qu'elles finissaient par devenir fallacieuses. Nous avons fait des études assez approfondies sur la taxe d'habitation, non seulement à propos de quelque chose que vous connaissez bien et qui est le caractère ancien et donc dépassé de la fixation des bases évaluatives, mais encore par un certain nombre de dispositions tenant par exemple aux modalités d'admission en non-valeur, dont l'effet repose sur le budget de l'Etat et pas sur celui des collectivités locales, sur un certain nombre de poursuites, sur l'absence d'utilisation de certaines procédures de déclaration par les maires, de déclarations d'insolvabilité, déclaration de pauvreté qui seraient susceptibles de faire retomber le coût des exonérations sur les collectivités locales, d'un certain nombre d'exonérations de droit qui reposent directement sur le budget de l'Etat, le tout assorti de procédures de recouvrement et de contrôle, et notamment de recherches d'adresse faisant double emploi avec d'autres services comme ceux de la redevance et créant au total une taxe difficile à recouvrer, injuste, complexe et extrêmement lourde à gérer.

Voilà le type de missions qui ressortent de ce que j'appelle le BOSTON CONSULTING GROUPE ou l'ARTHUR ANDERSEN du ministère des finances, soit enfin l'aspect cellule d'audit.

Deuxième grand bloc : contrôle externe, audit, vérification, enquête sur des sujets généraux de l'Etat. L'Inspection générale des finances, ce n'est pas uniquement un service du ministère des finances, c'est aussi un service d'une inspection générale interministérielle et, en tant qu'inspection générale interministérielle, elle peut être requise par un, deux, trois, quatre ministres pour mener un certain nombre de travaux avec l'accord du ministre des finances. Dans ce rôle de contrôle d'audit externe, nous avons donc travaillé et nous travaillons traditionnellement sur des organismes, audit du BRGM, audit de l'AFP, audit de RFO, audit de l'UGAP. Ce sont quelques exemples qui ont fait un peu de bruit quelquefois, quelquefois sur des procédures, prêts bonifiés, en général, mais également programmes de dépollution agricole PMPOA, subventions industrielles, etc.

Enfin, nous avons des missions d'assistance ponctuelle à l'Etat en cas de coup de feu, c'est ce que j'appelle l'inspection commando. C'est le Crédit Agricole de Corse, la manière dont on va sortir de la question du canal Rhin Rhône, c'est quel est l'avenir de l'établissement public d'aménagement de la Défense. Mais c'est également : « précipitez-vous quelque part car on soupçonne un détournement », « dites-nous pourquoi telle dépense explose et pourquoi telle recette ne rentre pas » etc. Nous sommes donc requis à tout moment sur des sujets de ce type.

L'ordre de grandeur du nombre de rapports remis par les 100 personnes, qui sont en réalité 85, est d'environ une soixantaine, entre 59 et 62 suivant les années, depuis 1997, par an, rapports rendus contradiction établie.

Voilà l'ordre de grandeur de l'activité.

Dans ces conditions, les principales questions que vous avez posées appellent à mon avis les réponses suivantes, après quoi nous discuterons.

Quelles sont les lignes directrices de notre action ? Elles ne peuvent être de se substituer à une direction, ni la direction du Budget, ni la direction de la Comptabilité. Elles sont au nombre de 3 :

1/ L'amélioration de la gestion publique, c'est-à-dire en fait du rapport qualité/prix de la gestion publique. C'est fondamental, cela concerne votre sujet budgétaire, mais cela le concerne à la fois de tous les côtés et d'aucun côté. Nous ne participons pas formellement à l'élaboration de la loi de finances, nous participons globalement à tout ce qui est recherche d'économies, recherche d'efficacité, amélioration générale de la gestion. Encore faut-il que les propositions soient bonnes, et, si elles le sont, faut-il encore qu'elles soient acceptées.

2/ Deuxième grand axe. Le respect des règles de droit en matière financière. Ce respect est essentiel car le droit financier est fait pour optimiser la gestion publique. Il est donc normal que je compte au sein des missions fondamentales de l'amélioration de la gestion publique ce rappel à la règle de droit. Nous en avons un exemple éclatant en ce moment avec toute l'affaire des marchés publics.

S'agissant, par exemple, de l'union du groupement d'achat public (UGAP), nous avions en 1983 fait une enquête. J'étais moi-même « à la tournée », c'est-à-dire parmi les jeunes. Nous avions découvert un certain nombre de choses, cela n'a eu aucun effet ; nous avons recommencé en 1990, nous avons découvert les mêmes choses, nous avons redit la même chose, on n'a rien fait. Nous avons recommencé en 1998, nous avons redit la même chose et, cette fois-ci, j'ai envoyé au Parquet. Les réformes ont été faites en 8 jours et on a économisé 30 % sur une masse d'achats publics de 7 milliards.

3/ Troisième ligne directrice : faire des propositions innovantes.

Je prendrai quatre exemples qui ont été particulièrement importants cette dernière année. L'analyse comparative des administrations fiscales et les propositions de réorganisation de l'informatique qui ont été finalement acceptées par les syndicats de Bercy, en préparation éventuelle d'une mise en ligne du dossier fiscal du contribuable de sa naissance, par la naissance de la créance fiscale, à son extinction.

L'inspection a été déterminante dans l'analyse comparative des systèmes étrangers tant sur le plan informatique que sur le plan du rapport qualité prix. L'analyse comparative des systèmes de contrôle de la dépense publique vient de m'être rendue, analyse menée par Monsieur Guillaume, qui a probablement déjà été auditionné ici, l'ancien Commissaire général au Plan.

Une mission de l'inspection est allée regarder dans tous les pays comment était contrôlée la dépense publique et quels étaient les liens entre le contrôle et la dépense, la formalisation de la procédure budgétaire, l'autorisation budgétaire, la pluri-annualité éventuelle, et les cadres que nos partenaires européens appellent la gestion par la performance.

Ce rapport est extrêmement intéressant. Nous l'avons présenté à l'ensemble des directeurs de Bercy à plusieurs reprises et je pense que le ministre ne verra aucune sorte de problème à ce qu'il soit largement débattu.

Nous avons également travaillé avec la mission qui était présidée par Monsieur Giraud, avec l'aide de Monsieur Delorme, inspecteur général des finances, sur tout le travail préparatoire à la mise en place d'une comptabilité patrimoniale pour l'Etat, et nous avons actuellement en cours toute une série de travaux sur l'élaboration d'indicateurs de gestion, car parfois il manque de simples indicateurs de gestion. Combien coûte un chèque traité par la comptabilité publique ou par la DGI ou par la douane, comparativement à un chèque traité par une banque ? Indicateurs de performance, réflexions sur ce que l'on peut attendre d'un service public. Qu'est-ce qu'on peut en attendre ? Est-ce évaluable, quantifiable et même définissable ?

Indicateurs évaluatifs et qualitatifs par l'introduction dans l'ensemble de la gestion publique d'indicateurs de qualité.

Nous n'en sommes qu'au début.

Lorsque, dans le cadre de la mission que j'ai menée sur la réorganisation des administrations fiscales, j'ai voulu faire simplement regarder si les usagers étaient contents de la manière dont on répondait au téléphone et que j'ai demandé une enquête par France Télécom sur le taux de décroché, on m'a expliqué, dans certaines sphères un peu syndicalisées je dois dire, que je pratiquais des écoutes téléphoniques illégales alors qu'il s'agissait simplement de savoir si les appels faits par les contribuables aboutissaient à ce qu'on décroche. La résistance a été forte car le taux de non décroché constaté moyen était de 40 % sur la France entière.

C'est ce que je veux dire lorsque je dis que nous poussons beaucoup à la mise en place du type d'évaluation.

Un mot en conclusion sur les handicaps : le premier grand handicap de l'inspection des finances sont les suites données, dont ne nous sommes ni maîtres ni témoins ni acteurs le plus souvent. Cela a des conséquences quelquefois amusantes. J'ai découvert une chose par exemple, en lisant le rapport Guillaume, il m'a semblé que je l'avais lu quelque part, alors j'ai regardé les archives. Dominique de la Martinière, l'ancien directeur général des impôts avait, en 1955, retour d'Amérique, fait un rapport sur la manière dont les Américains avaient modifié leur contrôle de la gestion publique et avaient adapté le General Accounting Office en l'axant sur le contrôle a posteriori de la performance. Il recommandait la mise en place d'un système de ce type. 45 ans depuis ont passé et nous n'avons rien fait.

Donc des suites qui nous échappent complètement.

Deuxième élément important : des arbitrages qui sont quelquefois défavorables. Nous avons proposé des économies sur RFO par exemple et on a décidé d'en augmenter le budget. Ce sont des propositions suivies d'arbitrage en sens inverse, ce qui arrive. Il faut resituer les responsabilités là où chacun les a prises, c'est-à-dire en l'espèce au niveau de l'autorité politique, qui a parfaitement le droit d'arbitrer. En revanche, certaines de ces propositions partent en quenouille. On fait par exemple un audit de l'AFP ; le président nouvellement nommé a essayé de faire un plan d'entreprise, de démontrer à ses troupes qu'il y avait une concurrence, qu'on ne pouvait continuer ainsi, qu'on perdait du terrain dans la concurrence et cela n'a apparemment pas servi à grand-chose.

D'où quelque chose que je voudrais souligner devant vous, de façon probablement un peu solennelle : nombre de mes camarades, tel n'est pas mon cas, mais j'ai du mal, estiment que le rôle de procureur des deniers publics, si on s'en tient aux procédures administratives et politiques, est désespéré et que la seule corde de rappel possible est de nature judiciaire.

Ce que j'ai dit sur l'UGAP tout à l'heure est redoutable. Cela veut dire qu'on peut dire pendant 15 ans quelque chose et que seule la menace de la mise en examen peut arriver à faire en sorte que des mesures évidentes soient prises, de manière telle que des économies importantes en résultent pour la gestion publique.

Si nous continuons dans cette voie, je crains que nous ne soyons perdus. Pas nous, l'inspection générale des finances, nous tous, c'est-à-dire en fait l'esprit public, c'est-à-dire en fait l'Etat, qui se remettrait en réalité de la qualité de sa gestion et de son salut à des tiers transformés en procureurs indépendants, ce qui n'est pas ma conviction.

C'est un danger grave et c'est la raison pour laquelle je souhaite que des efforts soient faits au ministère des finances, à l'Inspection elle-même, dans la collaboration entre les corps, notamment avec la Cour des comptes, pour que les législations inapplicables soient modifiées, pour que les législations trop complexes soient simplifiées, pour que les législations qui ne sont pas appliquées soient abandonnées ou appliquées, pour qu'un certain nombre de mesures proposées soient adoptées, afin qu'il n'y ait pas, chez les contrôleurs, qui de bonne foi assument la mission qu'on leur donne de procureur des fonds publics, une sorte de désenchantement qui les porterait à des comportements contre-productifs.

Sur un certain nombre de carences en cours de correction ou non corrigées :

Carences en cours de correction : l'inspection a été très longtemps franco-française. J'ai souhaité qu'elle devienne de plus en plus internationale, et, de plus en plus, on recourt à l'analyse comparative internationale. C'est important, c'est fait. Je souhaite également que l'inspection recoure à l'analyse comparative des procédures par le biais de la comptabilité analytique. Ce n'est pas encore fait, nous ne sommes pas outillés pour le faire, nous y viendrons. J'ai pris contact avec plusieurs cabinets d'expertise comptable de très haut niveau, qui nous aideront à mettre en place ces instruments d'analyse, encore faudrait-il que les administrations mettent en place par ailleurs une comptabilité analytique qui nous donne des instruments comparables, ce qui n'est largement pas fait.

Dernière chose, qui n'est pas faite du tout, nulle part dans l'Etat, et c'est dommage, mais je n'ai pas la solution, sauf à travailler encore sur la méthodologie : nous n'avons pas de méthodologie sur l'évaluation des besoins réels en personnels. C'est un drame parce que l'absence de comptabilité analytique et l'absence d'évaluation des tâches et de rationalisation des structures fait que, quand il faut dire s'il y a trop de monde, pas assez, un peu de monde, l'opacité est telle nous n'y voyons pas clair pour l'instant. C'est à cela que, pendant l'année qui vient, je m'attacherai avec l'accord de tous mes camarades. Nous essaierons de trouver des gens avec qui nous mènerons des missions d'évaluation des tâches, de façon à savoir réellement quels sont les emplois utiles et les emplois inutiles, quelles sont les formations à donner, les transitions à opérer, de façon à ce que la gestion des ressources humaines soit quelque chose d'intelligemment fait dans la fonction publique.

M. le Président .- Merci.

M. Philippe MARINI, rapporteur général .- Les objectifs de cette commission d'enquête se concentrent plus spécialement sur le système d'information comptable et financière de l'Etat tel qu'il existe entre les différents services, les différentes directions et le ministre, dans le processus de préparation de la loi de finances et dans le cours de l'exécution de la loi de finances. Notre attention a été plus particulièrement attirée, à la lumière de l'année 1999, sur des dysfonctionnements manifestes qui sont intervenus dans le domaine de l'évaluation et de la réévaluation en cours d'exercice des recettes fiscales et non fiscales. De plus, notre attention a été appelée depuis plusieurs années, mais à nouveau et plus particulièrement fin 1999, sur le caractère aléatoire des procédures de fin d'exercice, sur les règles d'imputation budgétaire de certaines recettes fiscales ou non fiscales, imputations budgétaires de certaines dépenses également, soit sur l'exercice qui se clôt, soit sur l'exercice qui s'ouvre.

J'aurais aimé savoir si vous avez été saisi par les ministres successifs au cours de ces dernières années de ces sujets de méthodologie, et si l'Inspection générale des finances a remis des analyses, des conclusions, des préconisations sur les thèmes dont il s'agit.

Par ailleurs, avez-vous examiné ces sujets au titre de l'auto-saisine qui, sur de tels domaines d'intérêt général, peut sans doute, dans certains cas, conduire l'Inspection générale des finances à approfondir ses propres analyses, ses propres recherches pour contribuer aux réflexions des cabinets et des ministres sans que ces derniers aient à formuler une demande préalable ?

J'aurais surtout souhaité savoir quels ont été les travaux, s'il y en a eu ; pouvez-vous nous en donner connaissance ?

Je voudrais enfin faire allusion à un propos qui était à la fois substantiel et plein d'humour, qui a été tenu hier devant notre commission par le président Jacques Bonnet, qui, co-auteur d'un rapport célèbre en 1997, nous disait en substance que le système d'information comptable de l'Etat est défaillant, obsolète, que les fonctionnaires faisaient de leur mieux dans un cadre qui, de son point de vue, était loin de répondre aux besoins de la gestion prévisionnelle d'un Etat moderne. Partagez-vous ce point de vue ?

M. Thierry BERT .- Sur l'évaluation des recettes et des dépenses, les dépenses et les irrégularités constatées en fin d'exercice, l'Inspection générale des finances ne peut s'auto-saisir. Nous avons un rapport annuel fait sur ce point par la Cour des comptes, c'est une mission législative qui lui est dévolue. Nous ne nous mêlons pas de cela.

En effet, nous ne pouvons évoquer l'intégralité de la comptabilité publique et nous n'aurions d'ailleurs pas les moyens de remonter l'intégralité des dépenses et des recettes point par point, sauf à faire comme le fait la première chambre, c'est-à-dire à y passer quatre mois pleins avec plusieurs dizaines d'assistants, que nous n'avons pas.

Ce n'est pas la mission de l'Inspection générale des finances.

En revanche, si vous dites que l'évaluation des recettes, le dimensionnement des dépenses pose un problème, dans la quasi-totalité des rapports de l'Inspection générale des finances, nous soulignons en général le caractère excessif ou pas de tel ou tel crédit ou le caractère excessif ou pas de telle ou telle décision d'abondement de crédit. Ceci se fait au coup par coup au milieu des 59 à 62 missions que nous faisons.

Sur le système d'information comptable à proprement parler, je suis d'accord avec Jacques et d'accord complètement avec Pierre Joxe et la première chambre de la Cour des comptes.

Le système d'information comptable est un système d'information de caisse. Nous ne connaissons rien ni des engagements, ni du hors-bilan. Nous n'avons d'ailleurs pas, à dire vrai, des méthodologies pour regarder ce hors-bilan, que ce soit un hors bilan dissimulé, comme par exemple l'engagement par une filiale d'une entreprise publique de racheter quelque chose à tel prix, détail sur lequel nous sommes tombés un jour. C'est un détail important, puisqu'il a coûté un milliard. Vous pouvez avoir également d'autres engagements pluri-annuels, qui peuvent éventuellement, en l'absence de suivi, coûter des fortunes. Vous avez l'énorme problème des engagements à long terme et à très long terme, au premier rang desquels les retraites.

Des efforts sont faits par la direction du Budget, la direction de la Comptabilité publique et la direction générale des impôts pour affiner les modèles de prévision.

Ceux-ci sont néanmoins extrêmement corrélés à la conjoncture économique et la conjoncture est quand même très difficilement prévisible, quelles que soient les finesses qu'on y déploie. En revanche, une situation hebdomadaire des recouvrements est établie et communiquée, je pense, aux diverses institutions de la République ; c'est un document confidentiel et secret, auquel je pense que nous avons tous accès et nous pouvons voir avec une fiabilité suffisante quels sont les écarts entre les prévisions et les réalisations, et corriger en hausse ou en baisse les évaluations.

Beaucoup plus grave est l'absence de comptabilité d'engagement, de comptabilité patrimoniale et de comptabilité analytique qui fait que les prévisions de l'Etat ignorent par exemple les notions de provision mais surtout d'amortissement.

Le caractère impécunieux de l'Etat s'explique largement ainsi. Un certain nombre d'investissements sont faits, dont le fonctionnent n'est pas prévu, dont le renouvellement n'est pas envisagé et dont l'amortissement n'est pas pris en compte. De la même manière, un certain nombre de provisions, qui sont des provisions dont l'absence dans un bilan bancaire entraînerait l'incarcération quasi-immédiate de l'ensemble des responsables, ne sont jamais passées. L'Etat, dit-on, est son propre assureur, sa propre garantie, il a l'éternité pour lui etc. Moyennant quoi, aucun risque n'est pris en compte et aucune provision n'est jamais passée. Si elles l'étaient brutalement, nous serions dans une situation probablement excessive dans l'autre sens.

Il faut continuer de faire des efforts, mais il est urgent de dépoter cette affaire de comptabilité patrimoniale et de comptabilité analytique.

Je voudrais vous raconter une petite histoire : en 1871, Napoléon III étant parti, Thiers s'est rendu compte qu'il y avait eu des engagements excessifs par rapport aux autorisations budgétaires et a demandé à la comptabilité publique de tenir une comptabilité en dépenses engagées. La comptabilité publique, à ce moment-là, fait revenir de sa retraite le marquis d'Audiffret, qui avait été le rédacteur et des règlements de 1831 et de ceux de 1862, de façon à ce que des argumentaires soient faits pour dire que la seule comptabilité qui vaille et qui respecte la logique budgétaire, était une comptabilité en termes de caisse.

De nouveau en 1914-18 les dépenses ont explosé, elles n'avaient pas été prévues, les ministères ont fait n'importe quoi. Arrivé aux affaires, CAILLAUX a redemandé à la comptabilité publique de tenir une comptabilité des engagements, celle-ci a refusé. C'est ainsi qu'a été créée la direction du budget et le réseau des contrôleurs financiers.

Ce n'est pas pour désespérer les uns et amuser les autres, ni pour renforcer le scepticisme de cette assemblée, mais simplement pour dire qu'il s'agit d'un parcours long et d'un parcours d'obstacles. Je crois que nous y arriverons, mais il faudra, pour cette affaire de comptabilité analytique et patrimoniale, beaucoup d'efforts et probablement faudra-t-il un renouvellement assez fort des enseignements, des hommes et des formations, avec une fertilisation croisée avec les institutions privées. Je vais assez loin ...

M. le Président .- Vous allez jusqu'où votre sens du devoir d'Etat vous conduit et cela nous paraît être conforme à la grandeur de la mission qui vous est confiée.

M. Jacques CHAUMONT .- Ma question est de savoir si l'Inspection générale des finances a la possibilité d'exercer un contrôle sur les prélèvements du budget au profit de l'UE, au profit du FMI et sur les bons du Trésor, sur l'ensemble de ce qui échappe plus ou moins aux directions générales classiques du ministère des finances, à travers l'Agence française de développement ou à travers des organismes internationaux.

M. Bernard ANGELS .- Nous avons beaucoup travaillé ici pour essayer de voir clair dans le budget des services financiers, au moins sur le budget de votre ministère. Nous avons, depuis de nombreuses années, essayé de comprendre et d'analyser le budget. C'était carrément impossible, quels que soient les ministres, toutes tendances confondues. Nous sommes sur la bonne voie. Depuis deux ans , nous voyons un peu plus clair et c'est tant mieux.

L'Inspection générale des finances a-t-elle alerté le ministre de l'économie et des finances sur les problèmes posés par les (inaudible) et comment se fait-il que vous qui avez, dans votre activité, pour mission de relever ce qui ne fonctionne pas à tous niveaux, vous n'ayez pu réussir, alors que nous avons très peu de moyens de modifier quelque chose qui était invraisemblable ?

M. Jacques PELLETIER .- Thierry BERT a dit tout à l'heure dans les points acquis l'ouverture sur l'international. L'international, est-ce surtout l'UE ? Comment vous y prenez-vous et à qui faites-vous appel ?

M. Jacques OUDIN .- Vous nous avez rappelé le rapport de La Martinière en 1955 et cette réticence profonde du ministère des finances à s'orienter ou à mettre en oeuvre une appréciation des résultats.

Dans les années 1970, l'Inspection et le ministère s'étaient lancés, bon gré mal gré, mais plutôt bon gré, dans un exercice, la rationalisation des choix budgétaires qui, 25 ans plus tard, était totalement abandonnée. C'est bien dommage, parce que chaque fois qu'on essaie d'apprécier quelque chose, on a parfois du mal à trouver des indicateurs de bonne gestion. Le plus curieux est qu'on en demande beaucoup plus aux collectivités locales qu'à l'Etat.

Doit-on renoncer à l'appréciation des résultats de la gestion de l'Etat en termes d'efficacité ou a-t-on encore quelque espoir qui peut resurgir ici ou là ?

M. le Président .- Nous avons, au sein de la commission, souvent le sentiment que le ministère auquel vous avez l'honneur d'appartenir pratique le secret. Il me semble que certaines informations, lorsqu'elles nous parviennent, sont d'un caractère anodin qui ne justifie pas cette culture du secret ; avez-vous la même impression ? Vous semble-t-il que, dans la majorité des cas, cette culture du secret est indispensable dans le pilotage des finances publiques ?

Deuxième question. Je voudrais que vous rappeliez la différence entre les audits menés par votre inspection et les contrôles menés par la Cour des comptes et y a-t-il des liens entre les deux institutions ?

Vous nous avez indiqué que vous avez été amenés à faire des recommandations en matière de réforme de la comptabilité de l'Etat. Existe-t-il un document précis sur le sujet ? Dans cette hypothèse, je souhaiterais que vous puissiez nous le communiquer.

Dernière question : vous nous disiez également que l'Inspection générale des finances faisait régulièrement des propositions d'économies. Sous quelle forme ces propositions sont-elles transmises à l'exécutif et sous quelle forme communication pourrait nous être donnée de ces travaux ?

M. Thierry BERT .- Je vous répondrai d'abord, par courtoisie.

La culture du secret est quelque chose dont mon opinion personnelle et l'analyse qu'on peut avoir de l'évolution de la société montrent que ce n'est plus tenable et que c'était souvent indu. Nous avons en permanence le mot confidentiel sur un certain nombre de choses qui ne le sont pas. S'agissant de la pratique de diffusion des rapports que j'ai, j'ai clairement dit à l'ensemble des cabinets qu'un rapport était diffusable dès lors qu'il ne tombait pas sous le coup des trois interdictions de la loi de 1978 sur la communication des documents administratifs, c'est-à-dire le secret fiscal ou bancaire, le secret industriel et commercial et la préparation aux décisions gouvernementales.

En revanche, je veux bien admettre qu'une note portée à l'arbitrage, ou qu'un rapport qui contient des informations nominatives en grand nombre, ou qu'un rapport de contrôle impliquant des suites judiciaires, par exemple, doive faire l'objet d'une procédure secrète.

Le secret a eu deux effets, négatifs à mon avis.

Le premier : il a fait considérer comme important un certain nombre de choses qui ne le sont pas, ce qui a gonflé à l'excès la tête de certains fonctionnaires et cela a couvert un certain nombre de pratiques inqualifiables que, désormais, nous ferons disparaître, la meilleure manière de les faire disparaître étant naturellement la transparence de certaines choses jusques et y compris les rémunérations.

Ma position sur ce point est extraordinairement simple : secret pénal, fiscal, judiciaire, secret des affaires etc. ou préparation des décisions gouvernementales et pas de communication des éléments nominatifs.

Les rapports entre l'Inspection générale des finances et la Cour des comptes sont excellents et pratiquement tous nos rapports sont communiqués à la Cour ; nous y sommes tenus. La Cour, légalement, n'a pas le droit, étant une juridiction, de nous communiquer autre chose que ses conclusions prises en collégialité et notamment, elle n'a le droit de nous communiquer aucun document d'instruction. Sont considérés comme documents d'instruction les rapports particuliers des rapporteurs n'ayant pas fait l'objet de délibération collégiale. Les rapports sont un peu déséquilibrés, mais, globalement, quand nous avons un problème de coordination, nous le réglons par un lien direct et pas avec le Premier président qui, lui, est tenu strictement au secret de l'instruction, mais avec le représentant du parquet général de la Cour, c'est-à-dire Madame Gisserot, que j'appelle quand il y a un problème particulier, ce qui peut arriver dans les cas de non coordination de mission, le ministre me demandant parfois des missions sur des sujets qui par ailleurs sont étudiés par la Cour ou la Cour intervenant juste après nous.

Le cas le plus manifeste a été une intervention de la Cour juste après nous sur le consortium de réalisation du Crédit Lyonnais, ce qui a posé des problèmes dantesques puisqu'entre temps l'affaire a été communiquée au parquet. Il a fallu qu'on sache quelle était la procédure de communication de droit à la Cour de quelque chose qui, par ailleurs, était couvert par le secret de l'instruction judiciaire.

Madame Gisserot m'a dit que c'était possible.

Cela dit, le caractère instantané chez nous, a posteriori à la Cour, très rapide de conclusion chez nous, relativement lent et collégial à la Cour, soumis à autorité hiérarchique chez nous, non soumis à autorité hiérarchique à la Cour, fait que le type d'approche est quand même extraordinairement différent. Il y a un point sur lequel nous sommes très liés, en raison de choses que nous trouvons ensemble et dont nous avons à nous expliquer, c'est dès que l'on touche aux collectivités locales. Les chambres régionales des comptes font un travail beaucoup plus proche, beaucoup plus immédiat, elles travaillent plus vite sur des comptes beaucoup plus rapprochés, et donc nous trouvons souvent des observations qui sont complémentaires ou identiques, et dans ce cas nous nous en expliquons directement avec le parquet général.

Y a-t-il un document sur les réformes de comptabilité de l'Etat ? Monsieur le Président, je veux bien vous laisser la liste de l'ensemble des rapports. Nous avons essentiellement fait des rapports sur le rapport d'Henri Guillaume et d'une équipe de l'inspection sur les questions de prévision de comptes de performance, le rapport Delorme sur la mise en place de la comptabilité analytique ; ce rapport a été dépassé par une volumineuse somme, qui est extraordinairement difficile à lire, le rapport fait par Jean-Jacques François sur la mise en place d'une comptabilité patrimoniale.

Sur les comptabilités analytiques, nous n'avons pas proposé pour l'instant de méthode de comptabilité analytique. Nous avons fait trois exercices pratiques, le premier portant sur le coût de gestion des différents impôts par la direction générale des Impôts ; le deuxième, qui est le rapport d'analyse comparative sur la décomposition du coût des administrations fiscales, assiettes et recouvrements faisant masse dans notre analyse puisqu'ils ne sont pas distingués chez nos partenaires, sur les aspects du coût, et enfin une analyse du coût analytique de la redevance audiovisuelle. Sur ce point j'ai demandé au cabinet du ministre. Ce rapport est typiquement par exemple le rapport couvert par le secret des délibérations gouvernementales. Il est en cours d'analyse sur des points extraordinairement sensibles, touchant même au fonds de la redevance. Beaucoup de pays ne l'ont pas.

Nous avançons pas à pas mais plus en manifestant par l'exemple ce que pourrait donner comme résultat la mise en place d'une comptabilité analytique.

Sur les propositions d'économies transmises à l'exécutif, je suis, pour la transmission des rapports, extrêmement ouvert à transmettre tout ce que l'on veut. S'agissant d'un rapport entre exécutif et législatif, il convient que cela prenne la forme d'une demande de votre commission au ministre ou à son cabinet. Je n'ai pas d'exemple de rapport dont la diffusion ait été refusée, sauf une fois où l'Etat français était en contentieux avec un Etat étranger. Le rapport a été frappé d'embargo, ce qui est tout à fait explicable.

Monsieur le Sénateur Chaumont m'a demandé si le contrôle portait sur l'UE, le FMI, les bons du Trésor ? Oui, à la demande du ministre. Nos missions ne sont jamais d'étudier l'ensemble de la contribution. Ce serait d'ailleurs déraisonnable que l'ensemble de la contribution vienne d'un budget voté, le budget voté étant un budget lui-même contributif à un budget global de l'institution en question. En revanche, nous vérifions, au titre de nos fonctions, un certain nombre de dépenses de l'UE et, par la même occasion, de cofinancement français de ces dépenses.

C'est ainsi que François préside la commission interministérielle de coordination des contrôles. En tant qu'Inspecteur général des finances, il est également chargé du contrôle particulier du FEOGA-garantie. A ce titre, nous avons quelques missions par an pour vérifier si la direction générale des douanes et des droits indirects fait bien les contrôles qu'elle doit faire. Un certain nombre de rapports sont faits sur ce point.

Idem pour Alain-Gérard Cohen, qui est chargé quant à lui de la commission interministérielle de coordination des contrôles fonds structurels. Les membres de ces commissions sont les corps de contrôle spécialisés, l'Inspection générale de l'agriculture et le FEOGA-orientation, l'IGAS et l'Inspection générale de l'administration concernant les fonds structurels et le Fonds social européen.

Le FMI et le CNUD, ainsi d'ailleurs que la Banque Mondiale, nous demandent quelquefois des audits ; le Trésor nous en demande quelquefois également sur tel ou tel programme particulier. Il y en a de farfelus comme une demande d'aller dans un pays que je ne peux citer, un pays d'Afrique, un grand petit pays pétrolier d'Afrique, grand par les sommes et petit par la taille. On est allé soi-disant aider à la mise en place d'une Inspection générale des finances.

D'autres missions de coopération sont plus utiles, par exemple lorsqu'il s'agit d'aller conseiller un pays comme le Mali, la Tunisie ou le Maroc dans un certain nombre de mises en place de comptabilité ou de contrôle, ou de suivi de la dépense ou de la recette. Je me suis engagé à titre personnel par exemple dans l'aide à l'Inspection générale des finances tunisienne, parce que ce sont des gens que j'ai connus il y a 20 ans dans une autre carrière avant d'entrer à l'ENA, je les connais, ils ont vieilli avec moi et ce sont des gens que je sais sérieux.

Sur les bons du Trésor, je n'ai pas de souvenir que l'inspection ait travaillé sur cet aspect.

En matière d'UE, la France met l'Inspection générale des finances et les inspections des services à la disposition de l'UE pour la vérification des ressources douanières qui sont une ressource de la Communauté.

En réponse à Monsieur ANGELS, qui demandait : comment se fait-il qu'il n'y ait pas de budget des services financiers ? J'en suis moi-même complètement scandalisé. Une des premières choses que j'ai dites en arrivant à mon poste en 1997 est qu'il était urgentissime qu'il y ait un secrétaire général dans la maison et je suis enchanté qu'il y en ait un. Je ne suis pas entièrement sûr que cette opinion soit partagée par l'intégralité de mes collègues directeurs. Je suis enchanté qu'il y en ait un pour la bonne raison qu'effectivement, nous n'arrivons pas nous-même à reconstituer le budget des directions, ni les personnels, ni les rémunérations, ni le budget de fonctionnement, ni la cohérence des implantations immobilières, ni en gros rien du tout. Donc nous sommes extrêmement peu satisfaits, c'est le moins de le dire, de cette situation un peu surprenante pour un ministère qui prétend donner des leçons au monde entier.

Pourquoi est-on dans une situation de ce type ? C'est tout simplement un alluvionnement de petites décisions apparemment de faible importance, décisions individuelles, refus de telle ou telle réforme structurelle, ayant créé une situation qui est maintenant un véritable imbroglio, où les seuls à tirer vraiment leur épingle du jeu sont en gros ceux qui restent en place le plus longtemps, c'est-à-dire notamment les patrons des syndicats puisque du ministre à l'agent, à part cela, tout le monde change tous les quatre ans au moins. Vous avez raison.

Un gros effort a été fait à la DGI. Ils savent maintenant quel est leur budget global et le budget informatique mais nous n'avons pas les coûts analytiques et jusqu'à une date récente, où il a fallu le faire nous-mêmes et à la main, nous n'avions pas le coût de revient d'un impôt, nous ne savions pas que globalement c'était 1,6 %, nous ne savions pas que la taxe d'habitation était à 4,2 et que la redevance était à 7, tout simplement parce qu'on nous avait toujours dit qu'elle était à 3,9 % des sommes encaissés, parce qu'on disait que 3,9 était le montant des crédits alloués aux services de la redevance, mais on n'avait pas pris en compte l'ensemble des contrôles faits pour le compte du recouvrement de la redevance audiovisuelle par la direction de la comptabilité publique. Si on intègre ces coûts, et ne comptons pas les coûts informatiques et les coûts indirects, nous arrivons à 7, ce qui est un coût de traitement de l'impôt qui est à mon avis tout à fait excessif.

Lorsque je vous disais en introduction qu'il fallait travailler sur les indicateurs, nous avons vraiment cette idée en tête : faire un budget direction par direction, aboutir à des coûts analytiques direction par direction, regarder les coûts de fonctionnement, distinguer dans les coûts de fonctionnement ce qui est fonctionnement du matériel et ce qui est gestion du personnel, regarder le GVT, regarder les coûts d'investissement, prévoir les amortissements des investissements et les prévoir courts en termes de délais d'amortissement, concernant par exemple les investissements informatiques. Tout ce travail est à faire.

M. Bernard ANGELS .- Ma question au départ était bien ciblée sur le budget proprement-dit. Sur un quart du budget, qui n'était pas dans le budget présenté au Parlement. Je fais allusion aux fonds de concours par exemple.

Un effort énorme a été fait. Cela a été une bataille menée par le Sénat. Aujourd'hui, bien sûr, tout le monde veut la paternité de cela. Les ministres se félicitent et disent que leur action a permis de faire cela.

M. Thierry BERT .- Nous partageons la tristesse amusée du contrôleur devant le contrôlé qui n'obéit pas. Le contrôleur ne doit pas donner d'ordre, ou au moins ne peut le faire.

Avons-nous alerté sur les crédits d'article ? A ma connaissance, un rapport secret a été fait en 1982 sur ce sujet. A ma connaissance, il n'y a été donné aucune suite. Ma connaissance est faible car je n'ai pas retrouvé le rapport. C'est une connaissance verbale, une confidence d'un de mes lointains prédécesseurs.

Pourquoi dans ce pays, de toute éternité, les comptables ont-ils bénéficié d'un certain nombre de dérogations au droit commun ? Cela date des fermiers généraux et a largement survécu. Les comptables sont toujours mieux payés que les autres, ce qui ne s'explique plus.

Monsieur OUDIN a évoqué la RCB. On n'est pas dans le même cas de figure.

Ce que j'ai appris dans mes études, car je n'ai pas participé directement à la RCB, c'étaient les années 70, 76, il s'agissait de l'évaluation des choix budgétaires des crédits d'intervention, des crédit d'équipement et des crédits généraux du budget de l'Etat.

Nous le faisons toujours. Un travail comme celui de l'impact économique du canal Rhin-Rhône par exemple est un travail, dans un certain sens, de RCB.

Nous avons également audité le projet euro-Méditerranée, c'est le projet de réhabilitation pluridisciplinaire de l'ensemble du centre de Marseille. Nous avons essayé d'évaluer l'impact économique. C'est très difficile.

Tout ce que j'ai appelé tout à l'heure audit de procédure est une sorte de RCB. Il arrive même que les inspections générales ne soient pas d'accord entre elles. Je me souviens d'une divergence très forte sur l'examen des résultats de la procédure de zone franche urbaine entre l'Inspection générale des finances, qui était partie sceptique et qui est arrivée favorable, et l'Inspection générale des affaires sociales, qui est restée défavorable ; cela s'est fini par un constat de désaccord et il y a eu 2 rapports, parce que nous avons dit que nous ne pouvions pas, même si notre avis initial était que ces zones franches étaient de l'argent perdu pour l'Etat en termes de recettes, nous ne pouvions pas dire que cela ne marchait pas puisque nous avions constaté que cela marchait. Cela ne marchait pas quand le maire ne s'en occupait pas. Ce sont des faits.

Il paraît que ce n'était pas bien de dire cela. Nous avons tenu bon.

En revanche, faire de la RCB globale sur le budget, on peut le faire sur tel ou tel projet, mais pas sur le budget. En revanche, indicateur de gestion de l'Etat, la balle est lancée et nous avons commencé à y travailler. J'ai dit quelles étaient nos avancées et nos lacunes. Oui à un budget des services, oui à une comptabilité analytique, à des budgets rationalisés, fonctionnement, investissement, oui à la prévision des renouvellements des amortissements ; nous prévoirons également des méthodes d'évaluation.

Nous allons tomber sur un bec. Les indicateurs de gestion peuvent recouvrir 3 choses. Soit nous avons le coût d'une réparation automobile par l'atelier de Bercy, comparé au coût de la même réparation automobile par Renault.

Donc indicateurs de gestion basiques.

Au-dessus, on a des indicateurs de performance, et cela implique une comptabilité analytique. Quel est le rapport coût/avantage de la perception de tel impôt ? Au-dessus encore, il y a des choses non quantifiables, par exemple l'aspect dissuasif du contrôle. Finalement, même si nous avons, par des accords internationaux, résolu l'ensemble du problème du trafic de drogue entre le Maroc, l'Espagne et la France, et réglé la question des pêcheurs basques dans le golfe de Gascogne, il n'en demeure pas moins qu'il faudra garder une brigade des douanes dans le golfe de Gascogne, parce qu'il y aura un risque qu'il faut dissuader, le problème étant de savoir le niveau où la dissuasion est trop chère pour l'efficacité qu'on lui prête. C'est le sujet le plus délicat en réalité sur lequel nous allons avoir des difficultés.

RCB, donc, non, sauf au coup par coup. Indicateurs de résultats oui. Indicateurs de gestion, incontestablement. Indicateurs de performance, oui mais ce sera difficile. Indicateurs de performance qualitative, là il faut faire de la comparaison internationale et par moment revenir au bon sens.

M. le Président .- Merci de la qualité de l'audition que vous nous avez permis de faire.

Séance du 10 mai 2000

La séance est reprise à 17 heures sous la présidence de M. Alain Lambert

Audition de Monsieur François AUVIGNE,
Directeur général des Douanes

M. le Président .- Nous travaillons dans le cadre d'une mission qui est chargée de recueillir les éléments d'information sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration et l'exécution des lois de finances. Il nous a été conféré pour la circonstance les prérogatives attribuées à une commission d'enquête, ce qui m'amène à procéder selon les solennités requises et ces formalités m'amènent à rappeler pour la commission et à la personnalité invitée que le secret doit être conservé sur les travaux non publics de la commission et que nous allons travailler sur des travaux non publics, qu'en cas de faux témoignage la personne auditionnée est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code Pénal.

Je vous demande de prêter serment, de dire toute la vérité, rien que la vérité, de lever la main droite et de dire « je le jure ».

M. François AUVIGNE .- Je le jure.

Pour introduire cette audition, je rappellerai que la Direction Générale des Douanes (DGDDI) participe à l'élaboration et à l'exécution des lois de finances concernant les dépenses mais elle est là dans une situation peu différente des autres administrations, et participe aussi concernant les recettes.

Ses missions sont les suivantes :

A) Préparer des propositions d'articles, soit sur son initiative, soit à la demande du Cabinet du Ministre.

B) Expertiser et mettre en forme des propositions faites par d'autres directions du Ministère ou par d'autres ministères.

C) Etablir des prévisions de recettes budgétaires.

D) Etablir des prévisions de dépenses fiscales

E) Assister aux travaux du Conseil d'Etat en tant que commissaire du Gouvernement.

Les missions de chaque sous-direction peuvent être rappelées :

- une sous direction A : personnel et budget.

- La sous-direction B est chargée de l'organisation générale des services, surveillance et moyens.

- La sous direction C est chargée de l'informatique, des études statistiques et des études économiques. Nous avons, par délégation de l'INSEE, la charge d'établir mensuellement les statistiques du commerce extérieur.

- La sous direction D est chargée des affaires juridiques et contentieuses, et de la lutte contre la fraude. Elle sert à cet égard de conseil juridique général.

- La sous direction E est chargée de l'union douanière et de la coopération internationale et chargée des questions de coopération et de relations internationales.

- Enfin, la sous-direction F est chargée de toutes les questions ayant trait à la fiscalité et aux droits indirects et à ce titre participe à titre principal à la préparation des lois de finances. Elle participe également à l'élaboration et au contrôle des réglementations dans les transports et à ce qui touche au détail de la réglementation en matière de droits indirects.

En matière d'élaboration de la loi de finances, c'est principalement la sous direction F qui est chargée de cette préparation. Elle intervient avec l'appui d'autres sous-directions, la sous-direction A qui traite des questions comptables et des modalités de recouvrement, la sous-direction D chargée des aspects liés au contrôle.

Administration communautaire par essence, la douane cherche à prendre en considération au maximum la réglementation communautaire dans l'élaboration et l'exécution des lois de finances ; de ce point de vue, elle s'assure de la compatibilité des règles fiscales qu'elle propose.

Nous avons en particulier la charge de préparer la demande à Bruxelles de dérogations sur des points particuliers, comme la mise en place du remboursement partiel de la taxe sur les produits pétroliers aux transporteurs routiers. La modernisation et la simplification de la réglementation des contributions indirectes ; ceci n'était pas l'objet de dérogation mais reprenait le souci d'appliquer aux échanges intracommunautaires et aux échanges nationaux les mêmes règles.

Parmi les administrations chargées du recouvrement, nous sommes la troisième régie financière, nous sommes la plus petite.

La douane recouvre des recettes, 352 MdF en 1999, que l'on peut ventiler selon les catégories suivantes :

1) Les droits de douane et assimilés (8,8 MdF en 1999).

2) Accises sur les alcools, tabacs et produits pétroliers, (228,5 MdF en 1999).

3) La TVA perçue comme en matière de douane, c'est-à-dire la part assise sur les importations de provenance extracommunautaire et la part assise sur les mises à la consommation de produits pétroliers, quelle que soit leur origine (91 MdF).

4) Autres produits des douanes (dont la taxe générale sur les activités polluantes et la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel) (7,7 MdF en 1999).

5) Autres taxes indirectes (dont la taxe à l'essieu) (8,9 MdF en 1999).

6) Divers (7,2 MdF en 1999).

Ces recettes font l'objet d'une centralisation statistique mensuelle faite par le bureau F/2 ; une fiche est établie le 10 ou le 11 du mois pour les principaux postes. 3 tableaux détaillés sont réalisés vers le 20 ou le 21 du mois.

Pour les autres recettes, l'exploitation se fait en fonction des besoins, selon des critères variés (bilan par bénéficiaire, par secteur etc.).

Nous réfléchissons et nous évoluerons rapidement concernant les recettes désormais affectées au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, au Fonds solidarité vieillesse, à la Caisse nationale d'Assurance maladie pour que ces recouvrements destinés aux organismes sociaux soient suivis sous une forme comparable à celle des recettes budgétaires, en liaison avec la direction du budget.

La DGDDI (bureau F/2) participe au comité d'arbitrage des recettes.

Elle établit ses propres révisions de recettes en vue de la réunion et explique en séance les chiffres avancés.

A cet égard, les méthodes méritent des développements un peu différents selon les rubriques.

La TIPP soulève essentiellement des questions ayant trait aux volumes en cause des carburants, puisque c'est l'élément directeur qui conduira la prévision de recettes.

La TVA à l'importation a une base imposable qui est constituée de la valeur des importations (les autres paramètres étant quasi stables)

La DGDDI applique donc aux résultats des importations exprimés en valeur de l'année précédente un pourcentage d'évolution qu'elle détermine.

La TVA sur les produits pétroliers pose des problèmes parfois plus complexes ; elle est déterminée par 3 séries d'éléments :

- l'évolution des taux de TIPP,

- l'évolution des mises à la consommation de produits pétroliers,

- l'évolution des valeurs des produits pétroliers. Ces valeurs sont fixées forfaitairement et par trimestre en fonction des cours constatés par la Direction des Matières Premières et des Hydrocarbures. Cette part de TVA sur les prix hors taxes forfaitaires représente actuellement environ le quart de l'assiette.

S'agissant des droits de douane, les hypothèses de variation des importations sont appliquées à la base imposable. Il est appliqué également un coefficient de réduction du taux moyen des droits de douane compte tenu des démantèlements tarifaires résultant notamment des accords conclus dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Les prévisions de recettes en matière de tabac sont fondées sur des simulations d'évolution des ventes en quantité et en valeur, en intégrant les hausses de prix.

La DGDDI adresse des propositions législatives au Cabinet du Ministre, le plus souvent en vue de simplifications administratives, de la mise en conformité du droit national, d'actualisations de taux et d'améliorations du recouvrement et du contrôle.

L'administration des Douanes ayant des préoccupations de gestion, nous sommes très soucieux de toutes les mesures qui vont contribuer à la simplification des procédures.

Des notes ponctuelles peuvent informer le Ministre des difficultés rencontrées pour la mise en oeuvre des lois de finances, difficultés juridiques, impact sur la charge de travail des services douaniers et les mesures contre la fraude.

Dans le cadre de la préparation des lois de finances, s'agissant de la deuxième partie, « Moyens des services et dispositions spéciales », la DGDDI adresse au Ministre ou à son Cabinet des notes d'informations sur le déroulement des conférences budgétaires tenues avec la Direction du Budget.

S'agissant des instructions, nous recevons des instructions sur les principes des mesures nouvelles (taxe générale sur les activités polluantes par exemple, cela a été un budget important de travail à la demande du Ministre), comme le remboursement de TIPP aux transporteurs.

Nous recevons principalement aussi des instructions en matière de lutte contre la fraude (par exemple le plan commun DGDDI-DGI de lutte contre la fraude à la TVA et l'économie souterraine) ou de procédures comptables.

Les relations entre la DGDDI et les autres directions du Ministère, Trésor, Budget, DGC-P, Prévision, sont d'intensité variable.

La Direction Générale de la Comptabilité Publique (DGCP) définit les règles que l'Administration des Douanes est chargée de mettre en oeuvre. En effet, la comptabilité des recettes des douanes s'intègre dans celle des Trésoriers-Payeurs Généraux, qui appartiennent au réseau de la comptabilité publique. C'est pourquoi les comptables des douanes adressent les états comptables mensuels et annuels à la DGCP, qui définit les modalités d'adaptation de toute modification de la réglementation comptable. C'est ainsi que plusieurs sujets d'actualité ont conduit à des travaux avec la Direction de la Comptabilité Publique, la mise en place du virement obligatoire dans le cadre de l'application de l'article 22 de la loi de finances rectificative du 30-12-1999, la baisse récente de TVA, le paiement expérimental par carte bancaire, le transfert d'attributions de recettes locales des douanes, et un projet actuel de transmission quotidienne et non plus mensuelle des données comptables au réseau de la DGCP.

Enfin, la procédure administrative permettant de mettre en jeu la responsabilité des comptables relève de l'appréciation finale de la DGCP. En effet, elle prononce, par délégation du Ministre chargé du Budget, une décision de remise gracieuse ou de décharge.

La Direction du Budget est destinataire d'états mensuels transmis par la DGDDI.

La Direction Générale des Impôts, qui est notre partenaire important en matière de lutte contre la fraude, est aussi un partenaire de travail significatif pour l'élaboration des textes législatifs, de la réponse aux amendements et de l'évaluation de la dépense fiscale.

Avec la Direction du Trésor, nous avons des relations qui se centrent en matière comptable sur une question ponctuelle et importante : la tenue de la liste actualisée des sociétés d'assurance habilitées à se porter caution, notamment en matière de douane et de contributions indirectes puisque beaucoup des recettes douanières sont des recettes cautionnées.

Avec la Direction de la Prévision, les échanges portent sur les statistiques de recettes, de mises à la consommation des produits pétroliers et du commerce extérieur.

Voilà le cadre général dans lequel la DGDDI participe à ces travaux relatifs à la loi de finances.

M. le Président .- Merci.

M. Philippe MARINI, Rapporteur général .- Vous nous avez tracé le cadre de manière extrêmement précise et en répondant de façon détaillée au questionnaire adressé.

Peut-être pourrions-nous regarder un cas d'application de ces procédures avec l'exercice 1999, tant en termes d'estimations et de réévaluation en cours d'année des recettes dont le recouvrement appartient à la Direction Générale des Douanes que pour ce qui est de l'imputation des recettes de fin d'exercice sur l'année 1999 ou 2000. Ce sont deux des sujets importants qui préoccupent notre commission d'enquête, soucieuse de transparence dans la bonne organisation des systèmes d'information.

M. François AUVIGNE .- Sur ces questions d'évaluation et de réévaluation des recettes, je rappelle que nous avons généralement une situation qui, compte tenu des méthodes que nous employons, est une situation à certains égards peut-être de plus grande stabilité que la plupart des postes des autres directions. Généralement d'ailleurs des réunions d'arbitrage permettent, sur nos sujets, un consensus administratif assez fort. C'est ce que mes collaborateurs, qui ont eu l'occasion d'y participer, ont pu me dire. La TIPP renvoie essentiellement à une question d'appréciation des volumes des carburants qui seront mis à la consommation. De ce point vue, il peut y avoir des écarts, du fait d'une estimation pouvant être discutable des prévisions de trafic.

Mais généralement, on arrive en matière de TIPP à une prévision assez robuste. Les choses sont parfois un peu plus difficiles lorsqu'il y a des changements significatifs dans les comportements des usagers.

Je prendrai un exemple concernant l'actualité récente, qui tient à la suppression du carburant plombé, et l'introduction d'additif au potassium remplaçant le plomb. Nous avons été surpris par la baisse plus forte que prévue de l'utilisation de ces carburants avec additifs, et nous avons assisté à une croissance plus forte que prévue de la part relative de la TIPP portant sur les carburants sans plomb.

Pour ce qui est des droits de douanes, qui ne constituent plus qu'une recette marginale de nos perceptions, nous appliquons chaque année une sorte de clef tenant compte de l'évolution des marchandises importées par les bureaux de douane français et qui tient compte de l'érosion liée à l'application des accords de l'OMC.

De ce point de vue, il peut y avoir des surprises, mais elles sont limitées.

Le plus complexe pour nous reste la TVA sur les produits pétroliers compte tenu du jeu des trois facteurs que nous avons énoncés tout à l'heure.

S'agissant du droit de consommation sur les tabacs, il y a toutes les incertitudes liées à l'évolution des consommations. On assiste à des phénomènes sociologiques. Un phénomène connu est qu'à chaque hausse de tarif ressentie par le consommateur, on assiste à une baisse de la consommation pendant quelques semaines, dont l'intensité varie selon les époques.

Ce sont les principales difficultés que nous rencontrons concernant la robustesse de nos prévisions, ce qui conduit à des écarts probablement moins forts que dans d'autres catégories de domaines. Je donnerai par écrit à la commission la liste de ces écarts. Nous sommes en situation sans doute un peu spécifique compte tenu du caractère des recettes qui sont en cause.

S'agissant des recettes nouvelles, d'impôts nouveaux, comme la TGAP, qui compte huit faits générateurs différents, on peut avoir plus de mal à établir des prévisions totalement assurées.

Concernant les opérations de fin d'exercice, j'évoque la question de la comptabilisation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Le mode de recouvrement normal de la TIPP consiste en des déclarations décadaires que l'on fait à la sortie des entrepôts fiscaux de stockage et des entrepôts fiscaux de production.

La décade pétrolière est une déclaration récapitulative qui reprend toutes les mises à la consommation des produits pétroliers intervenues au cours de la décade.

La prise en compte est faite au plus tard le troisième jour qui suit la décade et le paiement est réalisé 30 jours après le jour médian de la décade.

Cette procédure est applicable aux produits les plus courants, c'est-à-dire à 99% de la TIPP.

Pendant plusieurs années, les mises à la consommation du 20 au 28 décembre étaient déclarées séparément et prises en compte le 31 ou le 30 du même mois. En décembre 98, la situation est revenue à la normale. Cette méthode de comptabilisation a été modifiée.

M. Bernard ANGELS .- Nous travaillons sur le fonctionnement du Ministère, notamment pour voir si on peut proposer des simplifications. Dans votre direction, vous avez des recettes des douanes. Qu'est-ce qui justifie le maintien de ces recettes ? Y a-t-il une raison qui empêche de simplifier et d'avoir des services de recettes généralisés ?

M. le Président .- 1/ Votre Direction Générale a-t-elle été amenée à donner des informations sur l'évolution prévisible des recettes fiscales pour les ajuster lors du collectif budgétaire ?

2/ Confrontez-vous vos prévisions générales avec celles des autres directions ? Est-il exact, car c'est une information que nous avons recueillie au fil de toutes les auditions, que les prévisions en la matière sont assez différentes selon les directions et entre les directions chargées du recouvrement et la Direction du Budget ? J'aimerais que vous nous donniez votre propre point de vue sur le sujet.

Lorsque j'occupais la fonction du Rapporteur général, c'était une période où nous parlions de fuite massive de TVA intracommunautaire. Nous nous perdions en conjectures à l'époque sur les causes de cette fuite. Cela a-t-il été élucidé et à combien estimez-vous éventuellement la perte de recouvrement relative de la TVA aujourd'hui ?

M. François AUVIGNE .- A la question de Monsieur ANGELS, je répondrai que nous avons 226 recettes des douanes, c'est-à-dire que nous avons un réseau comptable concentré. Ces recettes ont parfois des annexes qui n'ont pas de fonction comptable. Ce réseau a la particularité de réunir dans les mêmes services l'assiette et les recouvrements. A certains égards, c'est une particularité qui correspond à des évolutions qui ont pu être envisagées par ailleurs.

J'observe que, dans la plupart des pays étrangers, où les douanes ont des responsabilités du même type que les nôtres, c'est-à-dire droits de douanes, lutte contre les grandes fraudes et les recouvrements des accises, on constate qu'il y a des bureaux de recettes individualisés consacrés à ces questions. L'atout principal du réseau douanier est son caractère concentré.

Si nous avions à bâtir un système, comment ferions-nous ? Je ne sais pas. Mais ces éléments peuvent étayer la réflexion sur le réseau comptable douanier.

S'agissant de la question des réunions de recettes, je n'ai pas personnellement l'expérience de ces réunions, mes collaborateurs qui s'y rendent m'indiquent que, sur les sujets douaniers, la liste des recettes qui sont recouvrées par la douane, généralement les écarts de prévision, le consensus se fait relativement facilement.

Concernant la question du collectif budgétaire, je n'ai pas la réponse mais je la transmettrai par écrit.

Sur la fraude à la TVA intracommunautaire, je ne suis pas en mesure de chiffrer le montant de la fraude. A la suite de travaux, notamment du Parlement, on a assisté à partir de 1997 à une très grande prise en compte de ce sujet et la douane à deux reprises a été mobilisée par les ministres, début 1997 et de manière encore plus ample fin 1997, afin de renforcer de manière considérable la collaboration entre les services douaniers et les services des impôts en matière de lutte contre cette fraude.

On a donné des indications chiffrées et précises à nos services en termes de contrôle à la circulation. Nos unités en tenue peuvent établir sur les routes, à l'occasion de contrôles, des fiches de contrôle L80 à l'occasion des 12000 contrôles à la circulation effectués chaque année en cette matière, et ainsi transmettre des informations à la DGI notamment sur les échanges intracommunautaires.

Les éléments que nous avons en retour sont que, dans de nombreux cas, ces informations constituent des briques utiles pour déceler des mécanismes de fraude. Deuxième aspect : nous avons renforcé le contrôle des déclarations d'échanges de biens intracommunautaires et avons donné des indications plus précises en termes d'objectifs à nos services concernant les contrôles de facturation en entreprise, contrôles qui peuvent être faits par les agents des impôts ou des douanes et permettent de déceler des prémisses de fraude à la TVA intracommunautaire. Dans cette Administration, depuis quelques années, le thème de la coopération avec les autres directions, en particulier la Direction Générale des Impôts, a plutôt bien progressé. La TVA intracommunautaire est incontestablement une des priorités principales qui ont été assignées par mon prédécesseur et que j'ai été conduit à maintenir.

M. le Président .- Merci, je ne vois pas d'autres questions.

Merci de nous envoyer les compléments d'informations.

(La séance est levée à 18 heures)

Séance du 16 mai 2000
La séance est ouverte à 16 heures 10 sous la présidence de M. Alain Laémbert
Audition de M. Jean-Claude TRICHET,
Gouverneur de la Banque de France

M. le Président - La séance est ouverte.

L'ordre du jour appelle l'audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France. Monsieur le Gouverneur, je vous souhaite une chaleureuse bienvenue devant notre commission.

Notre rendez-vous est différent de nos rendez-vous habituels, puisque nous travaillons dans le cadre de la mission dont notre commission a été chargée par le Sénat afin de recueillir des éléments d'information sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration puis dans l'exécution des lois de finances.

Nous avons par ailleurs souhaité qu'il y ait autant de rapporteurs que de groupes siégeant à la commission des finances. C'est ainsi que nous comptons parmi nos rapporteurs, outre le Rapporteur général, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, Paul Loridant, et votre serviteur.

Je vous rappelle que nos travaux sont non publics et secrets.

L'ordonnance du 17 novembre 1958 précise que "toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est entendue sous serment" et qu' "en cas de faux témoignage, elle est passible des peines prévues par les articles 434.13, 434.14 et 434.15 du code pénal".

En conséquence, je vous demande de prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, de lever la main droite et de dire : "Je le jure".

M. Jean-Claude Trichet
- Je le jure.

M. le Président - Notre commission a souhaité vous entendre pour faire appel à vos souvenirs d'ancien Directeur du Trésor.

Elle désirerait également savoir si, en tant que Gouverneur de la Banque de France -membre du système européen des banques centrales- vous jugez l'information dont vous disposez satisfaisante ou si vous pensez qu'il faudrait l'améliorer.

Pouvez-vous nous dire par ailleurs comment se situe notre pays par rapport à ses partenaires ?

Vous avez la parole.

M. Jean-Claude Trichet - Permettez-moi de vous remercier une nouvelle fois de m'avoir demandé de vous rencontrer. Il s'agit d'une circonstance un peu particulière, mais je voudrais exprimer à nouveau la disponibilité totale de la Banque de France à l'égard de la commission des finances du Sénat.

Comme vous le savez, et comme la loi le prévoit, à tout moment, je considère que nous pouvons vous rejoindre à votre demande si vous souhaitez quelque explication que ce soit dans les domaines dont nous avons la charge.

Je n'aborderai pas du tout les questions de politique monétaire ou de change, bien qu'elles soient en ce moment particulièrement médiatisées, pour toutes les raisons que vous savez.

Laissez-moi simplement vous exprimer cette disponibilité totale et remercier votre commission, ainsi que le Sénat de la République, pour le soutien qu'ils ont constamment apporté à la Banque de France au cours des années écoulées. Mes collègues et moi-même y avons été très sensibles.

Sur le point que vous abordez, je voudrais évoquer trois questions plus particulières. La première, qui me paraît directement dans votre sujet, est celle de savoir comment la procédure de confection de la loi de finances et de suivi de son exécution fonctionne, essentiellement du point de vue du Gouverneur de la Banque de France et compte tenu de mes souvenirs de haut fonctionnaire du Ministère des Finances que j'ai été -haut fonctionnaire non responsable du budget de l'Etat : ce sont les responsables anciens et actuels de la discussion du budget qui seraient bien entendu mieux que personne à même de vous éclairer.

Je voudrais peut-être aussi vous dire un mot sur ce que j'observe en Europe d'une manière générale et sur les comparaisons que je peux faire à la fois dans les procédures qui sont suivies, mais peut-être aussi à propos des débats que je vois s'organiser en Europe, débats démocratiques, similaires à celui que nous avons eu sur le célèbre dossier dit de la "cagnotte", sur lequel j'avais d'ailleurs eu l'occasion de m'exprimer moi-même publiquement, en tant que Gouverneur de la Banque de France.

Peut-être pourrais-je aborder un dernier point, qui est celui du suivi, dans le cadre d'un système mondial, du respect des normes de diffusion spéciale des données, puisque nous avons maintenant un consensus mondial sur ce qu'il convient de faire pour suivre le secteur budgétaire -et nous venons d'élaborer, à la fois au Ministère des Finances et à la Banque de France, le point de la situation en faisant une sorte d'auto-évaluation de nos méthodes, et en les comparant avec ce qui est recommandé au niveau mondial.

Sur le premier point, je vais être bref. Je crois que nous sommes en présence, avec la confection, puis l'exécution de la loi de finances, de procédures qui sont essentiellement celles de la loi organique, et je ferai simplement quelques considérations qui ne vous surprendront pas.

Nous avons -je crois que la commission a déjà été amenée à le déplorer, mais il est vrai que le défi est considérable- une comptabilité « de flux » et non « de stock ». L'Etat, si l'on veut bien le considérer comme une très grande entité économique, l'équivalent d'une très grande entreprise, n'a pas du tout la comptabilité des entreprises.

Nous sommes en présence d'une comptabilité assez différente, et l'on peut en effet souhaiter faire des progrès dans le sens d'une plus grande fiabilité du point de vue de la comptabilité « de stock ».

Je n'insiste pas outre mesure, mais il y a là un très grand défi, à la fois comptable et conceptuel qui nous est lancé.

Pour ce qui concerne la sincérité ou l'insincérité de la loi de finances -sincérité ou insincérité a priori, puis a posteriori- je suis assez perplexe moi-même, et je ne vous cache pas qu'il me semble qu'il y a dans le débat public quelque chose d'un peu surréaliste.

Peut-être vais-je choquer certains membres de la commission, mais j'ai été très frappé de voir qu'au cours de ces dernières années, quelles que soient les sensibilités qui se sont succédées au pouvoir, une sorte de procès en insincérité a priori était généralement tiré du fait que le Gouvernement et le Ministère des Finances étaient trop optimistes, qu'ils prévoyaient trop de recettes et qu'ils présentaient donc un budget dont on pouvait prévoir à l'avance qu'il allait être insincère, parce qu'il y aurait moins de recettes que prévu, autant de dépenses que prévu et, par conséquent, un déficit supérieur à celui qui était annoncé.

On a vu très récemment ce débat qui devenait classique et que j'ai vu se répéter, encore une fois, quelles que soient les sensibilités au pouvoir, pendant toute la période où la croissance était ralentie, où nous avions plutôt des déceptions que de bonnes surprises. On a ensuite vu le débat changer complètement de tournure, et le procès en insincérité changer de physionomie. Cette fois, on disait : "Vous avez beaucoup plus de recettes que vous n'en avouez, et vous auriez donc la possibilité de faire beaucoup plus de choses que vous ne le dites. Vous dissimulez la réalité, et vous faites en sorte que l'on puisse avoir en réalité une exécution budgétaire avec un déficit bien moindre que celui qui était programmé".

Je ne vous cache pas, aussi bien au titre de mes anciennes fonctions qu'au titre de mes fonctions actuelles, j'ai toujours été frappé par ce procès, qui repose essentiellement sur le fait que les hypothèses de travail de la loi de finances ne semblent pas, aux yeux de la représentation nationale, être le fruit d'un travail sincère, professionnel, d'une sorte de consensus d'experts, le meilleur possible, mais le fruit d'une manipulation gouvernementale.

Quelles que soient les sensibilités se succédant au pouvoir, je n'ai jamais eu personnellement ce sentiment, ne serait-ce que parce que l'on est sous le regard de tous lorsqu'on est Ministre des Finances, qu'on élabore son budget dans des conditions toujours difficiles et que, sur le fond des choses, on prend, au moment où il est cristallisé, le meilleur consensus d'experts et le plus vraisemblable possible !

Mais il est vrai que la procédure pourrait être améliorée et que s'il y avait un élément encore plus objectif que celui qui est retenu actuellement, on pourrait peut-être gagner en clarté et en lisibilité du débat public, au lieu de s'engager dans ces procès d'intention successifs, qui ne me paraissent ni très pertinents, ni très constructifs, pour tout dire.

A mes yeux, nous sommes toujours en situation d'incertitude sur la croissance économique. Bien malin qui peut dire quelle sera la croissance économique de l'année suivante. On s'est trompé, en France, en Europe et dans le monde, de manière absolument monumentale sur la croissance économique ! Les meilleurs experts mondiaux se sont trompés, pour l'année 1991, de 3 % sur la croissance du monde, alors même que l'on aurait pu compter sur les régularités statistiques mondiales ! De la même manière, on s'est trompé sur la croissance européenne de 3 % pour l'année 1993 : on prévoyait qu'elle serait positive, et elle a été très négative, puisque c'était l'année de la récession !

Je reste donc très prudent sur la réalisation, et je crois que notre opinion n'est pas assez consciente du fait que personne ne peut vraiment garantir un taux de croissance, ce qui me conduit à dire qu'il faut peut-être être plus prudent qu'on ne l'est en ce moment dans notre pays, où tout le monde semble aujourd'hui considérer qu'il va de soi que l'on ait une croissance éternelle de 3 % en volume par an. Je n'en suis pas sûr personnellement, et je crois que cela suppose un grand nombre de conditions à réunir pour arriver à un tel résultat.

Bref, je crois qu'on peut probablement améliorer les choses en ayant une procédure plus objective et surtout reposant davantage sur un consensus d'experts gouvernementaux, parlementaires et indépendants, de manière à avoir des éléments incontestables, mais je recommanderais à la représentation nationale de confronter ses points de vue sur les dépenses plutôt que sur les recettes. Les recettes sont finalement ce que l'on observe à la fin de l'année et, de ce point de vue, je voudrais vous dire que j'ai été surpris de voir à quel point le débat français est différent du débat dans les autres pays.

Si je prends ce qui s'est passé en France entre la loi de finances initiale pour 1999 et la réalisation pour 1999, j'ai les chiffres suivants -je parle sous votre contrôle, et je sais que je suis dans le tabernacle sénatorial de la loi de finances ; j'espère donc que les chiffres que mes collaborateurs m'ont donnés sont bien exacts : nous avions prévu - 2,3 % pour le solde des finances publiques, au sens de la loi de finances, et non au sens de Maastricht. Sauf erreur de ma part, en réalisation, nous arrivons à - 1,8 %. C'est du moins le chiffre que j'ai sous les yeux. Nous avons donc une amélioration de 0,5 point de PIB.

Sommes-nous, en France, en présence d'un événement extraordinaire que l'on ne retrouverait pas dans les autres pays, et qui s'expliquerait par des insincérités successives ? Eh bien, non ! Je dois dire que, pour l'ensemble de la zone euro, dont nous ne représentons qu'une fraction somme toute modeste, on a exactement la même différence entre la loi de finances initiales des onze pays et la réalisation. On avait prévu au total, pour ces onze pays, - 1,7 % : on réalise - 1,2 %. Les mêmes causes produisent exactement les mêmes effets. La croissance de l'ensemble de la zone euro a été, au total, meilleure que celle prévue initialement et donc, dans la zone euro comme en France, on a une réalisation meilleure que celle de la loi de finances initiale.

Si vous me le permettez, un aparté de Gouverneur de banque centrale : bien entendu, l'idée d'appeler cela une cagnotte n'est venue à personne dans les autres pays européens et, pourtant, ils avaient exactement la même que nous ! Cette idée de cagnotte est étrange, puisqu'on se trouve simplement en présence de recettes supérieures à ce qui avait été anticipé, la croissance ayant été supérieure... mais que l'on a toujours un déficit important !

Il faut évidemment, partout en Europe, affecter ces suppléments de recettes à la réduction supplémentaire du déficit. Cela paraît aller de soi, et cela va de soi dans la quasi totalité des autres pays. Je n'insiste pas davantage sur ce point, mais je crois nécessaire d'appeler votre attention sur le caractère un peu particulier de l'"exception française" entre guillemets, de ce point de vue.

Bien entendu, derrière la régularité statistique, qui nous donne -mais c'est un peu un hasard- exactement le même pourcentage de réduction du déficit pour la France et pour la zone euro dans son ensemble, se cachent des différences assez substantielles de pays à pays. Certains pays ont eu de bonnes surprises, comme les Pays-Bas, qui escomptaient - 1,3 % de déficit en termes de proportion de PIB, et qui ont eu 0,5 % de surplus. Au total, aux Pays-Bas, la différence de 0,5 % pour l'Europe est, sauf erreur de ma part, de 1,8 % du PIB.

La Belgique est dans notre cas : elle escomptait - 1,3 % de déficit : elle a eu - 0,9 %, soit une amélioration de 0,4 %.

L'Espagne a connu la même situation que nous : elle attendait - 1,5 % ; elle a eu - 1,1 %, et cela lui donne un résultat évidemment plus satisfaisant que celui qu'elle avait anticipé.

D'autres pays ne se retrouvent pas dans une situation aussi flatteuse, et certains voient leurs réalisations identiques à leurs prévisions. Tout ceci dépend donc très largement des aléas entre la réalisation et les anticipations mais, au total, comme je l'ai dit, sur l'ensemble de l'Europe, nous avons un résultat qui est en amélioration, pour le même quantum de PIB que pour notre propre pays.

Je crois pouvoir vous dire qu'il y a maintenant d'ores et déjà un assez grand nombre de pays, dans la zone euro et en Europe, qui sont en excédent des finances publiques. Je dois vous dire que, là aussi, parler de cagnotte quand on est dans la catégorie de ceux qui ont les plus importants déficits paraît aux banquiers centraux bien étrange.

Je trouve que le sentiment de l'opinion, dans notre pays, a beaucoup évolué au cours de ces dernières années, et je pense que c'est un phénomène qu'il faut plutôt déplorer. Nous avions la réputation d'être extrêmement bien gérés en matière de finances publiques jusqu'à la fin des années 1980. Lorsqu'on a négocié le traité de Maastricht, ce sont plutôt nos thèses qui l'ont emporté. C'est nous qui avons imposé le plafond de 3 % à l'ensemble des Européens. C'était la règle française pour la limite extrême du déficit qui avait été proposée au début des années 1980 par le gouvernement de l'époque sur la base d'un consensus multi partisan, et qui, finalement, est apparue bonne à l'ensemble des Européens.

Nous avions la proportion de dettes par rapport au PIB la plus faible d'Europe, avec le Luxembourg, ce qui nous donnait la position de celui qui avait été, dans le passé, parmi les meilleurs gestionnaires, sinon même le meilleur gestionnaire des pays européens grands et moyens.

Pour des raisons qui m'échappent, comme si l'on avait acquis la sagesse monétaire, en sacrifiant la sagesse budgétaire, notre pays et notre opinion publique se sont montrés nonchalants, n'ont pas réalisé que l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, faisaient des progrès extraordinaires. Nous avons vécu sur notre passé assez brillant, sans nous rendre compte que nous étions progressivement dépassés. Il est à bien des égards paradoxal que la Grèce, l'Espagne ou le Portugal fassent mieux que nous en déficit budgétaire annuel !

Bref, il y a eu quelque chose dans le débat public qui a fait qu'on n'a pas vu que les autres faisaient des efforts remarquables et que, notamment, les pays latins, qui étaient auparavant mal gérés, s'étaient mis à se bien gérer.

Un dernier point pour mentionner le fait que nous avons des normes et des codes au niveau mondial, et qu'en ce qui concerne le secteur budgétaire, il y a des normes de diffusion spéciales des données, appelées NSDD en anglais.

Après relecture attentive des publications périodiques, nous estimons que les opérations du Trésor sont en ligne avec les normes mondiales recommandées à l'ensemble des pays du monde.

Je ne puis aller plus loin, car il faudrait que j'entre dans les détails, mais je pense que votre commission pourrait avoir sans peine accès à ces normes mondiales et obtenir une évaluation de leur respect par la France.

Je vous remercie.

M. le Président - La parole est au rapporteur général.

M. Philippe Marini, Rapporteur général - Une loi de finances, nous le savons bien mes chers collègues, ce sont trois catégories d'éléments : en premier lieu, un cadre économique et financier ; en second lieu, une estimation de recettes ; en troisième lieu, une estimation de dépenses, pour aboutir à un solde, qui est fonction de nos engagements et de la politique économique que l'on veut conduire.

Au stade de l'élaboration, il est une donnée tout à fait essentielle, c'est la parité monétaire. Je voudrais, Monsieur le Gouverneur, que vous nous expliquiez comment cela se passe concrètement. L'hypothèse de parité, comment est-elle définie ? Au terme de quel débat ? La Banque de France y prend-elle part ? Pouvez-vous nous faire profiter des analyses que vous devez réaliser en ce moment sur différents scénarios d'évolution ? Il est clair qu'ils vont impacter l'économie, mais aussi les finances publiques !

Vos propos et analyses nous permettraient de faire le lien entre vos anciennes et vos actuelles fonctions.

S'agissant de l'exécution de la loi de finances, vous dites que les dépenses et les recettes sont ce qu'elles sont. Oui, sans doute, en exécution, lorsque l'année est close mais, en cours d'année, dès lors qu'il y a information, cette information doit être sincère -et c'est bien le sujet que s'efforce de traiter notre commission, qui consiste à s'assurer du bon fonctionnement de l'information, à la fois interne à l'Administration et au Ministère des Finances, et à l'information entre l'exécutif et le législatif.

En 1999 -qui fait l'objet d'une polémique en effet un peu surréaliste, le terme de "cagnotte" étant d'ailleurs un terme qui ne vient sans doute pas d'un parlementaire, mais de la presse- l'impôt sur les sociétés a évolué de manière atypique, en tout cas très différente de ce qui était programmé.

La Banque de France dispose, notamment par son réseau de succursales, par la centrale des bilans, par toute une série d'éléments, de moyens de connaître l'évolution de la conjoncture et des résultats des entreprises. Ces moyens peuvent-ils à votre avis être mobilisés pour mieux cerner l'exécution en recettes de la loi de finances s'agissant de l'impôt sur les sociétés ?

M. Jean-Claude Trichet - S'agissant de l'élaboration de la loi de finances et de l'interaction avec la parité monétaire en particulier, nous avons nous-mêmes le même problème que celui que peut avoir le Gouvernement dans la préparation de la loi de finances lorsque, pour notre propre compte, nous faisons nos évaluations, en particulier de l'évolution de l'économie elle-même et, bien entendu, de l'impact inflationniste que peut avoir le niveau du change, qui incorpore en ce moment d'ailleurs un fort impact inflationniste, puisque tous les prix des produits importés sont augmentés de la dépréciation de l'euro par rapport au dollar.

Ce que nous retenons généralement, parce que nous voulons être aussi objectifs que possible, c'est une règle qui est très fréquemment appliquée et qui consiste, sauf si on a le sentiment d'une aberration complète, à prendre la photographie de ce que l'on observe au moment de la confirmation des prévisions.

Ce n'est pas a priori très scientifique que de présumer qu'il ne va pas y avoir de changement, mais c'est un moyen simple d'éviter les manipulations, soit que certains souhaitent, pour des raisons diverses, voir augmenter, soit que d'autres souhaitent voir diminuer la croissance économique et donc les recettes.

Je dois dire que j'aurais fait la même réponse s'agissant des changes ou des taux d'intérêt, puisqu'on est en présence d'évolutions qui ne sont pas a priori prévisibles, par construction même, et qui peuvent impacter l'économie, sa croissance et le budget de l'Etat, de manière plus ou moins considérable, à la fois directement et indirectement, indirectement via l'économie elle-même et les recettes, et directement via le service de la dette.

Si l'on veut sortir de cette manière de voir les choses, je crois qu'il faut prendre le plus de précautions possible et je rejoins mon propos de tout à l'heure : la seule voie serait d'avoir recours à un consensus d'experts indépendants ayant la confiance de tous, Parlement, Gouvernement, Banque centrale.

Sommes-nous mûrs -aussi bien au Ministère des Finances, au Parlement, que dans l'euro-système c'est-à-dire au niveau des différentes Banques centrales nationales pour avoir un tel système ? ... Voyez la difficulté que nous avons dans une zone à monnaie unique, qui pourrait conduire des experts indépendants dans chaque pays à retenir des chiffres différents dans leurs paramètres propres pour les budgets nationaux, aussi bien en qui concerne les taux d'intérêt qui, pourtant, sont uniques au sein de la zone à monnaie unique, ou les évolutions de change qui, pourtant, elles aussi sont uniques au sein de la zone à monnaie unique !

Je ne crois pas pour autant qu'il soit imaginable de laisser le soin à la BCE de définir ces paramètres. On peut, dans une perspective un peu futuriste, imaginer qu'une délibération commanditée par la BCE, les banques centrales nationales et par les onze pays concernés par l'euro conduise un groupe d'experts européens indépendants à indiquer les paramètres monétaires et financiers qu'il faudrait retenir -les mêmes dans chaque pays. Peut-être est-ce là le point ultime auquel nous devrions parvenir, dans une perspective de rationalisation des paramètres de l'ensemble de la zone euro. En tout cas, ce serait une illustration emblématique du fait que nous sommes plus proches les uns des autres que nous ne le soupçonnons aujourd'hui.

Pour ce qui concerne l'exécution, quid de l'information ? Nous devrions tous avoir la situation du budget de l'Etat environ 36 jours après la fin de chaque mois sur Internet. Il s'agit bien entendu d'une situation provisoire, mais c'est ce qui est normalement disponible aujourd'hui, avec toute une série de situations -la situation résumée des opérations du Trésor, le tableau synthétique des opérations du Trésor qui, normalement, est disponible 36 jours après la fin de chaque mois sur Internet, la situation mensuelle des opérations du Trésor, également disponible 36 jours après la fin de chaque mois.

Tout ceci nous permet de penser que notre pays respecte la norme mondiale, ce qui permet un suivi de l'évolution de l'exécution budgétaire dans des conditions à peu près convenables, un peu plus de cinq semaines après la fin de chaque mois.

Je ne crois pas que l'on puisse imaginer être plus rapide et, si ceci fonctionnait parfaitement bien, je pourrai répondre à M. Marini qu'en France, on a les moyens de suivre l'évolution budgétaire dans des conditions à peu près convenables.

La Banque de France a-t-elle les moyens de porter un jugement instantané sur l'évolution de la conjoncture et de faire mieux que le suivi comptable de l'exécution budgétaire ? Je ne le ne crois pas. Pourtant, nous avons l'enquête de conjoncture la plus précoce de France et d'Europe et sentons donc les grandes évolutions économiques et les points de retournement avant tout le monde mais, pour des raisons bien connues, l'impact sur l'impôt sur les sociétés est très décalé. Si nous observons un retournement conjoncturel, on peut présumer qu'il va y avoir des conséquences importantes, mais l'impact sur les recettes budgétaires est nécessairement décalé.

Ce qui est moins décalé -et Bercy a un avantage décisif sur nous- c'est la consommation et les recettes de taxe à la valeur ajoutée. Nous suivons nous-mêmes la consommation au mois le mois. Comme elle est assez volatile, nous avons plus confiance dans les bimestres et nous suivons la consommation de manière assez pertinente, en France, 15 jours après la fin du deuxième mois.

Je pense que Bercy a ses propres chiffres de recettes de taxe sur la valeur ajoutée, avec exactitude et rapidité. Nous n'avons donc pas d'avantages compétitifs permettant, par exemple, à la commission des finances du Sénat d'avoir, via la Banque de France, des informations meilleures que celles qu'elle pourrait obtenir directement de Bercy.

Cela dit, je vais continuer à réfléchir dans la ligne de ce que suggérait implicitement le Rapporteur général, car il est possible que je découvre que nous aurions néanmoins un léger avantage compétitif.

Bien entendu, il y a le problème de l'arrêté définitif des comptes de fin d'année, et c'est bien souvent sur ce problème particulier qu'il y a matière à débat, parce qu'il y a une certaine zone de décision possible pour les gestionnaires d'imputer à tel ou tel exercice tel ou tel surplus ou insuffisance de recettes.

Je pense que c'est peut-être là que se situe, dans la perspective du débat français, le point principal : comment réduire au maximum la marge d'arbitraire qu'il peut y avoir dans les imputations lorsqu'on procède à l'arrêté définitif des comptes ? Je ne suis pas spécialiste, mais peut-être y a-t-il là matière à essayer de réduire cette marge d'incertitude, afin d'éviter ces débats perpétuels sur le point de savoir si les comptes n'ont pas été alourdis pour l'année n et allégés pour l'année n - 1, ou s'il y a lissage année par année, ce qui, après tout, n'est peut-être pas totalement absurde, mais qui doit dans tous les cas être clairement affiché et non dissimulé.

M. le Président - La parole est aux commissaires...

M. Jacques Oudin - Ma question porte sur la préparation et l'élaboration du budget.

Je suis frappé par les difficultés, voire "l'incapacité" entre guillemets à procéder à une meilleure rationalisation de nos choix budgétaires en amont, comme du suivi et éventuellement de l'exécution du budget.

J'étais au Ministère des Finances quand un grand mouvement de rationalisation des choix budgétaires a été enclenché. Il avait donné lieu à des approches intéressantes, qui ont été abandonnées au fil des années et qui ont aujourd'hui complètement disparu.

On le voit réapparaître un peu dans une nouvelle notion introduite par une loi récente sur les schémas de services. Il en existe neuf en France, tous axés sur une certaine rationalisation des services offerts aux citoyens, que ce soit dans le domaine des transports ou de l'éducation -et l'on aurait pu remonter aux schémas sanitaires. Bref, on assiste à des tentatives périodiques de rationaliser à la fois la préparation et l'exécution de nos budgets, sans pour autant aboutir à un résultat significatif.

Peut-être, dans le domaine sanitaire, commence-t-on à opérer quelques avancées en terme de conception, mais jamais en termes de réalisation.

Cette incapacité à aller plus avant dans la rationalisation et dans l'évaluation, on la retrouve même au niveau parlementaire, puisque nous avons l'exemple amer du non-succès d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

Même dans un domaine aussi pointu que celui de la politique des transports, nous sommes actuellement dans une grande incapacité à opter pour un choix financier quelconque pour traverser des obstacles comme les Alpes ou les Pyrénées, parce qu'on n'a pas su opérer les choix avant.

C'est un constat. Je vous ai entendu parler d'un consensus d'experts indépendants. Je me méfie des experts indépendants, parce que c'est un peu facile. Cela veut dire que, nous trouvant devant une difficulté à maîtriser nous-mêmes un sujet, nous demandons à d'autres de faire à notre place le travail que nous ne savons pas faire.

Certaines économies, comme celles des pays anglo-saxons, savent se réformer elles-mêmes, et d'autres non. L'Europe est parmi ces dernières, et la France également. Dans ces conditions, cela ne m'étonne pas que nous ayons des évolutions particulières entre l'euro et le dollar, les opérateurs économiques se disant qu'il y a un pays qui avance et un ensemble de pays qui marquent le pas.

Tout ceci vient de cette incapacité à évoluer, à analyser, à réformer que nous ressentons en France, dans le domaine budgétaire en particulier, et également dans le domaine économique. Partagez-vous cette analyse et ce point de vue ?

M. Yann Gaillard - Monsieur le Gouverneur, vous nous avez expliqué qu'au fond, il n'y avait rien de précis à attendre de l'enquête à laquelle nous sommes en train de nous livrer -ce dont je ne saurais m'étonner tout à fait.

Vous avez concédé cependant un point intéressant à propos de la période d'arrêté des comptes et de l'imputation de telle ou telle recette sur un exercice ou sur l'autre. C'est d'ailleurs à ce moment que vous avez évoqué le problème de la "cagnotte", terme lancé, si je me souviens bien, par un sénateur socialiste au cours du débat.

Je pose une question brutale : un Gouvernement qui voudrait farder la vérité -cela peut exister, quelle que soit sa couleur. De quoi pourrait-il se servir ? N'a-t-il plus aucun moyen de le faire ? On a par exemple parlé des recettes non fiscales -Caisse des Dépôts et autres.

Faut-il vraiment penser que nos Ministres des Finances sont privés de toute possibilité de nous présenter de façon politiquement utile pour eux tel ou tel moment de leur action budgétaire ?

M. Joël Bourdin - Monsieur le Gouverneur, j'aimerais avoir votre sentiment sur l'évolution de l'euro, dont vous avez parlé au regard d'une théorie à laquelle je crois beaucoup, celle de la parité des pouvoirs d'achat.

L'idée est qu'il n'y a pas de taux de change fort ou faible, mais un équilibre qui s'établit en fonction des évolutions des taux de croissance différentiels, des taux d'inflation, etc. L'euro n'est-il pas en fait victime, si l'on estime qu'il n'est pas assez fort, d'une parité des pouvoirs d'achat à moyen terme, qui expliquerait son état actuel ? Il y a un intéressant article paru dans Le Monde d'hier soir à ce sujet.

M. le Président - Monsieur le Gouverneur, en matière de transparence comment situez-vous la France dans la zone euro ? Il ne s'agit pas ici d'un soupçon de dissimulation, mais de la clarté des comptes proposés au Parlement qui sont publiés.

Je voudrais également savoir si vous avez constaté une évolution entre la période de préqualification de l'euro et la période ultérieure. Est-ce que le Gouvernement français, qui pouvait craindre pour la parité du franc, a été amené à avoir, en matière budgétaire, une attitude différente de celle qu'il a aujourd'hui ?

Pensez-vous que les marchés financiers sont aussi bien informés de la situation des finances publiques que le Parlement dans un pays comme le nôtre et, enfin, même si cela n'est pas un lien direct avec les travaux que nous menons, pensez-vous que les déficits publics en Europe sont susceptibles de contribuer à l'affaiblissement de l'euro ?

M. Jean-Claude Trichet - A M. Oudin, je dirai que, comme lui, j'ai assisté à ce foisonnement des études de rationalisation des choix budgétaires. Cela remonte très loin dans le temps, puisque le concept remonte à M. Mac Namara, lançant la rationalisation des choix budgétaires aux sein du Gouvernement américain, à l'époque où il était Ministre de la Défense.

Nous avons ensuite vu le monde entier essayer d'optimiser ces choix budgétaires. Je suis entièrement d'accord avec le fait que nous devrions pouvoir faire beaucoup mieux que nous ne faisons, mais j'appelle l'attention du Sénat de la République sur le fait que j'ai moi-même une expérience très concrète et très pratique de tout cela, et je peux vous dire que je constate que le peuple souverain, lorsqu'il s'exprime par la voix de ses représentants, aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, a parfois lui-même, toutes sensibilités confondues, une attitude très précautionneuse, par exemple s'agissant des services publics en province, et partout dans notre pays !

Beaucoup de dépenses sont probablement excessives, mais elles sont incontestablement voulues par le pays lui-même, et je ne peux pas ne pas vous rappeler au passage que la loi sur l'aménagement du territoire, qui a été votée deux fois -et, sauf erreur de ma part, quasiment à l'unanimité l'une des deux fois- est une loi qui n'a aucun équivalent dans aucun autre pays que je connaisse !

Et, je suis le premier à voir avec quelle force politique, multipartisane, il nous est signifié qu'il faut être extrêmement précautionneux dans ce domaine de la gestion des services publics sur le plan local.

Je n'en dis pas plus, mais je crois qu'il y a malheureusement un prix à payer pour cette attitude extrêmement précautionneuse dans la gestion des services publics. Nous payons pour cela un prix relativement important. Nous pourrions certainement croître plus vite, avoir un niveau de vie plus élevé, si nous arbitrions différemment.

Encore une fois, le peuple est souverain, et il faut respecter ses prescriptions. Ceci ne nous empêche pas d'essayer de progresser le plus possible, mais je suis, comme M. Oudin, convaincu que, théoriquement, il y a dans notre pays une capacité supplémentaire de rationalisation de ces choix considérable, dont on pourrait pleinement bénéficier si nous le souhaitions vraiment.

Concernant les experts indépendants, je ne m'y suis référé que dans la mesure où il s'agissait de mettre au point un certain nombre de paramètres qui ont une influence sur la croissance, et donc d'avoir les hypothèses de croissance les plus incontestables possible, mais je suis d'accord avec M. Oudin : ce n'est certainement pas à l'expert indépendant lui-même qu'il faut demander de rationaliser les choix budgétaires. Il y a là des décisions difficiles à prendre : ces décisions doivent être prises par un Gouvernement responsable devant un Parlement. Il me semble qu'il n'y a aucune espèce de doute là-dessus. Je partage entièrement le sentiment du sénateur Oudin !

A M. Gaillard, je dirai que je crois en effet que le Ministre des Finances, encore aujourd'hui, et sans contrevenir à aucune espèce de règles, a une certaine latitude qui lui est laissée par l'état actuel du droit et des procédures pour, dans un certain nombre de cas, attribuer recettes et dépenses à l'exercice n ou à l'exercice n + 1.

Je n'ai pas bien vu si M. Gaillard souhaitait qu'il reste quand même au Ministre des Finances une marge de manoeuvre et de liberté de cette nature, ou s'il le déplorait. J'aurais un peu tendance à penser qu'il doit peut-être l'avoir et, dans ce cas, il devrait l'avoir dans la clarté et dans la transparence. Il faudrait peut-être pour cela renforcer les procédures dans leur clarté, afin que l'on sache exactement quel est le choix qui est fait finalement. Il ne me paraît pas invraisemblable, puisque c'est le cas dans toutes les entreprises, que l'on puisse avoir une telle possibilité lorsqu'il s'agit d'un budget aussi considérable que celui de l'Etat français, mais encore une fois dans la clarté et dans la transparence.

Je suis quelque peu gêné pour répondre longuement au sénateur Bourdin, car j'ai l'impression que nous sommes hors du sujet central de la commission. Je lui dirai simplement que dans l'analyse que nous faisons à la Banque de France, dans l'analyse que fait la BCE et son conseil des gouverneurs, et dans l'analyse internationale, il est clair que l'euro, aujourd'hui, est très en-dessous de ce que recommandent les données fondamentales, au nombre desquelles il faut naturellement mettre tous les éléments de parité de pouvoir d'achat.

Nous sommes en présence d'un euro très anormalement faible, même quand on prend en compte la force de l'économie américaine, le taux de croissance des Etats-Unis, les différentiels de taux d'intérêt, les évolutions de parité de pouvoir d'achat, etc.

C'est la raison pour laquelle nous disons avec autant de détermination -et je dois dire de conviction- que l'euro a un important potentiel d'appréciation et que les marchés vont reconnaître que l'euro est actuellement largement sous-évalué.

Au Président, qui évoquait quatre points, je répondrai qu'il me semble que le problème de la France est celui qu'évoquait M. Gaillard, c'est-à-dire qu'il se pourrait que nous ayons le sentiment d'avoir une marge de manoeuvre plus grande en fin d'année, au moment de l'arrêté définitif des comptes, que ce n'est pas le cas dans un certain nombre d'autres pays européens, en vertu peut-être d'ailleurs de la tradition, de la pratique un peu immémoriale, d'où l'intérêt de la clarification des normes adoptées pour l'arrêté des comptes de fin d'année.

Il y a en France, une sorte de suspicion permanente sur les comptes publics que je n'observe pas dans les autres pays. Nous avons été le seul à avoir le débat sur la cagnotte, alors que le problème s'est posé dans les mêmes termes absolument partout. Que ce soit objectif ou subjectif, nous avons un problème particulier qu'il faudrait corriger à l'évidence, parce qu'il obscurcit inutilement le débat français.

Y a-t-il évolution entre la préqualification de l'euro et après ? Je ne vous cache pas, Monsieur le Président, que de l'avis de tous mes collègues gouverneurs de banque centrale nationale européenne sans exception, il me semble que oui. Il nous semble qu'il y avait, avant la qualification de l'euro un formidable et ardent sentiment qu'il fallait se comporter du mieux possible sur le plan des finances publiques, et qu'il y a maintenant un certain relâchement.

Ce relâchement s'observe dans tous les pays. Il nous désole parce que nous avons la conviction qu'on aurait plus de croissance, plus de créations d'emplois et une lutte encore plus efficace contre le chômage si l'on poursuivait le même effort de sagesse budgétaire et des finances publiques en général que celui qu'on poursuivait avant. C'est notre conviction. Je dois vous dire que c'est la conviction multipartisane aux Etats-Unis, et il me semble qu'ils n'ont pas si mal réussi sur ce plan.

De ce point de vue, je ne préconise pas que l'on applique les recettes américaines, mais il est clair que l'homme de la rue, à Washington, Phoenix, ou New-York, pense que moins on a de dépenses publiques et moins on a de déficit public, mieux l'économie se porte et plus il y a de jobs. Je ne crois pas que tel soit le sentiment en Europe continentale et dans la zone euro, et je pense que c'est parce que nous ne sommes pas assez efficaces dans notre pédagogie pour que ceci soit reconnu par la large opinion.

Il est évident que si ceci était reconnu par une large opinion, les gouvernements auraient beaucoup moins de difficultés à réduire le déficit et seraient soutenus par une majorité de la population. Ceci me conduirait à penser que, dans ce domaine comme dans d'autres, nous avons encore beaucoup d'efforts d'explication à fournir.

Je dois vous dire que le sentiment multipartisan français était beaucoup plus sage budgétairement dans les années 1970 et dans les années 1980, et je me suis référé aux normes françaises qui sont devenues les normes européennes et qui paraissaient absolument naturelles à l'époque, sur la base d'un consensus politique gauche-droite.

Les marchés financiers sont-ils mieux ou moins bien informés que le Parlement ? Ils ont exactement les mêmes informations que le Parlement. Ils n'ont pas d'autres informations que les informations publiques.

Pourquoi, aux Etats-Unis, il y a sept ans, pour avoir de la croissance et lutter efficacement contre le chômage, a-t-on réduit les déficits ? Le raisonnement du Président Clinton, à l'époque -qui avait d'ailleurs hésité sur la stratégie- était de contribuer à la réduction des taux d'intérêt à long terme afin de développer l'investissement, la croissance et la création d'emplois. Je ne me prononce pas sur le système américain dans son ensemble, mais sur cet aspect en particulier : il aurait pu avoir un raisonnement complètement différent, qui lui était d'ailleurs recommandé par une partie généralement minoritaire de ses conseillers, qui l'incitaient au contraire à réaliser le plus de dépenses et de déficit possible pour alimenter la machine économique.

Aujourd'hui, beaucoup de nos pays partenaires sont déjà en excédent budgétaire, au sein de la zone euro et hors de la zone euro. C'est ce que recommande le pacte de stabilité et de croissance.

Il y a un élément très important qu'il faut avoir en tête. Indépendamment de la monnaie unique, qui nous donne à peu près les mêmes taux d'intérêt partout, les marchés continuent à faire la différence entre les uns et les autres en fonction de la qualité de leur gestion budgétaire. Si nous sommes ostensiblement moins bien gérés que les autres, nous en paierons le prix en matière de taux d'intérêt et, bien entendu, le cas échéant de moindre croissance.

Pour le moment, rien d'alarmant, mais je le mentionne, car c'est un élément qu'il faut avoir en tête. Les Etats-Unis ont l'ambition de supprimer complètement leur dette et de tout rembourser dans un délai relativement rapproché, et je crois que nous allons avoir la surprise de voir que plusieurs autres pays européens s'engagent dans la même voie. Si nous conservons 58 % de dettes en proportion du PIB, nous risquons à terme de le payer cher. La pédagogie sur la nécessité de ne pas se distinguer des autres pays par une gestion qui serait moins efficace à terme me paraît donc très importante.

Il y a par ailleurs un paradoxe dans l'évolution de l'euro. N'oublions pas que les Etats-Unis sont en très grand déficit externe. Le déficit externe des Etats-Unis représente 4 % du PIB. Ce n'est pas soutenable à moyen terme. Il y là une anomalie dans la marche américaine. L'Amérique est un Janus qui a une face technologique extrêmement positive, et il y a certainement beaucoup à reprendre de l'expérience américaine, surtout peut-être pour les Français, dont la culture est une culture technique extrêmement forte et qui ont peut-être plus de chances que d'autres d'arriver à surfer sur la vague technologique. Mais, en même temps, et c'est l'autre visage du Janus, il faut bien le dire, les ménages américains épargnent tellement peu que le déficit d'épargne aux Etats-Unis est énorme, de même que le déficit extérieur.

Les Etats-Unis ne peuvent escompter que le reste du monde finance indéfiniment et très substantiellement leur déficit. Il y a donc aussi une face négative des Etats-Unis, ce qui doit nous conduire à retenir ce qui est bon, ne pas prendre ce qui est mauvais.

Pour ce qui concerne l'euro lui-même, je suis, comme je vous l'ai dit, très confiant dans sa remontée. La zone euro a globalement une situation de balance des paiements courants presque équilibrée. En France même, sur chacune des trois dernières années, nous avons enregistré 2,5 % du PIB d'excédent de transactions courantes, ce qui veut dire que notre pays est dans une situation plutôt bonne de ce point de vue.

Après tout, on souligne assez ses défauts pour ne pas hésiter aussi à mentionner ses succès ! Du point de vue de la compétitivité de l'épargne et des grands équilibres, l'économie française est saine, et elle le prouve en ayant un excédent externe assez substantiel.

Je vous remercie

M. le Président - Merci, Monsieur le Gouverneur.

Séance du 16 mai 2000
La séance est reprise à 17 heures sous la présidence de M. Alain Lambert
Audition de M. Pierre GISSEROT,
Ancien Chef de l'Inspection Générale des Finances

L'ordre du jour appelle maintenant l'audition de M. Pierre Gisserot, Inspecteur Général des Finances, à qui je souhaite la bienvenue.

Je vous rappelle que notre commission s'est vue confiée par le Sénat les prérogatives d'une commission d'enquête pour une durée de six mois afin de s'informer sur le fonctionnement des services de l'Etat dans l'élaboration puis dans l'exécution des lois de finances, afin d'éviter des controverses juridiques sur les pouvoirs de la commission des finances pour procéder à toutes les auditions et à toutes les communications dont nous avons besoin.

Afin de ne pas donner un tour contentieux à nos travaux, nous avons nommé autant de rapporteurs qu'il existe de groupes siégeant à la commission des finances : MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, Paul Loridant, et votre serviteur.

Parmi ces rapporteurs, le Rapporteur général vous prie de l'excuser : le Président du Sénat recevant en ce moment le Président de Pologne, les responsabilités du Rapporteur général au sein du groupe d'amitié France-Pologne l'obligent à être présent à cette réception.

Je vous rappelle par ailleurs que nos travaux sont non publics et secrets et que l'ordonnance du 17 novembre 1958 précise que "toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est entendue sous serment" et qu' "en cas de faux témoignage, elle est passible des peines prévues par les articles 434.13, 434.14 et 434.15 du code pénal".

Je vous demande donc de prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, de lever la main droite et de dire : "Je le jure".

M. Pierre Gisserot
- Je le jure.

M. le Président - Je vous propose de nous donner, par un propos introductif, votre sentiment sur la question générale que je viens de rappeler. Vous avez la parole.

M. Pierre Gisserot - Je dois vous avouer que, lorsque j'ai appris, il y a de cela deux petites semaines, que je devais être entendu devant cette commission transformée en commission d'enquête sur l'élaboration et le suivi des lois de finances, j'ai été un peu surpris. Comme mon successeur, qui fut mon adjoint, a dû vous le dire, l'Inspection Générale des Finances n'a pas, en tant que telle, de compétences particulières, ni pour l'élaboration, ni pour le suivi de la loi de finances.

Nous n'avons pas compétence non plus pour vérifier -c'est moins connu- les directions d'administration centrale.

Toutefois, nous avons compétence pour vérifier l'Agence Comptable Centrale du Trésor -autrefois service d'administration centrale devenu agence comptable autonome- mais, compte tenu des bonnes relations que nous avons avec la Cour des Comptes, nous n'aurions pas apporté grand-chose par rapport aux travaux de celle-ci si nous avions vérifié cette agence comptable centrale -moins de compétences, peut-être un peu plus de sévérité.

Quand j'ai reçu votre questionnaire, en revanche, j'ai compris les raisons pour lesquelles vous souhaitiez m'entendre. J'ai été en effet durant une dizaine d'années, qui n'ont pas toujours été très faciles, chef du Service de l'Inspection Générale des Finances, et je suis, malheureusement, aujourd'hui le doyen de l'Administration Générale des Finances. Je pense donc que cela pourrait me permettre d'apporter un éclairage latéral et, celui d'un ancien, sur les questions qui vous intéressent.

Je voudrais insister sur trois points, et je vais reprendre une expression que j'aime beaucoup, d'un grand ministre que je regrette profondément, Pierre Bérégovoy. Pour lui, l'Inspection des Finances -et il me l'a dit plusieurs fois- était le réservoir de matière grise du Ministère des Finances. C'est une très belle expression. Je sais qu'il existe beaucoup d'autre matière grise au sein du Ministère des Finances, mais c'est le seul endroit où se trouvent réunis un certain nombre de jeunes de qualité, d'anciens pleins d'expérience, qui peuvent se consacrer à temps plein, un mois, deux mois, trois mois, sans contraintes professionnelles quotidiennes, à l'examen d'un sujet.

Le deuxième point qui n'est pas toujours très connu est que, même si les textes ne reconnaissent pas à notre service une indépendance totale, dans les faits, cette indépendance est pratiquement totale, non seulement pour l'inspection, mais pour chaque inspecteur, ce qui n'est pas toujours facile pour son chef.

Le troisième point est important à connaître : l'Inspection des Finances est traditionnellement considérée comme neutre. N'ayant pas de responsabilités opérationnelles, elle n'a pas de problèmes de frontières avec les directions, pas de problèmes de compétences, et cela donne à ce qu'elle dit un crédit d'impartialité qui, je crois, n'a pas été entamé.

Ceci étant ne croyez pas que je sois béatement optimiste. Je suis actuellement très inquiet sur ce qui se passe aux finances et sur l'hémorragie à laquelle nous assistons.

Pour l'Inspection, cette hémorragie est ancienne ; traditionnellement, beaucoup de jeunes Inspecteurs des Finances partaient vers les cabinets, ou dans les directions. L'hémorragie hors finances touche maintenant beaucoup plus les jeunes, beaucoup plus rapidement, et ne concerne plus seulement l'Inspection des Finances mais l'ensemble des cadres de l'Administration des Finances. Je suis très inquiet sur la façon dont sera, dans quelques années, dirigée l'Administration des Finances. Il y aura bien sûr toujours des Ministres de très haute qualité mais, au niveau administratif supérieur, nous allons vers la pénunie. Or, je dois souligner, car c'est en rapport direct avec votre sujet, le suivi et l'élaboration des lois de finances suppose une bonne administration, bien dirigée, par des cadres compétents.

Si vous le permettez, j'ai établi, conformément à votre aimable lettre, une réponse à vos huit questions, dont je vais vous donner maintenant lecture.

1. L'Inspection générale des finances joue-t-elle un rôle dans l'élaboration et l'exécution des lois de finances ? Quel est-il ? Est-elle amenée, dans ce cadre, à étudier des questions spécifiques ? Fournir les notes correspondantes.

L'Inspection générale des finances n'a aucune responsabilité dans l'élaboration et l'exécution des lois de finances.

Lorsque j'étais chef du service, s'était cependant établie la tradition qu'un jeune inspecteur soit chargé d'effectuer la synthèse des informations pour le rapport économique et financier et, en contact avec le Cabinet et le Budget, d'en établir la rédaction.

Les travaux de l'Inspection générale des finances sur la comptabilité patrimoniale (voir plus loin questions 3 et 5) devraient commencer à se traduire concrètement dans la présentation de certains documents budgétaires.

2. Les arbitrages budgétaires et fiscaux du Premier ministre, puis ceux du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sont-ils portés à la connaissance de l'Inspection générale des finances ?

La réponse est simple : Non.

3. L'Inspection générale des finances a-t-elle entrepris un travail de réflexion, ou suscité des réformes, concernant l'amélioration de la présentation des documents budgétaires ? L'IGF a-t-elle fait des recommandations sur les modalités d'exécution des lois de finances, préciser la nature de ces recommandations.

A la première question, la réponse est négative. En revanche, plusieurs études de l'Inspection générale des finances ont certainement conduit à une exécution beaucoup plus déconcentrée de la dépense (notamment pour les services extérieurs du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie).

4. La recherche d'une plus grande efficience de la dépense publique constitue-t-elle un sujet d'étude pour l'Inspection générale des finances ? Quelles en sont les traductions concrètes ? Cela la conduit-elle, notamment, à proposer la réalisation d'économies ? (Fournir, le cas échéant, les propositions émises depuis 5 ans).

Cette question concerne le coeur de la raison d'être du service de l'Inspection générale des finances. Qu'il s'agisse des activités classiques de vérification ou des missions d'audit et de conseil, le souci d'une meilleure efficience de la dépense publique est permanent. Ce n'est pas par hasard d'ailleurs que la direction du Budget se trouve être le principal « demandeur » de missions.

En 1996 et 1997, j'avais fait procéder à une synthèse des économies budgétaires pouvant résulter des études et propositions des rapports récents de l'Inspection générale des finances, établis souvent conjointement avec d'autres corps de contrôle. Le rédacteur, identique dans les deux cas, avait établi en 1996 19 fiches d'économies pour un montant de 47 milliards. En 1997, le même nombre de fiches correspondait à une économie de 28 milliards. Les mesures proposées en 1996 et conservant leur actualité s'élevaient à près de 15 milliards.

Ces économies sont évidemment indicatives et, dans certains cas, pourraient se révéler d'application délicate ou devoir être étalées dans le temps. Parfois même les mesures qu'elles supposent dépendent de choix purement politiques. Il n'en reste pas moins que le directeur du Budget a bien voulu reconnaître que ce travail l'avait grandement aidé dans la préparation de plusieurs décisions.

5. Quelle appréciation l'Inspection générale des finances porte-t-elle sur le suivi de la dette, d'une part, et sur la question du « hors bilan » de l'Etat (définition, évaluation, mesures prises ou à prendre afin de prendre en compte ces engagements dans la loi de finances...), d'autre part ?

Je n'ai pas gardé souvenir d'enquête sur le suivi de la dette, en montant. En revanche, j'ai personnellement suivi la mise en place des « spécialistes en valeurs du Trésor » et ai présidé le comité de sélection de ces derniers.

L'Inspection générale des finances a joué un rôle fondamental dans les réflexions et propositions concernant la mise en place d'une comptabilité patrimoniale et d'une présentation d'un hors bilan. J'ai lancé la première étude en 1994 (O. Pagezy). Celle-ci fut étendue en 1995 par Ch. Baulinet et officialisée en 1996 par la mission G. Delorme-Giraud. En 1997 et 1998, A. Blanc a présidé le comité de pilotage de la mission comptabilité patrimoniale.

Selon les informations en ma possession, ces longues études ont déjà donné lieu à nombre de réalisations, discrètes mais très concrètes, et quand le « puzzle » sera achevé, l'Etat devrait enfin disposer d'une comptabilité patrimoniale correspondant à ses besoins. Les directeurs du Budget, du Trésor et de la Comptabilité publique seraient plus compétents que moi pour préciser l'échéance de ce « quand ».

6. L'Inspection générale des finances reçoit-elle des instructions du ministre ? Sur quels sujets ?

Le ministre ou le gouvernement, par son intermédiaire, peuvent bien évidemment demander à l'Inspection générale d'effectuer telle ou telle mission. Celles-ci sont en règle très générale inscrites au programme de travail.

Dans l'exécution de ses travaux, l'Inspection générale est, et doit demeurer, totalement indépendante. Cette indépendance d'analyse et de propositions est le plus grand service que nous puissions rendre au ministre. Ce principe n'a pas posé le moindre problème avec les sept ministres qui se sont succédés pendant mon « décennat » de chef du service. Tout au plus pourrais-je souligner de très rares « inquiétudes » en provenance des cabinets. Elles furent sans conséquences sur le contenu des rapports... et je n'ai plus entendu parler de rien par la suite.

7. Quelles sont les relations de l'Inspection générale des finances avec les directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (direction du Trésor, direction du Budget, direction générale des Impôts, direction générale de la Comptabilité publique, direction de la Prévision) ?

Dans un ministère constitué de grandes directions, aux traditions et aux cultures parfois différentes et dont les frontières de compétence ne sont pas toujours très logiquement définies, le service de l'Inspection générale des finances présente un atout majeur : il est neutre et reconnu comme tel.

Les relations sont bien évidemment plus étroites avec les directions à réseaux ou la direction du budget, mais elles sont existantes avec toutes.

Cette situation a permis à l'Inspection générale des finances de jouer un rôle important, depuis 1989-1990, dans le développement d'un minimum d'interdirectionalité ; elle a ainsi fourni au délégué à la modernisation (J. Choussat) puis au président du comité des directeurs (D. Lallier), tous deux inspecteurs généraux dans les cadres, les moyens humains et logistiques nécessaires.

L'effort a surtout porté sur l'interdirectionalité au niveau départemental ou régional (comité des chefs de service financiers) et la déconcentration des crédits. Mais les études « horizontales » ont aussi été conduites : personnel des services extérieurs en administration centrale, traitement des insuffisances professionnelles, délocalisation des tâches, procédures « doublons », recouvrement des cotes complexes...

L'Inspection générale, et cela rejoint la question 4, a aussi joué un rôle fondamental, à la « demande suggérée » des directeurs, dans la mise en place d'indicateurs de gestion et de performance des services extérieurs de la Comptabilité publique, de la direction générale des Impôts et de la direction des Douanes.

L'Inspection générale des finances a apporté son concours à la direction du Trésor pour une réflexion sur les régulations nécessaires dans certains secteurs : télécommunications, énergie...

8. Peut-on envisager des relations directes entre l'IGF et les commissions des finances du Parlement ? L'IGF ne pourrait-elle pas fournir aux présidents des commissions des finances les rapports d'inspection portant sur des thèmes généraux (sans imputation personnelle) ?

N'ayant plus la responsabilité opérationnelle du service de l'Inspection générale des finances, je ne me sens pas habilité à répondre à cette question qui relève d'ailleurs plutôt des relations entre gouvernement et Parlement.

A titre strictement personnel, avec l'expérience de quarante cinq années au service de l'Etat, j'ai tendance à penser que la réforme de ce dernier -indispensable, en cours mais beaucoup trop lente- ne pourrait qu'être facilitée par une meilleure information réciproque des divers acteurs, politiques, administratifs et sociaux.

M. le Président - Merci de cette communication très franche, mais aussi très éclairante.

J'ai à poser un certain nombre de questions en lieu et place du Rapporteur général, mais je laisse la priorité à mes collègues.

M. Yann Gaillard - Je voudrais saluer Pierre Gisserot, sous la houlette bienveillante de qui j'ai fonctionné durant quelques années.

Je crois qu'il a raison de dire que l'Inspection des Finances n'est pas directement concernée par notre commission d'enquête. Je voulais cependant lui demander son avis sur une question à laquelle je suis devenu plus sensible depuis que je suis parlementaire.

Il s'agit des rapports d'inspection. Il m'est déjà arrivé, dans une ou deux affaires dont j'ai eu à m'occuper ici, de souhaiter connaître les conclusions ou le texte même de tel ou tel rapport dont on parlait. Par exemple, avant la malheureuse réforme -malheureuse parce qu'elle n'a pas abouti- de Christian Sautter sur les services du Ministère, tout le monde parlait d'un rapport Lépine sur le mauvais taux de rendement de notre système de recouvrement. Ce rapport, à ma connaissance, le Parlement n'en a jamais disposé, pour la bonne raison que les rapports d'inspection appartiennent au Ministre qui en est destinataire !

N'y aurait-il pas un progrès à faire sur ce point ? Je sais que c'est difficile, parce que si le rédacteur d'un rapport peut penser que son texte ira sur la place publique, il n'aura pas la même liberté d'expression. C'est quand même un problème, et j'aurais aimé connaître l'opinion de M. Gisserot.

M. Pierre Gisserot - Ma réponse ne peut qu'être très proche de ma réponse à la question 8 de votre Président : les rapports appartiennent au Ministre ; il lui appartient de les diffuser.

A plusieurs reprises -puisque j'ai juré de dire la vérité, je la dis- il m'est arrivé de suggérer aux ministres une plus grande diffusion de nos rapports. Je dois avouer que, lorsque je suis arrivé à l'Inspection, j'ai fait une révolution : j'ai diffusé systématiquement à la Cour des Comptes tous les rapports qu'elle nous demandait ! C'était une révolution à l'époque.

A chaque directeur de cabinet que j'ai vu, à chaque Ministre, j'ai posé la question. La réponse de principe est toujours oui et, sur un rapport déterminé, la réponse est en général non. Je suis obligé de le dire mais, puisque vous parliez du rapport de Jean-Luc Lépine, que j'ai eu la chance de pouvoir lire, il est certain que c'était un rapport extrêmement édifiant et dont la lecture ne pouvait être que très utile à tous ceux qui exercent des responsabilités dans le domaine des finances publiques.

Sur le plan personnel, je ne verrais que des avantages, pour tout ce qui n'est pas nominatif et qui ne met pas en cause telle ou telle personne, à ce qu'il y ait une plus grande diffusion des rapports de l'Inspection Générale des Finances. Mais je n'ai jamais été très suivi sur ce sujet.

M. le Président - Mes questions vont dans le prolongement de la question de Yann Gaillard.

Il ne s'agit pas de vous demander de prendre position, mais il me semble que le service de l'Etat, qui a marqué votre vie professionnelle, conduit à dire à une commission d'enquête ce qu'on croit bien pour l'intérêt général et pour l'intérêt supérieur de la Nation. Il est pour nous précieux de recueillir le point de vue d'un haut fonctionnaire qui a occupé les fonctions que vous avez occupées, et qui a un regard sans doute plus général des questions dont nous parlons.

S'agissant du partage de l'information, qui est au coeur des questions qui viennent d'être évoquées, pensez-vous qu'il existe une sorte de culture du secret dans cette maison qu'est Bercy aujourd'hui ? Au fond, ne se méfie-t-on pas un peu de l'utilisation non conforme à l'intérêt général qui pourrait en être faite ? Cette inquiétude ne conduit-elle pas à ne pas transmettre ces informations ?

Les textes qui régissent les questions budgétaires, sous la V ème République, ont été bâtis précisément pour remédier aux dérives de la IV ème République. N'est-on pas arrivé au bout de ce système ?

Je me demande si, au fond, les pays où, aujourd'hui, le Parlement et le contrôle parlementaire sont plus puissants ne sont pas les mieux gérés. Est-ce que les gouvernements eux-mêmes ne sont pas victimes de la prééminence absolue que leur donnent la Constitution et toutes les règles associées ?

Enfin, quelles relations l'Inspection Générale des Finances entretient-elle avec les autres corps d'inspection ? Menez-vous, de votre propre chef, des contrôles conjoints sur certaines dépenses publiques ?

M. Pierre Gisserot - Je serai malhonnête si je ne disais pas que, dans la tradition du Ministère des Finances, il existe une certaine culture du secret. Nos sujets sont délicats, et notre « citadelle de Bercy » est un symbole de ce que sont les Finances. Il est certain qu'il y a une culture du secret, et je dirai à l'intérieur même du Ministère. Si j'ai laissé quelque réforme aux Finances, ce sera d'avoir facilité la communication entre directions. C'est déjà un grand progrès !

La communication avec le Ministre n'a, je crois, jamais posé de problèmes. Je suis obligé d'être en désaccord avec vous sur un point. Je crois qu'il ne vient à l'esprit d'aucun des hauts fonctionnaires de Bercy de ne pas diffuser les informations aux assemblées de peur qu'elles n'en fassent un usage non conforme à l'intérêt général ! Nous sommes trop respectueux du Parlement pour avoir de mauvaises pensées de ce genre !

M. le Président - Il est très important que nos comptes rendus puissent traduire cette affirmation qu'il nous est agréable d'entendre parfois !

M. Pierre Gisserot - C'est en tout cas ma position profonde. A titre personnel, je dois vous avouer être très parlementariste de tempérament !

Vous parliez des dérives. C'est toujours un peu la même chose. Je suis élu local depuis 30 ans bientôt. Je me rends compte que le conseil municipal, que j'ai présidé pendant 18 ans, et qui est maintenant présidé par mon ancien adjoint, n'est pas informé comme il le devrait, et que le représentant du peuple, le conseiller municipal, n'est pas informé comme il le devrait par le maire -mais c'est très difficile.

Il est évident, à mes yeux, qu'une commission des finances comme la vôtre n'est pas informée comme elle pourrait souhaiter l'être. Je ne dis pas que vous auriez le temps de tout lire, mais il est certain que beaucoup de nos études sont intéressantes, et lorsque vous me dites que vous croyez au contrôle parlementaire, le citoyen et le fonctionnaire que je suis est en total accord avec votre position !

S'agissant de la dernière question sur la relation avec les autres corps d'inspection, il y a bien, de temps en temps, de petits problèmes, et dans un livre récent, pour lequel je n'ai pas encore eu l'occasion de le féliciter, Yann Gaillard parle de moi en racontant que je lui avais demandé d'intervenir pour une question de pouvoir relatif entre l'Inspection Générale des Finances et l'Inspection Générale des Affaires Sociales. Je souhaitais surtout que la loi passe. Il est vrai que j'aurais peut-être préféré... Enfin, passons !

Je crois pouvoir dire que nous avons joué un rôle considérable et le patron de l'IGAS, si vous le receviez, vous le dirait. L'IGAS n'avait pas, il y a vingt ans, notre tradition de contrôle et par nos travaux en commun nous avons facilité un transfert de compétences de l'IGF vers l'IGAS. Nous travaillons toujours beaucoup avec l'IGAS, un peu avec l'IGA, mais moins. Nous avons souvent travaillé avec le contrôle général des armées, le Conseil Général des Mines et le Conseil Général des Ponts-et-Chaussées.

Je pense que, globalement, mises à part quelques petites querelles de préséance, la coopération entre inspections générales est efficace.

M. le Président - Merci beaucoup pour cet éclairage, qui nous est fort utile pour mener à bien la mission que nous avons reçue.

La séance est levée.

La séance est levée à 17 heures 50.

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