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Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Article additionnel après l'article 3

Article 3 (nouveau)

Le second alinéa de l’article L. 5211-6 du même code est ainsi rédigé :

« Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui participe avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et dès lors que ce dernier en a avisé le président de l’établissement public. Les convocations aux réunions de l’organe délibérant, ainsi que les documents annexés à cette convocation, sont adressés au délégué suppléant. »

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, sur l'article.

Mme Catherine Troendle. Je le répète, nos conditions de travail, qui diffèrent de celles des autres parlements européens, n’encouragent pas les jeunes femmes à siéger au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Plusieurs de nos collègues, notamment au sein du groupe de l’UMP, ont de jeunes enfants, qu’elles devront accompagner à l’école tout à l'heure.

M. Pierre-Yves Collombat. Le mari peut le faire !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pensez au partage des tâches !

Mme Catherine Troendle. Cette façon de faire est inadmissible et ne permet pas de légiférer de manière sereine. Elle ne favorise pas non plus la parité dans notre assemblée.

J’en viens à l’article 3.

Il est tout à fait normal que les communes puissent être représentées. C’est pourquoi lorsqu’une commune ne possède qu’un unique délégué, celui-ci doit pouvoir être remplacé.

La représentation nationale a adopté une position de compromis en admettant que l’élection des délégués au suffrage universel n’est pas incompatible avec la présence de suppléants. Cette présence paraît nécessaire à certains d’entre nous. En effet, dans les cas exceptionnels où le délégué titulaire d’une petite commune ne pourrait se rendre à une réunion importante pour sa commune, il faut qu’il puisse être remplacé par un suppléant représentant le conseil municipal.

Je rappelle que c’est déjà possible, grâce à la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et si celui-ci n’a pas donné procuration à un autre délégué. »

Je souhaite faire trois remarques.

La première est relative au texte même de l’article 3, qui exclut les communautés urbaines ainsi que les métropoles de demain. Comment se fait-il que celles-ci ne soient pas concernées ?

Ma deuxième remarque porte sur les difficultés pratiques que ferait naître l’adoption de cet article. Dans les grandes communautés, dont certaines comportent une majorité de communes n’ayant qu’un seul représentant, les organes délibérants deviendraient de véritables auberges espagnoles, selon l’expression que nous avions employée lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Cela rendra la gestion des grandes agglomérations extrêmement difficile, puisque la composition de l’organe délibérant ne sera jamais la même.

Cette disposition va à l’encontre des objectifs de la réforme des collectivités territoriales, qui visait à conforter les élus locaux, notamment en dotant les élus des départements et des régions de compétences plus nombreuses, afin qu’ils soient plus légitimes et plus écoutés.

Dans la mesure où nos concitoyens perçoivent mal, voire pas du tout, l’ampleur et l’importance des politiques départementales et où l’on constate une méconnaissance du travail réalisé par les élus locaux, il faut introduire de la lisibilité et renforcer le lien qui unit nos concitoyens à leurs élus de proximité. Tel ne sera certainement pas la conséquence de l’adoption de cet article !

Enfin, ma troisième remarque est que cet article tend à supprimer le dispositif qui garantit aujourd’hui une représentation, avec voix délibérative, des communes déléguées au sein des conseils communautaires.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Pour être franc, cet article me surprend quelque peu. En effet, lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, nous avions convenu que le suppléant pourrait siéger dès lors que le maire n’avait pas donné procuration à un autre délégué.

Ne parlons pas d’un système de « représentants à éclipses », ni d’un manque de continuité. À l’époque, nous étions tous d’accord sur ce point !

Il est normal que le maire qui ne peut pas se rendre à une délibération qui porte sur la commune qu’il représente envoie l’un de ses adjoints. Or on nous propose aujourd'hui de privilégier le suppléant par rapport au conseil communautaire. Je ne comprends pas cette évolution. Pourquoi revenir sur ce qui faisait consensus entre nous ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit d’un débat qui porte sur des points importants : quelle est la source de la légitimité des membres d’une instance communautaire, qui demeure intercommunale ?

Nous discutons d’un point relativement précis, à savoir l’ordre de suppléance de l’unique délégué d’une commune qui ne peut assister à une réunion de l’organe délibérant communautaire. La loi donne aujourd'hui la priorité aux collègues du conseiller municipal titulaire.

Il nous semble, à la lumière de notre expérience de terrain – nous avons tous entendu la même chose –, que la question de la représentation unique des communes constitue un frein à la réalisation de communautés élargies ou fusionnées.

L’intercommunalité est encore en construction et, je me permets de le répéter, c’est l’existence de situations problématiques ou conflictuelles qui explique l’inachèvement de la carte intercommunale ; nous le savons tous. Les fusions constitueront une étape difficile, car on va changer d’échelle.

C'est pourquoi, même si les arguments présentés par Mme Troendle et M. Hyest sont parfaitement recevables, la commission a estimé qu’il fallait donner la priorité non à la représentation par un collègue d’une commune voisine, comme c’est le cas actuellement, mais à la représentation par le suppléant.

La seule autre modification que nous avons introduite vise à garantir une certaine stabilité dans le travail de l’organe délibérant communautaire, en prévoyant que les suppléants recevront régulièrement la documentation relative à ce travail, même lorsqu’ils ne sont pas appelés à siéger.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est déjà le cas !

M. Alain Richard, rapporteur. Certes, mais ce n’est pas inscrit dans la loi. Nous voulons instaurer cette garantie afin que le suppléant soit en mesure de participer utilement aux délibérations en représentant bien sa commune.

Il existe donc une divergence entre nous sur ce point. Toutefois, vous pouvez admettre que la commission s’est efforcée de faire du bon travail, dans une ambiance pluraliste, pour régler ce petit problème.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de Jean-Jacques Hyest.

Le droit en vigueur prévoit non seulement l’existence d’un suppléant, mais aussi la possibilité pour le titulaire de lui déléguer son vote. Ainsi, l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales dispose : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et si celui-ci n’a pas donné procuration à un autre délégué. »

Mme Catherine Troendle. C’est ce que j’ai dit !

M. Philippe Richert, ministre. Cela signifie que le droit en vigueur permet au suppléant de voter à la place du titulaire.

M. Philippe Richert, ministre. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez interdire au titulaire d’attribuer sa délégation de vote à un autre membre de la communauté de communes. Le droit existant me semble bien plus intéressant, car il laisse le choix au titulaire.

Jean-Jacques Hyest propose simplement de s’en tenir au droit en vigueur, qui, me semble-t-il, répond déjà aux demandes qui ont été formulées.

Mme Catherine Troendle. Tout à fait !

M. Philippe Richert, ministre. Peut-être cela n’avait-il pas été suffisamment explicité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après les mots :

même code

insérer les mots :

, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit d’une précision rédactionnelle : dans un souci de clarté, la commission a souhaité qu’il soit explicitement fait référence à la loi du 16 décembre 2010.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (nouveau)
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Article 4 (nouveau)

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. P. Leroy et Lecerf, Mme Sittler et MM. B. Fournier, Lefèvre, Billard, Chatillon, Dulait, J.P. Fournier, Huré, du Luart et Portelli, est ainsi rédigé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« La demande de retrait de l’établissement public de coopération intercommunale ne peut être effectuée qu’une fois par année civile. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

M. Alain Richard, rapporteur. J’en reprends le texte, au nom de la commission, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 71, présenté par M. A. Richard, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 25.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Alain Richard, rapporteur. Philippe Leroy et Jean-René Lecerf nous avaient convaincus de la pertinence de leur proposition, et, en leur absence, il me paraît judicieux de reprendre leur amendement non soutenu.

Si une commune fait une demande de retrait de la communauté de communes et que les autres communes laissent passer un délai de trois mois, ces dernières sont réputées avoir donné un avis favorable.

L’expérience pratique montre qu’il peut se produire, en cas de conflit, que des communes fassent des demandes de retrait répétées dans l’espoir qu’un jour, du simple fait de l’inattention des autres communes, le retrait soit adopté.

L’amendement n° 71 vise donc à limiter à une par année civile les demandes de retrait d’un EPCI de manière à éviter les situations de harcèlement, ce qui laisse largement aux communes la possibilité d’exercer leur liberté de demander la reconsidération de leur position au sein d’une communauté de communes en conflit. Formuler des demandes plus souvent serait au contraire, me semble-t-il, un abus de droit de leur part.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Personnellement, je suis totalement défavorable à cet amendement qui répond à des préoccupations purement locales sans aucun rapport avec la réforme.

M. Philippe Leroy, lorsqu’il était président du conseil général de Moselle, a imposé une communauté de communes sur quatre cantons, regroupant 128 communes, avec une gouvernance impossible de 150 personnes. La préfète de l’époque a été obligée d’accepter. Est arrivée la restructuration militaire, suivie de l’éclatement de la droite mosellane. Il s’agit purement et simplement d’un problème au sein de celle-ci ! (M. Hervé Maurey proteste.) Les communes de cette communauté de communes ne peuvent plus vivre ensemble et M. Leroy, qui avait déjà déposé une proposition de loi allant dans le même sens que cet amendement, « raccroche » maintenant celui-ci à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui pour résoudre un problème local que la commission départementale de coopération intercommunale ne peut pas régler.

Nous avons mandaté en CDCI la sous-préfète de Château-Salins pour faire une expertise, et c’est bien là l’objet de cet amendement. Je peux vous assurer, mes chers collègues, que ce dernier n’a rien à voir avec la réforme ! Vous allez donner l’opportunité à M. Leroy d’empêcher le travail dont la sous-préfète a été chargée par la CDCI ! Je vous demande donc de ne pas voter ce texte de circonstance, car, en Moselle, nous ne savons plus quoi faire de cette intercommunalité !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous avons exactement le même cas dans l’Orne.

La demande réitérée par année civile pose un autre problème. Nous sommes dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle carte de l’intercommunalité, et il faut de toute façon que la commune demandant son retrait puisse se rattacher à une autre intercommunalité. Le problème du retrait ne se pose pas du tout de la même façon depuis que nous sommes dans le cadre de la refonte de l’intercommunalité.

Cet amendement me paraît en conséquence très délicat à mettre en œuvre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Nos deux collègues mentionnent là un aspect de la vie politique locale tout à fait concret, et leurs considérations doivent être respectées.

Je n’ai pas voulu développer le sujet pour ne pas compliquer le débat, mais la question est en fait plus large : monsieur le ministre, il n’existe pas de lieu d’arbitrage des conflits d’intercommunalité.

Personnellement, je réfléchis actuellement à une proposition de loi visant à donner ce rôle à la CDCI, car celle-ci est permanente et est composée d’une manière équilibrée. Ma modeste expérience personnelle de président d’une petite commission de conciliation en matière d’urbanisme – cela renvoie d’ailleurs à un texte de 1983, donc très ancien déjà, que j’avais moi-même rapporté – m’a en effet démontré que ce type d’instance pouvait régler certains problèmes.

À l’inverse, force est de constater que les membres du corps préfectoral ne sont pas toujours aux avant-postes pour régler les conflits internes des intercommunalités, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il y a évidemment quelques coups à prendre. Or, aucune autre instance n’est chargée de régler ces conflits.

Pour autant, madame Goulet, monsieur Todeschini, la bonne solution, pour une commune confrontée à un problème d’intercommunalité, est-elle de réitérer une demande de retrait tous les deux mois ?

M. Alain Richard, rapporteur. Je ne suis effectivement pas sûr que ce soit le bon outil. Dans cette mesure, l’amendement dont nous débattons, qui avait convaincu la commission des lois, tout en n’interdisant pas qu’un problème soit exprimé au sein de l’intercommunalité, tend au moins à éviter qu’une commune n’utilise ce moyen de procédure pour tenter d’accélérer les choses en comptant sur un oubli pour les voir aboutir.

Cela étant dit, comme je constate que le sujet est controversé et que les auteurs de l’amendement initial ne sont pas là, je suis tout à fait d’accord pour que l’on diffère la discussion à une autre occasion, et je retire donc l’amendement n° 71.

M. le président. L’amendement n° 71 est retiré.

M. Alain Gournac. Un peu bizarre, tout ça…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Autrement dit, nous ne reprenons plus l’amendement de nos collègues ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Alain Gournac. Quelle salade !

M. Alain Richard, rapporteur. Nous, nous essayons de nous écouter les uns les autres !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est à ça que sert le débat !

M. Alain Richard, rapporteur. Eh oui, un débat ne se résume pas à des braillements !

Article additionnel après l'article 3
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Article 5 (nouveau) (début)

Article 4 (nouveau)

Le III de l’article L. 5210-1-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après les mots : « peut être abaissé », la fin du 1° est ainsi rédigée : « par la commission départementale de la coopération intercommunale, par une délibération motivée, lorsqu’elle adopte la proposition finale, pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ; »

2° Le 4° est ainsi rédigé :

« 4° La suppression des syndicats de communes et des syndicats mixtes ou la modification de leur périmètre quand les compétences qui leur ont été transférées peuvent être exercées par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les périmètres et les compétences ont été définis ; »

3° Le 5° est supprimé.

M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, sur l'article.

M. Pierre Bordier. Cet article donne à la commission départementale de la coopération intercommunale la faculté de déroger au seuil de 5 000 habitants pour la création d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Je souhaiterais rappeler dans quel esprit nous avons voté et pourquoi nous l’avons fait.

Nous avons laissé les élus locaux depuis de nombreuses années dessiner la carte de l’intercommunalité. Nous constatons que, de cette situation, ont découlé de nombreux périmètres relativement fantaisistes.

Les intercommunalités n’ont pas toutes été créées sur des territoires forcément pertinents aujourd’hui puisqu’elles l’ont été sur des critères géographiques et/ou économiques susceptibles d’évoluer. Leurs périmètres peuvent dès lors ne plus être adaptés pour répondre à l’objectif d’élaboration de projets communs de développement dans un cadre de solidarité.

Nous faisons tous le constat que le maillage du territoire national par les collectivités locales est trop confus. Trop de périmètres ne correspondent à aucune réalité concrète et ne permettent pas de rationaliser la dépense publique, ce qui est l’un des objectifs de la réforme.

La loi que nous avons votée a fixé un cadre : le seuil minimal de population requis pour créer une structure intercommunale à fiscalité propre est désormais de 5 000 habitants.

Cependant, en l’état de ce que nous avons voté, il n’y a aucun caractère impératif à la création d’intercommunalités d’au moins 5 000 habitants ; il peut en effet être dérogé à cette règle dans deux cas : soit dans les zones de montagne, où seul un territoire immense permettrait d’atteindre le seuil, soit par dérogation du préfet pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces.

Pourquoi nous est-il proposé que la CDCI se substitue au rôle du préfet dans ce dernier cas ?

Nous avons constaté, je l’ai dit, qu’une liberté trop importante laissée aux élus sur ces questions conduisait à la mise en place de cartes de l’intercommunalité fantaisistes. Il n’y a pas lieu ici de stigmatiser les élus ; il s’agit de prendre en compte le fait que les différents atouts dont dispose chaque commune et les divers intérêts que les communes peuvent avoir à se regrouper ne permettent pas de réaliser des regroupements dynamiques pour l’avenir de nos territoires.

Qui mieux que le préfet, représentant de l’État et de l’intérêt général dans le département, peut décider de déroger à la règle des 5 000 habitants pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ?

Seuls les préfets peuvent assumer ce rôle, et ils savent parfaitement prendre en compte la réalité géographique de leurs territoires pour dynamiser les regroupements.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement se situe dans la suite de l’intervention de M. Bordier.

Je rappelle tout d’abord que nous concevons avant tout les communautés de communes – et le même esprit guidait d’ailleurs les lois précédentes – comme des bassins de vie ayant pour objectif le développement économique et l’aménagement du territoire, ce qui n’est pas envisageable en dessous d’un certain seuil que nous avons fixé à 5 000 habitants.

Évidemment, nous avons prévu des exceptions, notamment pour les vallées de montagne. Il est normal qu’il y ait des dérogations ; mais si l’on abaisse trop le seuil ou si l’on accepte systématiquement qu’il y soit dérogé, nous allons nous retrouver dans la même situation qu’aujourd'hui.

En effet, pourquoi est-on obligé de refaire la carte de l’intercommunalité alors que 92 % du territoire est déjà couvert ? C’est bien parce que certaines communautés de communes ont été bâties n’importe comment.

Pour ma part, je connais un cas tout simplement scandaleux : la constitution de trois communautés de communes sur un même canton parce que les communes qui bénéficient des ressources de l’aéroport de Roissy ne veulent pas les partager avec les autres !

Dans de tel cas, il faut bien que le préfet intervienne, car la CDCI suivra, mais elle ne proposera jamais. On entre d’ailleurs là dans le débat sur l’article 5. Peut-être certains sont-ils d’accord pour que l’on fasse de la CDCI non plus une instance d’avis mais une instance décisionnelle ; en tout cas, pour ma part, je ne crois absolument pas qu’une commission prendrait des décisions.

Il faudrait donc une autre structure. M. le rapporteur évoquait les commissions de concertation : concertation, d’accord, mais la commission ne décide pas ; elle propose, elle délibère, elle tente d’aplanir les désaccords.

Je peux dire que, avec le préfet, les choses se passent généralement bien, et qu’il en va ainsi dans beaucoup de départements. Si la décision est laissée à une commission, la carte de l’intercommunalité va continuer à être assez baroque et elle ne sera certainement efficace ni pour mieux mutualiser les moyens ni pour donner aux communautés de communes – le problème ne se pose pas pour les communautés d’agglomération et les communautés urbaines – un vrai pouvoir en matière de développement local.

Ce dernier aspect me paraît fondamental, et c’est pourquoi je ne peux pas être favorable à l’abaissement systématique du seuil en fonction de critères qui conviendraient à certains et pas à d’autres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Je souhaiterais que nous restions concentrés sur chaque sujet : n’anticipons pas la discussion de l’article 5.

M. Jean-Jacques Hyest. Bien obligé : ce sont les prolégomènes !

M. Alain Richard, rapporteur. Mon cher collègue, je m’efforce de vous donner un argument en respectant parfaitement votre raisonnement.

Honnêtement, sur cette affaire de taille des communautés de communes, les esprits ont évolué, comme nous le constatons dans nombre de départements. À ce propos d’ailleurs, si le Gouvernement nous faisait la faveur de nous transmettre une synthèse des rapports qu’il reçoit des préfets, cela nous aiderait à mieux apprécier encore l’état du débat.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce ne serait pas mal, en effet !

M. Alain Richard, rapporteur. Quoi qu’il en soit, nous voyons bien que l’idée d’élargir les périmètres progresse. De ce fait, nous sommes nombreux à ne pas partager l’approche un peu désabusée de M. Hyest sur les limites de la collégialité et le rôle que peuvent tenir les CDCI.

M. Jean-Jacques Hyest. J’ai siégé pendant dix ans dans une CDCI !

M. Alain Richard, rapporteur. Dans toute une série d’instances, à commencer par celle dans laquelle nous siégeons actuellement, la collégialité permet aussi d’arriver à des décisions.

Nous fixons un cadre strict, puisque le seuil de 5 000 habitants est maintenu, la possibilité d’y déroger étant aujourd'hui confiée à la CDCI statuant à la majorité des deux tiers et devant motiver sa décision.

Reconnaissez que nous essayons de légiférer pour la France entière : il y a une exception fondée sur un critère objectif, à savoir les zones de montagne, qui sont hors débat puisque classées comme telles, et une possibilité de dérogation tenant aux particularités géographiques.

Laissez-moi vous rendre attentifs au fait qu’il existe différentes particularités géographiques. On trouve ailleurs qu’en montagne des zones très peu peuplées à la population extrêmement dispersée. Nous sommes alors face à une contradiction dont tous les départements nous font part : seuil de population critique pour permettre la mutualisation versus extension géographique qui rompt la solidarité.

M. Jean-Jacques Hyest. On a déjà discuté de tout cela pendant des heures !

Mme Catherine Troendle. On l'a dit vingt fois !

M. Alain Richard, rapporteur. J'écoute avec la plus grande patience et le plus grand respect vos raisonnements ; je vous prie de faire de même lorsque j’expose un autre point de vue.

Ces particularités géographiques peuvent donner lieu à des dérogations. La CDCI statuant collégialement est aussi apte à prendre en compte ces spécificités que le représentant de l'État qui, par ailleurs, préside cette instance. Sa connaissance du terrain le lui permet.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je souhaite simplement ajouter quelques précisions à ce qu’a excellemment exposé le rapporteur à la suite des remarques formulées par Jean-Jacques Hyest.

Sur ce sujet, il faut faire preuve d’ouverture. Je ne crois pas que le préfet possède toujours la vérité.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est vrai que le préfet est fondé à prendre un certain nombre de décisions. La loi précise ce qui relève de son autorité et ce qui ressortit à la compétence de la CDCI. Cette dernière est une assemblée d’élus.

Monsieur Hyest, j’ai cru devoir intervenir, car, si l’on poussait votre raisonnement jusqu’au bout, on pourrait aboutir à la conclusion que les assemblées d’élus n’ont pas légitimité à prendre des décisions. Ce serait absurde !