difficultés financières rencontrées par les parents d'enfants handicapés

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, auteur de la question n° 272, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Mme Muguette Dini. Madame la secrétaire d’État, je souhaite soulever deux questions essentielles pour les parents d’enfants handicapés.

Pour ce faire, je me permettrai de citer le cas concret, que m’a présenté par courrier, une habitante d’Écully, commune du Rhône que je connais bien pour y avoir été adjointe au maire.

Cette Éculloise est maman de deux enfants, dont l’aîné, âgé de trente-huit ans, est lourdement handicapé. À la retraite et veuve depuis deux ans, elle ne perçoit pas de pension de réversion, sa pension de retraite personnelle dépassant, malheureusement de fort peu, le plafond de ressources fixé. Surtout, elle ne bénéficie pas de la bonification de 10 % pour enfants prévue au titre de l’article R. 353-2 du code de la sécurité sociale, car cet avantage n’est accordé qu’à partir de trois enfants.

Lors de l’examen de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, le rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, avait proposé deux mesures en direction des parents d’enfants handicapés : d’une part, une majoration de durée d’assurance à raison d’un trimestre par période de trente mois d’éducation, soit jusqu’à huit trimestres supplémentaires ; d’autre part, un abaissement du nombre d’enfants à partir duquel les deux parents ont droit à une majoration de 10 % de leur pension de retraite. Ces deux propositions avaient été déclarées irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution.

Toutefois, le Gouvernement a décidé de reprendre à son compte la mesure relative à la majoration de la durée d’assurance. En revanche, il n’a pas retenu celle qui concerne la bonification de 10 %.

Ces trimestres de majoration de durée d’assurance constituent sans aucun doute une disposition avantageuse pour ces parents, parce qu’elle leur permet de quitter plus tôt la vie active, en diminuant donc le nombre de trimestres qu’ils doivent valider pour une carrière complète. Mais la bonification de 10 % de la pension de retraite aurait été bienvenue, car elle représenterait un salaire différé, ce qui n’est pas négligeable quand on assume seule, comme cette Éculloise, la prise en charge de son enfant handicapé.

Madame la secrétaire d'État, pensez-vous possible de revenir sur cette disposition qui n’a pas été retenue en 2003 ?

Par ailleurs, nombreux sont les parents d’enfants handicapés qui, comme l’avait fait cette habitante d’Écully du vivant de son époux, souscrivent un contrat de rente-survie, lequel garantit, après le décès du parent cotisant, le versement d’une rente viagère ou d’un capital au profit de son enfant handicapé.

Toutefois, ces assurés estiment – je reprends ici les termes de la correspondance reçue – « injuste et même scandaleux » que les arrérages de la rente versés aux bénéficiaires handicapés soient soumis, totalement ou partiellement, à la contribution sociale généralisée, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale et à l’impôt sur le revenu.

« Tous nos efforts et nos sacrifices destinés à protéger notre fils et à ne pas le laisser à la charge entière de la société, sont mal considérés et mal reconnus », regrette cette personne dans ce même courrier.

Il convient de noter que la modification du régime fiscal du contrat de rente-survie est, depuis plusieurs années, une attente forte de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, l’UNAPEI.

Là encore, madame la secrétaire d'État, quelle suite envisagez-vous de donner à cette demande ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Madame le sénateur, vous avez appelé l’attention de Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité, sur la situation financière des parents d’enfants handicapés.

Comme vous l’avez indiqué, les parents qui ont eu ou élevé au moins trois enfants bénéficient d’une majoration de pension de retraite de 10 %. Or, les parents d’un enfant handicapé souhaiteraient bénéficier d’un abaissement de ce plancher afin que la charge financière qui est la leur soit prise en compte.

Bien conscients des difficultés financières auxquelles sont confrontés les parents d’enfants handicapés, ainsi que de la difficulté pour eux d’exercer à temps plein une activité professionnelle, le Gouvernement et le législateur ont voulu mieux prendre en compte leur situation.

Ainsi, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a considérablement amélioré les droits à la retraite des parents d’enfants handicapés. Ces derniers bénéficient d’une durée d’assurance – nombre de trimestres cotisés – majorée d’un trimestre par période d’éducation de trente mois, dans la limite de huit trimestres par enfant.

À cette mesure peut également s’ajouter une majoration de durée d’assurance de douze trimestres au maximum par enfant liée au congé parental d’éducation, prévue par l’article L. 351-5 du code de la sécurité sociale.

Enfin, cette mesure est cumulable avec la majoration de durée d’assurance de huit trimestres au maximum par enfant dont disposent les femmes ayant élevé des enfants, en application de l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale.

Au total, la « bonification » des droits à retraite peut atteindre 21 trimestres. Cette mesure n’est pas négligeable, puisque la durée légale de cotisation d’un salarié ou d’un fonctionnaire pour une retraite à taux plein, sans abattement, est de 160 trimestres, soit 40 annuités.

Par ailleurs, vous avez également évoqué, madame le sénateur, les contrats de rente-survie, qui peuvent être souscrits par des parents d’enfants handicapés.

Croyez bien que le Gouvernement partage tout à fait le souci des parents qui cherchent à protéger le mieux possible leurs enfants handicapés après leur décès.

Comme vous l’avez souligné, la rente viagère versée à la personne handicapée est effectivement assujettie à la CSG sur les revenus du patrimoine, à la CRDS et au prélèvement social de 2 %.

Toutefois, seule est imposable une fraction du montant de cette rente, qui est décroissante en fonction de l’âge du bénéficiaire lors de l’entrée en jouissance de la rente.

Par ailleurs, ces types de contrats d’assurance dénommés « contrats d’épargne handicap » ou « rente-survie » ne sont pas totalement soumis à l’impôt, puisqu’ils donnent droit à une réduction d’impôt à hauteur de 25 % du montant des primes versées, dans la limite d’un plafond de versements.

De surcroît, durant toute la période de constitution du capital, les produits capitalisés sur ces contrats sont exonérés d’impôt sur le revenu et de l’ensemble des prélèvements sociaux.

Au total, la mise en œuvre de l’ensemble de ces dispositions aboutit à une exonération partielle ou à une réduction d’impôts des contrats évoqués. Il est vrai que ces dispositions, pourtant très avantageuses, méritaient d’être présentées globalement, et nous vous remercions, madame le sénateur, d’avoir donné l’occasion au Gouvernement de le faire, afin de montrer qu’il partage le souci, bien légitime, de prendre en compte la totalité des effets financiers liés au handicap de l’enfant.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Je formulerai simplement une remarque.

Les parents d’enfants handicapés qui se sentent responsables de leur enfant au-delà de leur propre existence consentent, pour certains, beaucoup d’efforts en vue de constituer une rente-survie. Lorsque le parent survivant d’un enfant handicapé majeur qui réside encore à la maison, comme dans l’exemple que j’ai cité, constate que l’argent qu’il a économisé en sa faveur est encore grevé de certaines charges, on peut comprendre qu’il soit un peu révolté, car la collectivité prendra totalement en charge les enfants pour lesquels les parents n’auront rien fait.

Ce serait reconnaître les privations que tous ces parents – et ils sont très nombreux – se sont imposées que d’exonérer totalement de toute charge les contrats de rente-survie. (M. Claude Biwer applaudit.)

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

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Hommage solennel à Mme Ingrid Betancourt

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues et amis, j’ai le très grand plaisir et l’honneur de saluer, à cet instant, la présence dans notre tribune officielle de Mme Ingrid Betancourt et de sa famille. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)

Avec notre collègue Roland du Luart, président du groupe France-Amérique du Sud, et, je le sais, nombre d’entre vous, j’ai souhaité cette manifestation pour lui faire part de notre joie de la voir aujourd’hui parmi nous et lui adresser l’hommage solennel du Sénat de la République française.

Nous saluons ici, en général, des délégations de parlementaires étrangers invitées en France. Aujourd’hui, et même si je n’oublie pas qu’Ingrid Betancourt a siégé au Sénat de Colombie, ce n’est pas la parlementaire que nous accueillons ; c’est notre compatriote enfin revenue à la lumière, après des années de détention inacceptable et de souffrances intolérables.

Le nom de Betancourt résonne familièrement dans cet hémicycle, où il a été si souvent évoqué par nous-mêmes ou par les membres du gouvernement qui répondaient à nos questions ou venaient nous informer de la situation dramatique qui était la vôtre, madame.

Si un ami peut trahir, si un ennemi peut tuer, il faut craindre peut-être plus encore l’indifférent qui les regardera faire. Le formidable élan de solidarité qui s’est exprimé en France depuis des années autour d’Ingrid Betancourt a montré que, au moins en ce qui concerne les Françaises et les Français, ce danger lui avait été épargné. Oui, madame, nous n’avons pas été indifférents à vos souffrances ni à votre captivité ; nous pensions constamment à vous avec émotion.

Aujourd’hui, votre présence, si lumineuse, constitue un espoir et un exemple pour ceux qui souffrent partout dans le monde et espèrent que la liberté pourra un jour l’emporter !

Bien sûr, madame, votre volonté exceptionnelle trempée dans l’épreuve, votre refus constant d’abdiquer, comme le souhaitaient pourtant ceux qui vous avaient enlevée, votre courage face aux sévices ou votre force de caractère face aux maladies, tout cela vous place dans une catégorie hors du commun.

Mais je sais que vous continuez de penser aujourd’hui, comme nous, à toutes celles et à tous ceux qui sont encore, en Colombie ou ailleurs dans le monde, retenus dans la nuit.

Permettez-moi, chère Ingrid Betancourt, de terminer en exprimant, en mon nom et en celui de mes collègues unanimes, à tous ceux qui ont œuvré inlassablement à votre libération la profonde gratitude du Sénat de la République française.

Vous savez l’énergie qu’ont déployée et les initiatives que n’ont cessé de prendre les autorités françaises pour vous soutenir. Et nous saluons, bien entendu, l’action décisive des autorités colombiennes. Cette libération prouve que, lorsque toutes les forces nationales et internationales se rassemblent, il est possible de déplacer des montagnes !

Nous saluons donc aujourd’hui comme il se doit votre présence dans cette tribune officielle, votre présence physique, car vous avez toujours été dans nos pensées tout au long de ces années douloureuses qui viennent de s’écouler. Votre portrait, encore affiché pour quelques instants sur les grilles du jardin du Luxembourg, rappelait aux passants que, quelque part, quelqu’un était retenu contre sa volonté, privé de liberté et souffrait au nom de cette liberté réclamée !

Merci, madame, du fond du cœur pour l’exemple de courage, de foi dans la vie et d’espérance que vous nous avez donné !

Recevez ici l’hommage du Sénat unanime. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent très longuement.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi de règlement de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007
Discussion générale (suite)

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007

Adoption d’un projet de loi déclaré d’urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007 (nos 429 et 433).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007.

Par ce changement d’appellation, nous répondons au vœu qu’a formé le Parlement l’an passé de mieux traduire dans le titre même de la loi de règlement les changements profonds induits par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Je sais, monsieur le rapporteur général, combien vous êtes sensible à cette évolution.

L’examen du projet de loi de règlement doit ainsi devenir un temps important du débat parlementaire, au cours duquel le Gouvernement rend des comptes et justifie de ses résultats.

Ce regard en arrière doit permettre de mieux éclairer le chemin de l’avenir. C’est bien là tout le sens du « chaînage vertueux » souhaité par la LOLF, dans lequel s’enchaînent discussion du projet de loi de règlement, débat d’orientation budgétaire – ce qui nous occupera dans quelques jours - et présentation du projet de loi de finances pour l’année suivante.

Je sais que le Sénat s’est toujours profondément impliqué dans cet exercice d’évaluation et qu’il le fait encore davantage cette année. Je salue cet effort précurseur, ainsi que sa poursuite, qui va dans le sens du rééquilibrage que nous appelons de nos vœux entre le projet de loi de finances, qui d’ordinaire concentre toutes les attentions, et le projet de loi de règlement, jusqu’ici son parent pauvre. J’aurai l’occasion de revenir sur l’importance de ces nouveaux enjeux, après vous avoir présenté les résultats de l’exercice 2007.

Ces résultats sont conformes aux prévisions.

Le projet de loi de finances rectificative que je vous avais présenté au mois de décembre prévoyait un déficit budgétaire révisé à 38,3 milliards d’euros. Le solde arrêté dans le projet de loi de règlement s’établit à 34,7 milliards d’euros. Toutefois, je ne commenterai pas ce dernier chiffre car, si je le faisais, je tirerais indûment profit de la cession de titres EDF réalisée par l’État. Le produit de cette cession, d’un montant de 3,7 milliards d’euros a, comme vous le savez, été provisoirement enregistré sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » afin de financer le plan Campus engagé par Valérie Pécresse.

Le déficit budgétaire - hors cet élément exceptionnel - s’élève donc à 38,4 milliards d’euros, ce qui représente une amélioration de 3,6 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale.

Ainsi, malgré toutes les incertitudes qui ont entouré les prévisions élaborées dans le collectif de l’an dernier, le compte y est. Tous les dangers n’ont certes pas disparu en 2008, ainsi que l’actualité récente et quasiment quotidienne nous le rappelle, mais les résultats que nous avons enregistrés en 2007 prouvent qu’il ne faut pas surestimer ces craintes.

Le compte y est, d’abord parce que nous avons réussi à maîtriser les dépenses, mais aussi parce que les recettes, dans leur ensemble, se sont bien tenues en 2007. La maîtrise des dépenses, d’ailleurs, n’est pas un vain mot.

Le plafond de dépense voté par le Parlement a été strictement respecté. Nous nous situons précisément à 47 millions d’euros, au-dessous de l’autorisation parlementaire. Ce résultat est d’autant plus important qu’il est atteint dans le respect du cadre budgétaire initialement fixé pour 2007. Nous avons décidé, en effet, de jouer jusqu’au bout le jeu de la LOLF en nous interdisant de rebattre en cours d’année les cartes qui avaient été distribuées aux ministères.

Cette décision, que nous assumons, nous conduit cependant à constater la constitution ou la reconstitution d’une dette importante auprès de la sécurité sociale. Pour autant, il ne faudrait pas que cet arbre cache la forêt.

Mme Nicole Bricq. C’est un grand arbre !

M. Éric Woerth, ministre. L’année 2007 marque, à ce titre, d’incontestables progrès dans la normalisation des relations financières avec la sécurité sociale. Vous le savez parfaitement, puisque nous en avons discuté à de multiples reprises au cours de l’année 2007, l’État a achevé de reprendre la dette issue du BAPSA, le Budget annexe des prestations sociales agricoles, pour 620 millions d’euros et, surtout, l’engagement que j’avais pris de rembourser la dette de 5,1 milliards d’euros constituée auprès du régime général de sécurité sociale au 31 décembre 2006 a été tenu.

Au total, l’État a apuré 5,8 milliards d’euros sur une dette de 7 milliards d’euros enregistrée à la fin de l’exercice 2006. Vous le voyez, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Pour l’avenir, il nous faudra bien rembourser la dette en partie reconstituée en 2007. Je souhaite trouver une solution pour en régler au moins une partie dès cette année et, surtout, pour progresser dans la qualité de la budgétisation initiale des crédits, qui constitue le sujet véritablement central.

La construction du projet de loi de finances pour 2008 représente, de ce point de vue, de réelles avancées. Je pense notamment à la budgétisation de l’Aide médicale d’État, de l’Allocation aux adultes handicapés ou, encore, de l’Allocation de parent isolé. Ces efforts devront être encore amplifiés dans la construction du budget pluriannuel 2009-2011, qui est en cours.

L’exécution budgétaire 2007 nous permet aussi de conforter, avec le recul, les premiers enseignements tirés en 2006 de la gestion en mode LOLF.

La mise en réserve d’une partie identifiée des crédits en début d’année montre que nous pouvons à la fois donner de la visibilité aux gestionnaires et disposer des marges suffisantes pour faire face aux aléas de gestion.

Les ministères ont également apporté la preuve qu’ils savaient pleinement tirer parti des souplesses de gestion offertes par la LOLF et financer la plupart de leurs besoins en cours de gestion par un simple redéploiement des crédits.

Certes, l’application de la fongibilité asymétrique a été restreinte, puisqu’elle a joué sur 300 millions d’euros en 2007 pour environ 400 millions d’euros en 2006, mais elle pourra se déployer pleinement, à l’avenir, pour récompenser les efforts de gestion réalisés.

Les recettes, dans leur ensemble, enregistrent une amélioration de 150 millions d’euros par rapport aux prévisions du collectif budgétaire.

Ce résultat recouvre toutefois des évolutions de sens contraire.

D’une part, les recettes non fiscales augmentent de 1,2 milliard d’euros par rapport à la prévision retenue. L’ampleur de cet écart peut surprendre, mais il s’explique principalement par le versement d’une soulte de 640 millions d’euros par la SNCF, en contrepartie de la reprise de la dette du SAAD, le Service annexe d’amortissement de la dette, intervenue au 31 décembre 2007. C’est là une opération utile de clarification des relations entre l’État et la SNCF, qui met en cohérence le droit avec la réalité de l’engagement de l’État, lequel, au demeurant, est retracé dans le compte général de l’État.

D’autre part, il faut relever un prélèvement sur recettes supérieur de 0,6 milliard d’euros par rapport aux prévisions du collectif budgétaire, ce qui s’explique surtout par l’évolution du FCTVA, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, et une moins-value limitée à 0,5 milliard d’euros sur les recettes fiscales. Ce résultat appelle deux observations de ma part.

Tout d’abord, il convient de noter la bonne résistance des recettes à la dégradation de la conjoncture en 2007.

L’impôt sur les sociétés s’inscrit en plus-value de près de 5 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, ce qui traduit un retrait de 270 millions d’euros par rapport au montant prévu dans le collectif budgétaire.

Le produit du dernier acompte versé en décembre est en ligne avec nos prévisions. C’est un signe encourageant concernant la santé de nos entreprises, dans un contexte pourtant moins porteur.

Les recettes nettes de TVA, qui sont un bon indicateur de la tenue de la consommation, sont même légèrement meilleures que la prévision révisée en collectif budgétaire, puisqu’elles la dépassent de 0,4 milliard d’euros.

Le second constat, beaucoup plus préoccupant, tient au « mitage » de l’impôt sur le revenu.

L’impôt sur le revenu net des remboursements et dégrèvements et des restitutions au titre de la prime pour l’emploi accuse une baisse de 1,5 milliard d’euros par rapport à l’évaluation retenue en loi de finances initiale. Un tel écart pose clairement la question du coût grandissant des crédits d’impôts, qui ont pour effet d’amputer l’assiette d’un impôt pourtant particulièrement dynamique. Nous ne pouvons donc plus éluder la question de l’inflation de la dépense fiscale. (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien ! Enfin !

M. Éric Woerth, ministre. La dépense fiscale est la sœur jumelle de la dépense budgétaire ; elle possède ses caractéristiques, certes, mais son coût est tout aussi important pour nos finances publiques. En bref, c’est la voie de la facilité.

M. Éric Woerth, ministre. Telle est, pour l’essentiel, mon analyse des résultats de l’exécution budgétaire.

Le volet comptable du projet de loi de règlement pour 2007 permet de donner un éclairage complémentaire.

Tout d’abord, je tiens à saluer le travail des administrations, qui a permis de concrétiser l’apport important voulu par le législateur. Les comptes de ce deuxième exercice encadré par la LOLF sont de nouveau le résultat d’une année d’efforts importants pour consolider les acquis de ce que l’on peut appeler un « big bang » comptable et, au-delà, pour faire progresser la qualité de l’information financière.

La Cour des comptes, conformément à sa mission de certification, nous a accompagnés dans cette démarche d’amélioration. Sur l’ensemble des ministères, plus de 90 % des recommandations formulées par la Cour dans son rapport de l’an dernier ont été mises en œuvre. Elles se traduisent par un enrichissement significatif des opérations enregistrées au bilan et des informations portées en annexe.

Par rapport à l’année dernière, les immobilisations ont fait l’objet d’un recensement plus systématique et leur valorisation a été améliorée. L’actif de l’État a ainsi été réévalué à 555 milliards d’euros, contre 534 milliards d’euros dans les comptes de l’exercice 2006. La valeur des participations, en particulier, est également réévaluée à 159 milliards d’euros, sous l’effet de leur bonne santé financière. Dès lors, comment peut-on qualifier l’État de « mauvais actionnaire », comme j’ai pu le lire ici ou là ?

Depuis l’an dernier, d’importants travaux ont aussi été engagés, afin de mieux identifier les provisions et les dettes non financières de l’État. Cela nous conduit, au-delà de l’augmentation de la dette financière, à revoir à la hausse le montant du passif de l’État, qui est fixé à 1 211 milliards d’euros.

Les progrès réalisés ont été reconnus par la Cour et ont permis de lever trois des treize réserves qui avaient été émises en 2006. La Cour a toutefois introduit de nouvelles réserves, qu’elle qualifie elle-même de « non substantielles » et qui n’ôtent rien à l’appréciation positive qu’elle a portée sur l’ensemble des comptes de l’État.

La certification des comptes pour la deuxième année consécutive, avec une réserve en moins par rapport à l’année dernière, doit nous encourager à poursuivre le travail très méticuleux qui est engagé aujourd’hui.

En effet, le chantier comptable est loin d’être achevé. Nous devrons poursuivre nos efforts, avec le concours de l’ensemble des ministères gestionnaires et l’appui du certificateur. C’est tout le sens des engagements que nous avons renouvelés auprès de la Cour, pour améliorer encore la qualité des comptes et parvenir, à terme, à la levée des réserves.

Le résultat comptable de 2007 enregistre un déficit de 41,4 milliards d’euros ; en 2006, ce chiffre n’atteignait que 31,6 milliards d’euros. Ces chiffres méritent une explication.

Il est en effet tentant, pour certains – je ne vise évidemment personne dans cet hémicycle –, de contester la réalité de l’amélioration du déficit budgétaire en mettant en avant la dégradation du résultat comptable.

En réalité, la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes à la fin de l’année 2005 et au début de l’année 2006 brouille les comparaisons. La seule différence du produit des cessions représente les trois quarts de l’écart des résultats de 2006 et 2007.

Pour le reste, les différences ne sont pas significatives. Les tentatives de rapprochement avec le déficit budgétaire sont, au demeurant, rendues délicates par l’existence des provisions et des amortissements, notions par principe complètement absentes de la comptabilité budgétaire.

Au-delà des comptes, le véritable enjeu du projet de loi de règlement porte sur la mesure de la performance de l’action publique.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, avec la LOLF, le Parlement a voulu revaloriser la loi de règlement pour en faire un moment de « vérité budgétaire » où le Gouvernement rend compte de sa gestion et où le Parlement peut juger des résultats de son action.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Éric Woerth, ministre. L’an dernier, nous avons un peu manqué ce premier rendez-vous, en raison des échéances électorales. Cette année, la Haute Assemblée apporte une fois de plus la preuve de la très grande vigilance qu’elle consacre à cet exercice, avec l’organisation de treize auditions de ministres et secrétaires d’État, ouvertes à l’ensemble des sénateurs.

Il vous appartient, mesdames, messieurs les sénateurs, de distribuer les bons et mauvais points. Je me contenterai, pour ma part, de vous livrer quelques éléments d’appréciation que m’inspirent, dans leur ensemble, les rapports annuels de performances, les RAP.

Tout d’abord, les difficultés de démarrage sont derrière nous. L’exercice 2006 avait été largement marqué par les problèmes d’adaptation aux outils et aux systèmes d’information dus au passage à la LOLF. Je crois que nous sommes désormais sortis de cette période de rodage.

Ensuite, la démarche de performance est mieux intégrée. C’est un changement culturel important de la part des administrations. Il ne s’agit plus de vanter le taux de consommation des crédits, mais de conforter la mise en œuvre d’une stratégie à l’appui des moyens qui ont été alloués.

L’analyse des indicateurs de performance témoigne enfin de résultats satisfaisants. Tous les objectifs fixés n’ont bien évidemment pas été atteints, mais, dans l’ensemble, ils permettent de tirer un bilan positif de ce deuxième exercice.

Voici un aperçu des résultats : sur l’ensemble des indicateurs de performance qui peuvent être exploités, on relève un taux de réalisation de 60 % ; 20 % d’entre eux traduisent des progrès significatifs qui ne sont cependant pas à la hauteur des cibles fixées ; les 20 % restants ne traduisent pas de réelle amélioration.

La répartition est similaire à celle de l’an dernier, mais elle couvre un champ bien plus large d’indicateurs, puisque 80 % des indicateurs, contre 50 % l’année dernière, ont ainsi pu être analysés.

La démarche de performance qui est au cœur de la LOLF vise à donner une traduction tout à fait concrète des résultats des politiques publiques. C’est une avancée majeure, qui intéresse évidemment la presse, le citoyen, le contribuable et l’usager, et qui, avec le temps, devrait prendre place dans le débat public. J’avais prévu de vous citer quelques exemples, mais je ne veux pas allonger mon propos.

Je termine en soulignant que la recherche de résultats n’est pas exclusive de la préoccupation de la maîtrise de la dépense publique que nous partageons tous. Il est possible de faire mieux au bénéfice du citoyen et de l’usager, au meilleur coût pour le contribuable.

Ainsi, les bilans stratégiques établis par certains responsables de programme font d’ores et déjà ressortir le souci d’une meilleure efficacité de la dépense.

De même, la réduction des effectifs n’est pas inconciliable avec l’amélioration des résultats. L’exercice 2007 se solde par une suppression de 15 500 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, conforme à l’objectif initial de 15 000 ETPT et supérieur aux 9 500 ETPT supprimés en 2006.

Nous pouvons encore amplifier les efforts. Les travaux de la révision générale des politiques publiques nous permettront d’aller plus loin en documentant les réformes de structures, ce qui n’était pas le cas l’année dernière. Je vous donne rendez-vous, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, dans quelques jours, au moment du débat d’orientation budgétaire, et évidemment cet automne, pour que nous avancions davantage encore sur l’ensemble de ces sujets concernant nos finances publiques.

Enfin, j’attire votre attention sur un dispositif voté par l’Assemblée nationale, qui vise à créer une annexe au projet de loi de finances et une annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui récapituleraient l’ensemble des dispositions de dépenses fiscales ou d’exonération sociales.

Ce dispositif, comme tout ce qui permet de renforcer le contrôle et l’information sur les dépenses fiscales et sociales, a bien évidemment reçu un avis favorable du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)