4

Convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers

Adoption d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion de la France au protocole d'amendement à la convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers (ensemble trois appendices)
article unique (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 191, 2003-2004) autorisant l'adhésion de la France au protocole d'amendement à la convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers. [Rapport n° 212 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers, négociée dans le cadre de l'Organisation mondiale des douanes, a pour objectif l'établissement de normes et de définitions minimales, portant sur les régimes appliqués par les administrations des douanes. Une soixantaine de pays sont parties à la convention de Kyoto du 18 mai 1973.

L'évolution des procédures douanières et des modes de dédouanement appliqués depuis ces dernières années au commerce international a conduit à réviser cette convention par le biais du protocole d'amendement du 26 juin 1999.

Le protocole de Bruxelles énumère les cinq principaux objectifs de cette révision.

Le premier est l'élimination des disparités entre les régimes douaniers et les pratiques douanières des parties contractantes qui peuvent entraver le commerce international, en développant notamment la coopération entre les administrations douanières et les milieux commerciaux.

Le deuxième doit permettre à la douane de faire face aux changements majeurs intervenus dans le commerce et dans les méthodes et techniques administratives.

Le troisième objectif vise à répondre aux besoins du commerce international et de la douane en matière de facilitation, de simplification et d'harmonisation des régimes douaniers et des pratiques douanières.

Le quatrième doit permettre d'assurer l'établissement de normes adéquates en matière de contrôle douanier, par l'adoption de systèmes de gestion et des risques, de contrôles par audit, et par l'utilisation la plus large possible des technologies de l'information.

Enfin, cinquième objectif, il s'agit de faciliter l'accès aux voies de recours administratif et judiciaire.

L'esprit de la convention amendée s'inscrit dans le cadre d'une libéralisation et d'une facilitation du commerce international, tout en veillant à ce que la simplification et l'harmonisation recherchées conservent un caractère suffisamment contraignant à l'égard des parties.

L'entrée en vigueur du protocole n'entraînera pas de conséquences pratiques pour la France, toutes ses dispositions trouvant déjà leur équivalent dans le code des douanes national et le code des douanes communautaire.

En revanche, l'adhésion de la France et de ses partenaires de l'Union européenne devrait avoir un effet incitatif sur celle des pays en développement, ce qui facilitera leur accès au marché mondial grâce à des normes de fonctionnement modernisées, plus transparentes et désormais attractives pour les opérateurs du commerce international.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le protocole d'amendement du 26 juin 1999, aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Louis Moinard, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis la signature, le 18 mai 1973, à Kyoto, de la convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers, les procédures douanières ont subi une profonde évolution.

Le rôle principal de la douane n'est plus de collecter des recettes pour l'Etat. Désormais, elle est en effet chargée d'un rôle économique au service du développement du commerce international, qu'elle doit concilier avec une mission de contrôle et de sécurité.

Dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, le montant des droits et taxes en douane ne représente ainsi plus que 0,5 % des recettes totales des Etats, et la douane est devenue un véritable partenaire des acteurs du commerce international.

La convention de Kyoto devait être adaptée pour favoriser l'harmonisation des régimes douaniers sur des normes modernisées.

Le protocole d'amendement, adopté à Bruxelles le 26 juin 1999 au siège de l'Organisation mondiale des douanes, opère une refonte complète de la convention.

L'objectif d'harmonisation reste inchangé, mais les moyens d'y parvenir sont accrus. La convention amendée prévoit ainsi le recours aux nouvelles technologies pour la transmission de documents, pour l'amélioration des contrôles et pour les échanges d'informations entre administrations douanières. De nouvelles pratiques douanières sont intégrées, comme la procédure spéciale pour les personnes agréées, qui permet un allégement notable des procédures ou le recours à l'analyse des risques et au contrôle par audit.

En intégrant des normes d'application plus souples, la convention pourra rester constamment adaptée à l'évolution des techniques douanières. Elle poursuit également un objectif général de transparence de la réglementation douanière et de coopération entre les différentes administrations des douanes, et rend le droit de recours plus systématique en cas de contentieux.

La plupart des dispositions de la convention de Kyoto trouvent leur équivalent dans le code des douanes national ou dans le code des douanes communautaire ; l'adoption de ce texte n'aura donc qu'un impact limité sur la législation nationale.

L'intérêt de la convention est de s'insérer dans un dispositif d'ensemble de facilitation des échanges mis en place dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, conjointement avec l'Organisation mondiale des douanes. Elle devrait servir de support à la modernisation des administrations douanières des pays en développement.

Ce dernier point appelle quelques précisions sur la situation des douanes dans ces pays en développement.

Dans les pays à faibles revenus, notamment dans certains pays africains, la part des droits de douane dans les recettes budgétaires est en moyenne de 30 %, et elle peut aller jusqu'à dépasser 45 %, en l'absence de recettes alternatives.

En moyenne, la durée du dédouanement à l'importation dans la zone franc est de sept jours, alors qu'elle se chiffre en minutes dans les pays industrialisés.

Ce problème de compétitivité se conjugue avec le renforcement des normes de sécurité, qui risque de marginaliser encore davantage le continent africain dans les échanges internationaux.

Les projets de modernisation des douanes peuvent représenter des coûts très importants, certains équipements dépassant parfois le million de dollars.

L'application de ce texte par les pays en développement peut donc présenter des difficultés si un appui technique substantiel ne leur est pas proposé pour soutenir leur effort d'insertion dans les échanges internationaux.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous recommande, avec la commission des affaires étrangères, l'adoption du présent projet de loi. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion de la France au protocole d'amendement à la convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers (ensemble trois appendices)
article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'adhésion de la France au protocole d'amendement à la convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers (ensemble trois appendices), fait à Bruxelles le 26 juin 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)

article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion de la France au protocole d'amendement à la convention internationale pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers (ensemble trois appendices)
 

5

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations-unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda
Discussion générale (suite)

Accord avec l'Organisation des Nations Unies relatif au Tribunal pénal international pour le Rwanda

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations-unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda
Art. unique (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 137, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. [Rapport n° 220 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, créé par la résolution 955 du Conseil des Nations unies du 8 novembre 1994, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, à l'instar de son pendant européen, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, s'est imposé peu à peu comme un instrument important de la justice pénale internationale et de la lutte contre l'impunité.

Depuis le lancement du premier acte d'accusation, le 28 novembre 1995, à l'encontre de huit suspects, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le TPIR, a prononcé, à ce jour, vingt et une condamnations définitives dans le cadre de quinze affaires, et trois acquittements. Sur les quatre-vingt-une personnes ayant fait l'objet d'un acte d'accusation, soixante-six ont pu être arrêtées pour être jugées à Arusha.

Actuellement, vingt et un accusés comparaissent devant les chambres de première instance, dans six procès différents. Cependant, le nombre de jugements prononcés jusqu'à présent par les chambres de première instance et la chambre d'appel du TPIR ne permet pas de mesurer à lui seul les résultats obtenus par le Tribunal. Plus de 1 300 décisions ont en effet été rendues sur des questions juridiques de compétence, de procédure et de preuve. Pour ne prendre qu'un exemple, le jugement rendu par le TPIR dans l'affaire Akayesu a innové concernant la définition du viol en droit international en considérant que celui-ci pouvait constituer un crime de génocide.

La France soutient pleinement l'action du Tribunal pénal international pour le Rwanda et respecte les obligations découlant de son statut et de la loi d'adaptation en droit interne du 22 mai 1996. Ainsi, elle a accepté l'audition d'agents publics français appartenant principalement aux forces armées, elle a répondu à de nombreuses demandes de localisation de personnes, elle a communiqué au Tribunal de nombreux éléments de preuve et documents, elle a procédé à l'arrestation et à la remise d'accusés.

La volonté de coopération de la France et son soutien à l'institution ont parfois dépassé ses obligations lorsque, par exemple, nous avons, en 2003, mis à disposition du Tribunal des experts légistes.

Je n'insisterai pas sur les progrès de la conscience humaine représentés par le développement du droit international, qui s'est traduit par la création des tribunaux de Nuremberg, de Tokyo, d'Arusha, de La Haye et de la nouvelle Cour pénale internationale. Dans cet esprit, l'accord d'Arusha manifeste clairement notre solidarité avec d'autres Etats en partageant la charge que représente l'incarcération des personnes condamnées.

Rappelons que la France est déjà liée par un accord d'exécution de peines avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et qu'elle vient d'accepter qu'un détenu purge sa peine en France.

Plusieurs accords d'exécution des peines prononcées par le TPIR sont déjà entrés en vigueur : avec le Mali, qui accueille à ce jour six condamnés, avec le Swaziland et avec le Bénin. Des négociations ont été ouvertes par le greffe du TPIR avec d'autres pays européens et l'Italie vient d'annoncer la conclusion d'un accord du même type le 17 mars dernier.

Quasiment identique à celui signé entre la France et le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le présent accord ne soulève pas de difficultés particulières au regard du droit français. L'accueil d'un condamné est soumis à l'acceptation préalable des autorités françaises, compétentes au cas par cas et sans qu'un refus ait à être motivé. Les dispositions de notre droit en matière carcérale sont applicables à ces prisonniers.

Le TPIR pourra à tout moment décider le transfert sous la garde d'un autre Etat ou du tribunal, en particulier en cas de désaccord sur l'application d'une mesure de grâce, de commutation de peine ou d'une mesure ayant pour effet de modifier la durée de la peine. Cette solution, inspirée de celle qui a été adoptée dans le traité portant statut de la Cour pénale internationale et reconnue compatible avec la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 janvier 1999, permet d'éviter de porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, ainsi qu'à l'exercice du droit de grâce présidentiel.

La France prendra en charge les frais encourus dans le cadre de l'exécution de la peine et ne pourra mettre fin à l'accord avant que toutes les peines auxquelles il s'applique ne soient purgées ou cessent d'être exécutoires.

Ces dispositions n'auront qu'une portée financière limitée en raison du petit nombre de personnes susceptibles d'être accueillies.

Vous me permettrez, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire allusion à mon dernier déplacement au Rwanda, à l'occasion du dixième anniversaire du génocide.

M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. C'est important !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. A la suite du discours du président rwandais, j'ai été obligé de rentrer en France, ce dernier ayant fait un amalgame entre la commémoration d'un génocide auquel la France n'a participé ni de près ni de loin et une réflexion plus générale sur l'histoire. Dans un tel moment de recueillement, je ne pouvais accepter que mon pays soit traité de la sorte.

A cet égard, j'espère que l'histoire du génocide rwandais sera écrite de la façon la plus claire et la plus précise possible. Le Rwanda a en effet connu l'horreur, avec près d'un million de morts, dont 250 000 pour la seule ville de Kigali.

Certes, la communauté internationale a sa part de responsabilité compte tenu du retard avec lequel elle a réagi. Mais, pour autant, elle ne peut être accusée d'être responsable d'un génocide, et la France encore moins.

Dix ans, c'est long. Mais près d'un million de mort, c'est horrible, et les conditions dans lesquelles ce génocide a été perpétré sont épouvantables. Il faudra donc bien savoir quelle est la part de responsabilité des uns et des autres. Toutefois, cette affaire n'avait rien à voir avec la commémoration d'un génocide, qui doit être condamné et qui est condamnable.

La position de la France est claire : connaître la vérité, appliquer le droit, rendre la justice, et assumer ses responsabilités ; mais il ne faut pas opérer un transfert de responsabilités sur la France et la condamner pour des actes qu'elle n'a pas commis ! (M. Robert Del Picchia applaudit.)

Telles sont, monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord sur l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, signé à Arusha le 14 mars 2003, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 6 avril 1994, le président rwandais, Juvénal Habyarimana, était victime d'un attentat, dont la responsabilité est toujours controversée.

Cette mort a donné le signal de massacres de grande ampleur au sein des populations civiles, frappant particulièrement l'ethnie tutsie. Le souvenir des victimes de ce génocide pèse toujours sur la conscience internationale, dix ans après les faits.

La création rapide du Tribunal pénal international pour le Rwanda par le Conseil de sécurité des Nations unies, dès le 8 novembre 1994, visait à apporter, sur le plan judiciaire, une réponse rapide et adaptée à cette situation.

Après des débuts hésitants, le TPIR a progressé vers une meilleure efficacité.

La conclusion du présent accord avec ce tribunal souligne la détermination de la France à soutenir son action en organisant l'accueil sur son territoire, à titre volontaire, de personnes condamnées définitivement.

L'accueil de condamnés est, en effet, non pas une obligation, mais une faculté ouverte à tout Etat.

Cet accord traduit le soutien français à l'action du TPIR et à celle de son pays hôte, la Tanzanie. En effet, notre pays accepte, avec ce texte, de partager la charge que représente l'incarcération des personnes condamnées par le TPIR.

Trois Etats africains ont déjà conclu un accord du même type avec le tribunal. La France est donc le premier Etat occidental à s'engager dans cette voie.

Cet accord organise les modalités d'accueil des condamnés sur le territoire français. Le consentement de notre pays est requis pour chacun des condamnés qui sont proposés par le TPIR, et un refus éventuel n'a pas à être motivé.

De même, l'accord précise les modalités qui sont retenues pour rendre compatible le droit français prévalant en matière carcérale avec les décisions du TPIR. Ces dispositions sont analogues à celles qui sont retenues pour la coopération de même ordre que la France apporte au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Aujourd'hui, le TPIR a atteint un rythme soutenu de travail, répondant ainsi aux souhaits du Conseil de sécurité de ne pas voir se prolonger l'existence de cette juridiction au-delà de 2008. L'ONU estime, à juste titre, que seule une action judiciaire internationale rapide et limitée dans le temps est de nature à appuyer le processus de réconciliation nationale au Rwanda et à rétablir l'histoire, comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat.

Cet accord manifeste le soutien actif et permanent de la France à l'action du TPIR.

Notre pays renouvelle ainsi, de façon à la fois concrète et symbolique, son appui à la justice pénale internationale. Cette justice est partie prenante de la possibilité de réconciliation nationale au sein de pays dont l'unité a été gravement mise en péril par des actes dont il convient, tout d'abord, de désigner clairement les coupables.

C'est pourquoi la commission des affaires étrangères vous demande, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations-unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda
Art. unique (fin)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations Unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, signé à Arusha le 14 mars 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.

Mme Hélène Luc. Comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, madame la rapporteure, ce projet de loi revêt une grande importance.

Voilà dix ans, l'horreur s'abattait sur le petit pays aux mille collines, jetant dans la tourmente et le chaos un peuple et une nation tout entière. Trois mois de massacres, plus de 800 000 morts, en grande majorité issus de l'ethnie tutsie, et, dix ans après, un deuil qui n'est toujours pas fait, des responsabilités qui restent à prendre, à reconnaître.

Pourtant, ce drame aurait pu être évité. Des signes avant-coureurs étaient apparus dès 1990 et nourrissaient des racines bien plus lointaines encore.

Un petit rappel historique et de mémoire s'impose.

En effet, il faut se rappeler que plus de 300 000 Tutsis avaient été chassés du Rwanda en 1959. C'est au nom de ces derniers que, en 1990, le Front patriotique rwandais, le FRP, engageait des combats réclamant leur retour. Chaque avancée du FRP se traduisait déjà par des tueries et des représailles de la part du gouvernement en place.

La communauté internationale, au sein de l'ONU, mais également les anciens pays historiquement attachés au Rwanda, dont font partie la France et la Belgique, n'ont pas toujours pris, nous semble-t-il, ces alertes à leur juste valeur, les sous-estimant gravement parfois.

En août 1993, intervenait la signature d'un accord de paix, suscitant un enthousiasme limité. Dans les proches années qui ont suivi ce génocide, la reconnaissance des faits et des responsabilités n'a pas fait l'objet d'un consensus général, bien au contraire ! Chacun, gouvernement rwandais, autorités des pays internationaux, ont refusé de reconnaître leurs parts de responsabilités respectives.

Quel est le constat aujourd'hui ? Sur huit millions d'habitants, 82 474 étaient détenus à la fin du mois de décembre dernier, soit un Rwandais sur dix. En outre, 70 639 l'étaient pour accusation de génocide et 22 848 étaient passés aux aveux pour bénéficier des réductions de peine mises en place par le gouvernement.

Ces chiffres me permettent d'en venir à l'objet du projet de loi qui nous est présenté, à savoir la mise en place d'une justice opérante.

Cette dernière se fait à deux niveaux.

Le premier niveau concerne les tribunaux rwandais. En 1996, était votée la loi sur le génocide. Un an plus tard, intervenaient les premiers procès des tribunaux rwandais. Plus de 100 000 personnes ont pu ainsi être détenues dans les prisons, provoquant une lenteur de la justice, poussant le gouvernement à avoir recours à une autre forme de juridiction intermédiaire entre justice classique et traditionnelle, à savoir les juridictions gacaca.

Le deuxième niveau concerne le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le TPIR, sur lequel porte le projet de loi qui nous est aujourd'hui présenté.

Créé dès la fin de 1994 par le Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui est positif, il a pour objet de juger les responsables du génocide ainsi que toute personne responsable « d'autres violations flagrantes, généralisées et systématiques du droit international humanitaire ».

Force est de constater les dysfonctionnements de cette juridiction dès sa création - elle a été accusée d'être trop lente -, et nous parviennent des informations contradictoires sur son activité ou encore sur sa mauvaise gestion.

En 2002, dans un rapport, la Fédération internationale des droits de l'homme, la FIDH, écrivait : « La communauté internationale se désintéresse du TPIR, en raison notamment du manque d'informations fiables. L'image d'inefficacité et de gaspillage du TPIR subsiste, en dépit des efforts consentis ces dernières années. »

En effet, depuis 2002, le TPIR tente de redorer son blason, conformément aux nouvelles directives données par le Conseil de sécurité, notamment au vu du démantèlement de ce dernier, qui devra intervenir en 2010.

Avec ce projet de loi, nous franchissons un cap supplémentaire puisque la France - et nous nous en réjouissons - est le premier pays à contracter un tel accord de coopération judiciaire.

A ce titre, et dans le souci de permettre une meilleure effectivité du TPIR, le groupe communiste républicain et citoyen ne peut que s'associer à ces dispositions, et nous formulons le souhait que le champ des personnes traduites devant le tribunal soit enfin élargi à tous ceux qui, sans distinction, ont pris part au génocide.

Le Rwanda retrouve aujourd'hui un semblant de paix, mais la question douloureuse de la mémoire individuelle et collective reste prégnante, tout comme les tensions demeurent difficiles à effacer.

Les horreurs du génocide occupent toujours la vie quotidienne des Rwandais. Les procès, la mise à jour de charniers, en sont encore le lot journalier. Le travail de deuil n'est pas fait, il faut en être pleinement conscient. Les commémorations de cette année, dix ans après, en sont l'exemple flagrant.

Les tensions apparues entre le Rwanda et la France, offrant au grand jour - vous en avez parlé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat - ces plaies béantes dont la cicatrisation ne se fait pas, doivent nous faire réfléchir et nous conduire à agir.

Avant de terminer mon propos, j'ouvrirai une parenthèse concernant le sida.

Dans les années quatre-vingt déjà, le Rwanda figurait parmi les pays les plus touchés par cette épidémie. Utilisé comme outil de guerre lors du génocide, le viol a été un facteur de propagation aggravée. Je formule le souhait que la communauté internationale - la France en particulier - se mobilise activement sur cette question. Le sida est un enjeu d'avenir pour l'Afrique, et pour ce pays notamment. Nous devons faire en sorte qu'il soit un enjeu de vie et non pas un enjeu de mort.

Vous l'avez compris, monsieur le secrétaire d'Etat - car c'est ce que vous proposez -, la France doit s'impliquer dans le difficile travail de mémoire engagé par le Rwanda, et elle y a sa part. Ce projet de loi peut avoir vocation d'y participer, mais il faut plus encore et il faut, sans aucun doute, savoir reconnaître ses erreurs.

Pour encourager cette action, le groupe communiste républicain et citoyen votera ce projet de loi, tout en restant vigilant sur son application effective et sur l'implication de notre pays à aider le Rwanda à se reconstruire, tant au plan matériel qu'au plan moral et humain. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Avant de répondre à Mme Luc, je tiens tout d'abord à remercier la commission des affaires étrangères d'avoir proposé à l'unanimité l'adoption de chacun des projets de loi que je vous ai soumis ce matin. Et je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir suivi, également à l'unanimité, votre commission...

Mais j'en viens au dossier du Rwanda, qui est douloureux. Dans ce petit pays enclavé, la population est très nombreuse, la démographie galopante, et la famine sévit. Cet enclavement a entraîné l'apparition, au fil du temps, de problèmes interethniques à l'intérieur du pays et des difficultés majeures ont conduit au génocide - incontestable et incontesté - que la France a reconnu.

Notre vision sur cette partie du monde doit non pas se borner à ce seul pays, mais prendre en compte la politique menée dans la région des Grands Lacs, ce qui, compte tenu de la situation sur place, est difficile. Mais nous ne pouvons dissocier la situation du Rwanda de celle du Congo, ou encore de celle de ses voisins du Nord ou du Sud, qui ont leurs propres logiques de développement, de traitement des populations, des ethnies, des religions.

Les puissances occidentales ne doivent pas, comme ce fut le cas à une certaine époque, avoir une vision colonialiste ; il leur faut, au contraire, oeuvrer dans un souci de développement par la paix, par la meilleure gouvernance possible, tout en luttant contre les différentes pandémies.

Je vous remercie, madame Luc, de vous associer, au nom de votre groupe, à cette démarche de construction de l'Histoire grâce à la recherche de la vérité et de la part de responsabilité de chacun.

Le médecin que je suis ne peut accepter qu'un régime politique se fonde historiquement sur des massacres épouvantables, qui plus est en vue de satisfaire des intérêts personnels.

Il est indispensable de mettre en place des tribunaux de village, de saisir la Cour pénale internationale afin de déterminer les raisons pour lesquelles, en 1994, l'avion transportant le président rwandais fut abattu, ce qui déclencha les massacres.

La France, pour sa part, a fait don d'une enveloppe de plus de deux millions d'euros afin d'aider le Rwanda à lutter contre la famine.

En ce qui concerne le sida, j'ai déjà fait référence, lors de l'examen de conventions précédentes, à ce que j'ai vu sur place. Quelle ne fut pas ma stupéfaction de constater à quel point j'avais sous-estimé le drame ! Ainsi, notre pays a fourni au Malawi sept hélicoptères ; or, des vingt et un pilotes qu'elle a formés, seuls six sont encore en vie. Il n'y a plus ni juges, ni médecins, ni infirmières, ni professeurs, ni hommes politiques, ni agriculteurs : tous sont morts du sida.

Au demeurant, les modes de contamination de cette maladie épouvantable ne se résument pas à ceux que vous avez cités. Il faut savoir que, dans la culture de certains pays africains, un homme contaminé par le sida doit, pour guérir, faire l'amour avec une jeune femme vierge ! Comment ne pas être horrifié par un tel manque de connaissances médicales ? Il y a alors évidemment viol, au nom d'une tradition africaine destinée à essayer de soigner un fléau incurable...

Face aux croyances répandues sur place - le sida est la maladie des Blancs, il ne touche pas les Noirs, c'est un virus qui a été apporté par les colons -, il est très difficile de mener une action pédagogique médicale à l'intention de l'ensemble de la population.

Manque d'instruction ? Volonté politique de refuser les évidences ? En tout cas, l'espérance de vie de ces populations diminue de façon dramatique.

Voilà une quinzaine d'années, cette partie du monde était censée devenir surpeuplée. Aujourd'hui, c'est l'inverse et un problème majeur se pose à nos sociétés, qui va au-delà de la simple question de savoir si elles sont susceptibles d'abandonner et, donc, de se voiler la face : comment reconstruire un pays quand il a perdu sa culture, son histoire, son savoir ?

Je ne fais pas allusion à des compétences de haut niveau ! En effet, quand il ne reste, dans les villages, que des enfants de douze, treize ou quatorze ans et aucun vieil agriculteur, qui peut dire quelle est la période favorable à la plantation du maïs ? S'il est semé pendant une sécheresse ou pendant de fortes pluies, il ne lèvera pas, et ce sera la disette ! C'est aussi simple que cela, aussi dramatique que cela.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Nous devons être conscients de cette réalité.

Le temps n'est plus où les grandes organisations humanitaires pouvaient se contenter de déléguer des personnels, d'octroyer une aide financière là où le besoin s'en faisait sentir. A quoi bon envoyer sur place des médicaments destinés à la trithérapie s'il n'y a plus aucune pharmacie pour les stocker, plus d'infirmières, de professeurs pour les administrer ?

Le Rwanda, voire le continent africain tout entier, sont engagés dans une phase de destruction.

Moi qui suis profondément attaché à ce territoire, je sais qu'il faut faire la part des choses entre les coutumes locales et notre vision d'Européens, qui ne se recoupent pas toujours, et que, pour être efficaces, nous devons nous en tenir à des actions très simples, très pragmatiques, qui ne nécessitent pas, d'ailleurs, de gros moyens, mais demandent beaucoup de volonté. (Applaudissements.)

M. André Dulait, président de la commission. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)

Art. unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation des Nations-unies concernant l'exécution des peines prononcées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda