COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCLARATION DE L'URGENCE

D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre de suivante :

« Paris, le 9 mai 2003

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi de programme pour l'outre-mer, déposé sur le bureau du Sénat le 12 mars 2003.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« SIGNÉ : Jean-Pierre Raffarin »

Acte est donné de cette communication.

3

COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.

« J'adresse, ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« SIGNÉ : Jean-Pierre Raffarin »

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

4

DÉSIGNATION D'UN SÉNATEUR EN MISSION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 9 mai 2003 par laquelle il fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer M. Jean-François Le Grand, sénateur de la Manche.

Acte est donné de cette communication.

5

MÉCÉNAT, ASSOCIATIONS ET FONDATIONS

Discussion d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations
Art. 1er (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 234, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mécénat, aux associations et aux fondations. [ Rapport n° 278 (2002-2003) et avis n° 279 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui consacre incontestablement l'une des priorités du Gouvernement. Comme s'y était engagé M. le Premier ministre, il prévoit en effet un important programme de mesures en faveur du mécénat, des fondations et des associations qui concourent à l'intérêt général.

Il s'agit d'une véritable réforme des dispositions juridiques et fiscales encourageant et facilitant le développement du mécénat et des fondations dans notre pays. Cela suppose aussi une évolution des mentalités de nos concitoyens, afin qu'ils soient mieux mobilisés sur les objectifs du mécénat.

Cette réforme, au même titre que la décentralisation, exprime la confiance que le Gouvernement attache à la prise de responsabilité de la société civile, entreprises et particuliers, à travers, notamment, les associations et les fondations.

L'engagement plus marqué de la société civile est en effet souhaitable, aux côtés des politiques et en sus des actions conduites par l'Etat et par les collectivités territoriales. Car l'encouragement donné au mécénat n'est en rien le signe d'un désengagement des collectivités publiques en faveur de tel ou tel domaine relevant de l'intérêt général. A mes yeux, l'action publique et la générosité des particuliers et des entreprises ne sont pas des vases communicants, comme si l'abondance de l'une épuisait l'autre, mais bien des fleuves convergents, visant au développement global de notre pays.

Cette réforme a été élaborée après l'examen attentif des nombreuses réflexions menées en France sur ce sujet par divers organismes et associations ; je pense notamment à l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial, l'ADMICAL. Elle est le fruit d'une concertation avec les acteurs concernés, notamment tous les ministères dont l'action pourra bénéficier de la générosité de nos concitoyens, dans des domaines aussi divers que la santé, la solidarité, la recherche, l'enseignement, les sports et, bien entendu, la culture.

C'est également en étroite liaison avec le ministère de l'intétieur, s'agissant des fondations, mais aussi avec le ministère des finances, concernant les mesures fiscales, que le texte qui vous est soumis a été préparé.

Ce projet de loi vise à stimuler, par la voie des incitations fiscales, la participation de la société civile aux actions d'intérêt général. La France accuse incontestablement un retard considérable dans ce domaine par rapport à d'autres pays d'Europe et aux Etats-Unis. Je ne citerai qu'un chiffre : aux Etats-Unis, dans des conditions certes très différentes, l'apport du mécénat représente environ 217 milliards d'euros, soit 2,1 % du PIB, contre seulement 0,09 % en France.

La générosité des Français n'est pas en cause. Elle se manifeste d'ailleurs dans des circonstances exceptionnelles et elle ne demande qu'à être mobilisée. C'est la détermination des pouvoirs publics qui, jusqu'à présent, manquait peut-être de lisibilité et d'enthousiasme. Cette détermination, la réforme du mécénat et des fondations vise à la rendre plus lucide, plus forte, plus lisible.

Cette réforme se déploie en trois grandes directions, qui ont pour point commun la recherche de la simplification - j'insiste sur ce point -, de l'efficacité et de la neutralité : l'Etat doit en effet respecter la libre volonté des citoyens et des entreprises de consacrer leur générosité à telle ou telle cause.

Il s'agit, d'abord, de développer le mécénat des particuliers par un renforcement des incitations fiscales. Il s'agit, ensuite, de favoriser le mécénat des entreprises par un doublement de l'encouragement fiscal. Il s'agit, enfin, d'alléger la fiscalité des fondations.

Pour ce qui est des dons des particuliers, les avantages prévus par ce projet de loi revêtent la forme d'allégements d'impôt sur le revenu, qui profitent aux dons destinés à des oeuvres et à des associations d'intérêt général ainsi qu'aux fondations. Ces avantages portent également sur les impositions exigibles à l'occasion de la transmission d'un capital.

En ce sens, le projet de loi augmente le volume de la réduction d'impôt, qui passe de 50 % à 60 % du montant du don ; il double le plafond de la réduction d'impôt, qui passe de 10 % à 20 % du revenu imposable ; il offre aux donateurs - c'est là une mesure très importante - la possibilité d'étendre sur cinq ans l'avantage fiscal de leur générosité au-delà du plafond des 20 % ; il permet aux donateurs héritiers d'une succession de bénéficier d'une exonération totale des droits de succession sur leur don, ce qui me semble la moindre des choses. Initialement réservée aux fondations, cette possibilité a été ouverte, à la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, aux associations reconnues d'utilité publique.

Je crois utile de préciser que le bénéfice des réductions fiscales, y compris celles qui sont prévues par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts, s'applique également aux dons reçus par l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics pour la totalité de leurs activités non lucratives.

Je souligne que cette réforme s'inspire, concernant le taux de la réduction d'impôt, du dispositif actuel sur la restauration et l'hébergement d'urgence. Elles procède en effet à une harmonisation par le haut de toutes les aides apportées aux oeuvres d'intérêt général. Elle supprime en oure le plafond de 407 euros qui restreignait la générosité publique dans ce secteur. Le Gouvernement n'a pas souhaité réintroduire de dispositif spécifique en cette matière, afin de ne pas discriminer, positivement ou négativement, telle ou telle action caritative ou d'intérêt général.

Pour ce qui est des dons des entreprises, il est proposé de doubler l'avantage fiscal qui leur est consenti, afin de mieux les inciter à prendre une part active aux actions d'intérêt général en France, d'abord, en introduisant une réduction d'impôt égale à 60 % du montant du don consenti à une association, une fondation ou une oeuvre d'intérêt général, ensuite, en élevant le plafond de la réduction d'impôt de 2,25 ou 3,25 à 5 du chiffre d'affaires des entreprises.

Je souhaite attirer plus particulièrement votre attention sur un amendement qui, présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale, vise à améliorer le régime de réduction fiscale s'appliquant à l'acquisition de « trésors nationaux ».

Les dispositions actuelles relatives à l'acquisition de trésors nationaux ont été prévues par la loi du 2 janvier 2002 relative aux musées de France. J'ai plaisir à rappeler ce que ces dispositions doivent à la sagesse de votre assemblée, notamment de ses commissions des affaires culturelles et des finances, plus particulièrement à l'engagement du rapporteur de ce texte, votre collègue Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin.

Je rappelle que la réduction d'impôt est égale à 90 % des dons des entreprises concourant à l'achat par l'Etat de trésors nationaux menacés d'exportation. Est considérée comme trésor national une oeuvre que son propriétaire souhaite envoyer à l'étranger mais à laquelle l'administration refuse, compte tenu de son importance, de donner un visa de sortie du territoire.

La disposition votée par l'Assemblée nationale étend cet avantage aux achats par l'Etat d'oeuvres, qu'elles soient d'origine française ou étrangère, présentant un intérêt majeur pour notre pays bien qu'elles se trouvent hors du territoire national.

Le droit actuel permet d'empêcher la sortie du territoire d'une oeuvre importante ; on peut penser à tel tableau remarquable de Van Dyck. Mais, paradoxalement, il ne permet pas à une entreprise de concourir à l'acquisition, par exemple, d'un meuble ayant appartenu aux collections royales. Naturellement, il faut que les entreprises puissent être mobilisées sur ce type d'acquisition.

L'Assemblée nationale a également proposé de préciser dans la loi que les dons manuels aux organismes d'intérêt général bénéficient tous d'une exonération des droits de donation. Je me félicite de cette disposition, qui correspond parfaitement à l'esprit de réforme.

La réforme serait incomplète si elle ne traitait pas en profondeur de la question des fondations. Le texte améliore leur régime fiscal : il renforce, pour les fondations d'utilité publique, l'abattement de l'impôt sur les sociétés, qui passe de 15 000 à 40 000 euros ; par ailleurs, il permet aux salariés de contribuer à la fondation de leur entreprise et de bénéficier de la réduction d'impôt de 60 % sur leurs dons.

J'ajoute que le relèvement à 20 % du plafond de la réduction d'impôt sur le revenu et la possibilité de report sur cinq ans ont été conçus en grande partie afin de permettre aux particuliers de constituer la dotation initiale d'une fondation à travers un don d'un montant exceptionnellement élevé. Je tiens à souligner que ce dispositif est plus favorable que le régime allemand, souvent cité dans ce domaine, et qu'il correspond tout à fait à l'esprit de la réforme.

Une autre mesure, très importante pour les fondations, porte sur la garantie du régime des donations temporaires d'usufruit. Ce dispositif consiste à apporter l'usufruit d'un bien, d'un capital, à un organisme d'intérêt général - le plus souvent une fondation - le donateur conservant, pour sa part, la nue-propriété du bien.

Cette possibilité est légale et couramment utilisée par la Fondation de France et l'Institut de France, mais il a été décidé de clarifier les conditions de son exercice par voie d'instruction fiscale pour mieux la protéger de certaines tentations de remise en cause, suscitées par les risques d'abus de droit.

Je ne souhaite pas m'étendre sur un débat technique qui sera résolu par voie administrative, mais je tenais à rappeler que la donation temporaire d'usufruit est un levier important de la générosité publique et que le Gouvernement est bien décidé à le préserver.

Outre ces dispositions fiscales, le Premier ministre a déjà, par une circulaire en date du 1er avril 2003, réduit à six mois la durée d'objectif de reconnaissance d'utilité publique des fondations en introduisant un régime d'approbation tacite. Les avis rendus par les ministères techniques compétents doivent être communiqués dans un délai de deux mois, au-delà duquel ils sont réputés - même s'ils n'ont pas été émis - positifs.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat a, le 2 avril dernier, adopté, à la demande du Gouvernement, l'assouplissement des statuts types des fondations reconnues d'utilité publique. Les fondations pourront désormais être créées avec un capital réduit, voire sans capital, la seule obligation étant d'apporter l'assurance qu'elles bénéficieront de revenus réguliers tout au long de leur existence.

Cet effort important consenti par la collectivité publique implique naturellement une responsabilité tout aussi grande des organismes bénéficiaires. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a tenu, en première lecture, à améliorer la sécurité juridique et fiscale des bénéficiaires du mécénat, en leur ouvrant la possibilité d'interroger préventivement l'administration fiscale pour savoir s'ils entrent bien dans le champ d'application de la réduction d'impôt.

Des mesures ont été prises pour garantir, par ailleurs, la transparence de l'emploi des fonds par les organismes bénéficiaires du mécénat. Ce dispositif est équilibré, mais les modalités de son application peuvent être améliorées. Je sais que les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat ont formulé des propositions en ce sens, notamment pour que les obligations de certification et de publicité des comptes ne portent que sur les associations et fondations les plus importantes et pour que les plus petites ne se voient naturellement pas imposer des charges exorbitantes.

Permettez-moi, pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, de souligner la qualité des travaux réalisés par votre assemblée, notamment par votre commission des finances et votre commission des affaires culturelles, sur ces questions. Vous connaissez bien le terrain et, par conséquent, le potentiel de générosité de nos concitoyens. Vous connaissez également l'immensité du champ des actions qui pourraient se développer si des conditions plus « toniques » étaient aménagées en leur faveur par la loi.

C'est, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette réforme-là que j'invite votre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, vous êtes vraiment un homme heureux ! Dans une période difficile, où l'on ne parle que d'économies, voici que vous conduisez un train chargé de déductions fiscales en faveur des mécènes.

Quelque esprit malin vous objectera peut-être que c'est justement parce que l'Etat mesure désormais sa générosité qu'il invite la société civile à le remplacer, mais vous avez déjà répondu à cette objection devant les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat, réunies voilà quinze jours pour vous entendre : non, il ne s'agit pas d'un désengagement de l'Etat, puisque celui-ci cofinance cette générosité sociétale. Il s'agit de bien autre chose, d'un dessein profond et philosophique.

Le sobre exposé des motifs qui accompagne votre projet de loi est, à cet égard, sans ambiguïté. Il met en avant la même idée que celle qui sous-tend la réforme décentralisatrice voulue par M. le Premier ministre. L'Etat ne monopolise plus l'intérêt général. Comme les collectivités décentralisées, les entreprises, les simples citoyens doivent considérer qu'ils en portent une parcelle. N'est-ce pas là, au sein de cette République qui nous rassemble tous, sur ces travées, une honorable ligne de clivage entre la gauche et la droite ?

D'aucuns vous diront peut-être aussi, monsieur le ministre, que la dépense fiscale est, à tout prendre, moins douloureuse pour votre collègue du budget que la dépense tout court, ne serait-ce que parce qu'elle est difficile à évaluer.

Quel est le coût prévisible de celle-ci ? Le coût des mesures proposées aux particuliers s'élèverait à environ 75 millions d'euros. Celles qui sont offertes aux entreprises sont plus difficiles à évaluer. Prenons pour le tout 150 millions d'euros comme un ordre de grandeur raisonnable. Au demeurant, si cette loi devait avoir trop de succès, si les mécènes s'y engouffraient en rangs serrés, nul doute que la direction générale des impôts trouverait quelque moyen de freiner leur enthousiasme.

Tout comme celle de l'Assemblée nationale, la majorité sénatoriale ne peut manquer de faire bon accueil à ce texte, d'autant qu'elle l'avait quelque peu devancé : quand nous avons, dans la loi de finances pour 2003, introduit une mesure en faveur de la Fondation nationale du patrimoine - en la faisant bénéficier d'une part qui, j'espère, sera honnête, du produit des successions en déshérence - qu'avons-nous fait d'autre ? Avec satisfaction, j'ai relevé que, dans une récente note, le porte-parole du Gouvernement, M. Jean-François Copé, a inclus cette réforme que le Parlement venait d'adopter dans le dispositif revendiqué par le Gouvernement.

Ce faisant, l'exposé des motifs l'avoue tout net, et le ministre de la culture et de la communication nous l'a redit, notre pays ne fait que tenter de rattraper son retard. C'est surtout vrai pour ce qu'on pourrait appeler la « générosité organisée » : 1 000 fondations ici, dont la moitié abritées par la Fondation de France, pour 2 000 en Allemagne, 3 000 en Angleterre, sans même parler des 10 000 fondations américaines. Eh oui ! L'art de fonder n'est pas notre fort, malgré la loi de 1990 sur les fondations d'entreprise ! Confondues dans le monde des « RUP », fondations et associations « reconnues d'utilité publique », les fondations regrettent que, dans ce texte, leur spécificité ne fasse pas l'objet d'un traitement suffisamment particulier.

A l'Assemblée nationale, l'amendement Herbillon a augmenté l'abattement prévu par le Gouvernement pour l'impôt sur les sociétés auquel les fondations sont soumises. Il doublait, passant de 15 000 à 30 000 euros ; les députés l'ont porté à 40 000 euros.

Il a semblé à la commission des finances qu'il fallait privilégier les revenus produits par la dotation, qui est, en somme, le moyen de travail des fondations reconnues d'utilité publique et dont l'usage est strictement lié à leur objet social. D'où l'amendement que nous avons déposé qui en propose la pure et simple exonération. A ce stade, nous n'avons pas jugé possible d'étendre notre sollicitude aux revenus tirés des activités lucratives des fondations, fussent-elles indissolublement liées à l'objet social.

Cette idée intéressante a été présentée avec insistance, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Plusieurs amendements reviendront d'ailleurs sur ce sujet et nous permettront peut-être d'aboutir à un point d'équilibre. Je ne sais pas si le Gouvernement nous suivra dans notre modeste pas en avant, mais nous verrons bien ! (M. le ministre sourit.)

En ce qui concerne non plus les organismes qui recueillent les dons, mais les donateurs eux-mêmes, particuliers et entreprises, le texte qui nous est soumis correspond à un nouveau progrès, plus important encore que la loi de 1987. Ce progrès ne réside pas dans l'extension du champ d'application, qui était déjà très large puisqu'il englobait les dons aux organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, familial, culturel ou qui concourent à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel, à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

On notera au passage que cette énumération a parfois un caractère redondant. Pour ne citer qu'une bizarrerie, concernant le domaine culturel, pourquoi viser deux des quatre missions du ministère, conservation et diffusion - je ne sais d'ailleurs pas si cette vision sera retenue par la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances - en excluant l'encouragement à la création, que nous proposons, pour notre part, de reprendre dans le texte ? Quant à la quatrième mission, l'enseignement, elle est citée plus bas, au c de l'article 3, avec l'enseignement supérieur.

Il semble - sans vouloir être taquin - qu'une récriture réfléchie de cette partie du projet de loi n'aurait pas été inutile. Mais l'essentiel, c'est que rien d'important n'ait été omis. Sans doute a-t-on préféré se répéter plutôt que susciter des inquiétudes. Ainsi, dans le f de l'article 1er, le Gouvernement recopie la disposition de l'article 261 sur les organismes sans but lucratif qui procurent aux personnes en difficulté nourriture, logement ou soins. Or, auparavant, cet article leur accordait un avantage comparable, puisque la réduction d'impôt qui était consentie à leurs donateurs était de 60 %, contre 50 % en règle générale. Cet avantage disparaîtra, les 60 % s'appliquant à tous.

La commission des finances propose donc de donner un contenu positif à cette mention qui, sans cela, n'aurait pas d'objet. Quitte à ébrécher la simplicité du texte, mais sans trop toucher aux 60 % de réduction d'impôt, elle propose de porter le second curseur, le plafond que le Gouvernement a relevé de 10 à 20 %, jusqu'à 25 % du revenu imposable. C'est une mesure symbolique, mais elle paraît importante dans l'esprit des animateurs de ces organismes. D'ailleurs, de nombreux amendements seront déposés sur ce sujet.

Quoi qu'il en soit, notons bien que, dans notre société avancée, ce qu'on appelait jadis la charité publique reste, hélas ! d'actualité : il suffit de voir le spectacle des SDF, des sans-domicile fixe, dans les rues de Paris et de nos grandes villes de province.

L'ingénieuse et généreuse disposition qui permet le report des excédents au plafond accroît de beaucoup l'intérêt de la loi. A la limite, le contribuable pourrait, sur cinq ans, faire effacer l'intégralité d'un don.

Quant aux entreprises, elles bénéficient elles aussi du taux de 60 % de réduction d'impôt et du report sur cinq ans, dans la limite de 5 du chiffre d'affaires. Mais l'essentiel, c'est le passage d'un système de déduction de charges à un système de réduction d'impôts, sous réserve de leur objet social ; l'optimisation fiscale des plus généreuses, ou des plus habiles, peut être doublée.

Je ne m'étendrai pas sur certaines difficultés d'application d'un texte comme celui-ci. Les intéressés, l'administration fiscale et, sans doute, la jurisprudence auront à résoudre des questions délicates que le rapport écrit évoque dans la mesure où, avec l'augmentation des taux et des plafonds, on quitte la pure logique de flux pour entrer dans un système mixte faisant, en partie, place à une logique de stocks qui permettra de donner des biens en capital, par exemple des immeubles ou des titres.

Mes chers collègues, la commission des finances se méfie des improvisations législatives quand la matière ne lui semble pas mûre. Elle s'est donc contentée de vous présenter un nombre peu élevé d'amendements et a souhaité surenchérir le moins possible sur l'Assemblée nationale, qui a déjà apporté des améliorations sensibles au texte, telles que la participation des salariés aux fondations d'entreprise.

J'ai, au cours de ce propos introductif, fait allusion à certains amendements que la commission a l'intention de vous soumettre et qui tendent à donner une meilleure visibilité aux oeuvres charitables, aux fondations et à l'art contemporain. A cet égard, un autre amendement, que je n'avais pas encore mentionné, vous sera proposé tendant à alléger les obligations d'exposition pour les achats d'oeuvres par les entreprises, étant précisé que la commission des affaires culturelles a déposé un amendement parallèle concernant l'achat des instruments de musique.

La commission des finances a laissé à la commission des affaires culturelles, saisie pour avis, le soin d'accroître l'efficacité de la mesure récente relative aux trésors nationaux, que nous avions adoptée dans la loi du 4 janvier 2002, en permettant non seulement de les faire rester, mais aussi de les faire revenir en France.

J'en viens à la question du contrôle et du suivi de l'argent public que l'Assemblée nationale a eu le mérite de poser et au sujet de laquelle mon sentiment est qu'il faut choisir entre deux philosophies du contrôle de la dépense : la première, plus régalienne et plus traditionnelle, consiste à soumettre les organismes qui sont ainsi aidés indirectement par l'Etat au contrôle des corps spécialisés, notamment de la Cour des comptes ; la seconde, plus libérale et décentralisatrice, se borne à permettre aux citoyens, en particulier aux donateurs, d'avoir accès à des informations et spécule sur l'intérêt des associés ou des contributeurs pour faire rendre des comptes aux responsables des organismes considérés.

S'agissant du contrôle administratif, le Gouvernement n'a rien prévu de bien nouveau, laissant jouer les réglementations, fort diverses, que les années ont apportées avec elles et dont le caractère tatillon n'est pas toujours exempt d'inefficacité. Pensez à tous les dépôts de documents dans les préfectures qui n'ont guère d'autre utilité que d'en garnir les placards. Il s'est d'ailleurs refusé à présenter une loi sur le statut des fondations, laissant faire la procédure en cours au Conseil d'Etat, qui a débouché tout récemment sur de nouveaux statuts types.

Mais j'ai appris que le Gouvernement va nous soumettre un amendement très important visant à remanier ces dispositions sur le contrôle.

L'Assemblée nationale a posé un principe : publicité et certification des comptes dans des conditions définies par décret. Elle a confié la responsabilité suprême de ce contrôle à la Cour des comptes par un amendement voté en séance et sur lequel la Cour n'avait pas été consultée, sinon dans le for intérieur de l'auteur de l'amendement, notre éminent collègue Charles-Amédée de Courson.

Il convient de définir une gradation suivant la taille des organismes afin de ne pas écraser les petites associations. Mais, là encore, je pense que l'amendement du Gouvernement qui tendrait à donner valeur législative à cette notion de seuil à laquelle nous tenons nous permettra de parvenir à une solution de nature à donner satisfaction à la commission des finances et à celle des affaires culturelles.

En ce qui concerne le niveau supérieur du contrôle, il n'a pas paru souhaitable de confier cette compétence à la Cour des comptes, qui, lors de la consultation à laquelle j'ai procédé, l'a formellement déclinée pour des raisons tant de principes que de moyens. Il faut dès lors se rebattre sur l'Inspection générale des finances et sur celles des ministères compétents. On se souvient du rôle très positif qu'ont joué certaines d'entre elles, comme l'Inspection générale des affaires sociales, pour mettre fin à certains scandales qui sont dans toutes les mémoires.

Je voulais enfin dire quelques mots du contrôle fiscal, mais M. le ministre nous a donné des précisions par rapport à ce que nous savions.

Je me contenterai d'indiquer que le contrôle fiscal n'a pas pour objet de vérifier la fidélité des associations ou des fondations à leur objet social, ni de s'assurer de leur transparence vis-à-vis de leurs membres donateurs. C'est l'objet des contrôles administratifs. Le contrôle fiscal, qui est certes légitime, ne doit pas aboutir à tarir la source de la générosité publique par des interprétations trop rigides de la notion d'abus de droit.

S'agissant des fondations avec donations temporaires d'usufruit, notamment du problème de certaines institutions éminentes de la République. M. le ministre m'a donné des assurances qui dépassent ce que j'attendais. Je l'en remercie.

Permettez-moi enfin, monsieur le ministre, de me féliciter d'avoir eu, en tant que rapporteur, comme interlocuteur sur cet excellent texte le ministre de la culture.

Si le mécénat a bien été mentionné dans votre décret d'attribution, je veux y voir le signe de l'importance que le Gouvernement dans son ensemble et, au premier chef, le Premier ministre, accorde à la question, ainsi que la traduction de votre engagement pour faire aboutir, avec le soutien d'Alain Lambert, ministre du budget, un nouveau cadre fiscal de nature à relancer la générosité publique en France et y développer, ce qui, après tout, est bien normal venant du ministre de la culture, une véritable « culture du mécénat ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles du Sénat a de très longue date manifesté l'intérêt qu'elle porte au développement du mécénat et à la mise en place d'un cadre juridique et fiscal qui permette à celui-ci de se développer.

A la faveur de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, puis de la loi du 4 juillet 1990 créant les fondations d'entreprises et, enfin, plus récemment, de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, la commission, sur l'initiative de son rapporteur Philippe Richert, a pris une part déterminante dans l'introduction de mécanismes d'incitations fiscales pour encourager les entreprises à participer à la protection du patrimoine national en finançant l'acquisition d'oeuvres majeures.

Cet intérêt se justifie, et je ne peux que me féliciter du texte que le Gouvernement nous présente, parce que le mécénat en France, en dépit des réformes que j'évoquais à l'instant, reste peu développé par rapport à la situation qui prévaut dans d'autres pays européens voisins du nôtre, a fortiori aux Etats-Unis.

Sans doute faut-il voir dans ce retard du mécénat en France le poids d'une tradition qui donne à l'Etat le monopole de l'intérêt général et nourrit, à l'égard des corps intermédiaires - montrés du doigt, souvenons-nous-en, par la Révolution dès 1789 - la plus grande méfiance. C'est particulièrement vrai dans le domaine culturel où la République, en créant le ministère de la culture, a repris les habits de mécène de la couronne avec le souci non seulement d'encourager la création nationale, mais également de garantir l'accès de tous à la culture et à l'art.

Il en est résulté une suspicion très largement partagée tant par les responsables administratifs que par le monde culturel et artistique à l'égard du mécénat représenté souvent de manière caricaturale comme la mainmise d'intérêts mercantiles sur les créations de l'esprit.

De plus, l'omniprésence de l'intervention de l'Etat dans ce domaine a dissuadé les citoyens et les entreprises de concourir à cet effort parce qu'il était acquis que la culture était avant tout l'affaire de l'Etat.

Aujourd'hui, les esprits ont évolué et les récentes modifications législatives ont permis de faire évoluer davantage encore l'état d'esprit de nos concitoyens. Le mécénat aujourd'hui est admis, mais avec de nombreuses limites.

Si, au contraire des mécènes de jadis, dont les collections font la richesse de beaucoup de musées d'Europe et des Etats-Unis, les entreprises hésitent encore à constituer des collections, elle s'engagent volontiers dans des actions de soutien à la diffusion et à la formation, notamment en matière musicale, et, de plus en plus, elles jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des musées qu'il s'agisse d'aider aux acquisitions d'oeuvres majeures ou de concourir aux grandes expositions. Il faut bien le dire, sans le soutien que les entreprises accordent à ces expositions, beaucoup d'entre elles ne seraient jamais présentées à un public qui leur accorde un intérêt considérable.

Le partenariat entre les entreprises, les associations et les milieux culturels apparaît donc désormais aujourd'hui comme un moyen pour les musées non seulement de conquérir de nouveaux publics, mais également de mener à bien des projets exigeants qui, sans eux, n'auraient pu être financés par des fonds publics.

Toutefois, dans le cadre législatif actuel du mécénat, ce dernier reste bridé par un certain nombre de dispositions. En France, un foyer fiscal sur quatre seulement fait preuve de générosité. C'est dire à quel point le soutien du privé à l'action d'intérêt général est peu développé. Il nous faut donc - c'est pourquoi je ne peux que me féliciter du texte que nous examinons - renforcer le soutien que l'initiative privée peut apporter à l'action publique en matière culturelle.

Le rapporteur de la commission des finances ayant fait une présentation claire et exhaustive du projet de loi, je me contenterai d'en évoquer les grandes orientations qui ont retenu l'attention de la commission des affaires culturelles du Sénat.

Monsieur le ministre, le texte que vous présentez vise, tout d'abord, à améliorer la fiscalité des dons tout en la simplifiant, afin de la rendre plus attractive. Ainsi - et c'est un point essentiel - l'avantage fiscal accordé aux entreprises en matière de mécénat est doublé par rapport au dispositif actuel et les particuliers, pour leur part, bénéficient du relèvement des plafonds afin de donner à l'acte de mécénat une plus grande lisibilité et de l'encourager, c'est du moins ce que nous espérons.

Ces mesures devront s'accompagner de la part de l'administration d'actions pédagogiques auprès des donateurs, pour qu'il n'y ait pas un effet d'aubaine. Il s'agit non pas de faire financer la philanthropie par l'Etat - tel n'est pas l'objectif de ce texte - mais au contraire de créer un nouveau mouvement permanent d'aide du secteur privé en faveur de l'animation et du développement du patrimoine.

Encourager le mécénat, c'est susciter la mobilisation des énergies privées au service de l'intérêt général. Cette action passe aujourd'hui par les fondations et il faut développer les organismes qui sont chargés de recueillir les recettes de la générosité publique et d'en assurer la redistribution. Si le mécénat bénéficie d'un dynamisme incontesté du tissu associatif, il pâtit en revanche du régime juridique actuel des fondations. Le projet de loi en tire les conséquences et il vise à encourager la création des fondations. C'est une orientation que la commission des affaires culturelles a considéré comme fondamentale.

En effet, d'une part, le projet de loi vise à doubler l'abattement d'impôt sur les sociétés dont les fondations bénéficient et, d'autre part, il ouvre aux fondations d'entreprise la possibilité de recevoir des dons des salariés de l'entreprise. Par ailleurs, en matière de droits de succession, vous augmentez, monsieur le ministre, la franchise permettant aux héritiers de faire des dons aux fondations.

Toutes ces dispositions sont essentielles et vont dans le bon sens d'autant que les mesures réglementaires qui l'accompagnent ont permis, depuis quelque temps, de faire évoluer le régime des fondations. J'en veux pour preuve la récente circulaire qui a allégé la procédure de reconnaissance d'utilité publique et l'adoption par le Conseil d'Etat de nouveaux statuts types qui vont permettre d'assouplir les règles de fonctionnement des fondations reconnues d'utilité publique.

Voilà, monsieur le ministre, l'opinion que la commission des affaires culturelles a émise sur les grandes orientations de ce texte.

L'Assemblée nationale en a approuvé tant l'esprit que les dispositions et a adopté trois types de modifications.

Elle a, tout d'abord, voulu accroître le caractère incitatif des dispositifs fiscaux. En adoptant un certain nombre d'amendements, elle a conforté l'action des fondations et des associations reconnues d'utilité publique. Elle a notamment étendu aux associations reconnues d'utilité publique le bénéfice de la mesure fiscale accordée aux fondations, c'est-à-dire la franchise des droits de mutation au profit des héritiers. C'est un point essentiel. Elle a aussi permis aux associations précitées de recevoir des donations mobilières ou immobilières, ce qu'interdisait jusqu'à maintenant la loi du 1er juillet 1901 relative aux associations.

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, relevé le montant de l'abattement d'impôt sur les sociétés dont bénéficient les fondations reconnues d'utilité publique.

Enfin, et ce point est fondamental, elle a adopté une disposition élargissant le champ d'application de la réduction d'impôt au bénéfice des entreprises qui font des dons à l'Etat en vue d'acquérir des trésors nationaux situés hors du territoire douanier. Nous savons l'importance qu'une telle disposition peut avoir pour permettre d'enrichir le patrimoine de nos musées.

L'Assemblée nationale a également voulu assurer la sécurité fiscale des donateurs en introduisant une procédure technique essentielle, le rescrit, qui permet aux donateurs d'avoir la garantie qu'ils ne verront pas le bénéfice fiscal de leur don contesté par l'administration fiscale. Il s'agissait de renforcer la sécurité juridique des donateurs. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

L'Assemblée nationale a enfin considéré que l'ampleur de l'effort consenti par l'Etat pour encourager la générosité publique imposait aux organismes bénéficiaires un devoir renforcé de transparence, d'une part, pour permettre une meilleure information des donateurs et, d'autre part, pour garantir que la dépense fiscale sera utilisée à bon escient.

Elle a donc complété le texte par un dispositif s'articulant autour des trois mesures, à savoir la publicité des comptes, le contrôle, par le biais d'un document comptable, de la comptabilité des associations et la possibilité, non voulue par la Cour des comptes, comme l'a rappelé avec humour à l'instant M. Gaillard, de vérifier la conformité des dépenses financées par dons aux objectifs de l'organisme bénéficiaire.

La commission des affaires culturelles du Sénat, quant à elle, a voulu, en amendant le projet de loi, répondre à trois objectifs.

Tout d'abord, elle a souhaité aller plus loin pour encourager l'action des fondations.

Elle a considéré que les fondations sont le relais essentiel à l'action engagée afin d'encourager le mécénat et qu'elles sont actuellement soumises à des contraintes juridiques et financières trop contraignantes. Elle a par conséquent estimé qu'il fallait, compte tenu de la popularité des fondations auprès de l'opinion publique et de leur capacité de mobilisation des crédits, les aider, d'autant que leur action s'inscrit dans la durée.

Je proposerai donc à notre assemblée un certain nombre d'amendements, notamment un de nature fiscale, qui permettra d'encourager le développement des fondations.

La mesure relative au relèvement de l'abattement accordé aux fondations, ne modifie pas en elle-même la nature du régime fiscal des fondations et ne permet pas d'affirmer la spécificité de ces organismes qui se caractérisent par l'affectation d'un patrimoine à une cause d'intérêt général et qui doivent tirer l'essentiel de leurs revenus à une dotation.

Ce patrimoine est soumis à l'impôt sur les sociétés, ce qui nous apparaît comme dérogatoire à la règle d'équité qui devrait prévaloir en la matière. C'est la raison pour laquelle la commission proposera d'exonérer du paiement de l'impôt sur les sociétés les revenus patrimoniaux des fondations d'utilité publique, à l'exception, bien évidemment, des revenus qui seraient rattachés à une activité ou une exploitation commerciale.

La commission proposera par ailleurs au Sénat de porter de cinq à dix ans la duré d'existence maximale de ce que l'on appelle les « fondations de flux », c'est-à-dire celles qui, contrairement à celles que j'évoquais il y a un instant, ne bénéficient pas d'une dotation leur assurant un revenu permanent. (M. François Marc s'exclame.)

Vous avez d'autre part indiqué, monsieur le ministre, lors de votre audition devant nos deux commissions réunies, les commission des finances et des affaires culturelles, que ce projet de loi couvrait l'ensemble des secteurs de la vie sociale, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Il nous est apparu néanmoins essentiel de rappeler que ce texte procède d'une volonté du Président de la République d'encourager la sphère privée à prendre une part de plus en plus active dans la conduite de la politique culturelle.

M. François Marc. C'est la privatisation !

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. C'est la raison pour laquelle notre commission proposera quelques amendements ciblés sur des domaines qui nous paraissent relever d'un encouragement nécessaire à l'animation culturelle ou à la protection du patrimoine. Ils visent tout d'abord à étendre le bénéfice de la disposition que j'évoquais il y a un instant aux trésors nationaux situés à l'étranger ou aux trésors nationaux qui se trouvent sur le territoire national mais dont le certificat de non-exportation a expiré, ainsi qu'à étendre la déductibilité qui s'applique aux oeuvres d'artistes vivants ou aux instruments de musique, car nous partons du principe qu'il s'agit là d'un domaine tout à fait essentiel de la diffusion musicale.

Nous demanderons également au Sénat d'étendre le bénéfice de l'exonération des droits de mutation aux ensembles historiques ouverts au public dans le cadre des conventions, car ces ensembles sont aujourd'hui soumis à une rétroactivité des pénalités en matière fiscale qui nous paraît inéquitable. Nous proposerons par conséquent de faire courir les pénalités à la dénonciation de la convention.

Enfin, monsieur le ministre, ce texte procède du souci très clair d'alléger l'emprise de l'Etat sur la vie sociale, en permettant au secteur privé - secteur associatif, entreprises, particuliers - de concourir à la politique culturelle au travers des acquisitions ou du soutien. Il serait anormal qu'à ce souci tout à fait louable viennent s'ajouter des règles dont la rigidité serait de nature à vider de son sens le texte.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles, consciente de la nécessité d'assurer la transparence de l'usage des dons bénéficiant d'avantages fiscaux intéressants, a tenu à atténuer la portée de ces contrôles sur l'ensemble du monde associatif, partant du principe - je citerai Waldeck-Rousseau lors de la présentation de son texte en 1901 - que « la liberté d'association, c'est la confiance ».

Nous avons estimé que les dispositifs prévoyant à la fois la certification des comptes, le contrôle de la Cour des comptes et l'obligation de publicité étaient excessifs et risquaient de décourager l'initiative de ceux dont nous espérons qu'ils vont désormais soutenir la vie culturelle. Je présenterai donc tout à l'heure un dispositif de contrôle permettant d'assurer une totale transparence des donateurs sur l'usage qui est fait des dons qu'ils ont remis, tout en limitant la portée des contrôles. Il s'agit d'éviter une suspicion excessive sur celles et ceux qui, demain, seront mécènes au travers des associations ou des fondations.

Tel est, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'esprit des amendements que vous présentera la commission des affaires culturelles.

Grâce à ce texte, l'ensemble de nos concitoyens et des institutions qui, dans ce pays, attachent de l'importance au développement de la vie culturelle et à la protection du patrimoine national pourront désormais y participer dans des conditions qui représentent une avancée considérable sur les plans fiscal et financier. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles du Sénat a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 52 minutes ;

Groupe socialiste, 28 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucune groupe, 6 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France se caractérise par une véritable carence en fondations par rapport à ses voisins européens - 1 000 en France, contre 2 000 en Allemagne ou 3 000 en Grande-Bretagne - et par une stagnation du mécénat tant de la part des particuliers que des entreprises, et ce malgré la mise en place de mécanismes spécifiques telles la loi du 7 août 1991 ou celle du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui découle du plan de relance du mécénat et des fondations que le Premier ministre a exposé le 12 décembre 2002. Il prévoit, d'une part, le développement du mécénat des particuliers et des entreprises, grâce au renforcement des incitations fiscales, et, d'autre part, l'allégement de la fiscalité des fondations.

De pareilles initiatives ont déjà été couronnées de succès chez nos voisins européens, notamment en Allemagne, où, à la suite de la réforme tant de la fiscalité que du dispositif de création des fondations, le nombre de créations de ces dernières est passé de 181 en 1990 à 829 en 2001.

Nous ne pouvons donc que saluer l'initiative du Gouvernement, qui, dans un contexte de réduction des dépenses publiques, devrait permettre aux fondations et aux associations soutenues par la générosité des Français et des entreprises d'assurer pleinement leur mission d'intérêt général.

En effet, les mesures proposées dans le projet de loi sont de nature à stimuler les dons des Français et des entreprises. Les dons des particuliers leur permettront désormais de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu de 60 % du montant du don, au lieu de 50 % jusqu'à présent, et cedans la limite de 20 % de leur revenu imposable, au lieu de 10 % actuellement ; en cas de dépassement de ce seuil, l'excédent pourra être étalé sur cinq années. De même, pour les entreprises, le plafond est porté à 5 du chiffre d'affaires, contre un double taux de 2,25 ou de 3,25 dans le régime actuel ; comme pour les particuliers, en cas de dépassement, l'excédent pourra être reporté, mais sur les quatre années suivantes seulement.

Une autre avancée majeure de ce texte réside dans le renforcement des dispositions qui tendent à accentuer les obligations de certaines associations en matière de publicité et de certification des comptes en les soumettant au contrôle de la Cour des comptes. Cela est d'autant plus logique que les citoyens eux-mêmes sont aujourd'hui plus exigeants à l'égard des associations, à la suite notamment de l'affaire de l'Association pour le développement de la recherche sur le cancer, l'ARC. Les mesures adoptées par nos collègues députés me semblent, ainsi qu'au groupe de l'Union centriste, de nature à restaurer la confiance des donataires, mais également à permettre à l'Etat de contrôler les objectifs fixés par les organismes bénéficiaires de cette aide substantielle.

Par ailleurs, mon groupe s'interroge sur le calendrier d'application de ces mesures, dont le coût, qui est supérieur à 150 millions d'euros, peut laisser perplexe dans la conjoncture économique actuelle.

Il nous paraît également utile d'aligner le régime des associations reconnues d'utilité publique sur celui des fondations, dans le respect du principe d'égalité devant l'impôt. Le groupe de l'Union centriste soutient donc plusieurs amendements visant à étendre à l'ensemble des établissements reconnus d'utilité publique les dispositions qui sont en vigueur pour les fondations.

Enfin, pour ce qui est de la réforme des statuts et du fonctionnement des fondations, il semble que le retard pris par la France soit dû non pas à la faiblesse des incitations fiscales, mais à leur complexité juridique, sans compter le frein que constitue la dotation initiale, fixée par la jurisprudence à 750 000 euros.

Vous avez souhaité, monsieur le ministre, vous en remettre aux recommandations du Conseil d'Etat, qui, dans un rapport publié en 1996, avait préconisé un certain nombre de mesures pour améliorer le fonctionnement des fondations, comme la création de fondations à capital consomptible. Malheureusement, l'application de ces mesures de modernisation a sans cesse été repoussée.

Vous avez rappelé votre attachement à cette réforme, dont la réalisation achèverait la mise en place du statut des fondations en France. Votre plan comprend ainsi la réduction à six mois du délai de reconnaissance du caractère d'utilité publique d'un organisme, ce qui serait une excellente mesure. Nous vous faisons confiance pour mener cette réforme à bien autrement que par la voie législative ; aussi n'avons-nous pas déposé d'amendement sur ce sujet.

Le groupe de l'Union centriste, une fois formulées ces quelques remarques, votera votre projet de loi, qu'il juge tout à fait satisfaisant.

Enfin, il me reste à remercier et à féliciter les rapporteurs, MM. Yann Gaillard et Philippe Nachbar, et les commissions des finances et des affaires culturelles de leur excellent travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations vise à approfondir plusieurs dispositions de notre droit fiscal.

Toutefois, on constate rapidement à sa lecture qu'il n'est en rien révolutionnaire ou fondateur. Au demeurant, les cinq articles du texte initial auraient amplement trouvé leur place dans un projet de loi de finances, comme cela a déjà été le cas pour des mesures similaires dans le passé. En outre, d'autres sujets et problèmes semblaient a priori au moins aussi urgents à traiter - je pense par exemple à la situation catastrophique du chômage.

M. Raymond Courrière. Oui !

M. Gérard Miquel. Néanmoins, mes remarques sur le calendrier législatif et les priorités politiques du Gouvernement n'enlèvent rien à la qualité intrinsèque de votre texte, monsieur le ministre.

Entre l'égoïsme individualiste et l'étatisation déresponsabilisante, la route est étroite et sinueuse. La vertu principale du projet de loi est de chercher à l'emprunter.

L'engagement citoyen dont les Français font preuve en soutenant des causes d'intérêt général mérite d'être valorisé et encouragé. Le lien social, le sentiment de solidarité et, plus largement, la nation sont singulièrement fortifiés par les multiples initiatives privées qui fleurissent au sein de centaines de milliers d'associations. Je pense que ce constat est assez largement partagé et que les bénéfices du mécénat en ce domaine ne sont plus à démontrer.

Par ailleurs, le mécénat présente aussi l'intérêt d'accroître les moyens matériels et humains disponibles pour certaines activités. Certes, les réductions d'impôt ont un coût, mais elles permettent à l'Etat de faire des économies de dépenses, notamment en ce qui concerne les dépenses d'intervention, qui, sinon, seraient largement supérieures.

Les gouvernements de droite comme de gauche ont soutenu, chacun à son tour, le développement du mécénat, des associations et des fondations.

Au début des années quatre-vingt-dix, la loi a été adaptée pour permettre la création de fondations d'entreprise. Plus récemment, la loi de finances pour 2000 a unifié et relevé à 6 % du revenu imposable le plafond des dons ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu, plafond porté à 10 % dans la loi de finances pour 2002. Par ailleurs, en 2002, la loi relative aux musées de France a mis en place une réduction de l'impôt sur les sociétés, au taux exceptionnel de 90 % des sommes consacrées à l'acquisition de trésors nationaux.

Cependant, en dépit de la sollicitude des pouvoirs publics, le mécénat peine à se développer en France. En effet, il représente seulement 0,09 % du PIB de notre pays, contre 2,1 % aux Etats-Unis. De plus, si nous disposons d'un réseau d'associations dynamique et dense - on en dénombre 800 000 -, les fondations reconnues d'utilité publique sont singulièrement peu nombreuses.

Faut-il s'inquiéter outre mesure de cette situation ? Non, à l'évidence, car cela reviendrait à considérer le mécénat comme la panacée, alors qu'en réalité, s'il présente des avantages, il montre également ses limites.

Tout d'abord, la technique des réductions d'impôt, fortement utilisée en la matière, est discutable en soi. Les réductions d'impôt étant des dépenses fiscales, elles reviennent, concrètement, à confier de l'argent public à des particuliers, avec évidemment tous les inconvénients et tous les risques que cela comporte : le contrôle de ces dépenses est nécessairement moindre que celui des dépenses budgétaires de l'Etat, si bien que les risques de dérives sont plus importants.

C'est ainsi que les particuliers, mais aussi l'Etat, ont parfois involontairement financé, par le biais de réductions d'impôt, les dépenses personnelles d'individus malhonnêtes. L'exemple de l'ARC vient immédiatement à l'esprit, mais il n'est malheureusement pas le seul. Il convient donc d'être extrêmement exigeant sur la transparence et sur le contrôle du fonctionnement de tels organismes. A défaut, l'Etat et les citoyens finiraient par se lasser et se détourneraient du mécénat.

Par ailleurs, le mécanisme des réductions d'impôt ne permet pas à l'Etat de mettre en oeuvre des politiques ciblées, puisque celui-ci se contente de payer « à guichet ouvert », si j'ose dire. En règle générale, les conditions pour bénéficier de réductions d'impôt sont souples, la principale étant que l'organisme bénéficiaire du don soit considéré comme d'intérêt général. Les Français sont donc libres de soutenir les causes d'intérêt général de leur choix, ce qui les conduit inévitablement à privilégier les plus médiatiques ou les plus touchantes d'entre elles ; or ce ne sont pas forcément celles qui ont objectivement le plus grand besoin de soutien ! La cohérence et l'efficacité des politiques nationales s'en trouvent amoindries.

En revanche, comme je l'ai déjà souligné, il est vrai que l'on ne peut rester insensible à ce bel exemple de démocratie directe.

Enfin, le mécénat est particulièrement exposé à l'instrumentalisation. Comme chaque fois que l'intérêt général rencontre l'intérêt particulier, les risques de conflits entre les deux sont potentiellement forts : un certain « mélange des genres », selon l'expression populaire, étant dès lors inhérent au mécénat, il n'est pas étonnant que la prise en charge par la société McDonald's de la construction et du fonctionnement d'un bâtiment accueillant des parents d'enfants hospitalisés ait suscité une controverse. Car la tentation est forte pour les entreprises de récupérer à leur profit une partie de la bonne image dont bénéficient certaines activités : culture, art, sport ou encore recherche médicale.

M. François Marc. C'est vrai !

M. Gérard Miquel. Le danger est alors que la mauvaise image de la société ne déteigne sur l'activité en question et ne lui nuise. Par ailleurs, les particuliers, refusant de tomber dans le piège de certaines manipulations grossières, peuvent priver ces activités de leur aide.

Comme je l'ai déjà relevé, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons va dans le bon sens. Néanmoins, il souffre de plusieurs lacunes qu'il convient de combler.

Tout d'abord, je constate que l'occasion ainsi offerte n'a pas été saisie de remplacer la réduction de l'impôt sur le revenu, en matière de dons, par un crédit d'impôt. Actuellement, seuls ceux qui payent l'impôt sur le revenu sont concernés par la réduction d'impôt : ainsi, le texte dont nous débattons ne s'adresse qu'à la moitié des Français, à la moitié la plus aisée - celle que notre Premier ministre appelle « la France d'en haut » -,...

MM. Raymond Courrière et François Marc. Très bien !

M. Gérard Miquel. ... et ignore l'autre moitié, « la France d'en bas ».

M. François Marc. Eh oui !

M. Gérard Miquel. L'instauration d'un crédit d'impôt permettrait à tous les Français qui effectuent des dons de bénéficier, sans exception, d'un avantage fiscal.

La mesure serait peu coûteuse pour l'Etat et aurait l'avantage de traiter équitablement la générosité de tous. Les organismes bénéficiaires des dons, pour leur part, y gagneraient un surcroît de ressources.

Une autre lacune importante du texte concerne les organismes humanitaires. En effet, le mécénat ne se cantonne pas à la culture et aux oeuvres d'art : il s'applique également au sport, à la protection de l'environnement, à la recherche scientifique, à la santé et à de nombreuses autres activités.

Actuellement, les dons aux organismes apportant une aide aux personnes en difficulté ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu supérieure à la réduction de droit commun. Or le texte du Gouvernement supprime cet avantage. Dès lors, le danger est grand qu'une part significative des donateurs se détournent de ces organismes. En outre, la spécificité de cette activité, véritable aide humanitaire, justifie qu'une attention particulière lui soit portée : sauver une oeuvre d'art ou une personne humaine ne relève pas de la même exigence pour qui se considère comme un authentique humaniste ! Redonner un attrait financier particulier aux dons aux organismes humanitaires est donc une nécessité morale. Le rapporteur de la commission des finances semble l'avoir compris, mais ses propositions sont trop frileuses : je dirai même qu'elles sont presque symboliques. (M. le rapporteur rit.)

M. François Marc. C'est vrai !

M. Gérard Miquel. Enfin, dernière critique d'importance adressée au texte même, l'équilibre initial du projet de loi a été rompu par les députés lorsqu'ils ont adopté un amendement portant de 30 000 euros à 40 000 euros la réduction de l'impôt sur les sociétés pour les fondations. Les commissions du Sénat proposent d'aller encore plus loin. C'est manifestement excessif et injustifié.

Mais je dois dire, mes chers collègues, que, plus que le projet de loi lui-même, ce sont le contexte de rigueur budgétaire dans lequel il s'inscrit et l'idéologie libérale dans laquelle il baigne qui sont contestables, voire condamnables : le mécénat ne peut pas avoir vocation à pallier les insuffisances de l'Etat. En effet, il n'offre pas les mêmes garanties que ce dernier et doit donc être cantonné à un rôle de soutien, la puissance publique intervenant prioritiarement pour définir et assumer la satisfaction de l'intérêt général.

M. Raymond Courrière. Très bien !

M. Gérard Miquel. Or, les préférences libérales du Gouvernement laissent apparaître sur maints sujets un recul de la puissance publique,...

MM. Raymond Courrière et François Marc. Oui !

M. Gérard Miquel. ... qu'il s'agisse de confier la santé aux mutuelles et aux assurances, les retraites aux assurances et aux banques, ou encore l'entretien des prisons et des établissements scolaires aux entreprises. Partout, hormis peut-être dans les domaines régaliens, le démantèlement de la puissance publique et l'appel au privé sont à l'oeuvre.

De ces choix libéraux découle la rigueur budgétaire qui frappe durement la plupart des ministères. Celui de la culture n'y échappe pas : en 2003, ses crédits sont passés sous la fameuse barre des 1 %, soit une baisse de 5,2 % par rapport à 2002.

En outre, la suppression des emplois-jeunes pénalise nombre d'associations, et la diminution des redevances d'archéologie préventive met en péril des trésors parfois millénaires. La recherche, quant à elle, est carrément sacrifiée, alors qu'elle est cruciale pour l'avenir de la France, pour son attractivité et pour sa compétitivité.

En conclusion, je soulignerai à quel points ce serait une grave erreur que de vouloir systématiquement remplacer l'Etat par l'initiative privée.

Le contexte budgétaire et les insuffisances du projet de loi conduiront naturellement le groupe socialiste à s'abstenir lors du vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a décidé d'un ensemble de douze mesures visant à dynamiser le mécénat en France, dans tous les secteurs, grâce à un dispositif considéré comme plus incitatif que le précédent et qui profitera tant aux fondations qu'aux associations.

L'objectif est de soutenir le travail des associations et des fondations et de favoriser les initiatives prises par les particuliers et par les entreprises dans des domaines qui touchent à l'intérêt général. Pourquoi pas ?

L'action de la société civile est indispensable, en complément des politiques publiques, pour favoriser par exemple les projets culturels, au sens large du terme, en recourant à d'autres sources de financement, tel le mécénat d'entreprises ou de particuliers.

Si l'on désigne par « mécénat » les initiatives d'individus ou d'entreprises prenant la forme d'aides accordées à des personnes, à des institutions ou à des manifestations relevant de domaines extérieurs à leurs activités naturelles, alors, ce phénomène est aussi ancien que l'histoire.

Mais le mécénat moderne a surtout pris son essor à la fin des années quatre-vingt, notamment sous l'impulsion de la loi du 23 juillet 1987. Il recouvre aujourd'hui une réalité multiple, en ce qui concerne tant les secteurs aidés et les formes que revêtent les interventions que les motivations qui animent les mécènes.

On ne peut que se réjouir que des entreprises privées soutiennent initiatives, manifestations ou équipements culturels, contribuant ainsi au développement de la culture. Pourtant, l'ampleur même au développement de la culture. Pourtant, l'ampleur même du phénomène, la manière dont on le justifie et l'empressement que l'on montre à favoriser et à accroître les interventions privées en les libérant fiscalement posent question, surtout à un moment où s'affiche la volonté d'étendre et d'accélérer la privatisation des services publics.

Je ne condamne pas le principe du mécénat en tant que tel : c'est en posant des exigences fortes que j'entends intervenir. Car il s'agit de faire en sorte que le mécénat s'exerce dans le cadre d'un renforcement de la réponse publique en matière de culture, et non dans celui de la fragilisation, voire de la vassalisation des services publics.

On ne peut noter les ambiguïtés. Je citerai Alain-Dominique Perrin, président-directeur général de Cartier et auteur d'un rapport sur le mécénat d'entreprise commandé par François Léotard, qui était alors ministre de la culture : « Le mécénat n'est pas simplement un formidable outil de communication, mais beaucoup plus que cela : c'est aussi un outil de séduction de l'opinion [...]. Le mécénat peut influer sur la promotion des ventes, l'animation d'un réseau de vente, la promotion d'un personnage. [...] La culture est à la mode, tant mieux. Tant qu'elle le restera, il faut s'en servir. [...] Le parrainage de programmes, d'expositions et de services spéciaux donne lieu à de nombreuses possibilités en matière de relations publiques. »

On le voit, on est assez éloigné de l'idée philanthropique qui fonde l'esprit du mécénat. En réalité, ces propos font clairement apparaître les motivations propres des entreprises et révèlent des intérêts liés à leur raison commerciale, sociale, financière, industrielle. Personne n'en sera surpris.

En fait, il s'agit d'investissements, et l'intervention repose sur trois raisons majeures : l'image de marque, la cohésion sociale et la construction d'une culture d'entreprise, mais aussi sur le retour financier sur investissement. Notons que ce retour n'est pas forcément direct et ne prend pas seulement la forme de produits dérivés, tels les disques, les vidéos ou, les catalogues ; il peut être lui aussi dérivé et à plus long terme. Tout se joue entre ces trois pôles, qui se conjuguent et qui, selon la nature des entreprises et des actions qu'elles choisissent, entretiennent entre eux des rapports variables.

Voir et dire cela n'est pas forcément s'opposer au mécénat ; mais c'est poser pour le moins l'exigence qu'il s'exerce sous contrôle public et dans le cadre d'actions publiques. Ou alors, il consiste en initiatives purement privées, ce qui est tout autre chose !

L'attribution de subventions sur fonds publics régulièrement assortie de la condition, pour les projets et les artistes, de trouver au préalable un financement privé ne va évidemment pas dans le sens de la maîtrise publique que nous souhaitons. Le mécénat doit être et demeurer une contribution au développement de la vie culturelle du pays, des territoires et des populations, et relève à ce titre de la responsabilité publique.

Il faut pour le moins entrer dans une conception d'actions partagées dans laquelle les entreprises soient représentées non pas uniquement par l'employeur, mais aussi par leurs forces vives : le salariat et leurs représentants, comités d'entreprise et syndicats.

Les études et les statistiques réalisées autour de ce projet de loi mettent en avant une comparaison systématique avec les pratiques de mécénat de nos voisins ou des Etats-Unis, en omettant tout de même de souligner que nous n'avons pas la même culture et qu'il y a chez eux absence de service public.

Permettez-moi de ne pas porter le même regard sur ce qui est considéré actuellement, à tort, comme un retard : les choix de la France, et cela bien avant la Révolution française - je pense à Colbert - ont toujours été différents. Et, si l'expression de « politique culturelle » s'impose en France sous la Ve République, le soutien public aux oeuvres de l'esprit est une tradition qui prend racine dans les profondeurs de notre histoire nationale.

Pour ne prendre qu'un exemple, on peut observer que presque toutes les institutions actuelles dont l'origine remonte à l'Ancien Régime sont des institutions « culturelles », qu'il s'agisse du Collège de France, de l'Académie française et de trois des quatre académies qui, avec elle, composent l'Institut de France, de la Comédie-Française, de l'Académie royale de musique, ancêtre de l'Opéra, ou encore des manufactures de Sèvres et des Gobelins.

Dans d'autres pays d'Europe, le mécénat des rois, des princes, des églises a tout autant que chez nous protégé et soutenu écrivains, artistes et penseurs, mais généralement sous une forme personnelle, donc éphémère, alors que, en France, ce soutien a souvent pris une forme institutionnelle, donc durable.

Un mécène affiche honnêtement et clairement le but : « Facultatif et résultant d'une démarche entièrement libre, le mécénat d'entreprise ne saurait être mis en parallèle avec l'effort public qui [...] correspond à la fois à une tradition séculaire et à une mission de service public. C'est précisément parce qu'il joue à la marge, qu'il bénéficie des souplesses de la gestion privée et qu'il revendique sans état d'âme un aspect subjectif pouvant aller jusqu'au coup de coeur, que le mécénat d'entreprise introduit dans la vie culturelle un élément de souplesse, de dynamisme, voire de convivialité. »

Effectivement, l'aide est parfois apportée de manière purement désintéressée, au titre de bénévolats ou de dons, mais la plupart du temps les entrepreneurs veulent un « retour sur investissement » et, alors, le mécénat d'entreprise, généralement attaché à une contrepartie, peut désigner toute action que l'entreprise mène en dehors de son objet direct, mais qui vise à promouvoir son image de marque et à améliorer sa notoriété.

Cependant, le mécénat, lui non plus, ne saurait se développer sans des politiques publiques fortes dans tous les domaines, sauf à retomber dans un système aléatoire de charité et de philanthropie qui ferait de lui une manière de « désadministrer la culture », pour reprendre l'expression de Jacques Rigaud, inspirateur et animateur de nombreuses réflexions dans ce domaine.

Le principe du mécénat peut être accepté dans la mesure où c'est l'argent qui va à la culture et non pas la culture qui va à l'argent. Toutefois, le désengagement de l'Etat et les restrictions budgétaires affirmées font penser que le mécénat et les fondations devraient se substituer à l'Etat pour ce qui est du financement de la culture et de la mise en oeuvre.

C'est aussi pour cela que nous ne pouvons accepter que le mécénat et les fondations se substituent, même si vous vous en défendez, monsieur le ministre, au développement d'une politique culturelle nationale, et justifient un désengagement financier de l'Etat selon un système de « vases communicants » aléatoire et chaotique, et ce d'autant moins que la politique de décentralisation telle qu'elle est conçue actuellement accentue la volonté marquée du Gouvernement d'affaiblir le rôle de l'Etat et des services publics nationaux.

Nous ne doutons pas qu'il existe des industriels et des commerçants amateurs d'art et d'activités culturelles. L'histoire et l'actualité le montrent. Ils ont d'ailleurs besoin de la rencontre artistique pour développer et renouveler leur propre activité : l'industrie a fondamentalement besoin de la recherche scientifique et artistique.

Si nous ne contestons pas aux entreprises le droit de soutenir financièrement l'expression culturelle, nous souhaitons que ce soit effectivement au service de l'intérêt général, pour les artistes, le patrimoine et les publics.

L'expression et le champ artistique retenus, l'esthétique choisie, l'artiste sollicité le sont le plus souvent en fonction de la stratégie de l'entreprise et de sa politique de communication. Au total, beaucoup d'artistes, de sensibilités, de disciplines artistiques et esthétiques risquent de se trouver hors champ, et je pense, bien sûr, tout particulièrement à la création contemporaine !

Alors que la fiscalité républicaine permet l'expression de choix publics en matière de culture - publics, champs d'intervention - la prédominance et la prépondérance du privé, par la multiplication des incitations fiscales, tendent à concentrer les actions sur des secteurs restreints envers des publics choisis. Cela peut menacer l'existence même, la pérennité de certaines manifestations - des festivals par exemple - pouvant être brutalement remises en cause, soit parce que la nature industrielle ou commerciale ou bien la stratégie de l'entreprise changent, soit parce que l'entreprise se délocalise.

La présence du secteur privé sur ce terrain ne doit donc en aucune façon autoriser l'Etat à se dessaisir de certaines de ses missions et responsabilités publiques nationales. Cela signifie que les pouvoirs publics doivent veiller et imposer de réelles dispositions pour le développement du public et la recherche de son élargissement. Les actions de mécénat doivent exprimer la volonté de soutenir une création, pluraliste, vivante, libre. Ces actions doivent s'appuyer sur le respect de règles éthiques et de critères professionnels, en ce qui concerne, notamment, le rôle des chercheurs, des artistes, des commissaires et des critiques. Elles doivent s'exercer dans le respect matériel et moral des oeuvres, des conditions de leurs expositions, de leur conservation et de leur devenir.

Il ne s'agit pas de se contenter de poser ces exigences pour le mécénat envers les pouvoirs publics. Les chefs d'entreprise doivent être fortement sollicités sur d'autres sujets.

Nous voyons bien que la contribution des entreprises à la vie culturelle des salariés, là où elle a le plus besoin de se construire, s'étiole sous le coup de la précarité du travail, du rôle amoindri de comités d'entreprise dont le nombre, dont les moyens et l'influence s'amenuisent dans le monde du travail, et dont les droits, par rapport aux objectifs qui devraient être les nôtres, sont, à bien des égards, obsolètes.

Rappelons que les comités d'entreprise doivent être, en application de la loi, consultés sur les stratégies de l'entreprise, son développement social et économique. Rappelons aussi qu'ils ont prérogative de gestion des activités sociales, sportives et culturelles.

Plus fondamentalement, l'entreprise aujourd'hui ne se vit plus comme la seule propriété du capital qui la possède : la dignité du salarié passe par la dignité du citoyen qu'il est, de l'amateur de culture qu'il est quand il est spectateur, auditeur, lecteur, touriste ou sportif amateur.

Nous ne sommes donc pas défavorables au principe du mécénat et des fondations s'il comprend avec les entreprises l'intervention des employés, eux-mêmes partenaires culturels, individuellement et via des comités d'entreprise forts et structurés.

A tous ces titres, les élus des comités d'entreprise doivent être entendus sur tout projet de mécénat de leur entreprise et s'assurer du contenu et du contrôle du cahier des charges, du respect des artistes et de leurs droits, de la destination des oeuvres ainsi que du lieu de leur création et de leur conservation.

Les personnels doivent bénéficier des effets de ce mécénat, en termes de choix des objectifs, d'accès aux oeuvres, de collections, de rencontres et de partage avec les auteurs et chercheurs.

Il importe que les élus puissent accompagner leur travail d'une réflexion théorique, et donc qu'ils gagnent, sur ce terrain aussi, des droits à l'expertise. Il est notamment nécessaire que le rôle des commissions culturelles des comités soit reconnu et fortifié.

Les entreprises auraient tout à gagner à ce que se rejoignent la création et les salariés, mais nous savons tous que se jouent là des questions de pouvoir symbolique et que les salariés comme leurs représentants rencontrent beaucoup d'entraves, d'obstacles, d'obstructions et de censure au développement des pratiques culturelles dans les entreprises.

Voyez-vous, monsieur le ministre, personnellement, j'aurais préféré que nous puissions avoir un débat beaucoup plus large où nous aurions pu aborder l'ensemble des problèmes de la culture, de la création artistique, du statut des artistes dans la société, débat dans lequel nous aurions pu évoquer également tout ce qui touche à l'exception culturelle, aux rapports public-privé, et donc au mécénat et aux fondations au-delà de la seule fiscalité, au-delà de la définition que donne Godard du cinéma : « Un pied dans l'art, un pied dans l'argent » !

En tant qu'élu régional et responsable de grosses structures culturelles, je suis confronté en permanence à la nécessité d'approfondir la réflexion sur ce que devraient être les rapports entre les entreprises et les institutions artistiques et culturelles.

Trop souvent, on se contente d'aller sonner aux portes des entreprises pour obtenir une contribution financière, sans se préoccuper de construire des partenariats de projets communs. Or l'entreprise peut devenir réellement un partenaire du champ culturel à travers la redéfinition des modalités de sa présence dans la cité.

Tout le monde s'affirme pour le développement durable, concept qui pourrait favoriser l'émergence d'un véritable « mécénat durable » se substituant au mécénat d'opportunité. Autrement dit, il s'agirait de passer du mécénat de contribution au mécénat d'initiative.

A tous les niveaux, les pouvoirs publics ont tendance à considérer le mécénat comme un complément de ressources ou comme un financement annexe de missions qu'ils ont eux-mêmes définies comme prioritaires. Il serait tellement mieux que les entreprises, qui ont théoriquement la culture du risque, fassent preuve d'audace artistique.

Les effets du mécénat ne peuvent avoir de sens que sur le long terme. Si l'incitation fiscale est un facteur de facilitation, il faut aller au-delà ; il faut un débat clair et franc sur les rapports entre service public et initiatives privées. Il faut encourager les entreprises qui considèrent que, parallèlement à la logique du marché, elles ont un rôle à jouer dans la société et qui sont prêtes à s'engager dans l'aventure artistique, mais pas, pour reprendre une expression malicieuse de Jacques Rigaud, pour « faire les fins de mois d'un Etat nécessiteux ».

Car, dans le même temps, quand le service public recule, c'est le marché qui avance, le marché sans conscience ni miséricorde.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé, au terme de votre exposé liminaire à l'Assemblée nationale, que vous aviez signé il y a un peu plus d'un an une tribune intitulée Eloge du mécénat. Combien j'aimerais que vous signiez, dans un avenir proche, un manifeste qui s'intitulerait : Eloge du service public de la culture ! Combien j'apprécierais que, pour les budgets à venir, vous puissiez vous souvenir de ce que disait Jean Cocteau : « Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. »

Oui, donc, à un mécénat fort, mais adossé à une politique et à une maîtrise publique fortes, pour assurer l'égalité des publics, la cohésion nationale, la durabilité des actions, la vaste palette des esthétiques et des disciplines, le respect des artistes.

Mais ce n'est qu'un début, continuons le débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, amendé par l'Assemblée nationale et qui sera tout à l'heure complété et enrichi par le Sénat, constitue une avancée considérable pour le mécénat, les associations et les fondations.

Oui, monsieur le ministre, je salue l'ampleur des mesures ficales pour lesquelles vous avez déjà obtenu l'accord du ministère des finances, ainsi que votre volonté de simplifier et d'unifier les nombreux dispositifs disparates existants. Je tiens à relever également votre souci de stimuler le mécénat en généralisant les mesures propres à le faciliter et en allégeant les contraintes qui pourraient le freiner. L'importance des mesures prévues, mais aussi la cohérence de l'architecture du texte me rendent optimiste quant aux conséquences bénéfiques que nous pouvons en attendre.

Ce n'est que par la refonte d'ensemble que vous nous proposez que nous pourrons tirer le mécénat de la léthargie dans laquelle il semble plongé, dans notre pays.

C'est donc en toute confiance que je voterai votre projet de loi, monsieur le ministre, tel que nos deux commissions et nos deux excellents rapporteurs l'auront amendé.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je sois particulièrement sensible à l'extension du dispositif relatif à la protection des trésors nationaux circulant hors de France.

Il s'agit de compléter la mesure introduite au Sénat lors de l'adoption de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, qui élargit intelligemment notre capacité d'intervention sur le marché mondial de l'art, notamment pour les pièces classées « trésors nationaux ».

Je vous remercie aussi, monsieur le ministre, de l'accueil favorable que vous avez réservé aux amendements déposés par les sénateurs d'Alsace-Moselle qui tendent à adapter et à étendre les modifications proposées par votre texte à certains aspects du droit local alsacien-mosellan, et plus particulièrement au statut des associations relevant de la loi de 1908.

D'aucuns, il est vrai, pourraient s'interroger : alors que notre pays affronte les difficultés liées au ralentissement de la croissance, avec son cortège de mauvaises nouvelles, telles que les fermetures d'entreprises et l'augmentation du chômage, alors que le pays et la rue se mobilisent pour débattre de l'avenir des retraites, oui, on peut se demander en effet si le moment est bien choisi pour discuter d'un projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations.

A mon avis, ces conditions économiques et budgétaires difficiles ne font que justifier davantage la tenue de ce débat. Le moins que l'on puisse dire est que les indicateurs qui permettent de mesurer l'engagement citoyen, la participation financière des particuliers, tout comme celle des entreprises, stagnent à des niveaux particulièrement bas en France, notamment si on les compare à ceux des autres pays européens ou des Etats-Unis. Ainsi, les apports du mécénat représentent moins de 0,1 % de notre produit intérieur brut, contre vingt fois plus aux Etats-Unis. Et je précise que ce pourcentage recouvre les initiatives de tous les secteurs, qu'il s'agisse de sport, de social ou encore de culture. Non pas, monsieur le ministre, que la solidarité et l'engagement spontané et volontaire soient absents en France ; au contraire, la mobilisation est souvent exemplaire et parfois poignante, expression d'une tradition de générosité jamais démentie. Cependant, les freins au plein épanouissement de ces mouvements sont nombreux, comme je l'ai encore entendu tout à l'heure.

Oui, il n'est pas dans la culture française que les particuliers et les entreprises mobilisent de façon importante et sur la durée de grands moyens en faveur du mécénat. Cette pratique n'a jamais été au coeur des priorités de notre pays. Contrairement à la plupart des pays développés, la France, en effet, a toujours considéré que c'est à l'Etat d'organiser le mécénat, de décider des priorités et des financements, car tout abandon de l'autorité d'affectation des moyens par les représentants de l'Etat est considéré comme une régression en soi, un risque de dérapage, une aliénation de la notion de justice et d'égalité qui doit avoir la primauté sur toute autre valeur.

Il s'ensuit des prélèvements obligatoires de toute nature, souvent très importants et un corset rigoureux appliqué à toutes les mesures qui contreviennent à ces principes de contrôle. C'est d'ailleurs le sens de l'intervention de notre collègue M. Miquel. Cela se traduit irrémédiablement par des freins matériels et psychologiques à l'initiative privée. Ces inhibitions durent depuis des siècles ; il est évidemment très difficile de les lever et d'inverser les tendances.

On a, par exemple, pu s'en rendre compte lors de la mise en place de la Fondation du patrimoine. Les résistances farouches de Bercy comme la complexité du dispositif ont fait végéter pendant des années une mesure que pourtant tout à le monde avait souhaitée.

Un autre frein résulte de la lourdeur, voire de l'opacité des dispositifs. Chaque cas méritant d'être traité en fonction de sa spécificité, l'architecture fiscale devient de moins en moins lisible et communicable. En fait, le souci d'encadrer pour éviter les dérives est tellement fort qu'il étouffe la liberté que l'on veut accorder. L'encadrement strict, les contrôles multiples, le véritable parcours du combattant que l'on doit subir lorsque l'on veut créer une fondation par exemple, tout cela est contre-productif.

Je me souviens du débat que nous avons eu dans cette enceinte lors de l'examen de la loi relative aux musées de France, quant à la mise en place des aides en direction des trésors nationaux, et les souhaits exprimés pour éviter toute dérive en la matière. En fait, très peu de publicité fut faite autour de ces mesures. Seule l'inaliénabilité des oeuvres fit s'échauffer les esprits et fut relayée dans la presse. Mais les mesures fiscales proposées pour favoriser la protection des oeuvres et pour éviter leur dispersion furent passées sous silence.

Le souci du contrôle est parfois si aigu qu'il devient une priorité, voire une fin en soi.

Mes chers collègues, je me rappelle le débat organisé voilà quelques années autour de la suppression de la redevance télévisuelle : l'idée a été abandonnée non parce que nous voulions garder cette redevance, mais parce que la suppression des contrôleurs aurait mis dans la rue cette catégorie de personnel !

Monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez est donc le bienvenu. Il tente, à sa façon, de stimuler l'engagement privé des particuliers et des entreprises. Il prend le contrepied de cette idée que tout doit être dirigé, organisé, contrôlé par l'Etat. Ce projet de loi fait confiance à l'initiative et mise sur les effets de levier importants que nous pourrons obtenir. En effet, ne l'oublions pas, pour toute réduction d'impôt consentie, le mécénat multipliera par deux les moyens dégagés.

C'est donc une formidable occasion de dynamiser le mécénat, les associations et les fondations.

Oui, monsieur le ministre, au moment où la France a besoin de conduire des réformes profondes qui imposent un changement de comportement et d'état d'esprit, votre projet de loi est le bienvenu et conforte la démarche de libération des énergies que nous propose M. le Premier ministre.

C'est donc avec le souci de soutenir votre projet de loi en faveur du mécénat, des associations et des fondations que je voterai, ainsi que le groupe UMP, votre texte, et c'est avec le souci aussi de faire évoluer la conscience de notre pays que nous serons présents à vos côtés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal.

M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fruit de la générosité de simples particuliers ou de familles fortunées, le mécénat existe en France depuis très longtemps : il est à l'origine de nombreuses institutions et actions de solidarité multiples depuis des siècles.

L'incitation fiscale proposée aujourd'hui a pour objectif de stimuler les initiatives privées. Effectivement, le principe du mécénat et de la fondation est nécessaire pour participer à un service public de qualité et l'accompagner, ce service public qui ne peut prétendre assumer seul l'ensemble des nombreux financements que requiert la culture, dans toute sa diversité.

C'est par la recherche de nouvelles formes de collaboration et de conjonction entre les initiatives publiques et privées que l'on parviendra à sortir de l'impasse où se placent tous ceux qui ne voient d'avenir que dans la croissance systématique des financements publics de la culture.

En revanche, les mesures contenues dans la réforme fiscale que nous examinons aujourd'hui ne servent-elles pas plutôt, à court terme, à pallier les diminutions préoccupantes et regrettables de la loi de finances de 2003 ? N'annoncent-elles pas, à plus ou moins long terme, un désengagement progressif de l'Etat, le recul du service public de la culture, comme celui des autres secteurs entrant dans le champ d'application du projet de loi ? Je pense plus particulièrement aux secteurs de la recherche, du sport et de l'humanitaire. Ne faut-il pas y voir un lien avec les mesures de restrictions budgétaires concernant ces différents ministères, lesquelles auront certainement des incidences sur les subventions accordées aux associations ?

Par le biais des déductions fiscales, la générosité publique est certes encouragée, mais cette sollicitation s'effectue dans un contexte financier catastrophique pour la culture et les autres secteurs que je viens de citer, compte tenu des réductions drastiques enregistrées.

En effet, 215 millions d'euros de crédits de paiement ont été supprimés aux titres V et VI. Cela aura de graves répercussions sur les prochains budgets, impliquant des retards, voire l'annulation de travaux indispensables ou même la suspension des travaux en cours de réalisation.

Ce projet de loi représente davantage un catalogue d'incitations fiscales. Il dispense le Parlement d'un débat de fond que mériterait pourtant une véritable relance du mécénat et des fondations.

En cela, je rejoins l'analyse à laquelle se livre M. Jacques Rigaud dans son dernier ouvrage, Les Deniers du rêve, publié en 2001 et dans lequel il s'interroge sur l'avenir de la politique culturelle en France. Dans les pages qu'il consacre à l'évocation de son expérience à la tête de l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial, l'ADMICAL, il écrit que « sans une profonde modernisation du statut des fondations et du régime fiscal du mécénat, y compris celui des particuliers, l'engagement de la société civile en faveur des causes d'intérêt général ne progressera que lentement. Seule une volonté politique obstinée permettrait de bousculer à la fois d'antiques préventions de l'administration et un manque de courage des milieux politiques qui, de droite comme de gauche, craignent d'être accusés de favoriser les riches. Un système fiscal clair et vraiment incitatif ferait, à coup sûr, venir au mécénat nombre d'entreprises qui hésitent encore à s'y engager ou ne le font qu'à pas comptés. »

D'après l'étude d'impact relative au coût du projet - les experts ayant estimé le coût fiscal de ces mesures à près de 150 millions d'euros - et ses véritables répercussions sur les associations et les fondations, ce texte n'apporte pas les réponses que le législateur est en droit d'attendre d'un dispositif fiscal concernant les dons des particuliers et des entreprises.

Enfin, M. le Premier ministre a affirmé s'être fixé comme objectif de tripler le nombre de fondations en cinq ans afin de s'aligner sur le modèle culturel anglo-saxon largement dépendant du mécénat privé. Ainsi, le nombre des fondations françaises, sera porté au niveau de celui de la Grande-Bretagne, où la protection du patrimoine est confiée au National Trust, association à but non lucratif créée en 1885, qui fonctionne grâce à la générosité publique. Ce modèle a largement inspiré la Fondation du patrimoine créée en France en 1996 - Journal officiel du 28 mars 1996.

A l'époque, j'avais dénoncé le fait que la France s'inspire ainsi de l'exemple anglo-saxon, menaçant la fonction régalienne exercée par l'Etat français en matière de conservation du patrimoine, héritée de la Révolution française. Pensant résoudre les difficultés en les abandonnant au secteur privé, l'Etat manifestait déjà la volonté de se désengager. Or chacun sait combien la Fondation du patrimoine a connu de difficultés depuis sa création. Cet exemple confirme combien l'importation d'un modèle d'un pays à un autre est politiquement dangereuse. Chaque modèle étant le reflet de mentalités et de traditions propres à un peuple, la politique culturelle anglo-saxonne ne peut être directement transposable à la France.

Le risque est sérieux qu'il y ait une substitution de la générosité des particuliers et des entreprises aux subventions de l'Etat. Les mesures, dont le législateur a la responsabilité, doivent venir compléter l'action publique et non pas s'y substituer. L'argent distribué n'a pas les mêmes motivations, les mêmes finalités. Les entreprises et le grand public ne donnent pas de la même façon que l'Etat, à de rares exceptions près, les premières étant globalement prisonnières de leur politique de communication, les citoyens donnant plus volontiers à des causes très médiatisées.

Selon nous, les deux actions doivent demeurer complémentaires ; elles ne doivent en aucun cas être exclusives ou concurrentes. Si le principe d'une plus grande participation du secteur privé au financement et donc à l'épanouissement de l'ensemble du milieu culturel est souhaitable et fait consensus, les moyens d'y parvenir sont plus difficiles à mobiliser du fait du contexte budgétaire actuel qui a été évoqué voilà un instant. Cela nous conduit à exprimer des réserves réelles sur le texte qui nous est soumis aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.

M. Paul Dubrule. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est évidemment avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris connaissance du projet de loi relatif au mécénat, aux associations et aux fondations. Il s'agit d'un sujet très important pour la vie culturelle et sociale de la France.

Ce projet de loi part d'un très bon principe qui tend à libérer l'initiative individuelle et à encourager la prise de responsabilité.

En effet, l'initiative privée, le bénévolat, l'engagement individuel sont les signes d'une vitalité précieuse de la société et un bon relais dans le cadre de la réforme de l'Etat.

Le retard de la France dans ce domaine est colossal. Les chiffres sont éloquents : les donateurs particuliers sont peu nombreux - à peine 15 % pour un volume d'un milliard d'euros -, les entreprises donnent encore moins, moins de 2 000 entreprises pour un volume de 340 millions d'euros. Les dons représentent au total 0,09 % du PIB, lorsqu'ils sont de 2,1 % aux Etats-Unis, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre. Le nombre de fondations - moins de 1 500 - est très faible, comparé au nombre de fondations enregistré chez nos voisins européens, deux à trois fois moins qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Tout cela, nous le savons, mais il n'est pas inutile de le répéter.

Les raisons de ce retard, nous les connaissons aussi : la philosophie étatiste n'a jamais beaucoup aimé l'initiative individuelle, lui préférant un Etat omniprésent et omnipotent. Et pourtant, comme l'a très bien dit M. Jean-Pierre Raffarin : « l'Etat n'a pas le monopole de l'intérêt général ».

Il était donc urgent de légiférer sur ce sujet, d'autant que nos partenaires européens prennent des mesures ambitieuses pour promouvoir ce secteur, depuis l'année 2000. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous réjouir qu'un texte sur ce sujet nous soit présenté.

Deux types de mesures sont nécessaires pour libérer le secteur privé dans ce domaine : des mesures fiscales, mais aussi des mesures administratives et statutaires.

Les mesures fiscales proposées seront un encouragement certain. Les trois grandes orientations dont vous avez parlé, monsieur le ministre, sont tout à fait intéressantes, qu'il s'agisse de développer le mécénat des particuliers par un doublement de l'encouragement fiscal ou d'alléger la fiscalité des fondations.

Mais en fait, moins taxer la générosité, n'est-ce pas tout à fait normal, sinon de bon sens ?

Toutefois, de nombreuses contraintes fiscales sont maintenues, notamment concernant les droits de donation des particuliers ou encore l'imposition du revenu des fondations, presque unique en Europe, mais comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, ce texte est « un compromis entre l'idéal et le possible ».

Cependant, j'ai eu, à la lecture de votre projet de loi, un certain nombre de regrets, car il n'aborde pas le sujet sur le fond. Les mesures proposées sont essentiellement techniques et fiscales. D'ailleurs, le fait qu'il ait été piloté par la commission des finances est révélateur.

Vous avez, monsieur le ministre, parlé de révolution du statut du mécénat et de la place accordée aux fondations. Mais pour parler de révolution, il aurait fallu aller beaucoup plus loin. La question que je pose est : veut-on, oui ou non, faire de la société civile, par le biais du mécénat et des fondations, un partenaire à part entière ?

Si la réponse est positive, alors les réformes administratives et statutaires restent à réaliser, et l'Etat doit faire véritablement confiance à la société civile. Il faut lui en donner les moyens, ce que ne permet pas le nouveau texte.

Il aurait fallu engager un vrai débat sur le rôle de l'Etat, ce qui nous aurait amené à évoquer le principe de subsidiarité, sujet essentiel que nous avons abordé récemment lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République et dont nous reparlerons bientôt lorsque seront discutées les lois organiques. Il peut se résumer ainsi : autant d'initiative que possible, autant d'Etat que nécessaire, mais pas plus ! L'Etat doit inciter, fixer les règles, aider les personnes ou les groupes à agir. Il doit les encadrer et non pas se substituer à eux, en respectant la formule « Etat garant mais pas Etat gérant ».

Or, concernant les fondations, l'intervention de l'administration reste entière : leur création doit être approuvée par le ministère de l'intérieur, dont le pouvoir est discrétionnaire ; le conseil d'administration des fondations reconnues d'utilité publique doit être composé pour un tiers de fonctionnaires ; des statuts types sont imposés. Il est temps, pour libérer les générosités, que l'administration fasse confiance à ceux qui veulent aider, tout en conservant, bien sûr, un rôle de contrôle a posteriori, afin de vérifier la transparence des comptes et l'absence d'abus concernant les avantages fiscaux.

Ce texte constitue, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, « un premier socle, un premier cadre général ». C'est un premier pas que j'approuve. Je souhaite qu'il soit suivi d'autres mesures facilitant la création des fondations et permettant de libérer les bonnes volontés, en faisant confiance à la société civile. Ce sera alors donner un nouvel élan au mécénat et aux fondations pour en faire de véritables partenaires non pas concurrents mais complémentaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je vous rappelle que ce projet de loi a une portée générale. Si je vous le présente aujourd'hui, c'est parce que le décret d'attribution du ministère de la culture et de la communication me donne compétence en matière de développement du mécénat dans notre pays, selon une pratique désormais très ancienne. En effet, un certain nombre de mes prédécesseurs ont contribué de façon marquante au développement du mécénat. Je pense notamment à André Malraux, François Léotard et Jack Lang, qui ont favorisé les fondations d'entreprise.

Premièrement, il s'agit d'un texte de portée générale qui ne vise pas uniquement le domaine de la culture. S'il le concerne largement, il s'applique également à l'ensemble des secteurs qui, dans notre pays, relèvent de l'intérêt général : la santé, l'éducation, l'enseignement, le sport, la philanthropie, la recherche scientifique et médicale, etc.

Deuxièmement, ce texte n'épuise pas la totalité du sujet, comme je l'ai dit devant la commission. On doit imaginer qu'au cours des prochaines années des mesures spécifiques viendront enrichir le dispositif dans tel ou tel domaine qui relève de l'intérêt général. Je vous invite donc, les uns et les autres, à engager une démarche progressive.

Troisièmement, ce projet de loi vise à la simplification. Comme vous le savez, les dispositions fiscales relatives au mécénat sont peu utilisés car elles ne seront pas assez incitatives et sont complexes. Lorsque la loi aura été votée, il faudra encore réaliser un travail d'information à l'égard de nos concitoyens et des entreprises. Cette sensibilisation se fera d'autant plus facilement que les mesures adoptées par le Parlement seront simples. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je demeure réservé, comme je l'ai été à l'Assemblée nationale, sur un certain nombre de propositions, certes très intéressantes, et sur lesquelles nous reviendrons dans la discussion des articles, mais qui viendraient compliquer la pédagogie du mécénat.

Quatrièmement, j'insisterai sur la qualité du travail que le ministère de la culture et de la communication a accompli particulièrement avec le ministère du budget. Ce texte, en effet, relève d'un compromis entre ces ministères. Je suis naturellement sensible à la préoccupation du ministère du budget qui, dans un contexte budgétaire et fiscal complexe, ne veut pas aliéner une partie trop importante de la ressource de l'Etat. Néanmoins, votre ancien collègue Alain Lambert a saisi l'ampleur et l'intérêt de ce projet, qu'il a soutenu avec enthousiasme. Parce que j'ai été très attentif à la qualité de notre concertation sur l'ensemble des dispositions de ce texte, je resterai très réservé à l'égard d'amendements qui placeraient le ministère de la culture en porte-à-faux par rapport au ministère du budget.

J'évoquerai enfin l'inépuisable débat rhétorique qui oppose le mécénat au développement de l'action publique. M. Renar a évoqué Colbert, qui nous observe. Pour ma part, je ferai référence plutôt à Michel de l'Hospital, son voisin,...

M. Pierre Fauchon. Voilà une bien meilleure référence !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. ... qui a invité les catholiques et les protestants à cesser de s'entre-tuer. Cessons de nous lancer des invectives en nous traitant de privatiseurs, d'étatistes, de centralisateurs ou de décentralisateurs.

M. Ivan Renar. Il n'y avait pas d'invectives, monsieur le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre. Je l'avais bien compris. Nous sommes tous là pour servir l'intérêt général. Pour ma part, j'ai la conviction que le développement des fondations et celui du mécénat ne sont pas du tout contraires à une prise de conscience de plus en plus forte par l'Etat et les collectivités locales qui jouent un rôle essentiel dans le domaine du développement culturel et qui ne s'opposent pas.

Toutes les énergies doivent se mobiliser pour le développement d'un certain nombre de secteurs qui relèvent de l'intérêt général.

Prenons l'exemple des acquisitions d'oeuvres d'art, au titre du patrimoine public. Il y a d'abord les acquisitions faites par l'Etat et les collectivités locales. J'ai observé, à l'occasion de la vente de la collection d'André Breton, la parfaite coordination entre l'Etat et un certain nombre de collectivités locales - la ville de Nantes, la ville de Paris - en vue de l'acquisition des pièces essentielles de ce patrimoine. Ce fut un bon travail collectif.

La dation constitue également un formidable dispositif.

En outre, nous pouvons désormais nous appuyer sur les dispositions de la loi relative aux musées de France qui permettent aux entreprises de concourir à l'acquisition de trésors nationaux.

Ainsi, nous avons récemment pu présenter au musée du Louvre un ensemble d'oeuvres de Jean-Baptiste Oudry acquises grâce à la contribution décisive d'une entreprise, PGA Holding, qui s'est délibérément engagée en faveur de l'enrichissement du patrimoine public.

S'ajoutent enfin à ces dispositifs ceux que mettent en oeuvre les fonds régionaux d'art contemporain, les FRAC, et tout cela contribue à la constitution, dans notre pays, de collections publiques.

Vous le savez, plusieurs grands musées de notre pays n'existent que grâce à la générosité de particuliers.

Monsieur Renar, que serait le musée de Villeneuve-d'Ascq sans la générosité de la famille Masurel ? Jamais les collectivités publiques du Nord n'auraient eu les moyens d'acheter de tels chefs-d'oeuvre !

Que serait le musée de Troyes sans la générosité de la famille Lévy ? Que serait la section d'art du xxe siècle du musée de Lyon sans la générosité de Jacqueline Delubac ?

Les particuliers et les entreprises concourent donc, aux côtés de l'Etat et des collectivités locales, à l'enrichissement du patrimoine national, et ce qui vaut pour les collections d'art vaut également pour le patrimoine ainsi que pour le développement de la vie musicale et de la création théâtrale.

Il faut cesser de s'imaginer que l'Etat a le monopole de l'excellence. Je vous inviterai d'ailleurs à débattre dans quelques mois d'un projet de loi de programme sur le patrimoine tant l'état réel du patrimoine de la France, y compris quand il s'agit de propriété de l'Etat, est consternant.

A Provins, l'abside de l'église Saint-Ayoul est en ruine. A Marseille, la cathédrale de la Major est en ruine et ses parements se détachent. A Compiègne, le château royal est dans un état lamentable. Et, à deux pas d'ici, le Panthéon menace ruine et ne tient que grâce à ses étais !

L'Etat n'a donc pas toujours été parfait. Il peut mieux faire, il fera mieux avec le concours des collectivités locales, mais aussi des fondations, des particuliers et des entreprises. Les contributions de tous sont utiles au développement de la vie culturelle, de l'éducation, de la santé. Il faut se mobiliser tous sans contradiction ni conflits dans l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yann Gaillard, rapporteur. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance afin que la commission puisse examiner les amendements que le Gouvernement vient de déposer.

M. le président. Le Sénat va accéder à la demande de la commission.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion des articles.