COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'obseration ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale [Rapport n° 73 (2003-2004).]

Nous en sommes parvenus aux dispositions de la deuxième partie du projet de loi de finances.

DEUXIÈME PARTIE

MOYENS DES SERVICES

ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Vote sur l'ensemble de la première partie (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Outre-mer (début)

M. le président. Le Sénat va entamer l'examen des fascicules ministériels.

Outre-mer

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'outre-mer.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Outre-mer (interruption de la discussion)

M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons nous prononcer, au terme de ce débat, sur le projet de budget de l'outre-mer pour 2004. Il s'établit, en hausse de 3,4 % par rapport à l'année dernière, à environ 1,1 milliard d'euros.

Cette hausse, cependant, a fait l'objet de débats, tant à l'Assemblée nationale qu'ici même en commission des finances, et il est vrai que la construction du budget rend l'exercice de comparaison d'une année sur l'autre parfois hasardeux. Je suis persuadé que Mme la ministre pourra nous éclairer sur ce point.

Chaque année, lorsque je présente le projet de budget qui nous est soumis, j'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le texte que nous votons ne reflète pas la réalité des crédits que le ministre de l'outre-mer aura à gérer au cours de l'année à venir, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, les crédits de l'outre-mer sont généralement mal consommés et environ 20 % des crédits disponibles au titre d'une année sont reportés sur l'année suivante.

Ensuite, les différentes procédures de régulation budgétaire, qu'elles s'appellent « contrats de gestion » ou « gel républicain », limitent la capacité du ministère à dépenser toutes les sommes dont il dispose.

L'année prochaine, les données du problème seront cependant un peu différentes, d'abord, parce que la régulation budgétaire a plus particulièrement touché le ministère de l'outre-mer, ensuite, parce que le budget que nous examinons aujourd'hui a fait, comme je le montrerai tout à l'heure, l'objet d'une réflexion approfondie de la part de Mme la ministre qui a, et nous l'en remercions, tenu compte des remarques que nous avions été amenés à formuler par le passé.

Il est par ailleurs important de se rendre compte que l'effort de la nation en faveur des collectivités d'outre-mer ne concerne pas, tant s'en faut, les seuls crédits du ministère de l'outre-mer. Ainsi, la partie « défiscalisation » est inscrite au budget du ministère de l'économie, de même que la plupart des baisses de charges au ministère des affaires sociales.

Je vais maintenant présenter les sujets qui me paraissent les plus importants sur ce projet de budget.

Mes réflexions s'articuleront autour de trois points : l'environnement général en outre-mer, l'amélioration de la gestion budgétaire que ce budget met en oeuvre, et les dossiers les plus importants pour l'année 2004.

Le premier point concerne l'environnement général en outre-mer. Vous vous rappelez tous du vote, intervenu au mois de mai dernier, de la loi de programme pour l'outre-mer. Les difficultés spécifiques de ces collectivités avaient été ici longuement évoquées, ainsi que la nécessité pour la métropole d'assurer l'égalité économique et sociale ou, du moins, de fournir les meilleures conditions possible au développement économique et social.

J'avais eu l'occasion, lors de nos échanges, de souligner que, dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons actuellement, l'ampleur des moyens mis au service des collectivités d'outre-mer témoignait de l'engagement profond de la République. Les décrets d'application de cette loi seront pris, pour la plupart, avant la fin de l'année 2003 : l'année 2004 sera donc celle de la mise en oeuvre des dispositions ambitieuses de cette loi qui, nous l'espérons, donnera un nouveau souffle à l'outre-mer.

J'en viens à mon second point. Le budget que vous nous soumettez, madame la ministre, montre que les remarques que nous avons pu être amenés à présenter les années précédentes ne sont pas restées lettre morte. J'en veux pour preuve des demandes de crédits moindres sur des lignes budgétaires qui connaissaient traditionnellement des taux de consommation insuffisants. Je me félicite ainsi de voir que le ministère a réduit ses demandes sur les lignes budgétaires insuffisamment consommées. Je m'en étais fait l'écho les années précédentes, mais il était gênant, à la longue, de reconduire des enveloppes budgétaires qui étaient parfois à peine entamées...

Cette année, le ministère a enfin répondu à nos attentes et a réduit certaines lignes afin de les faire correspondre aux besoins de sa politique. A titre d'exemple, les subventions d'équipement, qui connaissaient le taux de consommation le plus faible, sont en baisse de 86 %.

Ainsi, la hausse de 3,4 % s'explique principalement par l'inscription d'une nouvelle dépense de 50 millions d'euros, destinée à financer une majoration de la couverture maladie universelle.

On peut donc penser que cette rigueur dans la gestion, que nous appelions de nos voeux, s'appliquera sans que les importantes politiques menées par le ministère - je pense notamment à l'aide à la pierre ou à l'aide à l'emploi - aient à en souffrir.

Sur ces crédits, deux points, madame la ministre, mériteraient cependant des éclaircissements de votre part.

Le premier concerne la baisse des crédits du fonds d'investissement dans les départements d'outre-mer, le FIDOM. Cette baisse ne risque-t-elle pas, à terme, d'être pénalisante pour les engagements de l'Etat, que ce soit envers les régions ou par rapport à l'Europe ? Je vous rappelle en effet que ce fonds sert à financer les contrats de plan Etats-régions, et qu'il serait dommage que la règle européenne du « dégagement d'office » s'applique, c'est-à-dire que les aides accordées par l'Union européenne soient supprimées faute pour l'Etat d'avoir pu remplir ses obligations. Il est important de souligner ce point. En toute hypothèse, il faudra être très attentif à l'évolution de ces engagements.

Le second éclaircissement concerne les crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM. Madame la ministre, vous avez fait le choix d'une fongibilité accrue des crédits, ce qui est vraisemblablement un gage d'efficacité. Je garde en mémoire vos engagements pris l'année dernière et lors de l'examen de la loi de programme quant à la réorientation de l'aide vers les emplois du secteur marchand. On ne peut, je le crois, que se féliciter de cette politique. Cependant, j'aimerais que cette discussion budgétaire soit pour vous l'occasion de nous présenter un peu plus en détail les grands axes de cette politique, afin de nous aider à voir plus clair dans cette ligne budgétaire du FEDOM.

Ma troisième série de remarques sera plus orientée vers l'avenir. L'année qui vient est, pour l'outre-mer, pleine de promesses et de défis.

Elle est pleine de promesses, madame la ministre, parce que nous avons le sentiment que vous avez su inscrire votre action dans un cadre renouvelé qui ne peut qu'être bénéfique. Comme je le disais à cette même tribune l'année dernière, je suis particulièrement sensible à la conception que vous avez de votre rôle et au fait que l'outre-mer ne s'inscrit plus désormais comme un pan de l'action gouvernementale qui fonctionnerait en circuit fermé. Au contraire, j'ai le sentiment, et plus encore après le vote de la loi de programme, que les spécificités de l'outre-mer sont désormais prises en compte par chacun de vos collègues, dans leur domaine de compétence respective. La cohérence de l'action de l'Etat ne peut qu'y gagner, et le ministère de l'outre-mer a vocation à veiller à cette cohérence, en jouant en quelque sorte le rôle de chef d'orchestre.

Cette année est également pleine de défis, puisque vous êtes confrontée à de multiples chantiers que vous abordez avec méthode.

Tout d'abord, il y a l'évolution institutionnelle. Le vote qui doit intervenir le 7 décembre, c'est-à-dire dans quelques jours, montre, je le crois, le grand pragmatisme qui vous anime ainsi que votre volonté de trouver les solutions les plus adaptées aux spécificités locales et les plus efficaces.

De même, un texte devrait être discuté au Sénat dans les prochains jours concernant la Polynésie française.

Il y a également les dossiers plus « polémiques », si vous me permettez cette expression.

Je veux bien sûr parler de l'ensemble des aides accordées par l'Etat à l'outre-mer, dont les surrémunérations. Je tiens à vous dire, Madame la ministre, ainsi qu'à mes collègues de l'outre-mer, que je n'aborde en aucun cas ce point dans un esprit partisan. Mon seul souci, qui est également partagé par la commission des finances, dont j'ai reçu mandat, est bien de répondre à la question suivante : quels sont les meilleurs moyens de parvenir à un développement harmonieux de l'outre-mer ?

Face à cette question, je crois qu'il est nécessaire d'analyser avec la plus grande attention et la plus grande objectivité les différents moyens mis en oeuvre, sans prendre, cela va sans dire, de décisions hâtives et qui ne feraient pas l'objet du plus large consensus possible. Mais il est également important de lancer le débat.

Je vous rappelle que, à la suite d'un débat d'une grande richesse qui a eu lieu dans cet hémicycle mardi, notre assemblée a adopté à l'article 12 quater le principe d'un rapport qui permettra d'analyser la pertinence de la fiscalité des entreprises outre-mer. Ce mode de réflexion, dans la sérénité, va selon moi dans le bon sens et devrait nous permettre l'an prochain, dans cet esprit non partisan que j'évoquais, d'appuyer votre action réformatrice, madame la ministre.

Il y a enfin des négociations avec la Commission européenne concernant l'avenir de l'octroi de mer, qui devraient prochainement aboutir.

Le Gouvernement doit en effet négocier le régime qui suivra celui qui a été institué en 1992. Il s'agit d'un débat de première importance compte tenu de l'incompréhension que suscite cet impôt auprès de certains de nos partenaires européens.

Nous savons tous ici à quel point l'octroi de mer est une protection indispensable pour les économies de l'outre-mer, et que sans lui les productions locales n'auraient aucune chance de concurrencer les produits importés. Vous pourriez peut-être à ce propos, madame la ministre, nous donner un état des lieux de la négociation, et les perspectives ainsi ouvertes.

Pour résumer, mes chers collègues, je ne peux que me féliciter des efforts faits par le ministère de l'outre-mer afin d'améliorer sa gestion budgétaire. Je constate par ailleurs que la politique de l'Etat outre-mer est en train de prendre une véritable dimension interministérielle, comme devrait le confirmer la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

Dans ces conditions, la commission des finances a décidé de vous proposer d'adopter les crédits du ministère de l'outre-mer inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis.

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, l'année 2003 a été marquée par deux avancées importantes pour l'outre-mer : la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et l'adoption d'une loi de programme en juillet dernier.

Procédant à une refonte du cadre juridique applicable à l'outre-mer fondée sur la distinction entre collectivités soumises au principe de l'assimilation législative et collectivités régies par le principe de spécialité législative, la révision constitutionnelle de mars 2003 devrait faciliter les évolutions institutionnelles afin de tenir davantage compte des aspirations des populations ultramarines. A cet égard, nous le savons, une consultation référendaire, qui a fait couler beaucoup d'encre, sera organisée la semaine prochaine auprès des populations antillaises.

La loi de programme pour l'outre-mer vise, quant à elle, principalement à relancer l'emploi et l'investissement privé, grâce à un renforcement des allégements de charges et à un élargissement du dispositif de défiscalisation. Il faut, à ce propos, insister sur les difficultés économiques persistantes que connaît l'outre-mer français. Les résultats publiés pour l'année 2002 témoignent d'un ralentissement conjoncturel quasi général, en raison d'un recul de l'investissement et de la consommation, et d'une crise du tourisme qui s'installe dans la durée, notamment dans les Antilles. Les taux de chômage sont partout très élevés, touchant au premier chef un public jeune sans qualification.

Dans ce contexte, la hausse de 3,3 % des crédits du ministère de l'outre-mer peut apparaître comme un signal positif, dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Comme à son habitude, ce projet de budget pour l'outre-mer, qui s'élève à 1,121 milliard d'euros, se caractérise par une proportion importante - 77 % - de dépenses ordinaires, correspondant, pour une large part, à des crédits à vocation sociale. Ainsi le logement, l'emploi et l'insertion sociale représentent-ils, pour 2004, près des trois quarts des dépenses de ce ministère. Il convient à ce propos de se féliciter de l'instauration d'une dotation visant à financer le relèvement du plafond d'éligibilité à la couverture maladie universelle complémentaire, mesure qui prend en compte le coût plus élevé des soins dans les DOM, mais notre collègue rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales en parlera plus longuement.

Cet effort financier a rendu, hélas ! nécessaire de soumettre à une certaine rigueur l'évolution des crédits destinés à l'emploi, laissant craindre des redéploiements au sein du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer pour financer les mesures nouvelles issues de la loi de programme, comme l'aide à l'embauche de nouveaux diplômés ou les allégements de charges supplémentaires.

La simple reconduction des crédits destinés au logement pourrait sembler réaliste, compte tenu des difficultés persistantes de réalisation des projets, liées notamment au problème du coût du foncier et à la nécessité de viabiliser au préalable les terrains. Les besoins en logements sociaux n'en demeurent pas moins considérables en raison de la croissance démographique : ils sont estimés à 15 000 logements par an, alors que seulement 8 090 ont été livrés en 2002.

Les crédits destinés à la formation professionnelle et ceux qui sont relatifs à l'action sociale connaissent, quant à eux, une légère diminution. A cet égard, madame la ministre, n'est-il pas dommage que l'enveloppe de 30 millions d'euros prévue par le projet de loi de programme en faveur de la continuité territoriale ait été inscrite sur le budget du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, et non sur celui de votre ministère, confortant ainsi une tendance à la dispersion des crédits destinés à l'outre-mer, ce qui n'augmente pas la lisibilité de l'intervention de l'Etat concernant ces territoires ? En effet, seuls 11 % de ces crédits sont inscrits à l'heure actuelle sur votre ministère, et je m'associe, à ce propos aux remarques qui ont été formulées par le rapporteur spécial, M. Roland du Luart.

Il serait à mon sens pertinent qu'un bilan passant en revue l'ensemble des dépenses consenties en faveur de l'outre-mer et évaluant au cas par cas leur efficacité soit réalisé. C'est d'ailleurs le sens du rapport qui vient d'être demandé par M. le rapporteur spécial. Une telle démarche permettrait non seulement d'avoir une vue globale de l'effort consenti, mais également de s'interroger - je le dis calmement - sur l'efficacité économique de certaines dépenses comme, par exemple, celles qui sont liées à la majoration des traitements des retraites de la fonction publique outre-mer, ou du remboursement réel d'une TVA virtuelle.

En outre, l'essentiel des crédits d'investissement, en particulier ceux affectés au fonds d'investissement des départements d'outre-mer et au fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer, le FIDES, diminuent, ce qui risque de ralentir la mise en oeuvre des contrats de plan Etat-région et surtout de faire perdre, pour cause de non-consommation et donc de dégagement d'office, les crédits européens qui leur sont liés. Mais sans doute pourrez-vous, madame la ministre, nous rassurer sur ce point.

Enfin, la commission des affaires économiques constate que ce projet de budget conforte le soutien financier apporté par l'Etat aux collectivités locales d'outre-mer, un effort particulier étant fait en faveur du rattrapage économique de Mayotte.

Pour conclure sur ce projet de budget, je vous indique que la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à son adoption, même si je suis à titre personnel plus réservé à son égard, car il ne me semble pas dégager les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs que vous aviez défendus, madame la ministre, lors du vote de la loi de programme pour l'outre-mer. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour les aspects sociaux. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après le budget de transition que constituait le projet de loi de finances pour 2003 et la loi de programme du 21 juillet dernier, le projet de loi de finances pour 2004 apparaît comme l'acte I d'une politique budgétaire destinée à inscrire l'outre-mer dans une croissance durable. La commission des affaires sociales a ainsi relevé que, dans un contexte budgétaire pourtant difficile, il arrivait au quatrième rang de progression des budgets de l'Etat avec une hausse de 3,4 %.

Sur une enveloppe globale de 1,1 milliard d'euros, vous proposez, madame le ministre, d'affecter 35 millions d'euros au financement de la loi de programme, qui s'ajoutent aux crédits apportés par les autres ministères. Ce faisant, vous établissez une réelle continuité entre ces deux lois et donnez à votre action en faveur de l'outre-mer une véritable cohérence. Dix-huit mois après votre arrivée au ministère, vous avez déjà consacré à ces collectivités une loi de programme et deux budgets en augmentation. Je ne puis que vous transmettre l'expression de la satisfaction de notre commission.

Les collectivités d'outre-mer n'en attendaient pas moins, elles que la récente crise de l'industrie touristique avait profondément affectées. En 2003, elles ont retrouvé de vraies raisons de croire en l'avenir économique. Le taux de chômage y a en effet baissé de plus de 8 %, quand il augmentait de plus de 5 % en métropole. Véritable laboratoire d'idées, l'outre-mer a donné une maturité nouvelle à des dispositifs souvent performants comme le service militaire adapté, ou SMA, le passeport mobilité ou encore le contrat d'accès à l'emploi, qui a servi d'exemple au revenu minimum d'activité. Dans l'attente des décrets d'application de la loi de programme, c'est dans ce climat d'optimisme retrouvé que s'inscrit le projet de loi de finances pour 2004.

Cette année encore, le volet social domine largement ce budget puisque le logement, l'emploi et la santé concentrent plus des deux tiers des crédits. La commission des affaires sociales en a ainsi retenu les trois points qu'elle a jugés les plus positifs.

Avec 44 % des dotations budgétaires, l'objectif assigné au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer est la pousuite du développement des emplois marchands. Il reste que, dans un objectif de transparence, nous souhaiterions, madame le ministre, vous interroger de nouveau sur le montant des dotations consacrées à ces emplois.

Deux bémols doivent toutefois être apportés à ce satisfecit.

D'une part, nous déplorons que l'insertion professionnelle des jeunes ne fasse pas l'objet d'un effort budgétaire plus important : les crédits consacrés au service militaire adapté ne seront pas revalorisés et ceux qui sont alloués au passeport mobilité, mesure phare de la loi de finances pour 2003, seront amputés de 37 %.

D'autre part, comme la commission des finances de l'Assemblée nationale, nous craignons que le relèvement annoncé de la redevance de circulation aérienne ne soit répercuté sur le prix des billets d'avion, ce qui affecterait la mobilité des habitants des DOM et porterait atteinte au principe de continuité territoriale, pourtant solennellement affirmé par la loi de programme.

Le second point positif du projet de loi de finances pour 2004 réside dans le maintien du rythme des programmations de logements, grâce à la reconduction de la dotation de 173 millions d'euros. Nous recommandons la poursuite de l'effort ainsi engagé en mettant l'accent sur trois aspects particuliers de la politique du logement outre-mer : d'abord, le relèvement de la subvention accordée au logement évolutif social, qui constitue l'un des produits les mieux adaptés à l'outre-mer pour l'accession à la propriété ; ensuite, la revalorisation des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain, les FRAFU, en particulier à la Réunion, dont la population dépassera vraisemblablement le million d'habitants dès 2025 ; enfin, le développement des logements d'urgence pour l'accueil des personnes en grande difficulté.

Le troisième point positif concerne le volet sanitaire du projet de loi. L'insertion sociale passant aussi par la santé, vous proposez des mesures nouvelles fortes en matière d'assurance maladie complémentaire. Afin de rétablir l'équité entre la métropole et les DOM où le coût des soins est plus élevé, et pour accorder aux plus démunis une meilleure offre de soins, il a été décidé, en septembre 2003, de majorer le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire dans les DOM. Cette mesure se traduira, sur le plan budgétaire, par l'inscription d'une dotation non négligeable de 15 millions d'euros.

En guise de conclusion, la commission des affaires sociales a souhaité exprimer un regret et une satisfaction. Son regret porte sur les incertitudes qui pèsent sur l'exécution du budget 2003, en raison de l'annulation, cette année, de plus de 92 millions d'euros de crédits, dont 7 % affectent les crédits consacrés à l'emploi et 20 % les crédits affectés au logement. La commission espère qu'elles ne pénaliseront par les engagements du Gouvernement compte tenu des attentes sociales fortes des collectivités d'outre-mer. En revanche, elle exprime toute sa satisfaction à l'égard de l'amélioration du taux de consommation des crédits disponibles.

Madame le ministre, vous avez eu à coeur de nous démontrer votre attachement à l'outre-mer. La commission en est convaincue au regard du budget volontariste que vous présentez cette année. En marge de celui-ci, le Gouvernement a cependant d'ores et déjà déposé deux amendements tendant à relever plus encore la taxation aérienne. La commission souhaiterait attirer votre attention sur les répercussions qu'un tel relèvement pourrait avoir non seulement sur le principe de continuité territoriale, mais aussi sur la confiance que les collectivités d'outre-mer vous ont accordée. Nous ne doutons pas que la combativité dont vous avez déjà fait preuve pour débloquer des crédits vous conduira, cette fois encore, à éviter à la métropole de s'éloigner des préoccupations de ces collectivités.

Parce que votre projet de budget pour 2004 témoigne de votre souci « de ne pas faire d'économies sur le social » et de veiller à une utilisation optimale des dotations, la commission des affaires sociales a tenu, cette année encore, à vous accorder sa confiance, en proposant à notre assemblée d'adopter les crédits de l'outre-mer pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. José Balarello, rapporteur pour avis.

M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour les départements et régions d'outre-mer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, consultée pour avis, la commission des lois a approuvé le projet de budget des départements d'outre-mer pour 2004 qui se rapporte aux crédits des départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion. Précisons que, depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, les crédits de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon sont traités dans le cadre des collectivités d'outre-mer et non plus des départements. C'est notre collègue Jean-Jacques Hyest qui les rapportera.

Le rapport qui vous est soumis concernant les départements et régions d'outre-mer comporte quatre grands chapitres : l'évaluation des crédits, les premiers effets concrets de la réforme statutaire opérée par la loi du 28 mars 2003, les améliorations apportées à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat, enfin, le renforcement des liens des départements et régions d'outre-mer avec leur environnement régional et communautaire.

Le volume des crédits a été examiné en détail par notre collègue Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances. Nous dirons simplement que la part de ces crédits examinés par la commission des lois concerne ceux de l'outre-mer auxquels s'ajoutent ceux des ministères de l'intérieur et de la justice qui, affectés aux départements d'outre-mer, représentent respectivement 1,52 milliard d'euros et 144,07 millions d'euros.

La commission des lois a constaté en outre, madame le ministre - vous vous en êtes expliquée lors de votre audition - qu'une partie des crédits, s'élevant à 126,04 millions d'euros, n'a pas été répartie entre les quatre départements d'une part, mais également entre Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon d'autre part.

Mais notre commission, mes chers collègues, se doit surtout de vous faire rapport sur les effets de la réforme statutaire des DOM à la suite de la révision constitutionnelle opérée par la loi du 28 mars 2003, en particulier par la nouvelle rédaction de l'article 73 de la Constitution qui prévoit la possibilité de substituer à un département ou à une région une collectivité unique avec une assemblée délibérante unique et ce, après consultation des populations concernées.

Dans les DOM, seule la Réunion a demandé le maintien du statu quo, refusant même la création de deux départements. En revanche, à la Guadeloupe et à la Martinique, les élus de la région et du département réunis en congrès sont arrivés à un accord.

A la Guadeloupe, les élus ont adopté la collectivité unique avec le maintien d'une assemblée de 70 membres à parité homme-femme, élue dans une circonscription unique au scrutin proportionnel avec prime majoritaire, et dotée d'un exécutif et de deux organes consultatifs.

A la Martinique, le congrès a opté également pour la collectivité unique avec une assemblée de 75 membres à parité homme-femme, élue à la proportionnelle avec prime majoritaire, et dotée d'un exécutif et de trois organes consultatifs.

En Guyane, en revanche, le congrès a adopté la création d'une nouvelle collectivité territoriale mais, en l'absence d'un certain nombre d'élus, la région et le conseil général n'ont pu se mettre d'accord. Aussi, le 10 novembre 2003, une délégation des élus de Guyane vous a remis, madame le ministre, une nouvelle version du projet d'évolution statutaire. Nous souhaiterions que vous nous donniez de plus amples informations au sujet de ce mémorandum.

L'on ne peut que regretter cette discordance de vues alors que la Guyane se trouve confrontée à des problèmes économiques sérieux liés en grande partie à une immigration clandestine massive venant du Surinam et du Brésil contre laquelle le Gouvernement utilise des moyens renforcés.

Quant à Saint-Barthélemy en particulier et à Saint-Martin, nous savons, pour avoir rencontré les maires, que ces territoires veulent depuis longtemps être détachés de la Guadeloupe et créer deux collectivités d'outre-mer de la République ayant certaines compétences législatives, notamment en matières fiscale et douanière, dotées d'exécutifs, d'assemblées délibérantes élues pour cinq ans et d'organes consultatifs.

C'est sur ces bases que le Président de la République a pris, le 29 octobre 2003, quatre décrets décidant de consulter les électeurs de la Guadeloupe, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sur les projets d'évolution statutaire, la Guyane restant pour le moment à l'écart. Le Parlement sera ensuite saisi par le Gouvernement dans le cadre d'une loi organique si le vote est favorable. Dans le cas contraire, le statut actuel départemental et régional serait maintenu, hypothèse qui n'est pas à exclure.

Les deux derniers chapitres de mon rapport traitent des missions régaliennes de l'Etat, notamment de la lutte contre l'immigration, de la délinquance toujours préoccupante, de l'action des GIR, les groupements d'intervention régionaux, qui réalisent un travail remarquable, particulièrement en Guyane contre les orpailleurs. Vous y trouverez également les tableaux contenant les statistiques permettant de suivre les résultats de la lutte contre l'immigration clandestine, avec les reconduites à la frontière, l'évolution des effectifs de police, qui sont en hausse, ainsi que les problèmes de délinquance et de criminalité. Celles-ci sont en baisse à la Martinique, mais en hausse dans les autres DOM, en Guyane particulièrement.

Nous attirons à nouveau l'attention du Gouvernement sur la surpopulation carcérale à Saint-Denis de la Réunion, où le taux d'occupation est de 181 %. Il est impératif que les travaux du nouvel établissement pénitentiaire, projetés depuis de nombreuses années, commencent. La commission des lois connaît le problème, plusieurs de ses membres, dont votre rapporteur, s'étant rendus sur place. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer la date approximative du début des travaux ?

La dernière partie du rapport de la commission des lois traite du renforcement des liens des départements d'outre-mer avec leur environnement régional et avec l'Union européenne.

Avec l'environnement régional, il s'agit principalement d'accords de coopération régionale liés à la sécurité et à la lutte contre l'immigration irrégulière, essentiellement entre la Guyane, le Surinam et le Brésil.

Le renforcement des liens avec l'Europe en faveur des régions ultra-périphériques a donné lieu, le 2 juin 2003, au dépôt d'un mémorandum de la part de la France, de l'Espagne et du Portugal auprès de Bruxelles dans le cadre de l'article 299, paragraphe 2, du traité de la Communauté européenne, mémorandum reprenant en grande partie les travaux de notre collègue Jean-Paul Virapoullé, afin de renforcer la prise en compte de ces régions, notamment des départements d'outre-mer français au moment de l'élargissement de l'Europe.

Cela étant, un problème récurrent, cependant en voie d'amélioration, existe. Il est lié à la sous-consommation des fonds stucturels : à mi-parcours, seulement 15 % des dotations ont été consommées, alors que 39,6 % ont été programmées.

Je regrette que les commissions de suivi, dont le Sénat a décidé la création et qui figurent à l'article L. 4433-4-10 du code général des collectivités territoriales, n'aient pas été mises en place. Aussi, je vous demande, madame le ministre, d'y procéder, car elles feront apparaître les causes exactes de la non-consommation : insuffisance de fonds propres - bien souvent, c'est le cas -, absence de projets et inadaptation des règles européennes à l'outre-mer.

Ce dernier point est intéressant, tant il est vrai qu'on ne peut continuer à ne pas consommer les crédits européens.

Cela dit, monsieur le président, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2004 des départements et régions d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget de l'outre-mer doit tenir compte de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a introduit une nouvelle classification juridique des collectivités situées outre-mer : celles qui relèvent de l'article 74 deviennent des « collectivités d'outre-mer » et comportent la Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.

Cette nouvelle classification permet de réunir dans un même cadre institutionnel les collectivités régies par le principe de spécialité législative. Elles ont deux caractéristiques communes : d'une part, elles peuvent exercer des compétences propres dévolues par une loi statutaire dans les domaines qui, en métropole, relèvent de la loi ; d'autre part, elles se trouvent dans une situation identique à l'égard de l'Union européenne, rattachées en tant que pays et territoire d'outre-mer par un lien d'association. Je rappelle que cette décision dépend aussi de ce que nous avons inscrit dans les accords européens. On pourrait éventuellement la modifier si la France et ses partenaires le souhaitaient.

La Nouvelle-Calédonie, régie par le titre VIII de la Constitution, et les Terres australes et antarctiques françaises, dernier territoire d'outre-mer, en vertu de la loi du 6 août 1955, conservent leur spécificité.

Il faut aussi rappeler que la révision constitutionnelle a instauré une habilitation permanente du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires à l'actualisation du droit d'outre-mer. Madame la ministre, n'hésitez pas à en user et à en abuser.

Après ce rappel institutionnel, et après les excellentes interventions du rapporteur spécial, M. Roland du Luart, et des rapporteurs pour avis, je me contenterai d'insister sur la priorité confirmée pour le développement des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie.

Si les moyens consacrés à ces collectivités dans le budget de l'outre-mer ne représentent qu'une fraction faible de l'effort global consenti par l'Etat en faveur de ces collectivités - 10,7 % et 1,3 % pour la justice -, ceux-ci augmentent de 6,29 % et marquent les priorités, comme pour l'outre-mer dans son ensemble, en lien avec la fondamentale loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, qui est mise en oeuvre comme cela avait été prévu : développement de l'emploi dans le secteur privé, maintien de la politique d'aide au logement social, soutien accru aux collectivités locales.

Il conviendrait de décliner pour chaque collectivité les évolutions à la fois institutionnelles, économiques et sociales, et, comme le fait chaque année la commission des lois, l'évolution de la délinquance et la situation des juridictions. Sur ce dernier point, je vous renvoie à mon rapport écrit, en notant particulièrement la situation de surpopulation de l'établissement pénitentiaire de Nouméa : 172 %. Il faudra trouver une solution et engager sans doute la construction d'un nouvel établissement, puisque la rénovation ne paraît pas recueillir l'assentiment général. Le site est tellement beau que l'on pourrait, peut-être lui donner une autre destination. Cela permettrait peut-être d'assurer un financement sans engager trop de crédits d'Etat pour la valorisation du site.

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, qu'une délégation de la commission des lois a visitée au mois de septembre, on peut noter un consensus politique autour des institutions issues de l'accord de Nouméa. La meilleure preuve en est l'adoption de vingt-neuf lois du pays, dont aucune n'a été censurée par le Conseil constitutionnel. Un recours a même été rejeté ! Le fonctionnement collégial du Gouvernement présente néanmoins un risque d'instabilité compte tenu du fait que la seule démission d'un ministre fait tomber le Gouvernement.

Mais, au-delà du cadre institutionnel, le dialogue régulier entre les représentants du Rassemblement et les indépendantistes permet de surmonter les désaccords qui peuvent s'exprimer dans le cadre des organes représentatifs. Je ne reviendrai pas sur la question du corps électoral, qui a fait l'objet d'une déclaration explicite du Président de la République en juillet dernier.

Mais l'enjeu essentiel demeure le rééquilibrage économique entre les provinces, et l'accompagnement financier, en temps réel, du transfert des compétences. Le retard pris pour le versement de la dotation globale de compensation devrait être rattrapé en 2004 ; je me permets d'insister à cet égard.

Pour la Polynésie française, dans la mesure où nous serons prochainement saisis d'un texte statutaire renforçant l'autonomie de cette collectivité, je ne m'étendrai pas sur ce point, tout en notant la pérennisation des contreparties financières à l'arrêt des essais nucléaires, les transferts de l'Etat jouant un rôle essentiel pour soutenir l'économie du territoire dans un contexte mondial de baisse du tourisme. Cela n'est pas propre à la Polynésie, puisque certains grands établissements de tourisme de métropole connaissent également cette crise - je suis très bien placé pour le savoir.

En revanche, le secteur de la pêche est en pleine expansion ; le fonds de reconversion économique de la Polynésie française, grâce à la dotation globale de développement économique, notamment, devrait lui permettre de réaliser des investissements générateurs de développement économique.

En ce qui concerne Wallis-et-Futuna, on constate un large accord sur le statu quo institutionnel et l'influence déterminante du pouvoir coutumier, qui sera développée dans le rapport de la commission des lois du Sénat prochainement publié.

Les engagements de l'Etat dans le cadre du contrat de développement 2000-2004 et de l'avenant à la convention de développement signé le 23 juillet dernier devraient contribuer à réaliser les objectifs de la stratégie de développement durable de ce territoire. Toutefois, la faiblesse de ses ressources, et particulièrement l'inadaptation des règles de calcul de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, pénalisent particulièrement cette collectivité, risquant de ne pas lui permettre d'employer les crédits affectés à son développement. Cette réflexion pourrait aussi s'appliquer à d'autres collectivités d'outre-mer, notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pour Mayotte, on doit relever un rapprochement plus marqué vers le droit commun de la République, tant dans l'application de la loi de 11 juillet 2001 que dans la publication d'ordonnances dans le cadre de la récente loi de programme du 21 juillet 2003, qui a, en outre, modifié profondément le statut personnel. Nous aurons, le moment venu, à dresser un bilan de ces réformes.

La question la plus cruciale pour Mayotte est l'immigration clandestine, qui a aussi pour effet l'augmentation de la délinquance de voie publique. Il faut souhaiter que le nouveau plan Lagon, avec des moyens plus modernes de détection, ait une efficacité accrue.

Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, les principales mesures budgétaires concernent le logement et le financement de la desserte maritime au titre de la continuité territoriale. Cette collectivité demeure confrontée à une reconversion économique délicate, dont je développe les éléments dans mon rapport écrit.

Enfin, s'agissant des Terres australes et antarctiques françaises, Mme la ministre en a souligné, à juste titre, l'intérêt non seulement scientifique, mais aussi stratégique et économique. L'importance des ressources halieutiques justifie la lutte contre la pêche illicite, qui a connu quelques résultats positifs, en vue de la préservation de cette zone et du développement d'un armement français dans la zone économique de Kerguelen et de Crozet. Les nouveaux moyens satellites et le nouveau navire d'Etat, qui a d'ailleurs été saisi et qui deviendra un navire d'Etat à la suite des procédures judiciaires, permettront de rendre plus efficace cette action.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux collectivités d'outre-mer à statut particulier et à la Nouvelle-Calédonie dans le projet du budget du ministère de l'outre-mer pour 2004. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 49 minutes ;

Groupe socialiste, 27 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;

Groupe communiste republicain et citoyen, 15 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Rodolphe Désiré.

M. Rodolphe Désiré. Madame la ministre, votre projet de budget eût-il augmenté de 10 % cette année, cela n'aurait pas suffi à atténuer les graves difficultés que connaissent aujourd'hui les Antilles. Mais 3,5 % d'augmentation me semblent acceptables, compte tenu des problèmes budgétaires que connaît la France. En réalité, j'ai toujours répété - ici même - que le problème était non pas celui de la quantité, mais celui de la qualité des aides.

Il serait peut-être pertinent de se demander pourquoi les Antilles connaissent aujourd'hui de telles difficultés, après les contrats de plan en 1984, la loi Pons et la loi de programme en 1986, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et l'insularité des départements d'outre-mer, le POSEIDOM, en 1989, l'égalité sociale en 1995, la loi d'orientation de décembre 2000 et, plus récemment, la loi de programme du 21 juillet dernier, même si celle-ci n'est pas encore mise en oeuvre.

Pourquoi, après vingt ans d'efforts, le tourisme se remet-il à peine de sa dernière crise ? Pourquoi l'agriculture est-elle encore affaiblie par les difficultés du secteur bananier ? Pourquoi le BTP est-il en souffrance de commandes publiques ? C'est plus globalement le « mal-développement » qui caractérise l'économie locale, avec un taux de chômage de 24 %, un PIB s'élevant à 57 % du PIB moyen métropolitain et un taux de couverture des exportations par les importations ne dépassant pas 15 %.

Mais, madame la ministre, il faut reconnaître que, depuis votre arrivée au ministère de l'outre-mer, vous avez tenté de prendre le problème à bras-le-corps sur le plan tant économique qu'institutionnel, avec, en moins de deux ans, une loi de programme et une réforme institutionnelle aboutissant à la consultation du 7 décembre aux Antilles. Bien que trop précipité, cela me semble aller dans le bon sens.

Cependant, on peut se demander si le fossé n'est pas déjà trop profond entre l'idée que se fait des DOM la métropole, et en particulier le Parlement, et les attentes des populations concernées.

En effet, il est inquiétant de voir des opérations « commando », à la recherche des « niches fiscales », menées de nuit à l'Assemblée nationale contre la TVA « non perçue récupérable » et l'abattement de 30 % de l'impôt sur le revenu. Cela témoigne d'une certaine incompréhension, voire d'une certaine défiance à l'égard de l'outre-mer. Le vieux cartiérisme n'est pas mort.

Fort heureusement, le Gouvernement a pu momentanément parer l'attaque avec l'aide du Sénat. Il a été décidé de surseoir à ces mesures, et un rapport sur la fiscalité des entreprises sera présenté par le Gouvernement au Parlement avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2005. Peut-être en profitera-t-on pour nous expliquer pourquoi la TVA est au taux zéro en Guyane. A ce propos, je crois, comme mon collègue M. Vergès, que ce rapport sera insuffisant et que, le moment venu, il faudra tout mettre sur la table, c'est-à-dire analyser les véritables mécanismes de la formation des prix dans les DOM, afin de pouvoir leur appliquer les remèdes adéquats.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Tout à fait d'accord : c'est la transparence !

M. Rodolphe Désiré. Nous sommes donc, à l'évidence, dans une situation où il faut approndir la problématique des DOM. Faut-il continuer le cycle infernal de la transfusion financière permanente par les surrémunérations, les aides au fonctionnement et à la consommation des ménagères, qui constituent l'essentiel du PIB ? Ou bien faut-il s'orienter vers un système susceptible de déclencher un véritable rattrapage économique, l'accumulation du capital sur place et un meilleur équilibre entre les économies des Antilles et l'économie nationale ?

Je crois, madame la ministre, que les représentants des DOM et le Gouvernement gagneraient à examiner les dispositifs mis en place par l'Espagne et le Portugal pour aider au rattrapage économique de leurs régions ultra-périphériques : les Canaries, Madère et les Açores. Il s'agit, par des actions fortes, tant en matière de transport de personnes et de marchandises, que pour les télécommunications, le financement des entreprises ou la fiscalité incitative locale, d'un véritable système de continuité territoriale bien compris.

Madame la ministre, vous avez été la première à mettre en place ce dispositif - de manière très partielle, il est vrai - pour le transport aérien. C'est ce concept qu'il faut modifier pour trouver des solutions durables si l'on veut développer véritablement les économies des DOM.

Enfin, je veux profiter des quelques minutes qui me restent pour vous poser rapidement deux questions.

Tout d'abord, à l'occasion de la renégociation à mi-parcours du document unique de programmation 2000-2006, qu'en est-il de l'accession des communes aux fonds structurels européens pour la construction et la rénovation des écoles primaires ? J'avais déjà attiré votre attention sur cette nécessité l'année dernière.

Ensuite, quelle est la position du Gouvernement sur l'immersion progressive de la société antillaise dans la problématique de la drogue ? Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter les statistiques fournies par l'administration : la Martinique devient progressivement une plaque tournante du trafic de stupéfiants. Mais, paradoxalement, les effectifs de l'administration des douanes et de la police des frontières stagnent ou augmentent très peu.

Il n'est pas normal que, dans une zone frontalière, avec des pays non contrôlés, dans une zone fragile et perméable comme le sud de la Martinique, la brigade de surveillance nautique du Marin ne comporte que sept agents, alors qu'il en faudrait quinze, et qu'ils soient en outre amenés à assumer le rôle de la police des frontières. Comme vous le savez, madame la ministre, ce sous-effectif est en grande partie à l'origine de la grève des douaniers qui a commencé le 7 novembre dernier et qui se poursuit encore, avec mêmes des heurts entre douaniers et gendarmes mobiles.

Enfin, comment admettre que le port du Marin, porte d'entrée et de sortie de la Martinique vers le sud, ne bénéficie pas d'un poste de police des frontières alors que plus de 30 000 personnes y transitent chaque année ? Cela aurait-il échappé à la vigilance de M. Sarkozy ?

J'ai, à maintes reprises, demandé la signature de traités de coopération régionale avec les pays de l'Organisation des Etats de la Caraïbe de l'Est, l'OECS - Sainte-Lucie, Dominique, Saint-Vincent -, contre l'insécurité, le trafic des stupéfiants et pour la coopération économique.

Madame la ministre, je ne crois pas que vous auriez pu faire mieux, dans les circonstances actuelles, en ce qui concerne votre budget. C'est pourquoi j'émettrai un avis favorable.

Mais je voudrais souligner, au terme de mon intervention, que, s'il appartient au Gouvernement de créer les conditions favorables du développement, il nous incombe, à nous Martiniquais, à nous Antillais, de nous engager dans un véritable projet d'avenir, modélisé et clair quant à son contenu.

Dans sa Théorie de la justice, John Rawls disait : « Les politiciens se préoccupent de la prochaine élection. L'homme d'Etat s'intéresse à la prochaine génération. » Il est peut-être urgent de sortir des sentiers « politiciens » battus. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Madame la ministre, voilà un an, vous nous annonciez l'ère des « budgets vérité. »

Votre intention était fort louable !

Cependant, vous vous en souvenez certainement, notre groupe vous avait alors fait part de son scepticisme quant à la possibilité de tenir un tel engagement. Nous souhaitions évidemment avoir tort.

Pour avoir évoqué ces questions avec M. Claude Lise, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui en raison d'un petit accident qui l'empêche de voyager, je vais vous rappeler quelques faits.

En cours d'année, vous avez annulé plus de 90 millions d'euros de crédits, dont 35 millions d'euros destinés au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer.

Aujourd'hui, non seulement le projet de budget que vous nous soumettez diminue à périmètre constant, c'est-à-dire hors CMU, ou couverture maladie universelle, mais encore il a perdu en lisibilité, comme l'a souligné tout à l'heure M. du Luart, au titre de la commission des finances, et par moi-même, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Le projet de budget pour 2004 affiche des crédits de paiement en augmentation de 3,3 %, mais cache, en réalité, une baisse sensible à périmètre constant.

Ces crédits de paiement n'augmentent, en effet, que de 36 millions d'euros, alors qu'ils devront financer, d'une part, des exonérations de charges sociales pour un montant de 55 millions d'euros qui, normalement, auraient dû être inscrites au budget du ministère des affaires sociales et, d'autre part, la majoration du plafond de la CMU complémentaire, pour un montant de 50 millions d'euros, mesure que nous saluons mais qui aurait dû, elle aussi, être inscrite au budget des affaires sociales. On se prend à rêver à un rapatriement de l'ensemble des fonds concernant l'outre-mer, ce qui augmenterait la lisibilité de l'intervention de l'Etat dans ces territoires.

Vous affirmez, par ailleurs, que les deux priorités du budget de l'outre-mer demeurent l'emploi et le logement, ce à quoi nous ne pouvons qu'adhérer.

Ce sont des domaines où, effectivement, les besoins sont importants et méritent des politiques fortes.

En ce qui concerne l'emploi, première priorité dans les DOM, on ne peut que s'étonner du faible niveau des crédits du FEDOM : ils n'augmentent que de 114 000 euros ! Or 55 millions d'euros seront consacrés à des exonérations de charges sociales prévues par la loi de programme.

Cela signifie donc que les sommes destinées à l'aide à l'emploi dans le secteur marchand sont en nette diminution.

Certes, le chômage a baissé de quelques points dans les départements d'outre-mer ces dernières années, grâce notamment aux dispositions de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Il ne faut cependant pas oublier que le phénomène demeure deux à trois fois plus important que dans l'Hexagone. Quant au nombre des RMIstes, il représente 18 % de la population active, contre 3 % dans l'Hexagone.

Il est en outre important de souligner que 80 % des moins de vingt-cinq ans sont au chômage depuis plus d'un an dans les DOM, contre 19 % en métropole.

C'est justement ce public qui a été la cible de toute une série de mesures prises en faveur de l'emploi, tels le dispositif des emplois-jeunes, les projets initiatives-jeunes ou encore le congé-solidarité.

Il faut absolument continuer à soutenir ces emplois aidés à un niveau important, en espérant un décollage du développement économique.

On ne peut, dans des économies aussi fragiles que celles des DOM, privilégier uniquement le développement de l'emploi marchand.

Par ailleurs, le chapitre consacré à ces mesures manque de lisibilité. Cela est dû au fait que vous avez engagé une réforme sur laquelle nous n'avons guère de précisions.

Cette réforme permettra-t-elle une meilleure prise en compte des besoins locaux ?

Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que les élus locaux pourront véritablement orienter ces crédits vers les secteurs où les besoins sont les plus importants, grâce à la fongibilité ?

En ce qui concerne maintenant le logement, l'autre domaine prioritaire de votre budget, nos préoccupations sont aussi fortes.

Les crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU, sont juste reconduits pour 2004, au prétexte qu'ils ont été sous-consommés les années précédentes. Or cette sous-consommation, vous le savez, est en grande partie due aux procédures de programmation et de mobilisation de cette ligne budgétaire unique.

Pour la Martinique, il convient tout de même d'indiquer que la consommation s'est nettement améliorée ces dernières années.

C'est ainsi que, en 2002, on a noté une consommation de 98 % de l'enveloppe LBU, en termes d'engagement de dépenses. Cette tendance sera probablement confirmée puisque, au 31 octobre 2003, sur un disponible d'un peu plus de 31 millions d'euros, plus de 26 millions d'euros étaient déjà engagés, soit près de 85 %.

Mais je ne saurais passer sous silence la forte diminution du montant de la LBU alloué à la Martinique en 2003, qui ne dispose, à la fin du mois d'octobre 2003 - après régulation -, que de 27,8 millions d'euros !

C'est dire que le maintien à l'identique de l'enveloppe de crédits équivaut, en fait, à une diminution du nombre de logements financés ; cela ne fera qu'aggraver une situation déjà bien préoccupante.

Il est un autre domaine auquel vous attachez une importance particulière, celui de la continuité territoriale.

Vous avez en effet, par vos déclarations, madame la ministre, suscité depuis deux ans une forte attente des populations d'outre-mer dans ce domaine.

Pourtant, les crédits attribués au passeport mobilité baissent de 37 % dans le projet de loi de finances pour 2004. Cela est dû à un certain nombre de raisons que je connais, en particulier au nombre d'étudiants qui ne sont pas venus en métropole.

A cette occasion, permettez-moi de formuler deux interrogations.

D'une part, pourquoi attendez-vous que ce financement soit assuré uniquement par les ressortissants de ces départements d'outre-mer, par le biais d'une taxe sur les titres de transport, alors que, pour la Corse, ce financement incombe à l'Etat, donc à la solidarité nationale ?

D'autre part, pourquoi le montant de la dotation par habitant est-il beaucoup plus faible dans les DOM qu'en Corse ?

Une autre faiblesse de votre budget réside manifestement dans la forte réduction que connaissent les crédits d'investissement.

C'est ainsi que les autorisations de programme diminuent pour la deuxième année consécutive. C'est le cas, notamment, des crédits du fonds d'investissement des départements d'outre-mer. Ceux-ci diminuent d'ailleurs de 50 % en crédits de paiement.

Ce fonds est pourtant, rappelons-le, principalement destiné à compléter le financement de l'Etat pour des opérations importantes concernant notamment les établissements scolaires, le fonds régional d'aménagement foncier et urbain, ou le domaine économique.

Cette diminution des crédits d'investissement risque également de susciter des difficultés pour mobiliser effectivement les fonds structurels européens prévus dans le document unique de programmation, le DOCUP, pour la période 2000-2006, ce qui a été très justement souligné par le rapporteur spécial, notre collègue M. Roland du Luart, et par votre serviteur, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Je veux maintenant, madame la ministre, profiter de ce débat pour vous faire part de ma vive inquiétude sur un certain nombre de questions.

Tout d'abord, je veux rappeler, à mon tour, la situation de crise profonde que connaît la filière de la banane aux Antilles.

Les élus et les professionnels de la Martinique et de la Guadeloupe ont pris leurs responsabilités en créant récemment le front de défense et de promotion de la banane antillaise pour donner toutes ses chances à cette filière qui tient une place essentielle dans l'économie locale.

Nous attendons du Gouvernement qu'il réponde à l'attente des producteurs et des élus en soutenant cette filière dans le cadre de la réforme de l'organisation commune des marchés et lors de l'élargissement de l'Union européenne.

La situation du tourisme demeure également très préoccupante aux Antilles.

Le Gouvernement, pour sa part, a annoncé, par la voix du secrétaire d'Etat au tourisme, un certain nombre de mesures. Elles sont, à coup sûr, intéressantes, mais encore insuffisantes, compte tenu des problèmes structurels de ce secteur et de la concurrence croissante des pays de la zone.

Soulignons que la discussion de ce budget s'inscrit dans le contexte d'une campagne électorale qui bat son plein actuellement aux Antilles. Elle est malheureusement marquée, je dois l'évoquer, par une incroyable campagne de désinformation menée par un front on ne peut plus hétéroclite, lequel ne recule devant aucun argument spécieux et joue, de façon éhontée, d'un vieux ressort que l'on ne s'attendait pas à voir réactiver : celui de la peur qui, dans la vie politique de ces départements, a déjà fait tant de mal.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, le groupe socialiste ne pourra se prononcer favorablement sur votre budget, mais notre collègue Claude Lise s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour 2004 contient de nombreuses orientations positives. Les crédits progressent de 3,4 %, malgré le contexte économique difficile.

Les mesures les plus importantes du budget restent bien sûr celles qui sont prévues en faveur de l'emploi, de la formation et de l'insertion professionnelle, soit 42 % du total du budget.

Il est indispensable de poursuivre cette politique volontariste d'aide à l'emploi, qui semble se concrétiser par une baisse significative du nombre de chômeurs à la Réunion. Néanmoins, le taux de chômage, qui est de 25,9 %, reste élevé.

A ce titre, l'augmentation des crédits du FEDOM me semble opportune pour soutenir la progression significative des contrats d'accès à l'emploi, qui aident les populations en difficulté, RMIstes et titulaires d'emplois-jeunes en fin de contrat.

De même, je salue le financement, à compter de 2004, des nouvelles mesures en faveur des jeunes votées dans la loi de programme.

Toutes ces mesures, par les exonérations de charges aux entreprises et l'orientation des jeunes vers des emplois plus durables, vont dans la bonne direction, d'autant plus qu'elles se réaliseront au fur et à mesure, sans remettre en cause brutalement le dispositif des emplois aidés.

En outre, les emplois-jeunes bénéficieront, comme en 2003, d'un dispositif spécifique dérogatoire. Cette mesure permet de garantir les emplois-jeunes jusqu'à leur terme et ainsi de favoriser leur transition tout à fait souhaitable vers le secteur marchand.

Les cellules de reclassement des jeunes en fin de contrat obtiennent des résultats significatifs, puisque près d'un tiers des jeunes ont été reclassés. Je vous rappelle que la Réunion compte le plus grand nombre d'emplois-jeunes outre-mer.

Je constate aussi le maintien des moyens alloués au service militaire adapté. Cette mesure originale a des résultats exceptionnels et permet aux jeunes ultramarins de recevoir une excellente formation professionnelle. Je pense qu'elle méritait d'être développée davantage, car, dans certaines filières, près de 100 % des jeunes trouvent un emploi à l'issue de leur formation.

Si nous voulons que de tels résultats soient confortés, il vous faudra donner une nouvelle impulsion à ce système, madame la ministre. Il est indispensable de faire évoluer les différentes formations en fonction de la diversité des offre d'emplois.

Par ailleurs, dans un tout récent courrier, vous m'annoncez, madame la ministre, que les crédits de la ligne budgétaire unique vont faire l'objet d'un dégel important, et je m'en réjouis.

Pour ce qui est du logement et des problèmes considérables que connaît la Réunion dans ce secteur, nos attentes sont nombreuses et des interrogations persistent.

Je me félicite de ce que le logement social constitue la deuxième dépense du ministère et que le niveau des autorisations de programme et des crédits de paiement du projet de budget pour 2004 soit identique à celui de l'année dernière.

Cependant, je remarque que, sur les enveloppes 2003, les crédits ne sont pas encore complètement délégués. Ces crédits sont indispensables, notamment pour couvrir les engagements pris sur l'année 2002 et ainsi ne pas pénaliser le secteur du bâtiment et les personnes qui attendent souvent depuis longtemps ces logements.

Un effort financier particulier doit être consenti en faveur de l'établissement public foncier de la Réunion. Il est nécessaire de prévoir un abondement des ressources, afin de pouvoir mener à bien le programme pluriannuel d'intervention foncière pour la période 2003-2008, et répondre ainsi efficacement aux besoins en logements sociaux et en équipements publics des Réunionnais.

Enfin, comme beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, j'ai été exaspérée par les propos que j'ai pu entendre, ici et là, au sujet des « niches fiscales » accordées à l'outre-mer.

Depuis la parution du rapport Laffineur, les DOM semblent responsables, pour certains parlementaires, notamment certains membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale, du déficit budgétaire de l'Etat. L'amendement de suppression de la TVA ou TVA non perçue récupérable, déposé par M. Méhaignerie et adopté par l'Assemblée nationale, n'a fait l'objet d'une concertation préalable ni avec les parlementaires des départements d'outre-mer ni avec le ministère de l'outre-mer.

Avec votre soutien et celui du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, M. Alain Lambert, nous avons pu supprimer cet article additionnel. Nous vous remercions de nous aider à condamner ces excès.

En conclusion, je souhaiterais attirer votre attention sur plusieurs éléments qui doivent participer au développement culturel, éducatif et économique de la Réunion.

Après la mise en oeuvre du « passeport mobilité », nous attendons celle d'un « passeport logement », que vous nous aviez annoncée lors de la discussion de la loi de programme et qui facilitera la mobilité des jeunes d'outre-mer. La proposition que vous avez émise de « réserver des logements dans des structures telles que des foyers d'hébergement temporaire » va dans la bonne direction.

Je regrette la baisse significative - plus de 37 % - des crédits du passeport mobilité, qui risque de se répercuter sur le prix du billet d'avion, et donc sur les clients.

Par ailleurs, il est urgent d'inverser la tendance qui voit de moins en moins de Réunionnais accéder à des postes de décision.

Une étude récente montre en effet que, sur mille cinq cents postes de décision au sein des administrations et des entreprises à la Réunion, à peine deux cent cinquante sont occupés par des cadres locaux. La Réunion a peu de chances de connaître un développement important si sa population est exclue de ces fonctions.

Malgré quelques incertitudes liées à la période difficile que traverse la France, je salue, madame la ministre, votre détermination à soutenir et défendre l'outre-mer : le groupe de l'Union centriste votera votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.

M. Gaston Flosse. Madame la ministre, votre budget, d'un montant de 1 121 millions d'euros, est en augmentation de 3,4 %, et je m'en réjouis. Vous avez obtenu une amélioration de vos moyens d'action dans un contexte budgétaire difficile.

Cela témoigne de votre volonté et de celle du Gouvernement de poursuivre la politique en faveur de l'outre-mer.

La loi de programme, la première digne de ce nom, en est l'un des instruments et votre budget prend en compte le financement de ces nouvelles mesures. Cependant, je ne comprends pas que l'on puisse considérer les moins-values fiscales destinées à créer des emplois et de la richesse dans nos collectivités comme des dépenses à votre charge.

Quoi qu'il en soit, je ne peux que vous féliciter du combat que vous menez pour que l'outre-mer ne soit pas relégué aux dernières priorités de la métropole. L'outre-mer français semble, en effet, de plus en plus au rang des mal-aimés.

Depuis quelques mois, on assiste à un harcèlement de tous les instants pour supprimer tantôt un avantage fiscal, tantôt un abondement de retraite, tantôt encore un remboursement de TVA, alors que les mesures qui sont visées ont toutes une justification !

Pourquoi cette agression contre l'outre-mer ? Pourquoi ces manoeuvres, ces initiatives sans concertation et même camouflées, en contradiction avec la position du Premier ministre lui-même ? Ces manoeuvres sont indignes des élus de la République ! J'ai le sentiment qu'un lobby parisien du côté de Bercy télécommande certains élus dans une manoeuvre visant à diaboliser l'outre-mer ou peut-être même à pousser l'outre-mer hors de la République !

Qu'on nous comprenne bien : je suis persuadé que tous mes collègues élus de l'outre-mer veulent comme moi que soient sanctionnés les abus, par exemple ceux des pseudo-résidents dans nos collectivités.

M. Gérard Braun. Très bien !

M. Gaston Flosse. J'apporte, pour ma part, non seulement mon soutien, mais encore, tous les moyens dont je dispose pour renforcer les mesures de contrôle prises par le trésorier-payeur général en Polynésie française.

Mais, de grâce, ne confondons pas lutte contre les abus et ruine des mécanismes de compensation de nos handicaps !

Nous savons bien que l'Etat a des difficultés budgétaires, mais ce n'est pas en cassant l'outre-mer que l'on sauvera le budget de la nation.

Faut-il que le ministère des finances reprenne d'une main ce qu'il donne de l'autre ?

Considérons la dotation de continuité territoriale voulue par le Président de la République et mise en oeuvre par Mme la ministre de l'outre-mer. Où en sommes-nous ? Bercy veut taxer les passagers de l'outre-mer ! Nos compatriotes corses payent-ils une taxe de continuité territoriale ?

M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Et ils nous coûtent bien cher !

M. Gaston Flosse. Alors, pourquoi nous ? Pourtant le problème méritait une réponse sérieuse, tant nos collectivités doivent se débattre pour assurer leur simple désenclavement.

Considérons aussi les engagements pris pour le financement de nos communes polynésiennes. Certes, le gouvernement socialiste avait laissé passer 2001 et 2002 sans dotations, et je vous suis reconnaissant, madame la ministre, d'avoir obtenu un rattrapage dans la loi de finances rectificative. Mais où sont les inscriptions dans le projet de loi de finances pour 2004 ?

Je sais, heureusement, que je peux compter sur votre vigilance pour que nos communes ne soient pas sacrifiées à l'autel de la rigueur.

Je compte aussi sur vous pour que les paiements du solde du fonds de reconversion, largement étalés, soient effectifs. Les Polynésiens ne comprendraient pas que les crédits qui compensent les à-coups des expérimentations nucléaires se transforment en fumée ou en nuage !

Dans un tout autre domaine, je constate avec intérêt que vous contribuez au fonds de coopération pour le Pacifique à hauteur de 530 000 euros. Il aurait été plus habituel que ces sommes soient inscrites au budget du ministère des affaires étrangères, mais je suis heureux que vous ayez accepté de participer au renouveau de l'action de la France dans le Pacifique au travers de ses territoires d'outre-mer.

Je suis pour ma part disposé à y apporter également une contribution financière, dans des conditions que vous connaissez. Il importe en effet que la Polynésie française participe au rayonnement de la France dans cette partie du monde, dont l'importance stratégique grandit sans cesse.

Madame la ministre, en vous félicitant une nouvelle fois de votre courage et de votre détermination, je voudrais vous remercier plus particulièrement du travail que vous avez accompli, avec votre équipe, en faveur de notre réforme statutaire.

Cette réforme, qui marque le vingtième anniversaire de notre pratique de l'autonomie, s'inscrit dans la droite ligne du double combat que j'ai mené pendant toute cette période. C'est tout d'abord un combat pour donner aux Polynésiens le goût du travail et de l'effort, et la volonté d'assumer la maîtrise de leur destin. C'est ensuite un combat pour maintenir la Polynésie française dans la République. Je l'ai mené avec constance et sans défaillance. L'autonomie est en effet l'antidote qui préserve de l'indépendance.

Vous le savez bien, madame la ministre, l'autonomie est un instrument de responsabilité pour le développement économique, social et culturel. Mais elle n'est pas un but en soi : elle est simplement le moyen de gestion le mieux adapté à des communautés qui, bien qu'isolées, veulent rester attachées à une grande nation.

Nous sommes conscients que l'autonomie politique resterait bien fragile sans un minimum d'autonomie économique, et c'est pourquoi l'économie a toujours été notre priorité. Nos ressources propres atteignent aujourd'hui 42 %, alors qu'elles ne couvraient que 21 % de nos besoins au temps où le centre d'expérimentation du Pacifique était en fonctionnement. C'est cette solidarité nationale, s'exprimant aujourd'hui par votre voix, madame la ministre, qui, en accompagnant nos efforts, a permis d'aboutir à ces résultats.

Notre succès, c'est celui de la France, c'est celui du Président de la République, à qui tout l'outre-mer, notamment la Polynésie française, doit tout.

C'est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, je voterai ce budget, qui honore l'essentiel des engagements du Gouvernement et du Président de la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Serge Vinçon remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)