Article 5 ter (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
Article 7 bis

Article 6

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application de la présente loi. Il définit notamment la durée de conservation des données incluses dans le traitement prévu à l’article 5 et les modalités et la date de mise en œuvre des fonctions électroniques mentionnées à l’article 3. – (Adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 7 bis

(Non modifié)

Toute décision juridictionnelle rendue en raison de l’usurpation d’identité dont une personne a fait l’objet et dont la mention sur les registres de l’état civil est ordonnée doit énoncer ce motif dans son dispositif. – (Adopté.)

M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article 7 bis
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Monsieur le ministre, nous sommes tellement d’accord sur l’objectif de lutte contre l’usurpation d’identité que vous n’avez pas entendu une seule fois un membre de notre groupe remettre en cause les dispositions augmentant les peines applicables aux personnes s’en rendant coupables. Nous sommes même favorables à une plus grande sévérité envers les fraudeurs qui seront repérés : c’est dire !

Vous nous avez expliqué à de nombreuses reprises que l’aggravation des peines permettait la limitation des délits : vous devriez donc être confiant dans le dispositif qui sera mis en place, d’autant que l’efficacité globale de ce texte est fondée sur la dissuasion. À partir du moment où une fraude est détectée, il devient tout à fait inutile de la prolonger, sauf à prendre le risque d’être repéré et puni.

Nous voterons donc cette proposition de loi.

Nous tenons à souligner la qualité du travail du rapporteur, qui a recueilli l’assentiment de la quasi-unanimité de la commission. Nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant entre la préservation des libertés publiques et individuelles, d’une part, et la sécurité et la protection de l’identité, d’autre part.

Vous nous avez indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre, que le système de base de données à lien faible n’était utilisé nulle part ailleurs et que sa mise en place poserait dès lors des problèmes. Mais tant mieux si, comme l’a suggéré tout à l'heure mon collègue Jean-Yves Leconte, nous montrons la voie aux autres pays de l’espace Schengen ! De toute manière, la mise en place d’une base de données à lien fort, bien que non expérimentale, serait tout aussi brutale et certainement beaucoup plus dangereuse.

Et tant pis si le prix à payer pour défendre les libertés individuelles et protéger l’identité est de conférer à une entreprise le monopole de la base ainsi créée. Au reste, d’après le rapport de M. Pillet, ce ne sera pas forcément le cas.

Bien entendu, nous surveillerons avec une attention toute particulière la mise en place effective, sans doute dans quelques mois, des conditions de délivrance de ce nouveau titre d’identité. En effet, ce sont les mairies qui, à nouveau, seront sollicitées, et dans des conditions souvent difficiles. Cela impliquera concrètement de vraies négociations avec nos collègues maires.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
 

5

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, vous m’avez dit tout à l'heure que les travaux inscrits à l’ordre du jour de ce matin ayant commencé à neuf heures trente, ils pourraient durer jusqu’à treize heures trente. Or, dans les conclusions de la conférence des présidents qui ont été affichées, il était prévu que nos travaux débuteraient aujourd'hui à neuf heures. Ma bonne foi était totale : n’ayant pas assisté hier soir à la clôture des débats, je n’ai pas eu connaissance de ce changement d’horaire.

Monsieur le président, il y a là une innovation, car la durée de deux heures au minimum pour les suspensions entre le matin et l’après-midi, de même qu’entre l’après-midi et le soir, avait toujours – en tout cas, depuis que je siège au Sénat, et cela ne date pas d’hier – été respectée jusqu’à présent. Cela correspond à certaines nécessités : contraintes inhérentes à l’élaboration des comptes rendus, reproduction des documents devant être mis à notre disposition, recherche de la meilleure organisation de nos débats...

Or il semble que l’on commence à dire que tout cela n’a guère d’importance et donc à remettre en cause cette durée minimale.

Monsieur le président, lorsqu’il est annoncé que le Sénat siégera le soir et éventuellement la nuit, cela veut-il toujours dire que nous interromprons nos travaux à dix-neuf heures trente ou à vingt heures pour les reprendre à vingt et une heures trente ou à vingt-deux heures ? Ce point doit être clarifié. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)

Le Sénat a toujours tenu à respecter les services, qui font preuve d’un grand dévouement. Cette tradition de respect doit être maintenue, et ma question relative à la durée de la suspension mérite, à cet égard, d’être posée.

Monsieur le président, je profite de ce rappel au règlement pour répondre à M. Sueur qui, tout à l'heure, m’a mis en cause et a reproché à mon groupe d’avoir déposé concomitamment une motion et de nouveaux amendements.

Monsieur Sueur, un tel comportement est bien normal. Nous pensions en effet qu’il valait mieux renvoyer à la commission la proposition de loi relative aux intercommunalités, afin de tenter une nouvelle fois de trouver une solution. Cependant, sachant que vous vouliez imposer vos vues et que vous alliez rejeter notre motion, nous avons également déposé des amendements.

J’ajoute que, si le groupe socialiste s’était appliqué à lui-même votre raisonnement – quand on dépose une motion, on se dispense de déposer des amendements –, nous aurions, jusque dans un passé récent, gagné énormément de temps ! Sur bien des textes, vous avez déposé tous les types de motions possibles et cela ne vous a nullement empêchés de déposer en plus des centaines d’amendements ! (Manifestations d’approbation sur les travées de l’UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Tout à fait !

M. Alain Gournac. À chaque fois !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est pourquoi, je le dis franchement, c’est un argument qui ne peut pas être utilisé dans cet hémicycle !

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Pour répondre à votre questionnement, en cet instant, je peux seulement vous dire que, a priori, la règle des deux heures de suspension restera en vigueur.

M. Jean-Jacques Hyest. Grâce à nous !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Michel. Mon rappel au règlement concerne le règlement lui-même, mais je veux d’abord dire à Jean-Jacques Hyest que, lorsqu’il présidait la commission des lois, il était moins « notarial » ! Je pense qu’il devrait prendre de la hauteur dans ses interventions. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Monsieur le président, je veux surtout demander que soit constitué un groupe de travail sur le règlement. On le voit aujourd'hui, le règlement qui est en vigueur, après introduction des dispositions rendues nécessaires par la réforme constitutionnelle – et à la rédaction desquelles a collaboré Jean-Jacques Hyest –, n’est pas satisfaisant.

MM. Alain Gournac et Jean-Jacques Hyest. Pourquoi ?

Mme Catherine Procaccia. Parce que la gauche est majoritaire !

M. Jean-Pierre Michel. Les choses peuvent changer ; elles ne sont pas établies une fois pour toutes !

Il est clair que l’ordre du jour de nos travaux d’aujourd'hui est très mal conçu.

Nous n’avons utilisé ce matin que deux des quatre heures prévues pour l’examen de la proposition de loi relative à la protection de l’identité. Les deux heures non utilisées sont donc perdues, alors que l’examen des textes inscrits à l’ordre du jour de cet après-midi et de ce soir va peut-être durer jusqu’à trois ou quatre heures du matin, voire se poursuivre demain.

Il me semble qu’assigner une durée de quatre heures à l’examen de chaque proposition de loi n’est pas une bonne chose. Le règlement, mal écrit sur ce point, doit donc être revu.

C'est la raison pour laquelle je demande à la présidence du Sénat de convoquer un nouveau groupe de travail sur la réforme du règlement.

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je transmettrai votre requête à M. le président du Sénat et à la conférence des présidents.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

6

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour un rappel au règlement.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le Sénat s’apprête à examiner en deuxième lecture la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État, je tiens à indiquer dès à présent que ce débat ne se déroulera pas, selon moi, dans de bonnes conditions.

En effet, j’ai constaté, non sans surprise, que pas moins de 80 amendements ont été déposés sur cette proposition de loi, qui devait être étudiée dans un délai normalement limité à quatre heures.

L’examen, hier après-midi, de la proposition de loi présentée par le président Sueur a donné lieu à un bouleversement inattendu de l’ordre du jour du Sénat.

Les décisions prises, hier soir, par la conférence des présidents ont été dénoncées, dès la reprise de la séance, par le président de mon groupe, François Zocchetto. En effet, nous allons être contraints de siéger peut-être tard dans la nuit, ou demain, pour achever l’examen de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État.

Je rappelle que, dès la fin de l’année 2009, M. Jacques Legendre, alors président de la commission de la culture, avait décidé de constituer un groupe de travail sur la question de la dévolution du patrimoine monumental de l’État. À cette occasion, j’avais présenté un rapport d’information préconisant une dizaine de mesures, qui ont été adoptées à l’unanimité – j’y insiste ! – des membres de la commission le 30 juin 2010.

Ce rapport d’information a constitué le socle de la proposition de loi que le Sénat a adoptée en première lecture, le 26 janvier 2011, et que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture.

Aussi, je déplore la pléthore d’amendements présentés par la majorité sénatoriale, notamment ceux de suppression déposés à tous les articles, alors que seul un amendement de cette nature avait été présenté, lors de la première lecture, à l’article 10. Cette volonté manifeste de sabordage, bassement politicien, du travail parlementaire effectué détruit un travail de concertation mené pendant deux ans.

Non seulement les amendements déposés par la nouvelle majorité n’aboutiraient, s’ils étaient adoptés, qu’à dénaturer complètement le texte, mais, en outre, je me suis heurtée au sein de la commission à un refus manifeste de les examiner. Une telle méthode n’est pas digne du travail du Sénat ; elle l’est encore moins quand elle concerne un texte qui intéresse, en premier lieu, les collectivités territoriales que nous représentons.

Ce déni de démocratie, que je ne saurai ni cautionner ni accepter, m’a contrainte à démissionner de mon poste de rapporteur de la commission sur la proposition de loi que nous allons examiner dans quelques instants.

Avant que ne commence l’examen de ce texte, je souhaite donc rappeler mes collègues composant la nouvelle majorité au respect du règlement et à la sagesse, pour que cette attitude, peu conforme à l’esprit du Sénat, ne perdure pas. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

M. David Assouline. Les débats en commission ne préjugent pas les décisions qui seront prises en séance publique. Chacun défend ses convictions profondes, la tâche déjà accomplie et, en même temps, essaie de produire un travail parlementaire constructif jusqu’au dernier moment.

Nous en sommes parvenus au moment de l’examen en séance publique de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État. Vous pourrez constater, madame Férat, que toutes vos prévisions, quelque peu catastrophistes, ne se réaliseront en rien. Vous auriez donc dû attendre un peu, au lieu d’intervenir préalablement au débat. Vous pourrez bien évidemment, au cours de la discussion, interpréter tel ou tel point, mais, pour l’instant, vos analyses sont fausses.

En tant que représentants de la nouvelle majorité sénatoriale, nous avons jugé que nous devions donner l’exemple dans l’exercice de nos nouvelles responsabilités, en évitant de faire de l’obstruction, contrairement à ce qu’un ministre a fait hier, pour la première fois dans cet hémicycle, afin de retarder l’étude d’un texte.

Mes chers collègues, nous n’avons pas été entendus lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi relative au patrimoine monumental, alors que le débat – vous avez raison, madame Férat – était tout à fait constructif.

Au cours de la mission confiée au groupe de travail que vous avez évoqué, ma chère collègue, un consensus s’était dégagé et des appréciations communes avaient été émises, mais nous avions fait part d’un certain nombre de lourdes réserves. Or, habitués que vous étiez à composer l’éternelle majorité, vous n’aviez pas retenu les modifications que nous vous soumettions. Pis encore, vos propres amis, à l’Assemblée nationale, ont aggravé vos propositions.

Aujourd’hui, au cours de ce débat, vous constaterez non seulement que le cadre horaire prévu sera respecté, mais aussi que tous les amendements déposés qui pouvaient paraître secondaires par rapport aux mesures fondamentales que comporte la présente proposition de loi, soit ont déjà été retirés, soit le seront au cours de cette séance, afin que notre travail soit facilité.

M. David Assouline. Si votre démarche est aussi constructive que la nôtre, si vous voulez sauver cette proposition de loi et la faire accepter par tous, j’espère que vous ne vous contenterez pas d’appeler à voter pour, in fine, mais que vous écouterez enfin nos arguments lors de la présentation de nos amendements et que, à votre tour, vous ferez un geste et voterez en faveur de ces derniers. Si tel est le cas, le travail parlementaire en sortira grandi.

Nous verrons ce qu’il en est dans quelques instants, lors du débat sur le fond.

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Discussion générale (suite)

Patrimoine monumental de l'État

Adoption, en deuxième lecture, d'une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, à la demande du groupe UCR, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (proposition n° 740 [2010-2011], rapport n° 37).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 1er A

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un article célèbre intitulé La Notion de patrimoine, paru en 1980, l’historien de l’art André Chastel, dont nous célèbrerons en 2012 le centième anniversaire de la naissance, a rappelé un principe fondamental. La notion de monument historique est non pas un invariant culturel, mais une invention spécifiquement occidentale et, de surcroît, fort récente. En effet, si le monument fait partie d’un « art de la mémoire » universel, présent dans la plupart des cultures, l’invention du monument historique est solidaire des concepts d’art et d’histoire.

Alors que vous vous apprêtez, mesdames, messieurs les sénateurs, à examiner la proposition de loi déposée par Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre, vous devez avoir en tête cette double caractéristique du monument : pérenne devant l’histoire longue de l’État et de ses politiques de protection, contingent au regard de l’usage social qu’en font les femmes et les hommes.

En vous présentant, le 26 janvier dernier, ma position sur cette proposition de loi, je vous avais indiqué que j’approuvais les grands lignes de ce texte, tout comme l’orientation des conclusions du rapport, remarqué pour sa qualité, de la sénatrice Françoise Férat.

Cette proposition de loi est l’aboutissement, vous le savez, d’une histoire déjà assez ancienne. Elle s’inscrit dans le prolongement de la loi du 13 août 2004, qui avait organisé un premier mouvement de transfert de monuments historiques de l’État, affectés au ministère de la culture, au profit de collectivités territoriales volontaires.

Cette mesure a entraîné la cession gratuite de soixante-six monuments appartenant à l’État, assortie d’une compensation des charges de personnels et de fonctionnement, ainsi que d’un programme de travaux d’investissements cumulés de près de 50 millions d’euros.

Réaffirmer le principe général de « transférabilité », c’est affirmer un lien de confiance ; c’est aussi réaffirmer le partenariat et le contrat entre l’État et la collectivité territoriale désireuse d’assumer une mission patrimoniale dans des lieux dont l’État n’a plus l’usage.

Ce partenariat, ce lien de complémentarité, je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous y êtes particulièrement attachés. Ce dialogue refondé et renforcé, que je poursuis dans d’autres domaines d’action de mon ministère, est basé sur un contrat clair, garantie d’une relation saine et durable.

Vous le savez également, l’État a entrepris d’importantes réorganisations administratives, qui le conduisent à modifier l’implantation territoriale de certains de ses services ou à rationaliser la gestion de son patrimoine immobilier. Dans ce contexte, des bâtiments historiques prestigieux – des tribunaux, des casernes, des préfectures, des écoles – peuvent se trouver inutilisés, et la tentation de tout gestionnaire est de les vendre. Les textes actuels qui régissent les cessions du patrimoine de l’État ne prévoient pas d’autre précaution pour la cession des monuments protégés au titre du code du patrimoine qu’une obligation d’informer le ministre de la culture, qui ne peut alors que « présenter ses observations », des projets de cessions des bâtiments classés.

Le ministre de la culture n’a donc aucun moyen à l’heure actuelle d’empêcher, à moins qu’un arbitrage interministériel ne soit rendu et ne lui donne raison, la vente d’un monument de l’État.

Tous les ministères ont actuellement à leur disposition pour leur fonctionnement des monuments protégés au titre du code du patrimoine : hôtels particuliers parisiens qui sont le siège des grands ministères, mais aussi casernes, prisons, tribunaux, préfectures, écoles... Au total, 1 750 monuments sont potentiellement concernés. Je dis bien « potentiellement », car ce patrimoine est multiple, divers ; sa valeur patrimoniale et symbolique est très inégale.

Je tiens à vous l’indiquer clairement, pas plus qu’en 2004, il ne s’agit d’une braderie du patrimoine de l’État, bien au contraire, comme je viens de l’illustrer. L’objectif est bien d’encadrer le transfert des monuments historiques de l’État vers les collectivités qui le souhaitent, de faciliter pour ces dernières la réutilisation des monuments de l’État, dont ce n’était pas toujours la destination, pour créer ou développer des équipements culturels.

Hormis ceux qui répondent aux critères de la commission Rémond et ceux qui seront définis par le Haut conseil du patrimoine, tous les monuments protégés de l’État, d’une grande variété de formes, d’usages, de potentialités, sont hypothétiquement concernés, soit, je le répète, environ 1 750 monuments.

Il s’agit pour l’État non pas de se désengager, mais de favoriser la conservation et la mise en valeur partagée de notre patrimoine, avec l’objectif commun de le rendre accessible au plus grand nombre, de le mettre au service du développement culturel de notre territoire, afin d’initier partout toutes les générations à cette richesse, dont notre pays peut être, à juste titre, très fier. Il n’y a nul désengagement, nul abandon, mais bien plutôt la nécessité de promouvoir une gestion moderne de l’État, capable de tenir la ligne de crête entre, d’un côté, l’attention aux compétences, aux exigences, aux appréciations fines dont les collectivités territoriales sont porteuses et, de l’autre, les enjeux d’intérêt général dont l’État et son administration restent les garants.

La proposition de loi de Mme Férat a le grand mérite de créer les garde-fous qui nous manquent actuellement pour que la cession des monuments de l’État ne soit pas envisagée, uniquement, comme le moyen de trouver les financements nécessaires aux restructurations envisagées par chaque ministère. Adoptée en première lecture au Sénat à la fin de janvier dernier, elle a été modifiée par l’Assemblée nationale en juillet dernier sur deux points essentiels sur lesquels je ne doute pas que les débats porteront.

Quels sont ces garde-fous?

L’un des points forts du texte, telle qu’il a été voté par les deux assemblées, est la création d’un Haut conseil du patrimoine, permanent, associant élus, experts en architecture, historiens, historiens d’art et représentants de l’administration, en suivant le même principe que pour la commission animée par René Rémond en 2003-2004. Inspiré de la notion de « principe de précaution patrimoniale » définie dans le rapport d’information préalable à cette proposition de loi, ce Haut conseil aura un rôle clef pour assurer la pertinence des transferts et des cessions onéreuses, afin d’éviter les polémiques.

C’est en effet à cette institution qu’il revient d’apprécier, pour chaque monument dont la cession est envisagée, sa place dans le patrimoine national, la nécessité, pour des raisons symboliques ou pratiques, d’en conserver la propriété à la collectivité nationale, ou encore l’opportunité de le céder, soit à titre de transfert gratuit, s’il est souhaitable qu’il fasse l’objet d’un projet culturel, soit à titre onéreux, dans les autres cas. Il lui reviendra également d’évaluer, en liaison avec la Commission nationale des monuments historiques, les contraintes spécifiques à chaque monument dans son utilisation future, ainsi que la qualité du projet culturel présenté à l’appui d’une demande de transfert gratuit.

Replacer ainsi la dimension culturelle au cœur de la procédure de transfert constitue une préoccupation à laquelle je souscris entièrement, comme vous l’imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, mais celle-ci ne doit pas emprisonner notre regard : d’autres usages peuvent se faire jour, dans le respect de l’esprit et de l’histoire des monuments.

Je crois non pas à un patrimoine ossifié, enkysté, mais à un patrimoine vivant, ouvert à la diversité sociale, porteur de valeurs et de sens pour nos contemporains. Créer une école, des logements pour les étudiants, un service administratif dans un monument historique, dans le respect de ce qui fait son intérêt patrimonial, son architecture, ses décors, son histoire, c’est aussi une manière tout à fait honorable de replacer notre patrimoine au cœur de la vie sociale, de la citoyenneté, du bien public.

En dernier ressort, je veux le souligner, c’est le ministre de la culture qui aura le dernier mot et, pour ainsi dire, un droit de veto sur tous les projets de transfert à titre gratuit et de cession. Conformément à ses prérogatives, il encadrera, avec un pouvoir renforcé par rapport à la situation actuelle, la gestion de ces monuments historiques.

Quant à la protection du monument, la surveillance des services du ministre de la culture sur son état de conservation, ses besoins de restauration, les évolutions qui peuvent lui être apportées pour des usages différents, tout cela continuera de s’appliquer, quel que soit le propriétaire du monument.

J’ajoute que la loi empêche de céder par lots les monuments concernés, qu’elle en respecte la cohérence et l’histoire, l’unité et l’intégrité. Pour parodier un mot célèbre, je dirai que, telle qu’elle est envisagée, « la dévolution est un bloc ». Le bien mobilier et le bien immobilier peuvent former une entité indissociable, un ensemble cohérent, dont l’autorité administrative est la seule garante.

Pour les monuments transférés gratuitement sur la base de ce dispositif, leur cession en aval est soumise à l’avis du Haut conseil et, là encore, à la décision ultime du ministre. Enfin, la revente d’un bien acquis gratuitement moins de quinze ans après le transfert donnera lieu au reversement d’une partie du produit de la vente à l’État, ce qui évite, s’il en était besoin, la tentation de spéculer à partir de ce dispositif.

Enfin, en cas de manquement des collectivités territoriales à leurs obligations, l’État peut résilier la convention de transfert.

La logique de cette loi est d’être généreuse et souple, mais aussi équilibrée, entre dévolution et obligations. Elle est également de ne pas décourager les mesures de protection à venir. En effet, il ne faut jamais cesser de le rappeler, le patrimoine constitue la somme de nos héritages, d’une histoire pluriséculaire façonnée par les hommes et par le temps, mais il n’est pas figé, il est perpétuellement en mouvement, il s’invente de nouvelles frontières, de nouveaux territoires, de nouvelles limites.

Je partage le souci qu’ont exprimé plusieurs membres de la Haute Assemblée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne souhaite pas plus que vous que notre patrimoine national soit dispersé sans une réflexion approfondie, pesée, sans une étude fine, menée au cas par cas. Cette proposition de loi nous en donne les moyens, non par un principe d’inaliénabilité qui pourrait décourager les mesures de protection à venir, mais par un processus de dialogue et de partenariat avec les élus de tous les niveaux de collectivités. Ce n’est pas son moindre intérêt.

Je vous demande donc d’en comprendre bien l’esprit et la philosophie d’ensemble, d’y voir un élément de confiance en l’avenir, une chance pour nos collectivités. Je partage avec vous une conviction commune : la culture et le patrimoine ont un rôle clef dans le développement de nos territoires et l’attractivité de notre pays dans la mondialisation.

Je souhaite que nous donnions toutes ses chances à cette grande ambition pour le patrimoine d’aujourd’hui, que je souhaite vivant et qui fut, ne l’oublions pas, la création d’hier, tandis que celle d’aujourd’hui s’en nourrit souvent, avec cette forme paradoxale de piété qu’est l’irrévérence.

Non, ce n’est pas en nous mettant au garde-à-vous devant les monuments que nous les aiderons à franchir le grand vaisseau du temps, mais bien en assurant la pérennité de leur usage et en garantissant leur conservation pour les générations futures. L’un de mes illustres prédécesseurs parlait de ces « chênes qu’on abat ». Je souhaite, pour ma part, faire vivre la futaie et le taillis d’une forêt profonde, composite, multiple : je veux parler, bien sûr, de notre patrimoine et de nos monuments historiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)