Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame Muguette Dini, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Laurent Wauquiez, qui ne peut être présent au Sénat ce matin.

Vous avez interrogé M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur un sujet ô combien important, à partir d’un cas précis. Le Gouvernement est évidemment très attentif à la situation des étudiants enfants de parents divorcés au regard de leur droit à une bourse. Les différents modes de prises en compte du revenu des parents, que Laurent Wauquiez m’a demandé de vous rappeler, doivent normalement permettre de traiter la diversité des situations concrètes. Mon collègue veille bien entendu à ce que ces dispositifs s’appliquent le plus équitablement possible à toutes les situations et à tous les cas de figure.

En collant au plus près des réalités des situations personnelles et familiales, le Gouvernement a permis à un plus grand nombre d’étudiants d’être mieux aidés. Ils n’étaient que 478 000 en 2007, ils sont près de 620 000 aujourd’hui.

Pour apprécier le niveau de ressources qui permettra d’ouvrir un droit à bourse, c’est le revenu brut global qui est retenu. Il n’est donc normalement pas tenu compte des charges déductibles entrant dans le calcul du revenu fiscal de référence. Cette méthode de calcul est destinée à garantir un traitement égalitaire de tous les étudiants. Ainsi, s’agissant des parents divorcés, il importe d’apprécier qui assume la charge de l’étudiant : les deux parents conjointement ou seulement l’un des deux parents.

Dans le cas d’un père divorcé déclarant élever seul son fils étudiant, le seul revenu brut global sera retenu pour apprécier le droit à bourse de son fils. En revanche, les revenus de la mère de l’étudiant déclarant à sa charge les frères et sœurs de l’étudiant ne seront pas pris en compte. Procéder autrement reviendrait à déduire du revenu pris en compte pour le calcul du droit à bourse les dépenses de subsistance et d’entretien des frères et sœurs de l’étudiant lorsqu’elles sont couvertes par une pension alimentaire versée au conjoint qui en assume la charge, alors qu’elles ne seraient pas déduites lorsque les conjoints ne constituent qu’un seul foyer fiscal. En tout état de cause, la pension alimentaire entre naturellement dans le calcul du revenu de référence qui sert de base à la détermination de l’impôt dû.

En revanche, lorsque le père verse volontairement une pension, le revenu brut global des deux parents est pris en compte. Mais, dans ce cas, la pension est déduite du revenu brut global du parent qui la verse pour ne pas la comptabiliser deux fois. En effet, la pension alimentaire est également incluse dans le revenu brut global du parent qui la reçoit. Cela pénaliserait l’étudiant dans le calcul du droit à bourse, car le revenu brut global serait artificiellement augmenté.

Il y a donc bien évidemment des équilibres à trouver pour que les étudiants ne soient pas pénalisés, mais la diversité des modes de prise en compte du revenu des parents doit permettre de traiter la diversité des situations concrètes.

Madame le sénateur, Laurent Wauquiez se tient bien évidemment à votre disposition pour aider au règlement d’un cas précis dont vous auriez été saisie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Je constate que le problème est effectivement très compliqué. J’observe aussi que, dans cette situation, l’un des enfants qui vit avec son père risque de retourner s’installer chez sa mère pour pouvoir bénéficier d’une bourse. Il y a donc une réelle difficulté.

Je vais prendre contact avec M. Wauquiez pour voir s’il est possible, dans cette situation très précise, qui ne doit pas être si fréquente, d’aider les quatre enfants d’un couple à bénéficier des mêmes droits.

accueil des mineurs étrangers isolés

Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question n° 1547, transmise à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention de M. le garde des sceaux sur l’accueil des mineurs étrangers isolés.

Sur cette question, qui relève largement de la compétence de l’État, les solutions sont connues. Elles ont été avancées en mai 2010 dans le rapport de notre collègue Isabelle Debré. Mais, sur ce sujet, le Gouvernement a fait le choix d’organiser la répartition des mineurs étrangers isolés sur une vingtaine de départements allant de l’Aisne et des Ardennes jusqu’en Haute-Marne et dans l’Yonne, et ce sans concertation, sans même se préoccuper des capacités et des conditions d’accueil des foyers de ces départements.

Certes, cette répartition sur le territoire correspond bien à l’une des propositions contenues dans le rapport précité. Mais elle impliquait également l’adhésion des départements et s’accompagnait de propositions de financement que le Gouvernement a bien évidemment omis de mettre en œuvre.

La difficulté a donc été déplacée sans qu’on se soucie ni des conséquences pour les départements ni même des conséquences vis-à-vis des mineurs eux-mêmes. Se contenter de faire déposer par taxi ces derniers aux portes d’un foyer de l’enfance avec, pour seul bagage, la sécheresse d’une ordonnance de placement d’un juge n’est pas un comportement digne de l’idée que je me fais d’un État défenseur des droits de l’homme !

Ces prises en charge imposées aux départements, qui s’ajoutent aux mineurs étrangers isolés déjà accueillis sur le territoire de ces derniers, deviennent insupportables tant matériellement que financièrement pour les collectivités concernées.

En l’espace d’une année, le nombre de mineurs étrangers isolés a progressé de plus de 50 % pour le seul département de l’Essonne dont je suis l’élue. Les pavillons d’accueil d’urgence ne peuvent plus faire face et assurer leurs missions dans de bonnes conditions.

L’une des quarante propositions contenues dans le rapport rendu en 2010 par Isabelle Debré repose sur la création, au sein du fonds de financement de la protection de l’enfance, d’un fonds d’intervention destiné aux départements particulièrement confrontés à l’accueil de mineurs étrangers isolés.

Par ailleurs, l’article L. 228-5 du code d’action sociale et des familles dispose qu’« une convention signée entre le représentant de l’État dans le département et le président du conseil général fixe les conditions dans lesquelles les mineurs accueillis sur le territoire national à la suite d’une décision gouvernementale prise pour tenir compte de situations exceptionnelles sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance. Les dépenses en résultant pour le département sont intégralement remboursées par l’État. »

Au regard des décisions prises par l’État, j’ai donc deux questions à poser à M. le garde des sceaux : quelles consignes ont-elles été données aux préfets pour mettre en œuvre dans les départements concernés la convention prévue dans cet article L. 228-5 ? Quels crédits ont-ils été prévus à cet effet ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame Campion, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Maurice Leroy, qui ne peut être présent ce matin au Sénat.

Permettez-moi de regretter le ton polémique de votre question sur un sujet qui devrait nous rassembler !

Vous avez cité l’excellent rapport d’Isabelle Debré, dont il a bien évidemment été tenu compte dans l’action du Gouvernement, comme vous l’avez d’ailleurs laissé entendre.

Je ne veux pas entrer dans la polémique que vous essayez aujourd’hui de nourrir, même si je brûle de vous rappeler que nous avons en la matière, vous et nous, une conception extrêmement différente de l’action publique ! J’ai en effet entendu un candidat dont vous êtes proche, François Hollande, parler de « camps » au sujet des roms.

Notre action est au contraire au service de l’humain. Et je vais vous montrer comment le Gouvernement gère au quotidien, sous l’autorité du garde des sceaux, cette situation difficile. Cette dernière est en effet difficile pour tout le monde, pour les associations, pour les collectivités locales, pour l’État, comme pour les personnes.

Les textes législatifs donnent aujourd’hui clairement compétence aux départements – vous l’avez sans doute oublié, madame le sénateur… – pour assurer la prise en charge des mineurs isolés étrangers, ces jeunes relevant bien du droit commun de la protection de l’enfance au sens de l’article L.112-3 du code de l’action sociale et des familles.

Toutefois, la charge financière qui en découle pèse de façon très inégale sur les départements. C’est ce qui a conduit à une situation de blocage en Seine-Saint-Denis à l’automne dernier. Face à la décision, contra legem, du président du conseil général de suspendre l’accueil de tout nouveau mineur isolé étranger arrivant dans le département – est-ce une décision que l’on peut qualifier d’ « humaine » ? La question peut être posée ! –, le ministère de la justice et des libertés a eu le souci de faire assumer à chacun ses responsabilités. En effet, un élu doté de compétences de par la loi doit assumer ses responsabilités ; c’est la moindre des choses ! Le garde des sceaux a donc mis en place une solution exceptionnelle d’urgence consistant, pour le parquet, à répartir entre les services d’aide sociale à l’enfance d’une vingtaine de départements les mineurs se présentant en Seine-Saint-Denis.

L’État a par ailleurs financé à hauteur de 200 000 euros – contrairement à ce que vous avez dit, des fonds ont donc été débloqués – le pôle d’évaluation géré dans ce département par la Croix-Rouge et finance toujours le transport des mineurs placés par le parquet du tribunal de grande instance de Bobigny en dehors du département.

De tels pôles d’évaluation ont vocation à s’assurer que les jeunes qui se présentent sont bien des mineurs, plus spécifiquement des mineurs isolés en danger et susceptibles, de ce fait, de bénéficier d’une prise en charge. L’expérience montre en effet qu’une proportion importante des jeunes qui se présentent – de 40 à 60 % selon les départements – ne sont pas mineurs ou ne sont pas en situation d’isolement sur le territoire français. C’est donc là une première démarche, évidemment nécessaire, et qu’il faut sans doute étendre.

Sur l’ensemble de ces questions difficiles, un groupe de travail interministériel a été mis en place en décembre dernier. Piloté par le ministère de la justice et des libertés, il associe les ministères des solidarités et de la cohésion sociale, de l’intérieur, des affaires étrangères et européennes et du budget, ainsi que des représentants de l’Assemblée des départements de France, librement désignés par cette dernière. Plusieurs réunions de ce groupe de travail ont d’ores et déjà permis des discussions constructives, et leurs conclusions seront naturellement portées à la connaissance de la Haute Assemblée dès l’achèvement des travaux.

Madame le sénateur, il y a deux façons d’aborder un dossier aussi sensible sur le plan humain : une façon constructive, en prenant ses responsabilités, et une façon dogmatique, froide, en rejetant la responsabilité sur les autres et en cherchant les polémiques. J’ai choisi d’adopter la première façon, et je regrette que vous ayez opté pour la seconde !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le secrétaire d’État, je ne vous autorise pas à m’accuser de vouloir polémiquer sur pareille question !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous venez de le faire !

Mme Claire-Lise Campion. C’est une question douloureuse, c’est une question grave que les départements assument alors qu’elle ne relève pas de leurs compétences, bien que vous affirmiez le contraire ! Ils sont bien obligés de le faire et de ne pas vous laisser à vous seul le volet humain de cette situation ! Je pratique ainsi dans mon département chaque jour avec les services de l’aide sociale à l’enfance de l’Essonne !

En ce qui concerne l’excellence du rapport d’Isabelle Debré, je l’ai soulignée moi-même au début de ma question ; et je regrette que la totalité des préconisations qu’il contient ne soient pas prises en compte de façon plus efficace et réelle par le Gouvernement !

La mise en place de groupes de travail sur la question des filières ou sur la question de l’évaluation des mineurs à leur arrivée sur le territoire national n’est pas du tout du ressort des départements.

Quant à la construction d’un éventuel référentiel des coûts propres à l’accueil et à la prise en charge de ces mineurs étrangers isolés, cela ne correspond absolument pas aux besoins alors que les départements accueillent aujourd’hui plus de 4 000 mineurs étrangers isolés !

Le fonds national de la protection de l’enfance pourrait, conformément à l’une des préconisations de notre collègue Isabelle Debré, être utilisé à cette fin. Or les sommes qui lui ont été allouées sont bien modestes ! Il devait être doté de 150 millions d’euros sur trois ans afin de compenser, pour les départements, les charges induites par la loi. À ce jour, il n’est provisionné que de 40 millions d’euros, aucun crédit n’étant prévu dans la loi de finances pour 2012.

Comprenez donc, monsieur le secrétaire d’État, l’inquiétude réelle des élus face à cette question difficile !

devenir de l'enseignement professionnel public

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 1598, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Thierry Foucaud. Madame la secrétaire d’État, l’annonce par le rectorat de l’académie de Rouen de mettre un terme, dès la rentrée prochaine, à la formation qui prépare au baccalauréat professionnel « technicien de scierie » au sein du lycée des métiers du bois et de l’éco-construction d’Envermeu consterne l’ensemble de la communauté éducative, ainsi que les professionnels de la filière bois, les acteurs de l’économie et les élus locaux.

Cette décision fragiliserait la pérennité de l’établissement, en faisant passer ses effectifs en deçà des quotas préconisés par le ministère de l’éducation nationale. Or ce lycée est le seul établissement public d’enseignement aux métiers du bois sur ce territoire, et sa couverture de l’ensemble des formations de niveau V et de niveau IV dans cette spécialité le rend unique en France.

De grandes inquiétudes pèsent sur le devenir des entreprises du secteur qui représentent, en Haute-Normandie, toutes les formes d’activité, depuis la ressource forestière elle-même – les forêts y couvrent un cinquième du territoire ! – jusqu’aux différents modes de transformation du bois, et ce à la croisée des grands axes de communication européens.

Cette problématique n’est ni nouvelle ni isolée. Des menaces de même nature pèsent sur le lycée Pablo Neruda et le lycée L’Émulation dieppoise, à Dieppe, le lycée Jean Rostand, à Offranville, le lycée Georges Brassens, à Neufchâtel-en-Bray... La liste est longue des établissements victimes des attaques répétées contre l’enseignement public professionnel !

Privatiser l’enseignement professionnel ne répondrait en rien, selon nous, à l’impérative nécessité d’une relance ambitieuse de l’offre de formation professionnelle sous statut scolaire.

La décision que j’évoque devant vous a été prise en l’absence de toute concertation avec les acteurs de la filière, et intervient alors même que la deuxième scierie européenne de hêtre sort de terre aux Grandes Ventes.

Le ministre de l’éducation nationale compte-t-il reconsidérer, comme nous le souhaitons, les décisions de suppression de filières porteuses d’emplois, telles que le baccalauréat professionnel « technicien de scierie » du lycée des métiers du bois et de l’éco-construction d’Envermeu ? Compte-t-il, plus globalement, et comme les services du ministère s’y étaient engagés, mener une véritable réflexion collective et démocratique visant à revaloriser l’enseignement professionnel public, et à en favoriser le développement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Je vous prie tout d’abord, monsieur le sénateur, de bien vouloir excuser Luc Chatel, qui ne peut être présent aujourd’hui au Sénat.

À la rentrée 2012, la réforme de la voie professionnelle arrivera à maturité et l’ensemble des élèves suivront une scolarité en trois ans, alors que coexistaient jusqu’à la rentrée 2011 des élèves ayant suivi des cursus de trois ans et de quatre ans en vue d’obtenir un baccalauréat professionnel. Les effectifs baisseront donc, mécaniquement, de 38 600 élèves.

Une bonne gestion des ressources publiques exige que cette évolution soit prise en compte pour déterminer la répartition des postes d’enseignant. Cet effort demandé aux lycées professionnels est toutefois déterminé finement, dans le cadre d’un dialogue de gestion étroit entre administration locale et administration centrale, permettant de prendre en compte les spécificités, les contraintes et les priorités de chaque territoire. L’ajustement de l’offre de formation qui en résulte est réalisé en lien avec les conseils régionaux et les branches professionnelles.

Il faut rappeler que ce sont 37 000 jeunes de plus, bien souvent issus des milieux les plus défavorisés, qui ont obtenu en 2011 ce diplôme. Nous pouvons y voir l’un des grands succès de notre politique d’égalité des chances.

Dans votre académie, le contexte démographique montre une baisse des effectifs de 1 809 élèves dans le second degré depuis la rentrée 2007 et de 510 élèves en lycée professionnel. À la rentrée 2012, on comptera 1 516 élèves de moins en lycée professionnel.

Au lycée des métiers du bois et de l’éco-construction d’Envermeu, si la situation de la filière « constructeur bois » est favorable, celle de « technicien de scierie » se détériore. On y constate en effet, depuis 2004, une baisse des effectifs de 66 %. Entre 2004 et 2011, seuls 35 élèves ont obtenu le baccalauréat professionnel « technicien de scierie ». Il faut enfin avoir conscience du fait que la section ne comptait, en 2011, que deux élèves scolarisés en classe de seconde professionnelle, ce qui n’aurait d’ailleurs pas dû être autorisé administrativement !

Pour autant, il faut préciser que l’offre de formation aux métiers du bois et de l’éco-construction sera maintenue au lycée d’Envermeu à la rentrée 2012, avec une capacité d’accueil de 30 élèves, adaptée au flux des élèves inscrits.

La possibilité restera offerte aux élèves, à l’issue de la classe de seconde professionnelle, de préparer les baccalauréats professionnels « technicien constructeur bois » ou « technicien de scierie ».

Monsieur le sénateur, pour répondre aux besoins exprimés sur le territoire haut-normand et revaloriser la filière bois, les services académiques sont prêts à engager une réflexion sur l’ensemble des besoins de formation, en particulier aux métiers de la scierie, en concertation avec la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, la DRAAF, le conseil régional et la filière bois.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. J’ai bien compris, madame la secrétaire d’État, que la filière « technicien de scierie » serait maintenue au lycée d’Envermeu, et je vous en remercie.

Toutefois, je ne partage pas votre interprétation des chiffres présentés par le rectorat. Si la baisse estimée de 66 % des effectifs porte sur la période 2004-2011, dans les faits, elle date seulement de cette rentrée, puisque, en 2010, étaient encore recrutés onze élèves pour quinze places.

Rappelons que ce diplôme ne se prépare en trois ans, au lieu de deux auparavant, que depuis la rentrée 2010. Le rectorat a donc laissé seulement deux ans à cette formation pour faire ses preuves.

Si vous confirmez le maintien de cette filière, indéniablement reconnue comme porteuse d’emplois par les principaux acteurs du territoire, et notamment par la chambre de commerce et d’industrie, encore faut-il que cette annonce s’inscrive dans la durée. Je ne suis pas seul à le dire : les acteurs locaux, les enseignants, les parents d’élèves et les élus sont aussi de cet avis.

Les luttes pour la sauvegarde de ces formations sont le « marronnier » des personnels d’enseignement, qui avaient dû se battre, l’an dernier encore, pour maintenir le CAP de constructeur bois qui connaissait une difficulté de recrutement à la rentrée 2010.

Je salue l’intention du ministre de l’éducation nationale de favoriser le dialogue, que j’appelle de mes vœux, entre le rectorat, d’une part, et les acteurs de la filière, les élus locaux, les professeurs, d’autre part ; ceux-ci ne manqueront pas de rappeler cet engagement.

enseignement de l'histoire-géographie en première et terminale scientifiques

Mme la présidente. La parole est à M. René Teulade, auteur de la question n° 1541, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. René Teulade. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est banal de dire que la crise économique et sociale que nous traversons actuellement de même que les révolutions dans les pays arabes et l’affirmation des puissances émergentes sur la scène internationale mettent en exergue les mutations profondes que connaît notre monde. Or l’enseignement de l’histoire et de la géographie est un vecteur essentiel pour appréhender et saisir ces changements.

Annoncée en 2009 par le Gouvernement, la réforme du lycée sera pleinement effective à la rentrée prochaine. Elle prévoit cependant, dès cette année scolaire, d’alourdir dans les classes de première scientifique l’enseignement de l’histoire-géographie, qui occupe désormais quatre heures par semaine. Le nouveau programme ainsi élaboré concentre en une seule année l’ensemble des connaissances auparavant dispensées en deux ans, lors des classes de première et de terminale.

De manière corrélée, l’histoire-géographie, en tant qu’enseignement obligatoire, disparaîtra en septembre prochain du programme de la classe de terminale scientifique. Les élèves souhaitant approfondir leurs connaissances dans cette discipline pourront néanmoins choisir cette matière en option, à raison de deux heures par semaine.

Pour autant, cette réforme, fortement critiquée dès l’origine, suscite de vives interrogations et inquiétudes.

Premièrement, l’étendue du programme d’histoire-géographie en classe de première scientifique, qui court de l’âge industriel à la Seconde Guerre mondiale, en passant notamment par l’étude des totalitarismes, représente, aux dires des professeurs et des élèves, une charge de travail beaucoup trop importante pour des lycéens qui doivent d’ores et déjà se concentrer sur un programme considérable en mathématiques, en physique, en chimie et en biologie. Ces jeunes risquent de délaisser la matière ou de ne pas acquérir les connaissances fondamentales, tandis que les professeurs pourraient être obligés de mettre de côté des pans entiers et cruciaux de notre histoire contemporaine.

Deuxièmement, qu’advient-il de l’option d’histoire-géographie en classe de terminale scientifique, contrepartie pourtant indispensable à la disparition de la matière en tant qu’enseignement obligatoire ? À l’heure où l’éducation est « saignée » – permettez-moi ce mot, qui traduit bien la situation – et le nombre de professeurs réduit à la suite de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, tous les lycées offriront-ils réellement cette option ? Je crains que cette éventualité ne soit qu’une illusion…

Au moment où le repli sur soi menace, l’histoire et la géographie sont autant de repères qui permettent d’éveiller l’esprit critique et de mieux comprendre le présent et autrui. Dans cet hémicycle, sensible peut-être plus que d’autres à l’histoire et à la mémoire, permettez-moi d’invoquer Martin Luther King, qui s’exclamait : « Ce n’est pas nous qui faisons l’histoire. C’est l’histoire qui nous fait. »

Il conviendrait par conséquent de réadapter l’enseignement de l’histoire-géographie dans les classes de première et de terminale scientifiques, et de rééquilibrer la charge de travail pesant sur les étudiants et les professeurs, comme ceux-ci le souhaitent. Le Gouvernement entend-il suivre cette voie ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Luc Chatel, qui ne peut être présent aujourd’hui, et que vous avez interrogé sur l’enseignement de l’histoire-géographie dans la filière scientifique.

L’histoire comme la géographie ont toujours été au cœur du socle de culture partagée que la nation entend transmettre à ses enfants. À l’école, au collège, au lycée, chacun de nos enfants suit un enseignement d’histoire organisé selon une progression très claire.

À l’école, l’élève apprend les grands faits, les grandes dates, les grands hommes, qui jalonnent l’histoire de la nation.

Au collège, les périodes de l’histoire sont abordées successivement pour ancrer définitivement les repères fondamentaux. L’enseignement reste rigoureusement chronologique, centré sur la France et l’Europe, tout en s’ouvrant davantage sur l’histoire du monde.

Au lycée, enfin, l’enseignement de l’histoire prend appui sur les fondements solides acquis au cours de la scolarité obligatoire et s’ouvre à la réflexion en privilégiant une approche problématisée de questions ou de moments historiques avec des programmes qui répondent à cette ambition.

Par conséquent, je ne peux pas vous laisser dire que l’enseignement de l’histoire serait devenu anecdotique au seul motif qu’il est désormais optionnel pour une seule année d’une seule série de notre lycée : la terminale S. Au contraire, cet enseignement a été valorisé et renforcé. En effet, comme vous l’avez vous-même rappelé, l’horaire de la discipline a été largement accru en première S, puisqu’il a été porté de deux heures et demie à quatre heures par semaine. De plus, l’option de deux heures proposée en terminale S permettra aux élèves qui la choisiront de faire plus d’histoire que précédemment.

Par ailleurs, le but premier de la réforme des lycées est de rééquilibrer les séries en incitant les élèves qui se destinent à des études de sciences humaines à choisir les filières L et ES plutôt que la filière S. D’ailleurs, cet effort a déjà porté ses fruits, puisque les premières littéraires ont vu leurs effectifs s’accroître de 6 % à la rentrée de 2011.

Je vous rappelle également que tous les lycéens des séries générales passent l’épreuve anticipée de français à la fin de la première, sans que personne songe à objecter que l’apprentissage de notre langue occupe une place anecdotique dans la scolarité de nos enfants. De même, dans la filière STI, l’histoire et la géographie font l’objet d’une épreuve orale anticipée en première depuis la création de la série, sans que cela soulève d’opposition.

Monsieur le sénateur, aujourd’hui comme hier, l’histoire fait partie du socle commun de culture partagée que la nation s’engage à transmettre à ses enfants tout au long de leur scolarité.