M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Jean-Pierre Michel, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Michel. Étant donné que l’amendement du Gouvernement vient d’être rejeté, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste votera le texte tel quel, c'est-à-dire tel qu’il résulte des travaux de la commission des lois et de la volonté de M. le rapporteur.

Toutefois, sachant ce que l’Assemblée nationale fera de ce texte, je ne peux que regretter un tel vote : de fait, si l’intention initiale était peut-être bonne – protéger l’identité de chacun, éviter les usurpations d’identité qui suscitent un certain trouble et causent quelques ennuis –, nous aboutirons cependant, au final, à un texte liberticide pour tout le monde.

Nous voterons certes en faveur de ce texte, mais je reste convaincu que la sagesse commande de le repousser, car il conduit à une très mauvaise solution.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas dupes : on crée un fichier regroupant l’ensemble des Français, du moins tous ceux qui possèdent une carte d’identité, et donc, au total, tout le monde, car, de fait, chacun doit disposer d’un tel document, sauf à risquer de passer quelques heures au commissariat de police en cas de contrôle, afin de prouver son identité. Et que fera-t-on de cette base de données ? Eh bien, tout ce que l’on veut ! Le Gouvernement a beau affirmer qu’on ne répertoriera pas les empreintes, il sera toujours possible de revenir en arrière, donc de déterminer l’identité des individus !

À mon sens, les mauvaises intentions ne peuvent être exclues de la gestion de ces fichiers. (M. le ministre manifeste son désaccord.) C’est la raison pour laquelle, concernant ce texte, je regrette profondément, et par avance, que l’Assemblée nationale aboutisse, dans les jours à venir, au résultat que l’on peut aisément prévoir.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
 

11

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles que nous venons d’adopter.

Ces candidatures ont été affichées pour assurer le respect du délai réglementaire.

12

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

13

Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles.

La liste des candidats établie par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

- Titulaires : Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Jacques Lozach, Dominique Bailly, Mme Danielle Michel, MM. Jean-Pierre Leleux, Jean-François Humbert et Jean Boyer.

- Suppléants : Mme Maryvonne Blondin, MM. Pierre Bordier, Ambroise Dupont, Mme Françoise Laborde, MM. Michel Le Scouarnec, Pierre Martin et Maurice Vincent.

14

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine
Discussion générale (suite)

Recherches impliquant la personne humaine

Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine (texte de la commission n° 259, rapport n° 258).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annie David, en remplacement de M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine
Article 1er

Mme Annie David, en remplacement de M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec un certain soulagement que nous arrivons au bout du parcours législatif de cette proposition de loi relative aux recherches sur la personne, déposée le 6 janvier 2009 à l’Assemblée nationale par le député Olivier Jardé.

Après deux lectures dans chaque assemblée – le fait est désormais assez rare pour être souligné –, un accord partiel avait été trouvé, notamment en matière de simplification des démarches des chercheurs ou de renforcement des contrôles sur les protocoles de recherches en matière d’épidémiologie.

Pour autant, des questions opposaient encore députés et sénateurs, et nous avons dû attendre plus de dix mois pour que se réunisse enfin la commission mixte paritaire, pourtant convoquée initialement en mars 2011 à la demande du Premier ministre. C’est donc le 14 janvier dernier que nous sommes finalement parvenus à un texte commun sur les dispositions, peu nombreuses mais fondamentales, qui restaient en discussion.

Je dois reconnaître que chaque assemblée a su faire un pas vers l’autre et que ce texte reflète vraiment l’élaboration réussie d’un compromis.

Le Sénat, qui avait adopté à l’unanimité la proposition de loi en deuxième lecture le 20 décembre 2010, a accepté l’une des innovations proposées par l’Assemblée nationale : la création d’une nouvelle catégorie de recherches, dite à risques minimes, qui correspond à une demande ancienne des chercheurs et à la réalité de leurs pratiques.

En revanche, nous avons convaincu les députés de modifier certains volets du texte, au vu de deux considérations en faveur desquelles nous nous étions clairement exprimés.

D’une part, nous avons voulu insister sur le fait que la recherche n’est pas le soin : en effet, le chercheur n’a pas pour but premier de soigner le malade ; son objectif est d’augmenter les connaissances sur les pathologies et leurs traitements. Le processus de recherche suppose un rapport spécifique entre les scientifiques et les malades, et c’est la raison pour laquelle le Sénat a plaidé, avec succès, pour un consentement spécifique, qui se distingue du consentement « libre et éclairé » prévu pour les soins.

D’autre part, nous étions très attachés à la question de l’indépendance des comités de protection des personnes, les CPP, et à la façon dont leur seraient attribués les projets de recherche.

Sur ce point, l’Assemblée nationale souhaitait, pour sa part, en rester à la situation actuelle, selon laquelle le promoteur fait le choix du comité auquel il soumettra son dossier. Le Sénat plaidait, de manière déterminée, en faveur d’une répartition aléatoire, mieux à même de préserver les principes d’indépendance et de transparence auxquels nos concitoyennes et nos concitoyens sont très attachés pour des raisons que vous comprendrez aisément.

La solution à laquelle nous sommes parvenus en commission mixte paritaire me semble juste et équilibrée. La répartition des protocoles se fera de manière aléatoire entre les CPP, au terme d’une période de transition qui ne pourra se prolonger au-delà du 1er juillet 2014. D’ici là, la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, que crée par ailleurs la proposition de loi, aura eu le temps de commencer son travail d’évaluation et de coordination des travaux des CPP.

Il va de soi que l’efficacité de cette réforme sera étroitement dépendante de la rapidité avec laquelle seront prises les mesures réglementaires nécessaires. Nous serons, madame la secrétaire d’État, très vigilants sur ce point.

Dès lors que la commission avait obtenu une répartition aléatoire des protocoles, gage à nos yeux de l’indépendance des CPP, il apparaissait que la commission nationale pouvait être rattachée au ministère de la santé sans risque de remettre en cause l’impartialité des comités. Une majorité de sénatrices et de sénateurs membres de la commission mixte paritaire s’est donc ralliée à cette solution, soutenue par l’Assemblée nationale, et a renoncé au rattachement de cette commission à la Haute Autorité de santé, solution que nous avions initialement préconisée tout en étant conscients des limites et des inconvénients qu’elle présentait.

Le texte que nous examinons ce soir est donc le fruit du dialogue constructif qui s’est engagé, dès la fin de l’année dernière, entre le rapporteur de l’Assemblée nationale, Olivier Jardé, et celui du Sénat, Jean-Pierre Godefroy.

La ratification par la France de la convention d’Oviedo, le 13 décembre 2011, a permis de lever certaines inquiétudes que nous pouvions avoir sur les modalités de recueil du consentement, s’agissant des recherches comportant des risques minimes.

De même, il est clair pour nous tous que le texte issu de la commission mixte paritaire ne limite en rien l’application de la loi Informatique et libertés.

En aboutissant, en commission mixte paritaire, à un texte commun, nous avons montré, je pense, que les assemblées parlementaires peuvent non seulement débattre, mais aussi dialoguer et trouver des solutions opérantes, quelles que soient les majorités en place, pour les progrès de la recherche et la protection des personnes.

Je souhaite, pour finir, adresser une pensée particulière à tous nos anciens collègues sénateurs qui ont apporté au débat une contribution utile et enrichissante : Marie-Thérèse Hermange, qui fut rapporteur sur ce texte, Nicolas About, notamment en tant que président de la commission des affaires sociales, ou encore François Autain, qui, au nom de mon groupe, a beaucoup travaillé sur ce texte. Les principes qui ont guidé leur action commune se retrouvent dans le texte que la commission vous propose d’adopter, mes chers collègues. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer le travail du Parlement et de la commission mixte paritaire, qui ont permis, après de longs débats fructueux et constructifs, d’aboutir à un texte qui s’est considérablement enrichi et qui est devenu consensuel.

Cette proposition de loi déposée sur l’initiative du député Olivier Jardé est ambitieuse. Elle vise à moderniser la législation concernant la recherche sur la personne et à harmoniser des textes qui manquaient parfois de cohérence.

Il s’agit de favoriser une recherche clinique de qualité, tout en s’assurant de la protection de la personne qui s’y prête.

Il est logique qu’un tel enjeu ait fait l’objet de nombreuses discussions, parfois passionnées, au sein des deux assemblées. Mais ces débats ont abouti à un texte équilibré, récemment voté à l’unanimité par les députés.

Il s’agit avant tout de donner un socle commun à toutes les recherches impliquant la personne humaine, en créant trois catégories de recherches dans un cadre unique, avec un socle réglementaire commun dont le pivot est l’avis obligatoire demandé à un comité de protection des personnes.

Au sein de l’ensemble « recherches sur la personne », le texte identifie trois grandes catégories de recherches : les recherches interventionnelles, les recherches qui ne comportent que des risques minimes et les recherches non interventionnelles, que l’on appelle aussi recherches observationnelles.

Dans chacune de ces catégories, vous avez voulu adapter l’encadrement réglementaire aux risques encourus par les personnes qui se prêtent à la recherche de façon souple et graduelle.

Les recherches interventionnelles, celles qui portent notamment sur les médicaments innovants, continuent bien évidemment de bénéficier de l’encadrement le plus exigeant : elles sont étroitement contrôlées par l’Agence nationale de sécurité du médicament, l’ANSM, en conformité avec la directive européenne de 2001, et soumises à l’avis du CPP.

Les recherches dites « à risques minimes » correspondent à l’ancienne catégorie de recherches « portant sur les soins courants », introduite en 2004, qui s’est révélée difficile à mettre en place. Son cadre est mieux précisé et les procédures sont simplifiées. Seul l’avis du CPP sera requis. Le consentement « libre et éclairé » doit être écrit, mais le CPP pourra autoriser une dérogation dans certains cas particuliers.

Enfin, les recherches observationnelles ou non interventionnelles entrent maintenant dans le périmètre de la loi.

Elles devront obligatoirement obtenir un avis favorable du CPP avant de pouvoir débuter, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. L’existence désormais acquise de ce guichet unique va considérablement simplifier et clarifier cette catégorie de recherches.

En particulier, les CPP vérifieront que la protection des données individuelles sera bien respectée, évitant ainsi la redondance avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Pour ce type de recherches, le consentement n’est pas nécessaire, mais il existe une faculté d’opposition.

Il convient de souligner une autre avancée majeure de la proposition de loi pour ce qui concerne la recherche sur les échantillons biologiques.

Il s’agit de mettre un terme à l’insuffisante coordination, depuis 2004, entre les dispositions de la loi relative à la bioéthique et celles de la loi relative à la politique de santé publique.

C’est ainsi que la gestion des collections de produits biologiques conservées au laboratoire sera désormais assurée par le ministère de la recherche, et celle de l’obtention des prélèvements sur la personne et de leur consentement par les CPP.

La possibilité de réaliser des recherches génétiques sur des échantillons prélevés autrefois sur des patients décédés et qui n’avaient pu consentir à la recherche présente constituait une autre source permanente d’incompréhension et d’irritation de la part des chercheurs.

Là aussi, vous avez procédé de manière pragmatique, en proposant que le protocole soit soumis à un CPP, suivant d’ailleurs les recommandations d’un rapport du Conseil d’État.

Il s’agit là d’avancées propres à simplifier le déroulement de la recherche dans notre pays, tout en augmentant la sécurité des personnes qui s’y prêtent.

Autre point majeur, une Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine a été créée par cette proposition de loi.

Cette commission impliquant des personnes issues des CPP et des personnalités qualifiées sera chargée de la coordination, de l’harmonisation et de l’évaluation des comités de protection des personnes, ce qui représente incontestablement une avancée.

Elle devra désigner les comités chargés d’examiner les projets de recherche. Elle devra par ailleurs remettre chaque année au ministre de la santé des recommandations concernant les conséquences, en matière d’organisation des soins, des résultats des recherches qui présentent un intérêt majeur pour la santé publique.

Enfin, la désignation sur un mode aléatoire d’un CPP a été souhaitée alors que, actuellement, le promoteur soumet son projet à l’avis d’un CPP qu’il choisit parmi les CPP existants au sein de l’interrégion d’exercice de l’investigateur principal.

Le CPP sera maintenant désigné par la Commission nationale de manière aléatoire au moment du dépôt du dossier par le promoteur.

Il s’agissait de renforcer l’indépendance des CPP. Il conviendra toutefois, pour ne pas pénaliser la recherche, de veiller à ce que ce processus n’allonge pas les délais de réponse d’un CPP lors de la soumission d’un projet.

Devant l’aboutissement d’une telle révision en profondeur des textes en vigueur, je ne doute pas que la recherche clinique s’en trouvera facilitée et la notoriété de la France dans ce domaine renforcée, cependant que seront préservés les droits des patients qui se prêtent à cette recherche.

Je vous renouvelle mes remerciements pour avoir mené à leur terme, dans les deux chambres, des travaux délicats concernant un domaine sensible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la recherche sur les personnes nous concerne tous ! Le texte dont nous allons débattre ce soir est plus que jamais nécessaire.

Bien sûr, la recherche sur la personne a toujours existé. Mais aujourd’hui, à l’heure des grandes firmes pharmaceutiques transnationales, des essais qui se font parfois à l’échelle planétaire, parfois dans une déshumanisation dangereuse, avec des produits de plus en plus sophistiqués et pour des intérêts parfois plus financiers que philanthropiques, l’encadrement précis de cette recherche sur la personne devient une nécessité pour les mortels que nous sommes.

Toute personne doit rester maîtresse de son corps, de ses décisions, et toute intervention doit se faire avec son accord, au sein d’un dialogue constant avec le praticien, et le contrôle de cet accord doit être pratiqué par un organisme indépendant. Tel est pour nous l’enjeu essentiel de cette proposition de loi.

Bien sûr, il existait déjà un début d’arsenal législatif sur la question. Je tiens là aussi à souligner le rôle déterminant du Sénat en 1988 avec la loi Huriet-Sérusclat, du nom des sénateurs Claude Huriet et Franck Sérusclat, texte qui est le fondement de notre système législatif en matière de droit des personnes face à la recherche médicale. Puis il y a eu les lois dites « Kouchner », ainsi que de nombreuses circulaires européennes. Il faut saluer l’ensemble de ces textes, parce qu’ils ont permis de mettre le patient au centre de la démarche thérapeutique, mais également de la recherche.

Cela dit, ce millefeuille législatif est de toute évidence non seulement complexe, mais toujours insuffisant au regard de l’étendue du champ d’application de la recherche sur la personne.

Si la recherche est un bien précieux pour tous les citoyens et les citoyennes que nous sommes, elle peut aussi mettre en danger les droits fondamentaux : le premier droit n’est-il pas de disposer de son propre corps ?

Or, en l’état, les lois ne prenaient notamment pas en considération – ou de manière imprécise et parfois contradictoire – les recherches non interventionnelles et de soins courants. Ces recherches, qui consistent à observer le patient et celles qui interviennent de manière bénigne par un soin courant sur celui-ci, n’étaient jusque-là pas assorties d’une quelconque autorisation de la personne concernée.

Or ce qui peut paraître secondaire ne l’est pas : ce texte permet enfin qu’il existe un droit commun de la recherche sur la personne. Il permet qu’il existe une protection de la personne face à toutes les recherches effectuées sur elle, par principe, mais également parce qu’un simple protocole d’observation peut avoir un impact sur le soin lui-même. Le patient doit pouvoir être averti de ce qui est observé pour être en mesure de vérifier ce que cette observation implique comme protocole thérapeutique et éventuel « non-soin ». C’est effectivement très simple.

En bref, mes chers collègues, en matière de recherche sur la personne humaine, tout doit être pris en considération. L’intérêt d’un texte qui protège la personne pour tout type de recherche est indiscutable.

Cette proposition de loi a le mérite de le faire, et ce malgré l’esprit initial du texte qui consistait d’abord à simplifier la démarche des scientifiques plutôt que de protéger la personne.

Depuis maintenant trois ans, du chemin a été parcouru et le travail effectué au Sénat a été salutaire.

Aujourd’hui, les zones d’ombre de ce texte sont en grande partie levées.

Nous étions inquiets des conflits d’intérêts qui risquaient d’exister si les chercheurs désignaient eux-mêmes les comités de protection des personnes censées suivre le processus de recherches : finalement, le tirage au sort du CPP pour chaque protocole, avec possibilité d’avoir un second droit de tirage pour l’équipe de chercheurs, nous convient. Le fait que les CPP soient majoritairement composés de scientifiques et d’usagers, également. Enfin, le consentement du patient est au maximum préservé à tous les niveaux de manière explicite, donc a priori par écrit, et nous en sommes soulagés.

Il reste que nous sommes préoccupés par la disparition de l’article 4. En effet, cet article, introduit par le sénateur Nicolas About, interdisait de donner la dose maximale tolérée d’un médicament à une personne dont la pathologie n’avait pas de lien avec le médicament ou qui n’était pas susceptible de lui apporter un bénéfice quelconque. La commission mixte paritaire a finalement décidé de le supprimer, ce dont nous nous étonnons pour le regretter.

Enfin, la phrase stipulant que « le développement de la recherche sur la personne constitue une priorité nationale », au début du texte, reste une ombre. En effet, celle-ci autorise le promoteur d’une recherche à en faire la publicité, ce qui peut faciliter le recrutement, mais ce qui pourrait inscrire le processus de recherche dans une dynamique de « marché-spectacle » que nous récusons.

Cependant, malgré ces quelques points qui nécessitent de la vigilance, et compte tenu de l’importance d’un tel texte, du travail de dialogue qui a eu lieu pendant trois ans et qui a permis d’améliorer considérablement cette proposition de loi dans le sens de l’intérêt général, le groupe écologiste votera pour. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le texte dont nous débattons ce soir et que nous allons voter réforme en profondeur le monde de la recherche française.

Il donne, en effet, un socle juridique commun à toute recherche sur l’être humain.

Cela a été rappelé par les différents orateurs qui m’ont précédé à cette tribune : la proposition de loi a été déposée le 6 janvier 2009 à l’Assemblée nationale par le député Olivier Jardé.

L’objectif de ce texte est de simplifier les démarches des scientifiques souhaitant élaborer des protocoles de recherches impliquant des personnes humaines.

Trois ans auront été nécessaires pour aller au terme du processus législatif. Ces derniers temps, nous avions plutôt l’habitude d’un rythme un peu plus soutenu dans l’étude des différents textes.

Mme Annie David, rapporteur. Surtout ces derniers temps !

M. Ronan Kerdraon. Cela étant, la longueur de la procédure parlementaire a permis – cela a également été souligné – d’assurer la sérénité des débats et, il faut le reconnaître, l’approfondissement des problématiques qui se posaient à nous.

Surtout, ce temps a été mis à profit pour améliorer considérablement le texte initial.

Je tiens moi aussi à saluer ceux qui nous ont précédés : Marie-Thérèse Hermange, François Autain et aujourd'hui Jean-Pierre Godefroy, notre rapporteur, dont je tiens à souligner tant les qualités d’écoute que la parfaite connaissance du sujet, qui ont contribué à l’élaboration d’un texte équilibré.

L’enjeu, mais également la contrainte des discussions, portait sur une voie quelque peu étroite entre la protection impérative des personnes et la nécessaire recherche, qu’elle soit interventionnelle ou observationnelle.

L’une et l’autre ne pouvaient être négligées ou sous-estimées sous peine de remettre en cause toute possibilité de recherche thérapeutique future ou de porter atteinte aux patients.

Venons-en au résultat des travaux de la commission mixte paritaire, qui s’est tenue le 14 janvier dernier.

Le texte initial comptait quinze articles ; six avaient déjà été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Six modifications introduites par le Sénat ont été jugées suffisamment pertinentes pour être retenues par nos collègues de l’Assemblée nationale.

Il s’agit de dispositions précisant le contenu du répertoire des recherches, renforçant les garanties des personnes hors d’état de consentir à une recherche, précisant les conditions de prise en charge de certains produits par l’assurance maladie, étoffant l’information des comités de protection des personnes sur les recherches entreprises hors de l’Union européenne demandée par les chercheurs, enfin améliorant le contrôle des fichiers informatiques.

Restaient quatre points de divergence, qui expliquent à eux seuls les navettes entre nos deux assemblées.

Le premier concernait les formalités de recueil du consentement des personnes aux recherches.

L’Assemblée nationale proposait la création de trois catégories de recherches avec des procédures de consentement proportionnées au degré de risques et de contraintes que comportent ces trois catégories de recherche – cela a été dit aussi – : consentement écrit pour les recherches interventionnelles ; consentement libre et éclairé pour les recherches à risques et contraintes minimes ; simple information et droit d’opposition pour les recherches observationnelles.

En première lecture, le Sénat s’est opposé à toute forme de consentement simplifié, c’est-à-dire non écrit.

En deuxième lecture, le principe du consentement écrit a été réaffirmé, mais il a été permis que, au cas par cas, les comités de protection des personnes puissent déroger au consentement écrit pour les recherches à risque minime.

La dérogation devait d’ailleurs être subordonnée non pas au seul degré de risque, déterminé par les chercheurs, mais à la qualité de la procédure d’information et de dialogue avec le patient, le CPP ne pouvant accorder la dérogation que s’il a la certitude que le consentement du patient est véritablement libre et éclairé et que l’information fournie est véritablement pédagogique.

La commission mixte paritaire a choisi de reprendre la gradation des formalités de recueil du consentement en fonction du degré de risque, qui découle de la convention d’Oviedo, évoquée tout à l’heure : consentement écrit pour les recherches avec risques, consentement « libre et éclairé » pour les recherches avec risques minimes, et délivrance d’une information pour le stade 3.

Le deuxième point touchait au mode de désignation des comités de protection des personnes.

Ces CPP doivent garantir la qualité de la recherche et le respect du droit des personnes. Leurs modalités de désignation devenaient donc primordiales.

Nos collègues députés souhaitaient que ce soit le promoteur de la recherche qui saisisse le CPP de son choix. Ils motivaient leur position par l’hétérogénéité des pratiques des CPP existants, qui sont une quarantaine, et la nécessité pour les promoteurs de choisir le comité dont les membres disposent de l’expertise la plus approfondie dans leur champ d’investigation.

Le Sénat souhaitait, quant à lui, que le CPP chargé de se prononcer sur un projet de recherches soit désigné par tirage au sort.

Il s’agissait, pour nous, d’éviter les conflits d’intérêts.

Les deux options présentaient chacune des avantages et des inconvénients. Là encore, les travaux de la commission mixte paritaire ont permis de dégager une position commune.

Il a été convenu de donner deux ans à la Commission nationale des recherches pour harmoniser les pratiques des CPP. Le tirage au sort est tout à fait envisageable, mais il convient pour cela d’avoir des CPP de même niveau. La Commission nationale permettra d’harmoniser ces CPP avant le 1er juillet 2014.

Le troisième point de divergence concernait le statut de la Commission nationale des recherches. La création de cette commission émanait d’une proposition du Sénat en première lecture : il s’agissait tout simplement de coordonner l’action des CPP.

Sur le principe, nos collègues députés y avaient adhéré. Pour autant, des divergences persistaient tant sur son statut que sur sa composition.

Pour notre part, nous souhaitions proposer que cette commission soit rattachée à la Haute Autorité de santé.

Nous y voyions un gage d’indépendance et la garantie d’une nouvelle dynamique apportant aux CPP le cadre le plus pertinent pour fonctionner de la manière la plus efficace possible.

L’Assemblée nationale souhaitait, quant à elle, que la Commission soit rattachée au ministre chargé de la santé plutôt qu’à la HAS, par cohérence avec les CPP qui sont eux-mêmes agréés par le ministre chargé de la santé, et parce qu’elle considérait que la recherche n’entre pas dans le champ de compétences de la HAS.

Pour ce qui était de sa composition, l’Assemblée nationale voulait renvoyer le tout à un décret.

Pour notre part, nous souhaitions être plus précis pour que soit assuré un strict paritarisme entre scientifiques et représentants de la société civile, excluant notamment les promoteurs, publics comme privés.

Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, la proposition de l’Assemblée nationale a finalement été acceptée par le Sénat.

Le quatrième et dernier point de divergence concernait la dose maximale et les essais de phase 1.

Lors de la première lecture, le Sénat avait introduit un article, sur l’initiative de notre ancien collègue Nicolas About, qui tendait à interdire aux investigateurs d’une recherche de tester la dose maximale tolérée d’un médicament sur une personne dont la pathologie n’avait pas de lien avec celle que ledit médicament visait à traiter.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a supprimé cet article, estimant qu’« une telle disposition rendrait presque impossible l’organisation de tout essai de phase 1 en France ».

Le Sénat l’avait rétabli à l’unanimité dans une version complétée : le test de la dose maximale tolérée d’un médicament est interdit lorsqu’il est sans lien avec la pathologie du malade auquel il est administré « ou qu’il n’est pas susceptible de lui apporter un bénéfice quelconque ».

La commission mixte paritaire a jugé préférable de s’en tenir au dispositif réglementaire actuel, qui encadre strictement ces essais sans les rendre impossibles.

Au regard du chemin parcouru depuis 2009 et considérant le travail accompli par nos deux assemblées – les uns et les autres ont consenti des efforts importants – dans un climat, il faut le rappeler, serein et empreint de responsabilité, les sénateurs socialistes et apparentés voteront en faveur du texte équilibré qui leur est aujourd'hui soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)