PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Art. additionnels après l'art. 6 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. additionnels après l'art. 6

Avenir de l'école

Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'avenir de l'école.

Rappel au règlement

 
 
 

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Finalement, ainsi que nous l'avions demandé, l'examen de l'amendement n° 658 a été renvoyé en commission. Il s'agit en effet d'un point très important du texte, comme M. le ministre l'a dit lui-même.

Je vous fais observer, monsieur le président, car vous êtes le garant du respect du règlement du Sénat, que, grâce à un petit subterfuge, la commission nous soumet à nouveau, avec l'amendement n° 658 visant à insérer un article additionnel, le contenu d'un article repoussé précédemment.

Vous comprendrez donc que, face à cette situation, nous redéposions, sous forme de sous-amendements, les amendements que nous avions déposés à l'article 6.

M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, j'étais sur le point de faire la même remarque. J'observais en effet que les sous-amendements déposés sur l'amendement n° 658 étaient la simple reprise d'amendements qui ont d'ores et déjà été défendus.

Quoi qu'il en soit, j'appliquerai strictement le règlement, et vous pourrez les présenter à nouveau.

Nous reprenons donc l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 6.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Rappel au règlement

Articles additionnels après l'article 6 (suite)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en revenons à l'amendement n° 658, présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles, et visant à insérer un article additionnel après l'article 6.

J'en rappelle les termes :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 122-1, il est inséré un article L. 122-1-1 ainsi rédigé :

"Art. L. 122-1-1. - La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société. Ce socle comprend :

"- la maîtrise de la langue française ;

"- la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ;

"-une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ;

"-la pratique d'au moins une langue vivante étrangère ;

"-la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication.

" L'acquisition du socle commun par les élèves fait l'objet d'une évaluation, qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité.

" Le socle commun est complété par d'autres enseignements, au cours de la scolarité obligatoire.

" Ces connaissances et compétences sont précisées par décret pris après avis du Haut conseil de l'éducation.

" Le Gouvernement présente tous les trois ans au Parlement un rapport sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun et sur la maîtrise de celui-ci par les élèves au cours de leur scolarité obligatoire. "

Cet amendement a déjà été défendu.

Je suis saisi de huit sous-amendements.

Le sous-amendement n° 660, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation :

La scolarité obligatoire doit au minimum garantir l'acquisition par chaque élève d'un ensemble de connaissances et de compétences indispensables appelé culture scolaire commune. Celle-ci est définie dans ses contenus et sa conception même par le Conseil supérieur de l'éducation nationale sur proposition du Conseil national des programmes.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Avec la nouvelle rédaction de l'amendement n° 658 proposée par la commission, nous reprenons la discussion sur le contenu du socle commun voulu par M. le ministre.

En effet, cet amendement vise à réintroduire dans le projet de loi ce que nous avons supprimé tout à l'heure, grâce à l'adoption d'un amendement par la majorité des sénateurs présents.

Ce sous-amendement vise donc à réintroduire dans le projet de loi la conception de la culture scolaire que nous souhaitons pour l'ensemble de nos jeunes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la « culture scolaire commune » est, pour nous, l'acquisition non seulement de connaissances, mais aussi d'outils pour comprendre, trier, synthétiser, cerner et résoudre des problèmes.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce qui nous tient à coeur, c'est que l'éducation nationale puisse permettre à chacun de nos jeunes, quelle que soit sa situation, de bénéficier de la transmission de savoirs et de connaissances, d'apprendre et aussi de devenir un citoyen en participant à la vie démocratique de notre pays.

A cet égard, nous pensons que la notion de socle commun introduite dans l'amendement n° 658 de la commission n'est pas suffisante pour permettre à l'ensemble de nos jeunes d'acquérir les connaissances indispensables pour le XXIe siècle. Certes, ce socle commun comprend les technologies nouvelles, mais tout ne peut pas s'y résumer. Le XXIe siècle nécessite quand même des connaissances un peu plus larges !

M. le président. Le sous-amendement n° 661, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar et Voguet, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :

d'un socle commun

par les mots :

d'une culture scolaire commune de haut niveau

II. - Au début de la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :

Ce socle

par les mots :

Cette culture scolaire commune

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Sans reprendre toute notre argumentation, je dirai simplement que nous ne voulons vraiment pas du socle commun, et que ce sous-amendement tend donc à remplacer, dans l'article L.122-1-1 du code de l'éducation, les mots : « socle commun » par les mots : « culture scolaire commune de haut niveau ».

M. le président. Le sous-amendement n° 659, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Remplacer les deuxième à dernier alinéas du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation par sept alinéas ainsi rédigés :

« - la connaissance approfondie des principes et des règles de la République ;

« - des objectifs linguistiques : la maîtrise de la langue française et d'une langue étrangère ;

« - des objectifs culturels, en abordant l'ensemble des savoirs scientifiques et artistiques, littéraire et philosophiques ;

« - des objectifs de pratiques physiques et sportives en axant sur la maîtrise du corps et l'apprentissage de la vie en collectivité ;

« - des objectifs technologiques permettant de faire découvrir aux élèves la culture scientifique et technique ;

« - des objectifs d'apprentissage pour construire la citoyenneté des élèves.

« Les objectifs principaux de cet ensemble de connaissances doivent permettre aux enfants et adolescents de penser, de raisonner, de s'exprimer, de développer une réflexion et un jugement autonome, d'être formé à la vie en société et au respect d'autrui, d'être des citoyens, de maîtriser leur corps. »

La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Je tiens à souligner le ridicule - j'ose le mot - de la situation dans laquelle nous légiférons.

M. Charles Revet. C'est vous qui l'avez créée !

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, votre majorité vous soutient tellement dans votre projet d'envergure pour l'école que, ce matin, lors du vote de l'article central de ce texte, celui qui concerne le socle commun, symbole de votre politique pour l'école, vos troupes ont manqué à l'appel ; nous avons donc pu faire adopter à la majorité notre contre-proposition.

Marri, vous nous annoncez une suspension de séance. Au bout d'une vingtaine de minutes, la fumée blanche apparaît, mais point de deuxième délibération sur cet amendement ! Le président de la commission des affaires culturelles demande seulement un scrutin public qui, en toute logique, aboutit au rejet de l'article en question.

Pendant la demi-heure qui suit, monsieur le ministre, vous avez sans doute réalisé, en y réfléchissant, qu'il serait politiquement du plus mauvais effet d'arriver mardi en commission mixte paritaire avec un texte amputé de son article phare. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.) Effectivement, cela fait plutôt désordre !

Le président de la commission des affaires culturelles nous annonce alors une réunion subite de la commission. L'ordre du jour n'est pas indiqué, mais nous pouvons aisément le deviner ! Et là, tel un tour de passe-passe, on nous propose de rétablir le dispositif de l'article 6, supprimé par vos soins, sous la forme d'un article additionnel. La ficelle est un peu grosse !

Qu'à cela ne tienne, nous sommes, nous aussi, persévérants,...

M. Yannick Bodin.... et nous redéposons le dispositif adopté par le Sénat ce matin en sous-amendant le texte de la commission.

Je rappellerai brièvement les raisons - ce sont toujours les mêmes - qui nous ont conduits à demander une modification de votre texte, que nous jugeons incomplet. Ce sous-amendement vise à réécrire l'article qui définit le socle commun.

Après les tergiversations de ce matin, j'ai la certitude que nous sommes tous d'accord sur le principe du socle commun, mais pas sur son contenu.

Le texte résultant de l'amendement n° 658, que vous cautionnez - j'ai bien noté la touche personnelle de la commission, qui a transformé un futur en un présent -, est certes sensiblement amélioré par rapport au projet de loi initial dans lequel le mot « commun » n'était pas employé.

Mais nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à souhaiter aller plus loin. Notre définition s'inscrit dans un objectif de formation globale du citoyen, et non dans un strict contexte de formation et de projet professionnel.

En outre, notre sous-amendement fixe six objectifs - et non pas cinq, comme le projet de loi - qui divergent quelque peu de ceux de votre amendement. Figurent au titre de nos objectifs trois grands oubliés du socle de l'amendement n° 658 : l'acquisition de savoirs artistiques, les objectifs de pratique sportive et une culture technologique.

Il nous a semblé également nécessaire que le socle commun fixe un objectif de connaissance des principes et des règles de la République.

Telles sont les principales différences dans la définition du socle que nous proposons.

Pour conclure, j'attire l'attention sur le fait que ce socle commun ne saurait constituer une fin en soi. Il s'agit d'un minimum. Je crains fort que, dans l'esprit de certains - non pas nécessairement de vous, monsieur le ministre, mais de certains sénateurs de la majorité, par exemple - il n'y ait, après ce socle commun, un enseignement à deux vitesses : ceux qui seraient jugés aptes recevraient un enseignement complémentaire, et ceux qui seraient considérés inaptes n'auraient droit à rien !

M. François Fillon, ministre. C'est totalement faux !

M. Yannick Bodin. Et ce ne sont pas les termes de l'article 6 bis, issu d'un amendement de l'Assemblée nationale, qui nous rassurent, monsieur le ministre.

M. le président. Le sous-amendement n° 662, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le sixième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - l'éducation artistique et culturelle. »

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. L'éducation artistique et culturelle, qui intègre les enseignements artistiques obligatoires - à l'école et au collège - et optionnels - au lycée -, ainsi que des activités complémentaires articulées avec ces enseignements, est une composante à part entière de la formation des enfants et des jeunes.

Présente de la maternelle au lycée, elle permet à la fois un épanouissement individuel de qualités spécifiques, un développement de compétences transversales, un apprentissage des pratiques de groupe et un accès à une culture commune, lien social fort.

Elle contribue également à permettre aux élèves de participer à des projets de création collective - concerts, représentations théâtrales, expositions - ouvrant l'école sur l'extérieur et exigeants en termes de qualité et de rigueur.

L'éducation artistique et culturelle s'inscrit, en milieu scolaire, dans un contexte marqué par de nouvelles exigences, nous semble-t-il.

Il y a d'abord la diversité des champs reconnus dans le monde des arts et de la culture : arts visuels - arts appliqués, arts plastiques, cinéma et audiovisuel - ; arts du son - musique vocale et instrumentale, travail du son - ; arts du spectacle vivant - théâtre, danse - ; histoire des arts, comprenant le patrimoine architectural et des musées.

Il faut ensuite prendre en compte la diversité des démarches pédagogiques qui conjuguent des enseignements artistiques, des dispositifs d'action culturelle et des approches croisées.

On peut également noter la diversité des jeunes publics, qui suppose des actions renforcées, pendant le temps consacré aux activités scolaires et le temps réservé aux activités périscolaires, dans les zones socialement défavorisées ou géographiquement isolées. Un effort particulier doit d'ailleurs être entrepris pour associer les élèves handicapés aux activités artistiques et culturelles.

Enfin, il convient de souligner la diversité des partenariats dans lesquels les structures artistiques et culturelles ainsi que les collectivités territoriales ont une implication de plus en plus forte.

Les écoles, les collèges et les lycées doivent pouvoir prendre en compte ces différentes dimensions au sein de leur projet d'école ou d'établissement.

La diversification des actions - atelier de pratique, lieu d'expression artistique - et le développement des initiatives menées en partenariat doivent être encouragés.

A la lumière de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter notre sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 663, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le sixième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - la pratique de l'éducation physique et sportive.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Ce sous-amendement vise à insérer un alinéa portant sur la pratique de l'éducation physique et sportive.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement argumenter sur votre conception du socle commun. Vous justifiez l'exclusion de l'éducation physique et sportive de ce socle en affirmant qu'aucun Français de bon sens n'accepterait que son enfant redouble une classe à cause de ses mauvais résultats en éducation physique et sportive.

Au fond, avec cette déclaration, vous dites clairement que le socle commun constitue, à vos yeux, l'ensemble des enseignements susceptibles de permettre, à eux seuls, l'évaluation des résultats scolaires des élèves, et d'autoriser ou non la poursuite de leurs études.

Du même coup, vous réduisez les autres enseignements à des matières secondaires d'appoint pour l'appréciation des progrès des élèves comme pour l'évaluation des compétences acquises.

Cette démarche n'est évidemment pas acceptable, d'autant que l'éducation physique et sportive, inscrite dans la culture commune actuelle, est présente à tous les examens et joue, dans l'évaluation, plutôt en faveur des élèves.

Vous poursuivez, monsieur le ministre, en indiquant que personne ne comprendrait que l'on dispense des heures de soutien à des élèves en difficulté en éducation physique et sportive. On peut se demander pourquoi. Il n'y a en effet aucune raison d'empêcher des élèves qui l'exigeraient de bénéficier, comme c'est parfois le cas aujourd'hui, d'un soutien en éducation physique. Est-il acceptable en 2005, par exemple, que nombre d'élèves sortent du système scolaire obligatoire sans savoir nager ? Cela est d'autant plus intolérable que ceux-ci sont issus, la plupart du temps, de milieux défavorisés.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous plaidons pour un socle commun élargi, une véritable culture commune donnant toute sa place à la culture corporelle, sportive et artistique, et donc à l'éducation physique et sportive.

Nous espérons donc, dans ce débat important pour le pays et son avenir, que la rigueur de la réflexion et la cohérence intellectuelle prendront le pas sur toute autre considération.

M. le président. Le sous-amendement n° 664, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le sixième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - l'acquisition d'une connaissance de l'expression artistique et culturelle, notamment francophone, favorisant la défense de la diversité culturelle.

La parole est à M. Michel Billout

M. Michel Billout. Ce sous-amendement est, en quelque sorte, un appel à la diversité culturelle. Il est en effet grand temps de donner à la francophonie tout son écho auprès des élèves et étudiants de notre pays.

Les élèves de nos établissements scolaires peuvent en effet être considérés, de par la diversité de leurs origines, comme le produit d'une certaine histoire de notre pays, cette diversité représentant un véritable potentiel pour le devenir de la France.

La richesse culturelle, c'est l'appréhension, l'appropriation de la réalité de la diversité culturelle, celle des jeunes comme celle du monde. Le mouvement de la francophonie participe d'ailleurs de cette richesse culturelle.

Il est donc crucial que cette donnée et ce fondamental soient intégrés dans la culture scolaire commune que nous souhaitons développer, dans les prochaines années, au coeur du projet de notre système éducatif.

M. le président. Le sous-amendement n° 665, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le septième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces enseignements se feront en classes dédoublées.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Si nous sommes tous d'accord ici pour que les jeunes de notre pays bénéficient d'une formation initiale de haut niveau leur permettant d'aborder leur vie professionnelle dans les meilleures conditions possibles, nous devons mettre en regard les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif.

Il est évident que l'apprentissage des langues étrangères et la maîtrise des nouvelles technologies de l'information et de la communication appellent des pratiques pédagogiques spécifiques facilitant la meilleure appropriation possible des champs de connaissances concernés.

Le recours aux classes dédoublées, utilisant notamment des laboratoires de langues ou encore des salles informatiques suffisamment équipées et accessibles, s'impose tout à fait naturellement dans ces domaines.

En toute logique, si l'on souhaite se donner les moyens de cette appropriation, il convient de compléter l'amendement n° 658 de la commission par ce sous-amendement. Tout autre choix priverait probablement, sur le long terme, un nombre important de jeunes élèves scolarisés de toute possibilité réelle de réussite scolaire, et donc d'accomplissement de leurs projets personnels.

M. le président. Le sous-amendement n° 666, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

A la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 658 pour l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, remplacer les mots :

après avis du Haut conseil de l'éducation

par les mots :

sur avis du Conseil national des programmes

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Ce sous-amendement a trait à la création d'un Haut conseil de l'éducation venant se substituer aux structures existantes.

Nous allons donc nous retrouver avec un collège de personnalités, sans doute très respectables et, pour un certain nombre d'entre elles, pourvues de toutes compétences en matière éducative - on imagine aisément que, parmi les personnalités nommées, on pourrait trouver d'anciens recteurs, voire d'anciens ministres -, collège qui ne servira finalement qu'à valider de manière scientifique les orientations profondes de la politique éducative de notre pays.

A la vérité, les autorités politiques participant à la désignation des membres du Haut conseil attendent de ce dernier, nous semble-t-il, qu'il défende et illustre la maîtrise de la dépense publique en matière d'éducation. La tâche qui attend le Haut conseil n'est donc pas minime. En effet, ce dernier va être rapidement saisi d'une mission consistant à définir le fameux socle commun de connaissances et de compétences indispensables dont nous débattons.

Monsieur le ministre, vous savez ce que nous pensons de ce socle ; nous lui préférons une culture commune de haut niveau, vraiment susceptible de permettre à chacun de nos jeunes d'accéder à une véritable citoyenneté.

La réalité, c'est que le travail scientifique ne vise en fait qu'à permettre de traiter de manière subalterne et auxiliaire certains savoirs qui sont pourtant essentiels pour atteindre les objectifs que nous associons à la mise en oeuvre du droit à l'éducation.

Sur le fond, la vérité, c'est qu'en hiérarchisant les compétences et les connaissances considérées comme essentielles pour constituer ce socle commun, on crée les conditions de traiter, de manière aussi hiérarchisée, la nécessité de créer ou de maintenir certaines options ou certains enseignements.

Monsieur le ministre, la pétition des enseignants de sciences économiques et sociales n'est pas une simple vue de l'esprit qui aurait, de manière spontanée et concurrente, touché plusieurs milliers d'enseignants pénétrés par je ne sais quelle théorie économique alternative au libéralisme. Ces enseignants constatent plutôt que leur enseignement est directement menacé par la réforme que vous présentez. Alors, évidemment, se pose la question de savoir quelles implications budgétaires peut avoir cette orientation.

En prenant en charge le fonctionnement d'une haute autorité dont les membres ont d'ailleurs un mandat au moins aussi long, sinon plus long, que celui des personnes les désignant, on cherche à justifier le déclin de la dépense publique en faveur de l'éducation par des motifs scientifiques et pédagogiques. Nous ne voulons donc pas de ce collège de proconsuls, et nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Les sous-amendements présentés par nos collègues des groupes socialiste et CRC reprennent les amendements que nous avons examinés ce matin et pour lesquels la commission a émis un avis défavorable.

Même si la pédagogie est l'art de la répétition, je ne reprendrai pas les arguments déjà développés ; la commission est donc défavorable à tous ces sous-amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Tous ces sous-amendements ont un même objectif : détruire la notion du socle commun de connaissances.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous avez le mérite de la franchise, madame !

M. François Fillon, ministre. Ces sous-amendements témoignent, pour le moins, d'une conception du socle commun ne correspondant pas à la nôtre puisque la culture scolaire commune que le groupe CRC du Sénat voudrait faire accepter, c'est en réalité l'ambition que doit avoir l'école. Au demeurant, la définition que vous en donnez est étriquée, même complétée par vos sous-amendements.

En effet, l'ambition de l'école est bien plus grande que les objectifs qui sont visés dans les sous-amendements que vous défendez. Cela prouve bien que vous faites un contresens en la matière.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est toute l'ambiguïté du socle !

M. François Fillon, ministre. Le socle ne répond pas à toute l'ambition de l'école ; c'est un outil, qui est au coeur des programmes et qui tend à permettre à tous les élèves d'accéder à la réussite. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'ensemble de ces sous-amendements.

Par ailleurs, monsieur le président, en application de l'article 44, dernier alinéa de la Constitution, et de l'article 42, alinéa 7, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'amendement n° 658 de la commission des affaires culturelles, à l'exclusion de tout sous-amendement.

M. le président. En application de l'article 44, dernier alinéa de la Constitution, et de l'article 42, alinéa 7, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande donc au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'amendement n° 658 de la commission des affaires culturelles, à l'exclusion de tout sous-amendement.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Je demande un scrutin public sur l'amendement n° 658 visant à insérer un article additionnel après l'article 6.

M. le président. La parole est à M. Robert Hue, pour explication de vote sur l'amendement n° 658.

M. Robert Hue. Vous vous en doutez, mes chers collègues, nous voterons contre cet amendement.

Monsieur le ministre, l'amendement n° 658 tendant à insérer un article additionnel après l'article 6 vise à « garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité [...] ». C'est effectivement séduisant, mais comment vous croire ?

Au-delà du débat de procédure, je prendrai quelques exemples concrets dans mon département du Val-d'Oise qui prouvent que, entre votre texte et la réalité, c'est-à-dire les moyens humains, financiers et matériels concrets nécessaires pour répondre aux besoins, il y a une marge infinie.

Examinons, monsieur le ministre, le socle commun que vous proposez dans un département d'Ile-de-France où est mise en oeuvre en ce moment même la politique que vous défendez.

Alors que chacun sait ici que, pour les enfants, l'entrée en maternelle avant l'âge de trois ans est essentielle et souvent même décisive pour la suite de la scolarité, notamment dans les familles en difficulté, le département du Val-d'Oise est à la traîne. A 15 %, le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans est l'un des plus bas de France. Au bas mot, il est de 20 % inférieur à la moyenne nationale. Mais, naturellement, tout est question de priorité.

D'ailleurs, ne nous y trompons pas, ce faible taux de scolarisation des tout-petits doit certainement être mis en relation, avec, à la fin du système scolaire, le très faible pourcentage de jeunes terminant leur cursus sans formation.

Le département du Val-d'Oise dont je veux parler ici se situe, là encore, bien au-dessous de la moyenne nationale. Alors que 1 050 élèves supplémentaires sont prévus pour la rentrée scolaire de 2005, vous avez annoncé, monsieur le ministre, dans le projet de loi de finances pour cette même année, la création de onze postes supplémentaires, soit un poste de professeur des écoles pour 100 élèves.

S'agissant des lycées, nous pouvons constater, dans le budget de 2005, la suppression de 1 600 heures de cours en seconde ainsi que la fermeture de vingt-cinq classes de STT, les sciences et technologies tertiaires, et de six sections de BTS, le brevet de technicien supérieur.

Concernant les collèges, ce sont 110 postes qui disparaissent, soit l'équivalent de trois collèges.

Terminons la « scanérisation » du département du Val-d'Oise par les zones d'éducation prioritaires.

Ce dispositif concerne environ, à des degrés variables, selon les départements, un élève sur cinq. On relève cependant de nombreuses inégalités avec des établissements et des zones rencontrant plus de difficultés que d'autres.

Concrètement, dans le Val-d'Oise, le taux de féminisation des enseignants en ZEP est le plus élevé, avec une moyenne d'âge très basse. Ce ne sont pas des faits que je dénigre, au contraire ! Cependant, nous avons les problèmes que vous connaissez par ailleurs, monsieur le ministre.

En clair, nous demandons que vous allouiez des moyens supplémentaires et que vous fassiez un effort dans les quartiers qui connaissent de plus en plus de difficultés.

Depuis 1982, date de la création des ZEP, ces zones ont évolué, et la fracture sociale s'y est aggravée. Il faut donc faire en sorte que des moyens supplémentaires soient inscrits individuellement dans la loi, et qu'ils ne soient pas pris, comme vous le laissez entendre, sur d'autres catégories d'aide.

Monsieur le ministre, au moment où nous abordons un point fondamental, je tenais à vous faire part d'une situation concrète pour souligner le fait que nous sommes extrêmement inquiets.

Comment peut-on élaborer une loi relative à l'avenir de l'école en se tenant à mille lieues de la réalité du terrain ? Les intentions, les effets d'annonce qui se multiplient dans les annexes sont désespérants, car celles-ci ne sont pas la loi. Tout cela nous conduit donc à éprouver la plus grande inquiétude.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.

Mme Muguette Dini. Nous continuons de regretter que le socle commun ne prenne pas en compte, d'une manière ou d'une autre, la maîtrise du corps, l'éducation culturelle et artistique.

Mme Muguette Dini. Bien entendu, nous approuvons le socle commun, qui est un minimum, et nous n'allons pas mettre en difficulté le projet de loi, que nous approuvons.

Toutefois, comme nous n'avons pas tout à fait obtenu satisfaction en la matière, nous nous abstiendrons sur l'amendement n° 658.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Je vous suggère, monsieur le ministre, de cesser le ridicule. Vous allez laisser votre nom à cette loi. Alors qu'elle va rester en vigueur un certain temps, la manière dont vous allez la faire voter par le Sénat ne lui donne pas un aspect positif.

En effet, vous invoquez la Constitution et le règlement du Sénat pour faire adopter l'amendement n° 658 ; vous menez tout simplement la majorité à la baguette !

M. Jean-Marc Todeschini. Mais si !

Monsieur le ministre, ce matin, vous n'avez pas été confronté à un accident de procédure ! C'est votre majorité qui vous a soutenu mollement ! Sinon, les sénateurs de l'UMP auraient été présents dans cette enceinte.

Sur le terrain, ils diront tout simplement, pour se dédouaner, qu'il s'agissait d'un accident de procédure, que le ministre voulait à tout prix cette loi, mais qu'il n'y croyait pas lui-même, et qu'ils ont donc été obligés de la voter. En effet, eux aussi sont dans la rue avec les parents et leurs électeurs pour réclamer des ouvertures de classe et le maintien des classes que le Gouvernement ferme, ainsi que pour condamner sa politique.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, soyez beaucoup plus ouvert ! Avec cet amendement de la commission qui a été adopté ce matin, vous aviez l'occasion de donner du souffle à l'article 6.

Mme Hélène Luc. Absolument ! Et du souffle au projet !

M. Jean-Marc Todeschini. Eh bien non, vous maintenez tous les clignotants au vert, comme si rien ne s'était passé, alors qu'ils sont tous au rouge !

Pourtant, les parents d'élèves, les lycéens, les élus, les enseignants, beaucoup d'autres encore protestent ! Et même votre majorité, la majorité sénatoriale, n'était plus la vôtre ce matin ! Le Sénat a rejeté le socle commun que vous proposez, monsieur le ministre, et vous n'acceptez pas de prendre en compte ce refus. Vous auriez dû faire un effort ; vous aviez d'ailleurs le temps du déjeuner pour en discuter avec votre majorité, pour essayer de faire de nouvelles propositions. (Mme Catherine Tasca acquiesce.) Or, les sénateurs appartenant à l'UC-UDF s'abstiennent. Je les comprends, car ils font partie de la majorité, mais ils vous ont dit « non » ce matin !

Monsieur le ministre, vous n'avez pas écouté les protestations des Français qui se sont élevées dans la rue.

M. Josselin de Rohan. Non, on n'écoute pas la rue !

M. Jean-Marc Todeschini. Mais vous serez obligé d'écouter celles qui s'exprimeront sur le terrain et dans les urnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Le règlement est respecté, mais la démocratie souffre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

MM. Josselin de Rohan et Robert Del Picchia. Dans le Nord-Pas-de-Calais !

Mme Marie-Christine Blandin. Le contenu contestable de l'article 6 fondé sur une conception étriquée du socle commun a fait débat depuis des mois.

Ce matin, la rédaction plus ambitieuse de notre amendement avait recueilli une majorité, reflétant à la fois le consensus et la diversité de l'opinion publique. Hélas ! c'était sans compter sur l'autisme du Gouvernement et la docilité de l'UMP !

L'article 6 du projet de loi sorti par la porte de l'hémicycle est revenu par la fenêtre de la commission des affaires culturelles ! Comment croyez-vous, monsieur le ministre, que l'opinion publique puisse comprendre que le socle commun refusé ce matin soit imposé cet après-midi ? Qui plus est, au moyen d'un scrutin public qui, comme chacun ne le sait pas, fait voter les absents !

Par ailleurs, vous avez choisi de demander au Sénat de se prononcer par un vote unique sur l'amendement n° 658, évitant de ce fait la mise aux voix des sous-amendements en discussion, notamment du sous-amendement n° 659 du groupe socialiste dont la rédaction est pourtant particulièrement ramassée.

Monsieur le ministre, selon vous, le socle commun est « un outil qui est au coeur des programmes ». Mais, en d'autres lieux, vous dites votre attachement à l'éducation artistique, au contact avec les acteurs culturels.

La commission des affaires culturelles ne cesse de clamer son intérêt pour les temps d'éveil sensible, l'accès à l'expression par la musique, le dessin ou le théâtre, l'éducation à l'image. Or le rapporteur affirme aujourd'hui en son nom que cela « diluerait » - je reprends le verbe qu'il a employé - l'apprentissage de la lecture et du calcul.

Vous n'allez donc pas diluer ; vous êtes complètement rigidifiés ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Pas du tout !

Mme Marie-Christine Blandin. Cela frôle l'archaïsme ! Les Français jugeront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Etant moi aussi élu du Val-d'Oise et maire d'une commune, je dois dire que la majorité des maires de mon département ne se reconnaissent pas dans les propos tenus par mon collègue Robert Hue. Je ne relèverai que quelques éléments. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Robert Hue. Allez le leur expliquer !

M. Yannick Bodin. Vous ne les avez pas consultés !

M. Hugues Portelli. Venez voir dans mon département comment sont élus les maires aux élections municipales ! (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.) Vous verrez ! Moi, je vous dis simplement ceci :...

M. David Assouline. Raffarin n'était pas passé par là ! On verra aux prochaines élections !

M. Hugues Portelli. Allez-vous vous taire ? Vous êtes de vrais bouffons ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Marc Todeschini. Qu'est-ce que c'est que ces façons ?

Mme Hélène Luc. Qu'est-ce qui vous prend ? C'est honteux !

M. Jean-Marc Todeschini. Il va devoir s'excuser !

M. Hugues Portelli. Je dis simplement ceci : si, dans une majorité de communes de mon département, les enfants de moins de trois ans ne sont pas scolarisés, c'est parce que nous le refusons ! Nous refusons de caporaliser les enfants dès leur enfance ; nous voulons que les familles les éduquent !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les bouffons vont sortir !

M. Hugues Portelli. Bon voyage... et buvez à notre santé ! (Les membres du groupe CRC et du groupe socialiste, à l'exception de M. Michel Charasse, quittent l'hémicycle.)

Nous assistons, depuis le début de la discussion de ce texte, à un détournement : nous sommes en train de transformer un projet de loi d'orientation en circulaire administrative. Ce n'est pas possible ! Nous devons nous montrer fermes : nous n'avons aucun état d'âme à nous reconnaître dans le texte qui nous est proposé. Nous sommes là pour l'amender, non pour le subvertir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je regrette d'être resté seul : j'étais en train d'écrire et je n'ai pas vu la manoeuvre s'exécuter. On ne peut pas tout faire à la fois ! (Sourires.) Je sortirai après cette intervention, pour ne pas donner l'impression de me désolidariser. (Nouveaux sourires.)

Quoi que l'on dise - et un certain nombre de remarques ont été faites, y compris par mes amis -, ce texte mérite sans doute d'être un peu revu en commission mixte paritaire.

Sur la forme d'abord - mais je ne m'y attarderai pas, car j'ai déjà beaucoup insisté ce matin -, il me semble préférable d'écrire que les connaissances et les compétences sont « fixées » plutôt que « précisées » par décret. Un décret fixe quelque chose. Il s'agit là d'un point de détail absolument secondaire.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Les mots ont leur sens !

M. Michel Charasse. Sur le fond ensuite, je suis, monsieur le ministre, très déçu de voir la République disparaître du socle des connaissances. Dans l'énumération proposée et dont mes amis ont dit ce qu'il fallait penser, il manque l'instruction civique et l'instruction de la République. C'est un point que l'on ne peut supprimer comme cela ! (Les membres du groupe CRC et du groupe socialiste regagnent peu à peu leurs travées.)

M. Josselin de Rohan. Les revoilà !

M. Michel Charasse. Si l'école ne s'en charge pas, qui apprendra la République à la jeunesse de France ? Qui lui apprendra la démocratie, ses règles, ses limites ? La liberté ? La laïcité ? La tolérance ? La République est le socle du socle : l'école de la République, c'est le socle du socle.

Puisque ce texte sera examiné en commission mixte paritaire, je souhaite que le socle des connaissances soit complété en ce sens. Tant que nous n'inscrirons pas dans la loi que la République doit être enseignée à l'école, les cinq ou dix minutes nécessaires au cours d'instruction civique manqueront toujours !

Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaite que vous réfléchissiez jusqu'à la commission mixte paritaire afin que nous parvenions à rappeler que l'école publique est d'abord l'école de la République et que l'école et les enseignants ont aussi pour mission d'enseigner la République aux élèves. Dans le cas contraire, on sera obligé un jour de modifier en catastrophe le code de l'éducation, comme il a fallu le faire le 15 mars 2004, voilà tout juste un an, pour l'affaire de la laïcité. Ce n'est pas très glorieux. Je ne conteste pas ce qui a été fait, mais on aurait sans doute pu réagir et le faire plus tôt.

N'oublions pas que, aujourd'hui, devant la montée des violences, des tensions, des communautarismes, l'école de la République et l'enseignement de la République à l'école sont plus que jamais nécessaires.

M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Eliane Assassi. Je dirai, à l'intention de M. le sénateur du Val-d'Oise, que je ne supporte pas le genre de remarques qu'il a faites. Il n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai, puisque, lors du débat sur les 35 heures, il avait eu un comportement pour le moins indélicat en séance. Je ne suis pas là pour recevoir des insultes ou me faire interpeller de cette façon ! Je lui demanderai donc un peu de retenue dans ses propos et dans ses actes.

Monsieur le ministre, vous parlez du socle commun comme d'un outil. Permettez-moi d'évoquer, comme Robert Hue l'a fait pour le département du Val-d'Oise, la situation de l'enseignement du premier degré en Seine-Saint-Denis : elle mérite autre chose que votre concept, qu'il s'agisse de ses contenus ou de sa définition !

Selon les chiffres dont je dispose, trente postes seront créés en Seine-Saint-Denis à la rentrée prochaine, alors que le département comptera 2 569 élèves supplémentaires. Cette réalité illustre votre refus d'octroyer les moyens nécessaires afin de mettre en place une véritable politique de lutte contre l'échec scolaire précoce. Les reculs enregistrés ces dernières années s'accentueront donc encore.

A titre d'exemple, le recul massif de la scolarisation des enfants âgés de deux à trois ans, y compris en ZEP, nous ramène à la situation d'avant 1998. Or 1998 fut une grande année de mobilisation pour l'école en Seine-Saint-Denis. Le slogan, repris par l'ensemble de la communauté scolaire, était : « On veut des moyens, nous ne sommes pas des moins que rien ! »

Cette situation pourrait s'aggraver et faire apparaître de réelles difficultés dans certains secteurs pour les enfants de plus de trois ans. L'insuffisance des moyens de l'éducation nationale ne favorise bien évidemment pas une politique volontariste de construction scolaire.

La lutte contre l'échec scolaire, qui est un enjeu majeur, suppose des transformations profondes. Parmi les différentes réponses qui peuvent être apportées, il me semble important de prévoir un nombre plus important de maîtres que de classes, et le développement du travail en équipe, ce qui suppose plus de temps et de concertation.

Dans le département de la Seine-Saint-Denis, le maintien des quarante postes acquis en 2000 reste très insuffisant. En effet, alors que l'école est confrontée à de nouveaux enjeux - la grande difficulté scolaire, l'intégration des enfants handicapés, le développement des troubles du comportement ou de la personnalité -, les moyens accordés restent faibles, voire sont en régression. Le redéploiement des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, et la suppression de six postes de maître auxiliaire ne sont pas acceptables.

Quant aux structures de soins extérieures à l'école - centres médico-psychologique-pédagogiques, centres médico-psychologique-pédagogiques-pédo-psychiatrique, services d'aide, de soutien, de soins et d'éducation à domicile... -, peu de moyens leur ont été accordés et elles sont en nombre insuffisant.

Alors que la hausse démographique se poursuit dans l'enseignement du premier degré, aucune réponse d'urgence n'est apportée à des situations scolaires pourtant extrêmement difficiles tant pour les élèves que pour les personnels.

Votre réforme, monsieur le ministre, n'est pas une réforme comme les autres : elle est loin d'être anodine. Elle s'attaque en priorité aux familles populaires et aux élèves en difficulté qu'il faut sortir le plus rapidement de l'école, d'abord pour des raisons d'économie budgétaire, ensuite parce que vous considérez que tous ne peuvent réussir. Nous ne pouvons accepter cela.

En réalité, les grands axes de votre texte, avant même son adoption, se retrouvent d'ores et déjà dans la préparation de la rentrée prochaine, qui s'annonce catastrophique en termes de moyens. Le département de la Seine-Saint-Denis en est l'exemple type : les difficultés y sont plus marquées qu'ailleurs.

Telles sont les observations que je tenais à faire, monsieur le ministre, afin de vous alerter sur la situation de l'enseignement du premier degré dans le département de la Seine-Saint-Denis, situation qui appelle vraiment un plan d'urgence !

Art. additionnels après l'art. 6
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. additionnels après l'art. 6

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour un rappel au règlement.

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, mes chers collègues, vous me pardonnerez de revenir sur l'incident tout à fait regrettable qui a poussé les membres de mon groupe à quitter l'hémicycle.

Depuis le début de ce débat, nos propos sont tous empreints de conviction. Ils sont parfois rudes, mais ils restent toujours très courtois, même quand il s'agit de condamner tel ou tel aspect du projet de loi d'orientation.

En revanche, nous ne pouvons accepter d'être insultés par l'un de nos collègues.

Monsieur le président, j'aurais apprécié que vous fassiez remarquer à l'orateur qu'il est bon d'éviter certaines insultes. J'espère qu'il saura présenter des excuses.

M. Josselin de Rohan. Quand on arrive dans cette maison, on est modeste !

M. David Assouline. Pourquoi ? Auriez-vous plus de droits que nous ?

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Je retire le mot que j'ai prononcé. Si certains ont été vexés, je les prie de m'en excuser. Le terme que j'ai utilisé est employé sans hésitation par les habitants de ma commune, que Robert Hue connaît bien ! Mais je n'admets pas que l'on détourne le travail parlementaire par des procédés dilatoires.

M. Robert Hue. Il persiste ! « Dilatoires » !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Non !

M. François Fillon, ministre. « Dilatoires », ce n'est pas une insulte !

M. Josselin de Rohan. « Dilatoires », c'est parfaitement français ! Il n'y a rien d'offensant !

M. Hugues Portelli. Je me suis sans doute exprimé de façon excessive. Pour autant, sur le fond, je persiste dans mon opinion !

M. le président. L'incident est clos !

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 658.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. 6 bis

Mme Annie David. L'incident est clos, soit, monsieur le président ! Pour autant, il y a des mots à ne pas employer entre parlementaires ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

En ce qui concerne l'amendement de la commission, nous ne le voterons pas. Nous ne sommes absolument pas d'accord avec ce socle qui, d'après nous, souffre de très nombreuses lacunes.

De plus, ce socle sera, selon vous, monsieur le ministre, un outil au coeur des programmes. Or des outils existent déjà - ma collègue Eliane Assassi vient d'en évoquer quelques-uns -, mais ils manquent tous de moyens.

Je prendrai l'exemple des sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, qui ne sont pas épargnées par le manque de moyens accordés à l'éducation nationale. En effet, le nouveau mode de calcul des dotations horaires globales dans ces sections se traduit par une baisse et conduit la majorité de ces sections à faire mieux avec moins.

Ce sont bien sûr les élèves qui pâtiront d'une telle situation puisqu'ils ne recevront pas l'enseignement minimal. Or dédoubler les services permet d'organiser les conditions de réussite des élèves. Il est donc nécessaire d'abonder les dotations en SEGPA, et non de les diminuer comme vous vous apprêtez à le faire, monsieur le ministre. Ne pas dédoubler les groupes d'élèves en sciences physiques ou en technologie revient en fait à rendre les effectifs d'élèves en SEGPA plus importants que dans les autres établissements !

Par ailleurs, l'enseignement d'une langue vivante aux élèves présentant des difficultés graves et persistantes impose lui aussi un aménagement des conditions de travail. Si l'élève en SEGPA reste un collégien comme les autres, il doit cependant être mieux encadré, ce qui suppose que les moyens nécessaires soient mis à la disposition de ces sections. Or la tendance est plutôt à la diminution, nous l'avons bien vu.

Devant cette situation fort préoccupante, pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que les SEGPA verront leurs dotations augmenter dans les années à venir ?

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Je voterai l'amendement de la commission. Si j'avais eu le moindre doute - ce n'est guère le cas ! -, les arguments qui viennent d'être exposés contre cet amendement m'auraient convaincu de soutenir ce dernier.

Il faut éviter d'opposer à cet amendement des situations et des états de fait passés. Il y a, madame la sénatrice de la Seine-Saint-Denis, une grande imprudence à rappeler un mouvement qui s'est développé dans votre département en 1998 et à l'occasion duquel les manifestants affirmaient ne pas être des « moins que rien ».

Il me semble en effet qu'en 1998 vous faisiez partie de la majorité au pouvoir et que le Premier ministre s'appelait alors Lionel Jospin ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Annie David. Mais précisément, il a été entendu, ce mouvement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons été entendus !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, je suis tout étonné encore de la façon dont, jusqu'au bout, vous aurez réagi face à nos propositions.

Voilà que l'on nous annonçait un texte majeur pour l'avenir de l'école, une loi d'orientation déterminante pour les quinze ou vingt années suivantes, une loi fondamentale pour notre société. Et, sur un sujet aussi complexe, on allait prendre son temps, il n'y avait aucune urgence ; une consultation nationale organisée par le ministre recueillait même un million de réponses. Bref, nous allions débattre...

Mais non, monsieur le ministre, en guise de débat, jusqu'au bout, vous aurez eu recours à tous les instruments juridiques possibles :...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mais non !

M. David Assouline.... hier urgence, maintenant vote bloqué, et même réécriture d'un amendement quand surgit un élément nouveau dans le débat parlementaire, qui nous honore tous, d'ailleurs,...

M. Josselin de Rohan. Il faudra vous y faire, c'est comme cela que cela se passe au Parlement !

M. David Assouline.... élément qui permettait peut-être, monsieur le ministre, de redonner un peu de dynamisme à un projet de loi, reconnaissons-le, assez « plombé », et de montrer que ce parlement sert encore à quelque chose.

Personne n'a remis en cause, après la clarification intervenue ce matin, l'idée d'un socle commun de connaissances. Il ne s'agissait pas d'empiler des disciplines. Nous vous avons proposé, dans des amendements pesés, l'intégration dans le socle commun des avancées pédagogiques les plus récentes que nous connaissons tous. Car l'éducation physique comme l'éducation artistique font partie de ce socle commun sur lequel se construit un citoyen. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Ensuite, libre à vous de débattre encore pour déterminer quelles sont les autres disciplines que vous mettez dans ce socle commun. Nous parlions, nous, de ce qu'il fallait au minimum donner à chaque individu pour en faire un citoyen. Or vous vous arc-boutez et vous allez continuer dans le même sens. Et forcément ! Si les débats continuaient, nul doute que vous auriez de nouveau recours au vote bloqué. Comme si la procédure d'urgence ne suffisait pas ! Et avec quels arguments ? Quelle est l'urgence ? Uniquement la terreur absolue qui vous tient encore, même quand vous vous vantez de constater qu'au fil des semaines la mobilisation dans la rue diminue. Votre seul argument, votre seul but, c'est d'empêcher qu'un mouvement de la communauté scolaire puisse prendre corps pour contester encore votre loi.

M. Josselin de Rohan. Voilà un bel agitateur !

M. David Assouline. Nous voulons le débat ; vous avez l'oeil rivé sur vos peurs anciennes et vous empêchez ce débat. Finalement, vous appauvrissez ce que vous avez vous-même initié avec votre grande loi sur l'école. Eh bien, non, monsieur le ministre, ce ne sera pas une grande loi !

M. David Assouline. Si ce texte est adopté, ce ne sera qu'un tout petit machin que l'on oubliera vite !

M. le président. Je mets aux voix, par un seul vote, l'amendement n° 658, à l'exclusion de tout sous-amendement.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires culturelles.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 121 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 295
Majorité absolue des suffrages exprimés 148
Pour l'adoption 169
Contre 126

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

L'amendement n° 274, présenté par MM. Mélenchon, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 122-1-1, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L.... ? Dans l'année scolaire où l'élève atteint l'âge de 15 ans, un entretien d'étape lui permet de faire le point sur sa situation scolaire et personnelle, d'examiner les conditions de poursuite de sa scolarité et de réfléchir à son projet professionnel. »

La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit d'un amendement dont le dispositif a, en fait, déjà été expérimenté. Je le dis pour M. le ministre, dans l'hypothèse où il l'ignorerait, ce qui m'étonnerait.

Trois arguments militent en faveur de ce que nous proposons.

Premièrement, on fait souvent le constat que les parcours scolaires sont assez illisibles. Les jeunes ne savent pas de quel côté se diriger à mesure qu'ils avancent dans ce parcours, et c'est plus particulièrement vrai selon le milieu social.

J'emprunterai volontiers à ma propre expérience. Premier bachelier de la famille, lorsque j'ai eu le bac en poche, j'ai posé la question de savoir ce que j'allais faire dorénavant. A quoi on m'a répondu : « C'est toi qui sais, c'est toi le bachelier » !

J'ai constaté que la même méconnaissance affectait de très nombreux jeunes et que ce manque de visibilité sur l'avenir produisait comme un choc en retour, se traduisant soit par du désespoir, soit par une espèce de rage incontrôlée. D'ailleurs, si vous voulez bien considérer les statistiques, vous vous apercevrez, c'est mon deuxième argument, que l'on peut facilement croiser les deux critères qui permettent de rendre compte de 90 % des violences scolaires : d'une part, le critère du retard d'âge, d'autre part, le critère du sexe.

On voit donc comment, en donnant de la visibilité, on donne en même temps de l'air à tout le système.

Mais il est un troisième argument en faveur de la proposition que je formule avec le groupe socialiste.

Le terme de l'obligation scolaire est fixé à seize ans, et nous considérons que c'est une obligation républicaine que de scolariser gratuitement nos enfants jusqu'à cet âge. Cependant, nous savons que nous avons des enfants de plus de quinze ans en classe de quatrième - ils sont même 20 000 par an - et nous savons aussi qu'il est opportun de donner la possibilité à ces élèves de savoir quoi faire de leur avenir, un an avant qu'ils atteignent le terme de la scolarité obligatoire et donc avant d'avoir pu bénéficier le cas échéant des paliers d'orientation en troisième et en seconde.

C'est pourquoi je propose avec le groupe socialiste que soit organisé un entretien d'orientation avec chaque jeune, quelle que soit la section, quelle que soit la voie d'enseignement dans laquelle il se trouve à l'âge de quinze ans.

Au cours de l'année scolaire 2000-2001, cinq académies de notre pays ont testé ce dispositif ; puis, au cours de l'année scolaire suivante, 2001-2002, la moitié des académies l'ont à leur tour testé. Partout où cette mesure était appliquée, aussi bien les enseignants que les responsables des établissements scolaires ont constaté un mieux-être des jeunes et un mieux vivre dans les établissements.

Enfin, pour les jeunes, ce fut souvent l'occasion d'une véritable rencontre avec eux-mêmes, d'une véritable révélation, un moment d'éclaircissement de leurs ambitions dans la vie, avec des mots qui, moi, m'ont beaucoup ému. Je me souviens d'une inspection que j'ai faite sur le terrain, dans l'académie de Marseille, et de ces jeunes - je pense en particulier à ceux d'un collège du quartier Nord - reconnaissant qu'ils avaient osé dire pour la première fois que leur ambition était dans l'avenir d'être juges et que, pour la première fois, ils avaient l'impression que, loin de se moquer d'eux, on leur disait au contraire comment faire pour bien faire.

Monsieur le ministre, le dispositif peut être appliqué dans la mesure où il est prouvé qu'il est efficace. Après, évidemment, c'est peut-être une affaire de moyens, mais je fais observer que la commission - et je considère que c'est un point positif dont je peux me réclamer - a renvoyé la décision à la sagesse du Sénat lorsque nous avons débattu de cet amendement. C'est une indication pour vous, monsieur le ministre, qu'il existe un certain consensus entre nous sur le sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. L'orientation des élèves doit être préparée tout au long de leur scolarité au collège, en relation avec les parents, le professeur principal et les autres personnels compétents. Le rapport annexé prévoit d'ailleurs des rencontres individuelles avec les familles pour aider les élèves à élaborer leur projet d'orientation.

Cet amendement va dans ce sens, et la commission n'est pas opposée au principe d'un bilan personnel dans la quinzième année de l'élève. Cependant, par souci de réalisme et pour que ce dispositif puisse être mis en oeuvre, car cela demande tout de même une certaine organisation, je suggère à notre collègue de bien vouloir rectifier légèrement sa formulation, encore une fois par souci de réalisme. Il s'agirait ainsi de substituer aux mots : « un entretien d'étape lui permet de faire le point » les mots : « un entretien d'étape peut lui être proposé afin de faire le point ». Je m'appuie en quelque sorte sur la jurisprudence de notre collègue Michel Charasse utilisée à l'occasion d'amendements précédents.

Si l'amendement est rectifié dans le sens que je propose, la commission s'en remettra alors à la sagesse du Sénat, et une sagesse positive !

M. le président. Monsieur Mélenchon, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 274 dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne peux pas dire que je sois enchanté de la formulation, que j'aurais souhaitée pour ma part plus péremptoire. Mais enfin, par les temps qui courent, nous, nous prenons ce qu'on nous donne ! C'est déjà ça !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 274 rectifié, présenté par MM. Mélenchon, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 122-1-1, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L.... ? Dans l'année scolaire où l'élève atteint l'âge de 15 ans, un entretien d'étape peut lui être proposé afin de faire le point sur sa situation scolaire et personnelle, d'examiner les conditions de poursuite de sa scolarité et de réfléchir à son projet professionnel. »

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Il s'agit d'une initiative positive en ce qu'elle vient renforcer le dispositif d'information sur l'orientation qui existe déjà au sein des établissements de l'éducation nationale. Je me permets simplement de faire remarquer à M. Mélenchon que le tout ne me paraît pas très normatif, et je ne suis pas complètement sûr qu'une disposition comme celle-là ait bien sa place dans la loi. Cependant, compte tenu du caractère encore une fois positif de l'initiative, je m'en remets également à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J'ai une véritable inquiétude par rapport à cette rectification. Autant nous étions d'accord avec l'amendement initial, autant faire de l'entretien d'étape une simple possibilité suscite des questions. Qui demande cet entretien ? Est-ce l'élève ? Est-ce l'établissement qui propose l'entretien d'étape à l'élève ?

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Les deux, ma chère collègue !

Mme Annie David. Sur quels critères ? S'agira-t-il d'un entretien d'étape destiné uniquement aux élèves en difficulté, qui, pour le coup, se verront orientés vers une filière où ils n'ont pas forcément envie d'aller ?

Le fait que tous les élèves ne soient pas mis sur le même pied d'égalité me contrarie un peu, car, selon moi, cela conduit à faire une discrimination vis-à-vis de nos jeunes de quinze ans : soit ce bilan d'étape est proposé à chaque jeune, ce qui, en soi, est une bonne idée, soit, s'il « peut lui être proposé », il faudrait alors préciser si c'est l'élève ou l'établissement qui décide de procéder à ce bilan.

En tout cas, il me semble difficile de voter en faveur de cet amendement tel qu'il a été rectifié. Je préférerais que nous en revenions à la version initiale, que je suis donc prête à reprendre.

M. le président. C'est impossible, ma chère collègue : nous sommes saisis d'un seul amendement, l'amendement n° 274 rectifié, son auteur ayant accepté de rectifier la version initiale.

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Madame David, M. Mélenchon a bien fait d'accepter la rectification de son amendement.

Nul n'ignore que nous risquons, effectivement, d'avoir de la « perte en ligne » d'élèves qui, ne se sentant pas forcément concernés, ne voudront pas faire ce bilan.

D'un autre côté, proposer ce bilan de manière systématique à tous les élèves induira un poids administratif tel que ceux qui sont particulièrement concernés risquent de se fondre dans une espèce de banalisation du nombre.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Ceux qui en ont vraiment besoin !

M. Roger Karoutchi. L'amendement modifié par la commission est meilleur que l'amendement d'origine, parce qu'il signifie que ceux qui, à quinze ans,...

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Et qui ne sont pas en troisième !

M. Roger Karoutchi.... se demandent sérieusement ce qu'ils doivent faire, ce qu'ils vont devenir, peuvent avoir un entretien d'étape afin de déterminer s'ils vont au terme du cursus scolaire ou s'ils se réorientent.

Il est préférable que ce soient les élèves qui, d'eux-mêmes, se posent des questions.

Mme Annie David. Il faut préciser que l'entretien d'étape a lieu à la demande des élèves et des familles. Tel n'est pas le cas !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. Les arguments de Mme David sont très sérieux. En effet, les entretiens d'étape qui, à titre expérimental, ont été proposés l'ont été à tous les jeunes des établissements considérés, sans présélection, l'un des objectifs étant, justement, de ne stigmatiser aucun jeune.

D'ailleurs, ces entretiens réservèrent bien souvent des surprises, tel ou tel bon élève que ses professeurs comptaient guider vers la voie unique d'excellence bien connue de chacun d'entre nous exprimant soudain, en cette occasion, des désirs, des souhaits, des ambitions qui n'étaient pas du tout ceux que lui avaient prêtés ses enseignants, voire ses parents.

Ces entretiens étaient fondés sur la non-discrimination.

Je suis sûr que notre collègue qui vient de s'exprimer à l'instant est conscient de ce risque. Pour ma part, je ne l'ignore pas, et je le dis clairement : j'aurais préféré que ma formulation soit conservée.

La commission pourrait-elle accepter une petite amélioration aux termes de laquelle ce sont les élèves ayant atteint l'âge de quinze ans et souhaitant avoir cet entretien qui le passeront effectivement ? J'estime, en tout cas, qu'elle est prévenue du risque de stigmatisation, et qu'elle en est consciente, du moins je l'espère.

M. le ministre pourra toujours donner comme consignes, en la matière, puisqu'il est écrit « peut » dans le texte, que, dans telle académie, cet entretien sera proposé à tous les élèves de quinze ans ou à tous ceux qui sont en classe de quatrième. Il y a là, certes, une latitude. Mais, je le répète, cette rédaction n'est pas celle que j'aurais souhaitée. Cependant, un pas est fait en notre direction, et je l'accepte donc.

Néanmoins, monsieur le rapporteur, si vous pouviez faire un geste d'ouverture supplémentaire, ce serait parfait ; mais à la perfection nul n'est tenu... et surtout pas un membre de la majorité actuelle !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Je veux bien faire un geste supplémentaire, le problème n'est pas là. Je suis convaincu - je l'ai dit - du bien-fondé de cette mesure. Simplement, je veux qu'elle puisse être mise en place et qu'elle soit réaliste.

La mesure telle que je l'ai formulée me semble d'application plus facile.

Je veux bien préciser que l'entretien sera proposé à l'élève qui le souhaite, mais j'ai peur que la mesure ne soit alors encore moins efficace, car ce sont ceux qui auront le plus besoin de cet entretien qui ne viendront pas le passer.

Je vais donc en rester à cette rédaction. (Signes d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274 rectifié.

Mme Annie David. Le groupe CRC s'abstient !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

L'amendement n° 479, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 122-7 du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L.... ? L'éducation physique et sportive et le sport scolaire et universitaire contribuent à la rénovation du système éducatif, à la lutte contre l'échec scolaire et à la réduction des inégalités sociales et culturelles.

« L'éducation physique et sportive, dont l'enseignement est obligatoire pour tous à tous les niveaux, joue un rôle fondamental dans la formation de l'élève et son épanouissement personnel. Elle concourt à l'éducation, à la santé et à la sécurité. Elle favorise l'accès à la culture des activités physiques, sportives et artistiques, à la citoyenneté par les pratiques qu'elle développe et la socialisation qu'elle permet. Son enseignement facilite la scolarisation des élèves handicapés grâce à des pratiques et épreuves adaptées. La participation aux associations sportives d'établissement contribue à l'apprentissage de la vie associative.

« Elle est prise en compte, pour tous les élèves, dans les examens du second degré. »

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Le socle commun de connaissances appauvri risque de devenir un savoir maximum pour un grand nombre d'élèves, en ce qu'il aboutirait à ce que soient abandonnés des axes fondamentaux d'apprentissage, comme l'EPS, l'éducation physique et sportive.

Voici ce que disait le candidat à l'élection présidentielle Jacques Chirac : « Le sport apparaît de plus en plus comme une véritable école de la vie... C'est la raison pour laquelle il doit devenir une matière à part entière de l'éducation des enfants, au même titre que les connaissances de base. » Cette citation, que chacun, ici, aura certainement reconnue, est extraite de son livre intitulé La France pour tous.

Le futur Président de la République pointait lui-même le coeur de ce qui fonde aujourd'hui nos propres craintes : l'exclusion de l'EPS des connaissances de base.

Nous considérons que l'émergence de ce nouveau modèle scolaire a un sens politique. Nous avons l'intime conviction que le destin des différentes disciplines, de leurs enseignants, sera différent suivant qu'ils appartiennent ou non au « socle ». Qu'on le veuille ou non, il produit aujourd'hui de la hiérarchie ; il produira, demain, de l'exclusion. Personne ne peut aujourd'hui prédire de façon exhaustive l'effet différé qu'il joue autour de la définition du contenu de la scolarité obligatoire.

Les enseignants d'EPS sont particulièrement mobilisés, vous le savez, pour la défense de leur discipline d'enseignement : l'appel pour l'EPS lancé par leur organisation syndicale recueille de très nombreux soutiens, aussi bien auprès de l'opinion publique - à ce jour, plus de 150 000 signatures ont été réunies - qu'auprès de personnalités.

Les signataires ne comprennent pas, en particulier, cette remise en cause du caractère fondamental de l'EPS à l'école au moment où le Gouvernement est engagé dans une campagne pour les jeux Olympiques à Paris en 2012.

Les membres du SNEP-FSU, le syndicat national de l'éducation physique de l'enseignement public et de la fédération syndicale unitaire, regrettent vraiment, monsieur le ministre, qu'il n'y ait pas eu avec lui de véritable concertation ; pourtant, c'est une organisation qui, elle-même, a recueilli 80 % des voix lors des dernières élections professionnelles.

Vous connaissez, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rôle positif et important des professeurs d'éducation physique : ayant un autre rapport avec l'élève, ils contribuent aussi, par la pratique du sport, à l'apprentissage de la mixité, dont nous parlions hier.

Je veux achever cette intervention par un retour sur ce qui fonde la raison d'être de l'éducation physique et sportive en citant un extrait de l'ouvrage Variations du philosophe Michel Serres : « Ecrites en éloge des professeurs d'éducation physique et des entraîneurs, des guides de haute montagne, des athlètes, danseuses, mimes, clowns, artisans et artistes... ces Variations décrivent les métamorphoses admirables que leur corps peut accomplir. Les animaux manquent d'une telle variété de gestes, postures et mouvements ; souple jusqu'à la fluidité, le corps humain imite à loisir choses et vivants ; de plus, il crée des signes. Déjà là dans ces positions et métamorphoses, l'esprit, alors, naît de ces variations. Le corps se révèle plus difficile à robotiser que l'intelligence, vite artificielle. Les cinq sens ne sont pas la seule source de la connaissance : elle émerge, en grande part, des imitations que rend possibles l'extraordinaire plasticité du corps tout entier. En lui, avec lui et par lui commence le savoir. Du sport à la connaissance, il passe donc de la forme au signe,...»

Cette citation me paraît éloquente et constitue, à mon sens, une réponse de haut niveau à M. de Rohan en démontrant l'importance de l'éducation physique.

Voyez-vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est là que nos appréciations, concernant le rôle que joue l'éducation physique, divergent complètement.

M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !

Mme Hélène Luc. L'EPS, comme langage du corps et non simple outil, doit trouver toute sa place dans le contenu obligatoire de la scolarité de l'école primaire au lycée. Elle est - on ne le dira jamais assez - une discipline à part entière. En tant que telle, elle suppose d'être maintenue comme élément obligatoire de l'évaluation à tous les examens.

M. François Fillon, ministre. C'est le cas !

Mme Hélène Luc. Nous demandons un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement reprenant mot à mot les dispositions figurant à l'article L.121-5 du code de l'éducation et s'inspirant largement de celles des articles L.112-1 et L.312-4 du même code, il est donc satisfait : soit Mme Luc le retire, soit j'émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Il est défavorable. Des épreuves de sport sont obligatoires à tous les examens. Dans le présent texte, il n'est à aucun endroit fait allusion à la suppression d'une seule heure de sport. La gauche a gouverné la France pendant des années, madame Luc, sans rien faire de plus en faveur de l'enseignement du sport que ce que nous faisons aujourd'hui.

Aujourd'hui, au lycée, en additionnant les heures de sport obligatoires et les heures de sport offertes par l'UNSS, l'Union nationale du sport scolaire, les élèves peuvent bénéficier d'un nombre d'heures de sport beaucoup plus élevé que celui des heures de français ou de mathématiques.

Le présent débat est donc absurde ; il est piloté par les enseignants de l'éducation physique, qui tentent de faire croire que ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école ferait peser des menaces sur le sport. C'est faux, comme chacun pourra en juger lors de sa mise en oeuvre.

Mme Hélène Luc. Il y a une hiérarchie qui se crée !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 479.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 122 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 120
Contre 203

Le Sénat n'a pas adopté.

Art. additionnels après l'art. 6
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art.  additionnel après l'art. 6 bis

Article 6 bis

La scolarité obligatoire doit d'autre part permettre à chacun de trouver sa voie de réussite.

Pour cela, des enseignements complémentaires viennent compléter le socle commun.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 10 est présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles.

L'amendement n° 275 est présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 481 est présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 10.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination qui concerne le socle commun.

Au demeurant, en faisant référence à la valorisation de tous les talents, l'amendement qui a été adopté à l'article 4 satisfait le premier alinéa de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour présenter l'amendement n° 275.

M. Jean-Marc Todeschini. Vous connaissez notre opposition à cet article, introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale par M. Pierre-André Périssol.

Il y est notamment précisé que des « enseignements complémentaires viennent compléter le socle commun ».

Cet article ouvre, selon nous, une porte dangereuse à une différence de traitement entre les élèves considérés comme étant à même de suivre un enseignement complémentaire aux enseignements du socle commun et les autres.

Rien n'est précisé dans cet article sur les modalités de mise en oeuvre de ces enseignements complémentaires et sur les conditions d'accès à ceux-ci.

De fait, un enseignement à deux vitesses peut être - je pense même qu'il le sera - instauré.

Cet article nouveau n'est d'ailleurs qu'une reprise de ce qui était très explicitement prévu dans le rapport annexé au projet de loi.

Il est ainsi écrit, dans ce rapport, que les élèves ayant « montré aisance et rapidité » dans l'acquisition du socle commun se verront proposer plus. Il y est également précisé que les langues anciennes seront réservées à cet enseignement complémentaire, ce qui est contradictoire avec l'objectif affiché à la fin du rapport - objectif d'ailleurs fort contestable, nous nous en expliquerons plus tard --, d'augmenter de 10 % « la proportion des élèves de lycée étudiant une langue ancienne ».

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 481.

Mme Annie David. Cet article, qui, comme vient de le rappeler Jean-Marc Todeschini, a été introduit par l'Assemblée nationale, vise à rassurer les enseignants, les élèves et les parents qui craignent que l'enseignement obligatoire ne se résume au socle commun.

Malgré tout, nous en demandons la suppression, et ce pour plusieurs raisons.

Il nous est demandé de voter un dispositif établissant une distinction entre deux types d'enseignements alors que nous ne savons pas précisément, malgré le débat qui a eu lieu aujourd'hui, quelles disciplines relèveront respectivement du socle commun et des enseignements complémentaires, les éléments du socle commun devant être définis par décret.

Les enseignements complémentaires, qui ont été intégrés dans l'article 6, sont, quant à eux, définis en creux, M. Périssol ayant expliqué dans l'objet de son amendement à l'Assemblée nationale qu'ils constituent « soit un approfondissement des enseignements fondamentaux compris dans le socle commun, soit une diversification sur d'autres champs ». En fait, tous les enseignements qui ne seront pas compris dans le socle commun seront complémentaires.

Prenons l'exemple des principaux éléments de mathématiques : où s'arrête le principal, où commence l'accessoire ? De même, quand considère-t-on que la langue française est maîtrisée ? Comment savoir si les sciences de la vie et de la terre ou la chimie font partie de la culture humaniste et scientifique ?

Il nous est donc demandé de légiférer sur des objets inconnus, certains devant constituer les éléments d'une culture commune minimale, d'autres étant laissés au choix de l'élève en fonction de critères non définis, les enseignements complémentaires devant permettre à chacun de trouver sa voie de réussite.

La voie de réussite de chacun étant, par définition, personnelle, les enseignements complémentaires devraient donc varier d'un élève à l'autre, étant entendu qu'il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de construire un système éducatif sur mesure pour chaque élève. Ce n'est d'ailleurs pas souhaitable.

La distinction entre enseignements fondamentaux et enseignements complémentaires reste des plus floues. C'est la première des raisons pour lesquelles nous n'approuvons pas ce dispositif. Vous nous demandez en effet d'acquiescer à la mise en place d'un système éducatif construit sur deux éléments dont on ne connaît ni la teneur, ni la consistance, ni la taille, ni la solidité.

La deuxième raison de notre opposition est que le dispositif des enseignements complémentaires va dans le sens de l'accroissement du nombre d'enseignements dispensés à la carte dans le cadre de l'éducation nationale.

Au-delà du minimum vital prévu par le socle commun, les enseignements complémentaires devraient permettre à chacun de trouver sa voie de réussite. Or il est très difficile, comme je viens de le souligner, de faire varier le périmètre des enseignements d'un élève à l'autre. C'est pourtant bien de l'individualisation des parcours d'apprentissage qu'il est ici question. Il faudra donc bien que des critères de variation soient trouvés.

Nous craignons fort que ces critères ne conduisent à ajuster les enseignements aux perspectives d'emploi des élèves. Ceux-ci n'étant pas toujours en mesure de définir eux-mêmes leur voie de réussite, l'institution s'en chargera à leur place et substituera probablement les besoins de la société aux envies des élèves, lesquelles sont trop difficiles à cerner ou à prendre au sérieux.

En outre, pour prendre toute la mesure de ce nouveau découpage des disciplines, il faut tenir compte des effets de la décentralisation ainsi que de l'autonomie accrue des établissements scolaires. Ces derniers seront responsables des enseignements proposés aux élèves au-delà de ceux qui sont inclus dans le socle commun et ils les choisiront, d'une part, en fonction de leurs moyens et, d'autre part, en fonction du milieu socio-économique dans lequel ces établissements s'insèrent localement.

C'est ainsi que l'on risque d'aboutir à une différenciation croissante en fonction des régions, des bassins d'emploi et des établissements scolaires, laquelle sera préjudiciable à l'unité du service public de l'enseignement scolaire.

Les articles 6 et 6 bis posent une équation à deux inconnues. Où se situera la frontière entre socle commun et enseignements complémentaires ? Quels enseignements complémentaires seront effectivement proposés et à quels élèves ?

Parce qu'il nous semble inacceptable de mettre les élèves dans une telle situation d'incertitude, nous refusons cette bipartition entre enseignements fondamentaux et complémentaires.

Nous vous proposons donc de supprimer l'article 6 bis.

M. le président. L'amendement n° 482 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La scolarité obligatoire doit d'autre part permettre à chacun de trouver sa voie de réussite. L'ensemble des enseignements fondamentaux et des enseignements complémentaires y participent.

L'amendement n° 483, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les moyens nécessaires sont prévus pour la réalisation et la mise en pratique de ces enseignements complémentaires.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Je retire ces deux amendements, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 482 rectifié et 483 sont retirés.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 10, 275 et 481 ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements.

Je considère que, compte tenu des modifications qui ont été apportées à l'article 4 et à l'article 6, l'article 6 bis n'a plus de raison d'être.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10, 275 et 481.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 6 bis est supprimé.

Art. 6 bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. 7

Article additionnel après l'article 6 bis

M. le président. L'amendement n° 197, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :

Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 122-2 du code de l'éducation est complété par un second alinéa ainsi rédigé 

« Les personnes responsables d'un mineur non émancipé ne peuvent s'opposer à la poursuite de sa scolarité au delà de l'âge de seize ans. »

II. Après l'article L. 131-12 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... Lorsque les personnes responsables d'un mineur non émancipé s'opposent à la poursuite de sa scolarité au-delà de l'âge de seize ans, une mesure d'assistance éducative peut être ordonnée dans les conditions prévues aux articles 375 et suivants du code civil afin de garantir le droit de l'enfant à l'éducation. »

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Les personnes responsables d'un mineur non émancipé ne doivent pas pouvoir s'opposer à la poursuite de sa scolarité au-delà de l'âge de seize ans, étant entendu que des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées dans les conditions prévues aux articles 375 et suivants du code civil.

Il n'est nul besoin d'épiloguer longtemps sur ce sujet. Chacun comprend à quel type de difficultés cet amendement tend à répondre : je pense notamment à celles que rencontrent dans notre système éducatif certaines jeunes filles qui souhaitent poursuivre leur scolarité au-delà de l'âge de seize ans et qui, parfois, se voient opposer des réticences, voire des oppositions familiales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis favorable, monsieur le président.

Cette disposition comble en effet un vide juridique et protège le droit à l'éducation des mineurs non émancipés. Elle prévoit les modalités et les sanctions adaptées pour assurer son effectivité, conformément aux mesures d'assistance éducative prévues par le code civil.

Le dialogue préalable avec la famille devra, bien sûr, être privilégié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 197.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 bis.

Art.  additionnel après l'art. 6 bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. additionnel après l'art. 7

Article 7

L'article L. 131-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un service public de l'enseignement à distance est organisé notamment pour assurer l'instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou dans un établissement scolaire. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 276, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Desessard, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour le nouvel alinéa de l'article L. 131-2 du code de l'éducation par deux phrases ainsi rédigées :

La gratuité doit en être assurée pour les enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou un établissement scolaire. Le fonctionnement du service s'effectue sous le contrôle des inspecteurs d'académie.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à préciser les conditions dans lesquelles les enfants soumis à la scolarité obligatoire peuvent avoir recours, quand ils ne peuvent être scolarisés dans une école ou dans un établissement ordinaire, aux services de l'enseignement à distance.

Certains élèves de mon département m'ont en effet informée du coût élevé de l'inscription au Centre national d'enseignement à distance, le CNED. Selon les services rectoraux, il s'agit de limiter les inscriptions fantaisistes ou l'assiduité toute relative de certains élèves.

Ces arguments sont, certes, tout à fait recevables. Cet amendement vise cependant à ce que l'enseignement à distance n'échappe pas au principe de gratuité. Les dilettantes peuvent être dissuadés autrement que par un coût trop élevé de l'inscription !

M. le président. L'amendement n° 484, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 131-2 du code de l'éducation par deux phrases ainsi rédigées :

Une gratuité réelle de l'instruction doit être assurée pour les enfants qui ne peuvent être scolarisés, pour une raison reconnue légitime par les inspecteurs d'académie, dans une école ou un établissement scolaire. Cette gratuité doit prendre en compte l'inscription et l'équipement si cela est nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Cet amendement tend à rendre gratuit l'enseignement à distance. En effet, il n'est pas juste que les élèves empêchés de se rendre dans des établissements scolaires soient pénalisés et doivent payer les coûts des enseignements dispensés par le CNED.

L'enseignement à distance à un rôle important à jouer en matière de lutte contre la désocialisation de certains jeunes, notamment dans le contexte du grand malaise social que nous vivons actuellement.

Il est bon de rappeler également que, à la suite de l'adoption de la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, des jeunes filles ont décidé de ne plus suivre de cours.

Il est important que ces jeunes filles puissent accéder au service public gratuit de l'éducation et demeurer, malgré tout, au sein de l'école laïque. Elles ne doivent pas être abandonnées au communautarisme dans lequel elles sont enfermées. Il faut donc les inciter, par la gratuité notamment, à poursuivre leurs études dans le cadre de l'éducation nationale. N'ajoutons pas de l'exclusion à l'exclusion !

Par ailleurs, notre amendement vise à préciser qu'une gratuité réelle implique de disposer de l'équipement nécessaire à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

De fait, ces nouvelles technologies offrent théoriquement à chacun de formidables possibilités de communication, sous réserve toutefois qu'il soit en mesure de s'équiper, c'est-à-dire de disposer d'un ordinateur et d'une connexion à Internet. L'utopie technique ne doit pas remplacer l'utopie sociale ! Les nouvelles technologies n'abolissent pas les inégalités, elles sont parfois, au contraire, une nouvelle forme d'expression des inégalités sociales.

Toute une frange de la population n'a pas accès au contenu d'Internet, faute de posséder un ordinateur et une connexion. La fracture numérique ne divise pas seulement pays riches et pays pauvres, elle traverse notre pays et nous savons que nombre d'élèves, notamment les plus modestes d'entre eux, ne pourront pas, de fait, avoir accès aux offres du CNED, faute d'équipement.

Le CNED a développé - c'est tout à son honneur - la téléinformation sur son « campus électronique ». Il est possible d'y tester ses connaissances dans plusieurs matières - l'anglais, les mathématiques, la comptabilité, l'astrophysique -, ou encore d'évaluer son niveau pour l'entrée en première année d'IUFM. L'ensemble des téléinformations sont, en fait, disponibles du cycle élémentaire à l'enseignement supérieur.

La fracture numérique va jouer ici aussi si l'on ne permet pas aux élèves de s'équiper d'un ordinateur et de disposer d'une connexion à Internet. Le CNED prend en charge un service public. Il est donc inconcevable que son campus électronique soit réservé à ceux qui sont équipés en informatique, c'est-à-dire les plus aisés. C'est pourquoi le CNED doit véritablement être gratuit, afin d'être accessible à tous.

Cette gratuité doit prendre en compte les évolutions technologiques et les effets sociaux qu'elles induisent. Nous proposons donc de l'étendre à l'équipement nécessaire à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

M. le président. L'amendement n° 485, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 131-2 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :

« Cet enseignement est gratuit. Cette gratuité inclut l'équipement nécessaire à l'usage des nouvelles technologies de l'informatique et de la communication ».

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous savez que, en réalité, même si elle est proclamée, la gratuité de l'école publique n'existe pas.

De l'obligation d'acheter nombre d'ouvrages pour que les élèves puissent, par exemple, travailler en littérature sur des oeuvres complètes jusqu'aux droits d'inscription à l'université en passant par la nécessité de plus en plus évidente de posséder chez soi un matériel informatique ou encore d'acheter des tenues de sport ou des vêtements de travail pour les élèves des sections industrielles des lycées professionnels, la liste des frais à la charge des familles qu'impose la scolarité d'un jeune est longue.

Selon vos propres statistiques, monsieur le ministre, ces frais s'élèvent à 8 % de la dépense intérieure d'éducation.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposerons ultérieurement la création d'un fonds national de lutte contre les inégalités à l'école, qui aurait pour vocation de lutter pour que les inégalités en termes de moyens matériels et financiers cessent de constituer des entraves aux chances de réussite scolaire de certains élèves.

L'article 7 du présent projet de loi vise le problème particulier de l'enseignement à distance.

De fait, et c'est normal, cet enseignement ne se réduit pas à l'envoi par La Poste de cours aux élèves concernés, envoi auquel ils doivent répondre par écrit sous forme de devoirs et exercices également envoyés par La Poste. Mon ami Jean-François Voguet en a parlé voilà un instant, l'enseignement à distance se traduit de plus en plus par des communications entre enseignants et élèves par le truchement d'Internet, ce qui suppose que l'élève maîtrise bien l'informatique, et surtout qu'il dispose d'un matériel informatique et d'un accès à Internet.

L'amendement n° 485 vise simplement à résoudre ce problème, dans un souci de lutte contre toutes les inégalités, y compris financières.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis. Je suis persuadé que M. le ministre fera le point sur la question de l'enseignement à distance ; toutefois, sans préjuger de l'intérêt des amendements nos 276, 484 et 485, je vous indique, monsieur le président, que la commission des finances invoque l'article 40 à leur encontre.

M. le président. En conséquence, les amendements nos 276, 484 et 485 ne sont pas recevables.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. additionnels après l'art. 8

Article additionnel après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 277, présenté par MM. Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un rapport du Gouvernement sur les modalités de mise en oeuvre d'un service public de l'enseignement à distance gratuit pour les enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou un établissement scolaire est transmis au Parlement avant le 31 décembre 2005.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. L'article 40 vient d'être invoqué à l'encontre d'un amendement prévoyant la gratuité effective de l'enseignement à distance pour les enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou un établissement scolaire.

Par l'amendement n° 277, il s'agit de confier au Gouvernement le soin de rédiger un rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'un service public de l'enseignement à distance gratuit pour lesdits enfants.

En vertu du principe d'égalité républicaine, ces enfants devraient pouvoir accéder à l'enseignement, quelles que soient les conditions de ressources de leurs parents. Cette faculté doit concerner notamment les enfants souffrant d'un handicap leur interdisant de suivre une scolarité normale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car l'Etat assure déjà la compensation de la majorité des frais d'inscription.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas que le Parlement lui fasse injonction de produire un rapport sur ce sujet. Une telle procédure est d'ailleurs contraire à la Constitution.

Cela étant, je tiens à faire part à la Haute Assemblée de mon souci de tendre vers la gratuité de l'enseignement à distance pour les élèves qui sont à l'âge de la scolarité obligatoire et qui n'ont pas d'autres possibilités.

Aujourd'hui, et depuis un certain nombre d'années, la gratuité n'est pas totale, même si la contribution demandée aux parents d'élèves est modeste : elle s'élève à 94 euros par an dans l'enseignement primaire et à 114 euros par an dans l'enseignement secondaire. Je me suis fixé pour objectif de tendre vers une amélioration de cette situation.

Mme Voynet a également posé la question du contrôle de l'inscription des élèves au CNED.

Dans le cadre de la scolarisation obligatoire, cette inscription s'effectue sous le contrôle des inspecteurs d'académie. Il appartient à ces derniers de communiquer au CNED le motif légitime justifiant l'inscription. Le CNED doit rendre compte aux inspecteurs de l'assiduité des enfants relevant de leur contrôle. Il doit également informer les maires concernés de l'inscription des enfants relevant de l'obligation scolaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l'examen de l'article 8 et du rapport annexé a été réservé jusqu'à la fin du texte.

Art. additionnel après l'art. 7
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. additionnels avant l'art. 9 A

Articles additionnels après l'article 8

M. le président. L'amendement n° 504 rectifié, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'école doit garantir les conditions de l'égalité des droits et des chances aux élèves handicapés, quelle que soit la nature de leur handicap, et permettre leur scolarisation en priorité dans l'école ou l'établissement scolaire le plus proche de leur domicile, en bénéficiant au besoin des aménagements et accompagnements nécessaires.

Le choix de scolarité pour chaque enfant ou adolescent peut être adapté ou révisé dans le cadre d'un projet personnalisé, élaboré en étroite association avec ses parents ou, le cas échéant, son représentant légal. Ce projet doit garantir la cohérence des actions pédagogiques et prendre en compte les prises en charge médicales, paramédicales, psychologiques ou sociales dont peut bénéficier l'élève par ailleurs.

De la maternelle au lycée, le parcours scolaire peut alterner ou combiner différentes modalités : une intégration individuelle, éventuellement accompagnée par un auxiliaire de vie scolaire ; un soutien par un dispositif collectif; une scolarisation dans un établissement sanitaire ou médico-éducatif lorsqu'une prise en charge globale s'impose; un enseignement à distance lorsque l'élève est momentanément empêché de fréquenter l'école en raison de son état de santé.

L'effort d'ouverture de structures de scolarisation adaptées sera poursuivi et orienté vers le second degré, où 1 000 nouvelles unités pédagogiques d'intégration seront créées d'ici 2010, notamment dans les collèges et lycées professionnels. Les personnels d'enseignement et d'éducation seront invités à suivre les formations spécialisées dans l'accueil des élèves handicapés qui ont été rénovées en 2004. Les assistants d'éducation veilleront à l'accueil des élèves ayant un handicap; leur nombre au sein des établissements scolaires sera fonction des besoins des élèves ayant un handicap. Les associations de parents d'enfants handicapés peuvent être sollicitées pour accompagner des modules entrant dans le cadre de ces formations. Tout élève en situation de handicap à l'issue de la scolarité obligatoire doit pouvoir poursuivre ses études.

Dans la limite des crédits ouverts chaque année par la loi de finances, la mise en oeuvre de la mesure concernant le nombre d'unités pédagogiques d'intégration est ainsi programmée :

2006

2007

2008

2009

2010

Nombre d'unités pédagogiques d'intégration

+200

+200

+200

+200

+200

Crédits (en millions d'euros)

12

12

12

12

12

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous achevons à peine les débats relatifs à l'égalité des chances et à la citoyenneté des personnes en situation de handicap.

Alors que ces débats ont suscité, non seulement dans cet hémicycle mais également au sein des familles et des associations concernées, une réflexion et des échanges qui, pour avoir été souvent vifs, n'en ont pas été moins constructifs, nous nous étonnons et regrettons que ce projet de loi ne traduise pas précisément les modalités et les moyens de la scolarisation des enfants en situation de handicap.

C'est pourquoi il nous apparaît essentiel de conférer une valeur normative aux dispositions présentées dans le rapport annexé et d'y intégrer une programmation budgétaire spécifique.

J'aimerais rappeler à cette occasion les chiffres officiels de la scolarisation des enfants en situation de handicap.

Selon la Direction générale de l'action sociale, la DGAS, et la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, 24 % des enfants en situation de handicap ne sont ni scolarisés ni accueillis en établissements spécialisés. A la lueur de ces chiffres, on comprend aisément l'attente et l'espoir que peut susciter un débat sur l'école pour ces milliers de familles et d'enfants.

Vous comprendrez aussi facilement, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la situation actuelle des personnes en situation de handicap, plus particulièrement celle des jeunes, ne soit pas très confortable. En effet, les décrets d'application relatifs à la mise en oeuvre de la prestation de compensation, des maisons départementales du handicap et des procédures d'évaluation des besoins ne sont toujours pas parus. Par conséquent, ces jeunes et leur famille ne savent toujours pas ce que seront les conditions de leur scolarisation à la rentrée prochaine.

Accueillir les enfants à l'école ne suffit pas, monsieur le ministre. Nous devons impérativement anticiper et créer les conditions de la réussite de chacun, qu'il soit ou non en situation de handicap.

L'exemple des services « pôles étudiants » est tout à fait éloquent à cet égard. En effet, dès le mois de février dernier, nous apprenions que l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, qui, jusqu'à présent, soutenait et finançait, à la demande de l'Etat, l'accompagnement humain et technique des étudiants en situation de handicap, devrait dorénavant « ajuster strictement les financements accordés aux ressources, rendre les interventions optimales et conformes à la mission de l'AGEFIPH », à savoir l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

De fait, I'AGEFIPH a tenu ses engagements financiers à l'égard des étudiants pour l'année universitaire 2004-2005, mais ne pourra poursuivre au-delà. C'est dire l'incertitude et l'inquiétude des étudiants et de leur famille aujourd'hui !

La loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose clairement la responsabilité de l'éducation nationale pour assurer l'accueil et l'accompagnement nécessaires aux jeunes en situation de handicap.

Il est donc de notre devoir de rassurer les associations et les familles sur les moyens et les méthodes qui seront mis en oeuvre à chaque rentrée scolaire et universitaire afin qu'aucune rupture de scolarisation ne puisse plus intervenir du fait d'un manque de moyens, des moyens qui, vous le savez bien, doivent faire l'objet d'une programmation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement reprend une grande partie des dispositions déjà introduites dans le code de l'éducation par la loi du 11 février 2005 relative aux personnes handicapées.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Robert Hue, pour explication de vote.

M. Robert Hue. A l'occasion de l'examen de cet amendement, je souhaite attirer l'attention de chacun sur les enfants présentant des troubles spécifiques du langage écrit, affection plus communément appelée « dyslexie ».

Ce trouble, dont ni les parents ni les enseignants ne sont responsables, entraîne de sérieuses difficultés pour les enfants. Comme vous le savez, 8 % à 10 % d'écoliers appartenant à tous les milieux sociaux sont touchés. Personne ne doit l'ignorer.

Ces élèves, normalement intelligents, ne vont pas manquer de rencontrer des difficultés pour atteindre les compétences définies et requises dans le fameux « socle commun ».

Malgré plusieurs avancées considérables, tel le plan individualisé de scolarité, certaines dispositions spéciales pour les examens et une formation spécifique pour tous les enseignants ainsi qu'un travail remarquable des associations de parents d'élèves, comme l'association des parents d'enfants dyslexiques, le retard est encore réel en France.

Ces enfants souffrent. Le manque de moyens financiers, de personnels qualifiés, de possibilités de suivi suffisamment rapprochées est un facteur d'aggravation des troubles, qui sont alors bien plus difficiles à corriger.

Les médecins et les infirmières scolaires se sont déjà mobilisés à de nombreuses reprises pour dénoncer le manque de moyens dont ils disposent pour exercer leur mission de prévention. A ce propos, les chiffres parlent d'eux-mêmes : on dénombre 6 400 infirmières pour plus de 12 000 collèges et lycées.

Par ailleurs, monsieur le ministre, dans l'un des documents qui accompagnent le projet de loi pour l'avenir de l'école, on peut lire que « les évaluations nationales, du CE2 et de 6e, doivent servir à repérer les difficultés ; [...] il appartient aux professeurs - conseil des maîtres ou de classe - d'apprécier les conditions dans lesquelles les élèves poursuivent leur scolarité ».

Le regard du professionnel qu'est l'enseignant est évidemment indispensable pour repérer les signes d'alerte, avec l'aide du Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, le RASED.

Selon la circulaire du 31 janvier 2002, un premier dépistage est réalisé par le médecin scolaire à l'occasion du bilan de santé des enfants âgés de trois et quatre ans, sur la base d'informations fournies par les enseignants, le RASED et les familles. Une attention particulière devra être portée à ce bilan, dont le taux de couverture est très inégal, c'est le moins que l'on puisse dire, selon les départements.

Les politiques d'intégration des élèves dans les cursus scolaires - et c'est vrai aussi pour de nombreuses autres pathologies - doivent donc être encouragées et accompagnées des moyens indispensables pour la réussite du projet individualisé d'intégration, à savoir une formation adaptée des enseignants, des conditions d'encadrement améliorées, du temps dégagé pour la concertation avec les familles.

Il est essentiel que nous nous dotions d'un suivi médical cohérent et complémentaire dès la petite enfance, et tout au long de la scolarité.

Nous resterons vigilants, monsieur le ministre, pour que les avancées obtenues dans ce domaine ne stagnent pas, car elles sont encore très insuffisantes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 504 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 123 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 120
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 505, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article L. 351-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :

Nulle interruption de la scolarisation de l'élève ne saurait résulter de l'absence momentanée de l'assistant d'éducation qui l'assiste ou des difficultés à en désigner un pour des raisons liées aux effectifs disponibles.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Nous voulons réaffirmer le principe selon lequel aucune interruption ne doit intervenir dans la scolarité d'un enfant, qu'il soit ou non en situation de handicap, ce qui impose l'anticipation, la programmation et la pérennisation des moyens dès lors qu'il y a scolarisation d'un enfant.

Dans le cas des enfants en situation de handicap, on imagine le choc, le traumatisme de l'enfant, de la famille, de l'équipe éducative qui, en plein cursus, voient leurs efforts réduits à néant parce que manque, dans les effectifs, un assistant d'éducation. Ce n'est pas acceptable. Pourtant, c'est une réalité quotidienne.

Un mouvement positif s'est amorcé avec la circulaire de juillet dernier prévoyant le recrutement de 1 000 auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, supplémentaires. Malheureusement, cette circulaire, qui prévoit également la formation des auxiliaires, n'est pas appliquée dans toutes les académies, et le nombre de postes réellement attribués reste incertain du fait des temps partiels et des mouvements de personnels.

Le nombre d'assistants de vie scolaire nécessaires au regard de la population des jeunes en situation de handicap se rapproche manifestement davantage de 9 000 que des 5 000 qui sont prévus. Le mouvement de recrutement engagé depuis la circulaire de juillet 2004 doit donc impérativement se poursuivre, et même se renforcer, pour répondre aux besoins de ces enfants.

La question du statut de ces personnels est également fondamentale pour la réussite de l'accompagnement. En effet, comment concevoir et mettre en oeuvre les conditions du projet éducatif si les assistants de vie scolaire ne sont recrutés que pour un an - et parfois moins -, ou ne le sont qu'à temps partiel ? Les formations et le suivi qui sont indissociables de cet accompagnement deviennent alors inopérants.

Ne sont d'ailleurs pas exclusivement concernés les auxiliaires de vie scolaire : nombre de professionnels sociaux et médico-sociaux sont nécessaires pour bâtir et mettre en oeuvre un projet éducatif à la hauteur des ambitions des élèves en situation de handicap. Or ces professionnels sont encore trop peu nombreux à participer concrètement et activement à l'intégration et au suivi des jeunes en situation de handicap.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Défavorable.

Cet amendement a trait aux moyens disponibles et n'a donc pas sa place dans le présent projet de loi.

Il n'est en tout état de cause pas question d'interrompre la scolarité d'un élève handicapé en cas d'absence momentanée de son auxiliaire de vie scolaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. L'accompagnement par un AVS ne saurait être la condition de scolarisation d'un élève handicapé,...

Mme Annie David. Il en fait partie !

M. François Fillon, ministre. ...même s'il est vrai que, dans des cas exceptionnels, il est effectivement difficile d'assurer la scolarisation à temps plein de l'élève sans l'aide que lui apporte l'AVS.

C'est la raison pour laquelle les inspecteurs d'académie ont été informés de la nécessité de prévoir des remplacements en cas d'absence prolongée d'un AVS, étant précisé qu'en cas d'absence de courte durée un protocole doit être mis en place dans l'école pour assurer la continuité de l'accueil de l'élève.

J'insiste cependant sur le fait que les cas où la présence permanente d'un AVS auprès d'un élève est nécessaire sont très rares ; l'attribution est alors prioritaire. Le plus souvent, une présence permanente n'est ni nécessaire ni même souhaitable, car elle risque de développer chez l'élève une dépendance préjudiciable.

Ainsi, dans les faits, il serait excessif, et, me semble-t-il, contraire aux objectifs recherchés en matière de scolarisation des élèves handicapés, de conditionner l'accueil de ces derniers à la présence d'un auxiliaire de vie scolaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 505.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 124 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 120
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Chapitre II

L'administration de l'éducation

Art. additionnels après l'art. 8
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art. 9 A

Articles additionnels avant l'article 9 A

M. le président. L'amendement n° 278, présenté par MM. Mélenchon, Bodin, Assouline, Dauge, Guérini, Lagauche, Repentin et Signé, Mme Tasca, M. Todeschini, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 9 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre 1er du Titre I du Livre II est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... L'Etat assure la cohérence entre les systèmes de formation et d'enseignement professionnels et technologiques placés sous la tutelle de ministères concernés. »

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Cet amendement tend à proposer une première réponse à la question de l'éclatement actuel des politiques publiques de formation et d'enseignement professionnel et technologique.

Pour installer un véritable droit à la formation tout au long de la vie, une mise en cohérence s'impose entre formation professionnelle initiale, formation continue et validation des acquis de l'expérience.

Le service public doit être l'instrument de cette cohérence quand le marché privilégie au contraire l'affrontement entre offreurs de formation, au détriment de la lisibilité, de la qualité à long terme et de l'égalité des jeunes et des travailleurs dans l'accès aux qualifications.

Il y a aujourd'hui urgence à prévenir une concurrence stérile entre, d'une part, des voies de formation comme l'enseignement professionnel et l'apprentissage et, d'autre part, entre des opérateurs exerçant des missions proches sous la tutelle de différents ministères, à l'exemple des GRETA, les groupements d'établissements pour la formation continue, qui sont sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale, et de l'AFPA, l'Association pour la formation professionnelle des adultes, qui est elle sous la tutelle du ministère du travail.

Les enseignements professionnels en tant que tels pourraient être fédérés sous une tutelle ministérielle unique alors qu'aujourd'hui ces tutelles sont multiples : éducation nationale, agriculture, équipement - je pense aux lycées maritimes -, etc.

Cet éclatement contribue à la multiplication des coûts initiaux d'investissement et n'offrent pas de véritables possibilités d'échanges pédagogiques et de transferts technologiques entre les divers secteurs d'enseignement.

Surtout, ce cloisonnement est inadapté à l'évolution de la réalité des qualifications.

On constate en effet que le tronc commun des formations occupe dans de nombreux secteurs une place de plus en plus prépondérante par rapport aux spécificités propres à chaque spécialité professionnelle. C'est en particulier le cas pour de nombreux diplômes professionnels de l'agriculture et de l'éducation nationale, mais aussi de la santé.

L'importance d'une prise en charge institutionnelle accrue des questions d'intérêt commun entre le travail et l'éducation a également été rappelée dans le rapport de la commission Thélot.

A court terme, une coordination permanente devrait au moins être organisée entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère du travail pour traiter l'ensemble des dossiers d'intérêt commun.

L'instance qui serait chargée de cette coordination devrait notamment veiller au développement harmonieux des formations initiales sous statut scolaire et en apprentissage. Elle permettrait également de coordonner les politiques de formation continue et de validation des acquis de l'expérience poursuivies par chacun de ces ministères au travers des opérateurs placés sous leur tutelle.

La création d'instances nationale et régionales de coordination entre l'Etat, les régions et les opérateurs concernés semble également indispensable sur l'ensemble du champ des enseignements professionnels et de la formation tout au long de la vie. Du fait du maintien des cloisonnements, les instances existantes ne peuvent en effet que partiellement répondre aux enjeux en cause.

Seule la mise en cohérence peut créer les conditions d'une mise en oeuvre optimale, à l'échelle d'une vie professionnelle, de l'ensemble des activités de qualification professionnelle dont chaque individu doit être le bénéficiaire. Qui, sinon le service public, peut être le garant de cette professionnalisation durable ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Il est défavorable, car l'amendement présenté par la commission après l'article 21 pour inciter au développement de réseaux a précisément pour objet de favoriser la cohérence de l'offre de formation et de faciliter l'accès aux passerelles entre toutes les voies.

En outre, depuis les lois de décentralisation, les régions sont compétentes en matière de formation professionnelle initiale et continue. L'objet du plan régional de développement des formations professionnelles, le PRDF, qui a été renforcé par la loi de 2004, est précisément d'assurer la cohérence entre les différentes offres de formation professionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Même s'il est certainement nécessaire de la renforcer, la coordination est déjà assurée et elle relève, quoi qu'il en soit, du domaine réglementaire.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 278.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 508, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 9 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 82 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous demandons l'abrogation de l'article 82 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales

Personne ne peut nier que les personnels non enseignants jouent un rôle primordial dans le service public de l'éducation nationale : ils participent pleinement à la cohésion de la communauté éducative, cohésion que le Gouvernement s'attache pourtant, depuis bientôt trois ans, à faire exploser.

Après les emplois-jeunes qu'il a supprimés, c'est aux personnels techniciens, ouvriers et de service que le Gouvernement s'est attaqué en organisant leur transfert aux départements et aux régions par le biais de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

L'article 82 de cette loi vise à instaurer un nouveau cadre, qui est tout simplement celui de la déstructuration de la communauté éducative, pourtant garante de l'unicité du service public de l'éducation nationale.

Le Gouvernement réfute l'importance des personnels non enseignants dans les établissements et le rôle des personnels TOS, techniciens, ouvriers et de services, dans l'éducation nationale. C'est méconnaître le quotidien des TOS que de les considérer comme étant au seul service des bâtiments scolaires : ils sont avant tout au service des élèves.

Leur impact est indéniable sur la vie et la formation de l'élève, ne serait-ce qu'en termes de socialisation, de respect du lieu de vie scolaire, d'écoute et d'accompagnement vers le personnel enseignant.

Pourtant, les principaux intéressés se sont retrouvés devant le fait accompli : leur transfert a été décidé sans que ses conséquences pour la communauté éducative - je pense surtout aux élèves privés de facto d'interlocuteurs privilégiés - aient été le moins du monde envisagées, pour ne pas parler de ses conséquences financières pour les collectivités territoriales, elles aussi placées devant le fait accompli.

Comment maintenir et améliorer l'interactivité entre les différentes composantes de la communauté éducative si leur statut diffère à ce point, si leur employeur et leur responsable n'est plus le même ?

Les inégalités entre les collectivités territoriales n'ont pas à peser davantage sur les élèves. Or le transfert des personnels TOS remet en cause la cohésion et l'unicité du service public de l'éducation.

Nous ne pouvons accepter une telle situation et c'est pourquoi nous demandons, comme nous l'avons dit lors de l'examen de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, l'abrogation de son article 82.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Avis défavorable : le débat a déjà eu lieu au Sénat sur ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 508.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 509, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar et Voguet, est ainsi libellé :

Avant l'article 9 A , insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Cet amendement n° 509 est la conséquence logique de l'amendement n° 508. En effet, nous venons de vous proposer de supprimer les transferts de personnels et, notamment des TOS, aux départements et aux régions.

Le présent amendement prévoit la suppression de l'article de la loi relative aux libertés et responsabilités locales organisant ce transfert en termes de modification du statut des agents publics que sont les TOS.

Comme nous le dénoncions déjà lors de l'examen de la loi de décentralisation, les conditions du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services sont inacceptables, aussi bien pour les personnels et les collectivités territoriales que pour la bonne marche du service public de l'éducation.

Nous n'avons, par exemple, aucune certitude quant au maintien de ces TOS dans leur emploi. Nous n'en avons pas davantage quant au maintien des missions de service public qu'ils assurent. Nous n'avons, en effet, aucune garantie concernant l'externalisation, voire la privatisation à terme des missions des TOS, ce qui est particulièrement inquiétant.

Outre la question fondamentale de l'évolution de la conception nationale de la mission de service public de l'éducation, mission à laquelle contribue pleinement un corps comme celui des TOS, quel sera le devenir des fonctionnaires détachés de l'Etat ou nouvellement territoriaux ?

Le risque est fort d'aboutir à une mobilité ingérable pour les personnels nouvellement transférés au sein de la fonction publique territoriale et d'une collectivité à une autre.

Concrètement, qui organisera le travail des TOS, qui en sera vraiment responsable ? Le chef d'établissement, le président du conseil général, ou le président du conseil régional ?

En résumé, trop d'incertitudes pèsent sur le transfert des personnels TOS et sur leur futur statut. Aussi, nous maintenons notre opposition à ce transfert qui signe la déstructuration à court terme du service public de l'éducation et nous demandons la suppression de l'article 109 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement n° 509 étant un amendement de conséquence, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Défavorable également.

M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Eliane Assassi. La prochaine rentrée en Seine-Saint-Denis va être marquée par une réduction des effectifs des personnels non enseignants. Je pense en particulier aux infirmiers, qui ont eu l'occasion de manifester massivement leur mécontentement.

Pour que le système éducatif offre une réponse de qualité dans le domaine de la santé à l'école - cela va de l'accueil, de l'écoute et des soins jusqu'aux conseils à l'éducation, à la santé, à la prévention et au suivi des jeunes -, il faut, en effet, un tout autre investissement.

En l'espèce, ce n'est pas l'annonce de 1 500 postes qui peut nous rassurer, puisque ce chiffre n'a aucune traduction en termes budgétaires.

Permettez-moi de rappeler, par ailleurs, que le taux horaire brut servi aujourd'hui par le ministère de l'éducation nationale aux infirmières vacataires est de 6,84 euros, contre 7,61 euros pour le SMIC. Cette question salariale doit, elle aussi, être au coeur de la réflexion sur l'avenir d'un service public de qualité.

A coup sûr, la rentrée prochaine sera marquée du sceau de l'austérité et de la rigueur. Toutes les professions sont touchées : les administratifs verront leur nombre diminuer encore une fois, et je ne parle pas des incertitudes liées à la décentralisation des personnels TOS.

Nous n'acceptons pas de telles orientations qui, déjà dans l'air du temps, seront confirmées, voire aggravées, par ce projet de loi et qui, je le rappelle, favorisent le tri social des élèves et une nouvelle avancée de l'école à deux vitesses.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons, monsieur le ministre, à votre projet de loi qui entérine et accentue une situation de fait déjà fort préoccupante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 509.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 510, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 9 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 110 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement se situe dans la suite logique des deux précédents, puisqu'il vise à supprimer le dispositif du transfert des personnels techniciens, ouvriers et de services engagé par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

En effet, avec cette loi de décentralisation, et plus précisément avec les dispositions relatives aux personnels non enseignants de l'éducation nationale, le Gouvernement s'est attaqué à la cohérence du service public de l'éducation et à la cohésion de son personnel dont l'ensemble des missions forme pourtant un tout indivisible.

Les personnels TOS, que la loi propose de décentraliser selon des modalités extrêmement imprécises et insatisfaisantes à nos yeux, font partie de la communauté éducative à part entière. Leur rôle aux côtés des élèves est primordial : ils assument d'innombrables missions, d'ordre tant sanitaire qu'éducatif dans tous les établissements publics de France.

Leur transfert n'en a pas moins été organisé, manifestement pour une simple raison budgétaire : il fallait réduire les effectifs de la fonction publique d'Etat, mais les conditions statutaires prévues par la loi sont loin d'être parfaites : aucun cadre d'emploi spécifique n'a été créé pour ces personnels. Quel sort leur sera définitivement réservé en termes de statut ? Nous ne le savons toujours pas !

Par ailleurs, que vont devenir ceux qui n'opteront pas pour la décentralisation ? Là encore, force est de constater qu'aucune garantie n'existe pour les protéger dans leur statut.

Les collectivités territoriales qui auront la charge nouvelle de ces personnels et de leur gestion s'inquiétaient également, et à juste titre, des conséquences financières de la mesure. Elles ont encore aujourd'hui des raisons d'être soucieuses compte tenu du poids qu'auront ces transferts de compétences sur leur fiscalité.

Il n'est pas concevable de laisser de telles réformes démanteler le service public de l'éducation nationale, et c'est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet, comme pour les deux amendements précédents, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 510.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 9 A
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Art.  additionnel après l'art. 9 A

Article 9 A

La première phrase de l'article L. 212-7 est complétée par les mots : « en tenant compte de critères d'équilibre démographique, économique et social ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 87 est présenté par M. Carle, au nom de la commission des affaires culturelles.

L'amendement n° 511 est présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 87.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'article 9 A, car la commission n'a pas souhaité encadrer, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, les pouvoirs du maire en matière de détermination du ressort des écoles publiques de sa commune. Il est le mieux placé pour déterminer lui-même l'organisation à mettre en place !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 11.

Mme Annie David. L'amendement n° 511 a le même objet et, une fois n'est pas coutume, nous demandons la suppression de cet article pour des raisons à peu près identiques à celles de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 87 et 511.

M. Jean-Marc Todeschini. Le groupe socialiste vote contre.

Mme Dominique Voynet. Mais je vote pour !

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 9A est supprimé.

Art. 9 A
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Art. additionnels avant l'art. 9 (début)

Article additionnel après l'article 9A

M. le président. L'amendement n° 657, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé.

Après l'article 9 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la seconde phrase de l'article L. 216?4 du code de l'éducation, les mots : « désigne la collectivité » sont remplacés par les mots : « désigne, en tenant compte du nombre d'élèves à la charge de chacune de ces collectivités, celle ».

La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'article L. 216-4 du code de l'éducation prévoit que, dans les cités scolaires comprenant un collège et un lycée, le département et la région doivent décider par convention celle des deux collectivités qui prend en charge la gestion de l'ensemble. En l'absence de convention, le choix revient au préfet.

Dans sa rédaction actuelle, cet article ne prévoit aucun critère pour guider le choix du préfet. Il n'est pas souhaitable qu'une telle décision n'obéisse à aucun critère légal. On peut, en effet, soupçonner la décision du préfet d'être arbitraire.

L'amendement du Gouvernement a donc pour objet d'introduire un critère objectif qui n'est pas contestable dans son principe : le nombre d'élèves à la charge de chaque collectivité. Il est en effet logique que la gestion de l'ensemble soit confiée, sauf avis contraire des collectivités concernées, à la collectivité ayant en charge plus grand nombre d'élèves, que ces derniers fréquentent le lycée, le collège ou les classes élémentaires et préélémentaires dès lors qu'elles sont à la charge d'une des deux collectivités.

Sur ce sujet important, il s'agit de clarifier les règles applicables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, j'émets un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 657.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9 A.

Art.  additionnel après l'art. 9 A
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Art. additionnels avant l'art. 9 (interruption de la discussion)

Articles additionnels avant l'article 9

M. le président. L'amendement n° 513, présenté par Mme David, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le dernier alinéa de l'article L. 211-1 du code de l'éducation, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Toute décision d'ordre réglementaire exige, pour devenir effective, d'obtenir l'accord majoritaire des deux instances concernées :

« - Conseil municipal et Conseil d'école pour qui concerne les compétences dévolues à la mairie dans le fonctionnement des écoles,

« - Conseil d'administration des collèges et Conseil général pour ce qui concerne les compétences dévolues au département dans le fonctionnement des collèges,

« - Conseil d'administration des lycées et Conseil régional pour ce qui concerne les compétences dévolues aux régions dans le fonctionnement des lycées.

« Les fonctionnaires d'autorité et directeurs de service sont chargés, en tant que de besoin, d'aider à la réalisation des synthèses nécessaires entre les deux assemblées afin que celles-ci puissent devenir effectives et exécutoires ».

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous vous proposons un nouveau mode de fonctionnement dans l'élaboration des décisions d'ordre réglementaire qui organisent le fonctionnement de notre système éducatif, de l'établissement scolaire jusqu'au plus haut niveau de nos institutions.

Cet amendement pose un principe nouveau, celui de la double légitimité, qui obligera, pour qu'une décision puisse être légalement adoptée, qu'elle recueille l'avis majoritaire des deux assemblées compétentes sur le sujet concerné : l'assemblée élue au suffrage universel des citoyens, et l'organisme consultatif qui comprend dans ses rangs des représentants des différents partenaires du système.

Nous reviendrons, dans l'amendement suivant, sur la nouveauté, et surtout sur l'intérêt que représente ce mode de fonctionnement, mais je voudrais, en attendant, aborder une des conséquences qu'il entraîne, à savoir une nouvelle conception du rôle des fonctionnaires d'autorité chargés de la mise en oeuvre des décisions, lois et règlements.

Ce principe de la double source de légitimité a évidemment pour conséquence de changer fondamentalement le rôle des chefs de service et d'établissement, qui était jusqu'ici de faire appliquer des règles édictées d'en haut et auxquelles il fallait se plier, avec toutes les dérives autoritaristes inhérentes à un tel fonctionnement.

Avec notre proposition, l'obligation première d'un chef d'établissement scolaire ou d'un chef des services départementaux de l'éducation nationale, c'est-à-dire d'un inspecteur d'académie, d'un recteur - ou même d'un ministre, monsieur le ministre ! -, sera de rechercher le consensus entre l'administration de l'éducation nationale, chargée de faire appliquer la loi, et les partenaires de l'école réunis dans un conseil d'administration, par exemple, ou dans un conseil départemental de l'éducation nationale, ou encore entre le Parlement et le Conseil supérieur de l'éducation.

Ce travail interviendra à partir de positions qui, au départ, pourront être divergentes mais qui, pour être opérationnelles, devront recueillir un accord suffisamment large, sauf à être rapidement contestées et à donner lieu à de multiples conflits, comme c'est le cas aujourd'hui.

Pour être efficace, cette recherche d'accord entre les deux instances concernées doit bien entendu s'exercer avant toute prise de décision définitive - ou provisoirement définitive, comme ce sera certainement le cas avec votre texte, monsieur le ministre. C'est tout bonnement un principe élémentaire de la démocratie et de la bonne gouvernance que j'énonce ici !

Il ne serait pas indifférent, tant symboliquement que sur le plan réglementaire, que ce principe soit mis en oeuvre dans le service public de l'éducation nationale, et ce par des fonctionnaires qui, statutairement, sont dépositaires de l'autorité de l'Etat.

Utopie, me direz-vous ! Mais, monsieur le ministre, les utopies d'hier sont bien souvent le ferment indispensable des transformations sociales vers plus de justice.

M. Robert Hue. Très bien !

Mme Annie David. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

En effet, en visant « toute décision d'ordre réglementaire », cet amendement fixe un cadre extrêmement rigide et contraignant pour l'entrée en vigueur de ses dispositions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 513.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 512, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 211-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La définition et l'organisation des missions et objectifs du service public d'éducation nationale répond à une double légitimité : celle des assemblées élues au suffrage universel d'une part, celle des instances consultatives dans lesquelles sont représentés les partenaires du système éducatif, d'autre part ».

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Toutes les initiatives de réforme de l'institution scolaire lancées ces dernières années ont tendu, sous prétexte de rationalité, d'efficacité et, surtout, d'économie budgétaire, à introduire dans les modes de fonctionnement de l'école, à tous les niveaux, des logiques de management importées de l'entreprise privée et qui reposent avant tout sur la recherche du rendement maximum et de l'optimisation des ressources au bénéfice, si je puis dire, du profit maximum.

C'est d'ailleurs ce que vous faites aujourd'hui, monsieur le ministre, avec ce projet de loi qui répond ouvertement à une commande de Bruxelles, conforme à la « feuille de route » tracée lors du Conseil interministériel de Lisbonne, en mars 2000. Je vous l'ai d'ailleurs dit, monsieur le ministre, lors de mon intervention au cours de la discussion générale, en évoquant - vous vous en souvenez sans doute - le « copier-coller ».

La déconcentration des services et, surtout, la décentralisation imposée, contre la volonté majoritaire des personnels concernés, par un coup de force - l'application de l'article 49-3 de la Constitution en plein mois d'août - en est une illustration insupportable.

Aujourd'hui encore, par le recours à la procédure de la déclaration d'urgence, vous imposez votre projet de loi alors qu'il est unanimement rejeté par toutes les organisations concernées au sein du Conseil supérieur de l'éducation et, de façon massive, par les lycéens, les parents, les personnels.

Il y a là, monsieur le ministre, une conception bien curieuse de la concertation et de la démocratie !

C'est précisément pour empêcher de telles dérives que nous préconisons, avec cet amendement, l'instauration d'une double source de légitimité dans la prise de décision concernant les orientations importantes de la politique d'éducation à tous les niveaux, en précisant que, pour être opérationnelles, ces décisions devront avoir reçu au préalable l'accord de chacune de ces deux sources de légitimité.

Quelles seront ces sources de légitimité ? Il s'agit, en premier lieu, des assemblées élues, chacune dans son domaine de compétence : conseil municipal, conseil général, conseil régional, Parlement. Il s'agit, en second lieu, des organismes consultatifs, dans lesquels sont représentés les partenaires du système éducatif, désignés par leurs pairs : conseils d'école, conseils d'administration des collèges et lycées, conseils départementaux de l'éducation nationale, conseils académiques de l'éducation nationale, Conseil supérieur de l'éducation.

Cette procédure de validation aurait plusieurs mérites, parmi lesquels je voudrais en souligner deux, pour conclure mon intervention : tout d'abord, elle redonnerait de l'intérêt et du sens à la participation aux instances de concertation, lesquelles n'ont le plus souvent qu'une activité tout à fait formelle car elles sont privées de toute véritable influence décisionnaire ; ensuite, elle favoriserait la participation démocratique des partenaires et usagers de l'école au fonctionnement de cette institution. Chacun ne cesse de souhaiter cette participation dans les mots, mais le mode de fonctionnement actuel la rend inopérante, voire totalement inutile dans certains cas.

J'ajoute que, par là même, le système éducatif retrouverait sans doute plus d'efficacité, car on met mieux en oeuvre ce que l'on a décidé soi-même.

Il s'agit, ni plus ni moins, d'instaurer une certaine démocratie participative dans la gestion de l'école par les intéressés eux-mêmes.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'éducation, la définition et l'organisation des missions et objectifs du service public de l'éducation relèvent de l'Etat, sous réserve des compétences attribuées aux collectivités territoriales. Les dispositions introduites par cet amendement sont contraires à cette répartition au coeur de la compétence partagée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Quant au « copier-coller », je crois que j'ai beaucoup à apprendre de Mme David ! (Sourires.)

M. Robert Hue. Plus que vous ne le pensez !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 512.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 9 (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école
Discussion générale