M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé et la proposition de loi est rejetée.

Article 2 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité et l'usage des armes à feu
 

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Demande de création d'une mission commune d'information

M. le président. Par courrier en date du 3 avril 2013, M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP, a fait connaître que ce dernier exerçait son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République.

La conférence des présidents prendra acte de cette création lors de sa prochaine réunion.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

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Questions cribles thématiques

industrie pharmaceutique

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’industrie pharmaceutique.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée maximale d’une minute peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sur France 3 ; il importe donc que chacun respecte son temps de parole.

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les affaires du Mediator, des prothèses mammaires PIP et, plus récemment, des pilules de troisième et de quatrième génération, ont révélé des défaillances de notre système sanitaire et l’existence de liens étroits entre les laboratoires et certains experts médicaux !

Dans le scandale du Mediator, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, et deux de ses anciens salariés viennent d’être mis en examen pour homicide et blessures involontaires et pour prise illégale d’intérêts.

Dans l’affaire des pilules de troisième génération, comment se fait-il qu’en dépit des mises en garde de la Haute Autorité de santé depuis 2007, des médecins aient continué à prescrire largement ces contraceptifs à leurs jeunes patientes ? Il semble que les alertes sur la dangerosité de ces pilules ont été couvertes par la musique rassurante du discours de quelques leaders d’opinion en gynécologie, dont une enquête récente a révélé les liens étroits qu’ils entretiennent avec les laboratoires.

Cela pose question, ainsi, d’ailleurs, que la lecture des déclarations publiques d’intérêts de certains membres de l’ANSM, même si, en effet, des liens d’intérêts ne signifient pas systématiquement des conflits d’intérêts.

Le mot-clef de la loi Bertrand, votée en décembre 2011, dans la foulée du scandale du Mediator, était la transparence, minimum requis pour prévenir les conflits d’intérêts. Mais le dépôt d’une déclaration publique d’intérêts n’a de sens que si un contrôle rigoureux est possible et effectif. Madame la ministre, comment assurer un tel contrôle ? Tous les organismes de recherche et d’expertise de l’État disposent-ils d’un comité de déontologie ?

Concernant la transparence à la française, qui oblige les laboratoires à publier les conventions qu’ils passent avec les médecins et les avantages qu’ils leur procurent, où en est le décret d’application ? En octobre dernier, certains, dont l’Ordre national des médecins, craignaient qu’il ne soit édulcoré par rapport à la volonté du législateur, grâce à de savants mécanismes de cumuls, de tranches et de seuils qui ne permettraient pas au public de connaître les sommes effectivement versées par les industriels aux professionnels de santé.

Enfin, concernant les visiteurs médicaux, que dire de ces journées de formation qui ne sont en réalité que des séminaires de motivation destinés à mobiliser les troupes, souvent organisés dans des lieux exotiques, et dont le coût est répercuté sur le prix du médicament ? Que dire également de leurs primes, qui gonflent en fonction d’objectifs à atteindre ?

Dans le contexte actuel de défiance quasi généralisée, que pouvez-vous nous dire, madame la ministre, sur ces différents points ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Fortassin, il est exact que des affaires récentes ont occupé le devant de la scène et suscité la défiance de nos concitoyens à la fois envers les médicaments et envers les professionnels de santé. De ce fait, nos concitoyens s’interrogent sur les liens qui peuvent unir l’industrie pharmaceutique et certains professionnels de santé.

Comme vous l’avez vous-même indiqué, il ne s’agit pas d’interdire par principe que des laboratoires pharmaceutiques travaillent avec des médecins, hospitaliers ou libéraux. En revanche, il faut que la transparence la plus absolue soit la règle quant aux liens qui peuvent exister en pareils cas.

Pour restaurer la confiance de nos concitoyens, nous devons garantir l’indépendance des experts et des acteurs chargés d’encadrer la mise en place des politiques sanitaires et affirmer une politique de transparence vis-à-vis de la population.

De ce point de vue, il existe désormais une obligation d’établir des déclarations d’intérêts pour les personnes qui participent à des décisions sanitaires ; c’est le cas, par exemple, des membres de cabinets ou des dirigeants des agences sanitaires. Je souhaite d’ailleurs que soit mis en place un site public d’information qui permettra à chacun d’accéder à l’ensemble des données utiles.

Vous m’avez demandé s’il existait des comités de déontologie. Il en existe un à l’ANSM, et cette pratique doit se développer.

En ce qui concerne la transparence, j’ai transmis au Conseil d’État un décret qui doit permettre de mettre en œuvre des mesures de transparence quant aux liens susceptibles d’exister entre l’industrie et les professionnels de santé. Il s’agit de ce que l’on appelle le « décret Sunshine Act ». Je souhaite que le seuil de publication des liens entre les laboratoires et les professionnels soit aussi bas que possible, et que la nature des avantages déclarés soit accessible sur un site public unique.

De cette façon, monsieur le sénateur, nous parviendrons à rétablir la confiance de tous dans la qualité de notre système de santé.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique.

M. François Fortassin. Madame la ministre, je vous remercie de ces réponses, qui ont le mérite d’être claires et complètes. Mais la tricherie n’en persistera sans doute pas moins pendant quelques années encore…

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Madame la ministre, le problème des ruptures d’approvisionnement en médicaments se pose un peu plus chaque jour. D’après l’Académie nationale de pharmacie, près d’une soixantaine de médicaments étaient déclarés en rupture de stock, ou en risque de rupture, sur le site de l’ANSM, à la fin du mois de février 2013.

Des solutions existent déjà, qui vont de l’obligation légale, depuis 1992, pour les établissements pharmaceutiques exploitant un médicament d’informer les autorités de santé de toute action pouvant aboutir à la suspension de la commercialisation d’un médicament ou à son retrait du marché, à la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé du 29 décembre 2011.

Mais, malgré cette législation, le problème demeure, et impose d’explorer d’autres pistes.

Dans la logique du décret du 28 septembre 2012 relatif à l’approvisionnement en médicaments à usage humain, la supply chain pharmaceutique a été mise en place, c’est-à-dire la chaîne de fourniture du médicament, qui va de la prévision des ventes à la mise à la dispensation des médicaments.

Je rappelle, enfin, qu’entre 60 % et 80 % des matières premières utilisées pour fabriquer des médicaments viennent d’Inde ou de Chine. Or nous avons récemment appris que 41 % des inspections réalisées sur des sites de fabrication en dehors de l’Europe par les inspecteurs de la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé ont abouti à une déclaration de non-conformité.

M. Pierre Bordier. Tout à fait !

M. Alain Milon. Madame la ministre, ne devrait-on pas modifier les règles concernant les grossistes-répartiteurs, c'est-à-dire passer de l’obligation de moyens à une obligation de résultat ? Elle se fonderait sur les catégories de services à offrir par typologie de médicaments, médicaments saisonniers, médicaments « froids » nécessitant un circuit de distribution court et protégé, etc.

Face à cette situation que nous pouvons considérer comme préoccupante, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de pallier les ruptures d’approvisionnement ? (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Milon, il est vrai que les ruptures d’approvisionnement représentent un problème sérieux, notamment lorsqu’il s’agit de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, comme c’était le cas pour cinquante et une des déclarations de rupture reçues par l’ANSM en 2011. Voilà un argument que nous pourrions utiliser pour engager une politique de relocalisation de certaines activités de production pharmaceutique sur le territoire national, ce qui permettrait également de répondre aux enjeux de sécurité que vous avez évoqués.

Afin de faire face aux ruptures d’approvisionnement, j’ai engagé une double action, au niveau national et au niveau européen.

Au niveau national, le décret du 30 septembre 2012, auquel vous avez vous-même fait référence, prévoit un dispositif permettant de prévenir et de mieux gérer ces ruptures. Ainsi, des centres d’appel d’urgence ont été créés par les laboratoires qui permettent d’identifier les situations critiques et une obligation d’approvisionnement équitable sur le territoire a été imposée aux grossistes-répartiteurs et aux laboratoires.

L’ANSM est chargée de procéder à la centralisation de l’information disponible. Un comité de suivi a été mis en place à ma demande et, s’il apparaît nécessaire de faire évoluer le dispositif prévu par le décret, nous le ferons, bien évidemment.

Au niveau européen, cette fois, j’ai également engagé la concertation avec mes homologues. Les ruptures d’approvisionnement peuvent en effet être traitées à cette échelle. J’ai donc demandé à la Commission d’étudier la mise en place d’un dispositif d’initiative au niveau européen de repérage et d’identification des situations à risque, et de mutualisation des moyens disponibles pour y faire face.

Monsieur le sénateur, c’est donc en agissant au niveau national, par des moyens qui nous sont propres, mais aussi en favorisant la coopération européenne que nous parviendrons à résorber ces situations effectivement préoccupantes pour certains patients dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.

M. Alain Milon. Je voudrais remercier Mme la ministre et lui dire que je ne doutais pas de la qualité de sa réponse !

Cependant, deux mesures pourraient être prises sans coût supplémentaire pour la sécurité sociale. Tout d’abord, il serait souhaitable d’améliorer la traçabilité des matières premières, même si leur rapatriement pur et simple sur le territoire national serait peut-être plus nécessaire encore. Ensuite, il faudrait décider d’une obligation de résultat pour les grossistes-répartiteurs. Ces deux mesures sont essentielles pour accéder à une sécurité supplémentaire.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’industrie pharmaceutique est un secteur clef de notre économie, mais sa principale source de financement est la sécurité sociale, qui doit exiger, en contrepartie, l’adaptation de la production et la rationalisation des coûts. C’est d’autant plus important que la demande de soins augmente avec le vieillissement de la population et l’accroissement des pathologies chroniques.

Or l’industrie pharmaceutique encourage au contraire la surconsommation en créant parfois des comportements d’addictions. Cela pèse sur les comptes sociaux et, plus grave encore, peut avoir des conséquences néfastes sur la santé publique.

En septembre dernier le Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux des professeurs Debré et Even a eu le mérite de porter dans le débat public le problème du prix du médicament et de sa surconsommation en France.

Ce problème avait déjà été soulevé par la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2011, mais aussi par la Haute Assemblée dès juin 2006 puis après le drame du Mediator, et enfin avec la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Toutefois, le problème principal demeure : la France dépense de 1,5 à 2 fois plus que les autres pays occidentaux en médicaments, pour un niveau de santé comparable, les prix autant que les volumes étant en cause.

Ma question est donc très simple, madame la ministre : quel plan le Gouvernement va-t-il mettre en place pour mieux encadrer les prix et combattre la surconsommation ?

À cet égard, permettez-moi de vous faire part d’une situation que j’ai vécue au Ghana. Ma fille de quatorze ans est tombée malade loin de la capitale. Un médecin lui a prescrit le nombre exact de comprimés à prendre, et c’est ce qui lui a été délivré : pas un comprimé de plus, pas un comprimé de moins !

Madame la ministre, n’est-il pas possible de promouvoir les prescriptions médicamenteuses sur mesure, qui participent des bonnes pratiques en matière de lutte contre le gaspillage ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Même si des progrès ont été réalisés au cours de ces dernières années, la France se caractérise encore par une forte consommation de médicaments. En volume, notre pays se situe certes non plus au premier rang, mais au deuxième, mais un Français consomme, en moyenne, une boîte de médicaments par semaine, ce qui est évidemment excessif.

De plus, notre structure de prescription est telle qu’elle avantage les médicaments les plus coûteux, ce qui pèse sur les comptes de la sécurité sociale.

Néanmoins, nous devons faire en sorte que les médicaments puissent être utilisés à bon escient. Une publication du genre de celle que vous avez citée, monsieur le sénateur, risque de créer une défiance généralisée à l’égard de l’ensemble des médicaments.

Même si cela avait suscité certains sarcasmes, j’ai déjà eu l’occasion de dire que les médicaments étaient là pour soigner.

Mme Marisol Touraine, ministre. Certes, il ne faut pas en consommer trop, ni favoriser leur consommation, mais il ne faut pas non plus faire comme si tous les médicaments devaient être écartés d’un revers de la main.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il convient plutôt d’engager une politique qui permette une juste prescription. Le soutien et l’aide à la bonne prescription passent aussi par de nouvelles formations des professionnels de santé.

Ensuite, il nous faut également engager une politique en faveur de l’éducation au médicament.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité mettre en place une base de données publiques, afin que les citoyens puissent accéder de manière transparente à une information sur les médicaments fiable et qui ne dépende pas d’agents privés.

Enfin, il faut garantir l’indépendance de la prescription.

À cet égard, des mesures ont été prises dans la loi de financement de la sécurité sociale pour garantir une meilleure indépendance des prescripteurs par rapport aux laboratoires et faire en sorte que la formation des prescripteurs ne relève plus de ces mêmes laboratoires.

Ce n’est qu’avec un tel ensemble de mesures que nous rétablirons la confiance et permettrons de bonnes prescriptions. J’aurai sans doute l’occasion d’intervenir ultérieurement sur la nécessité de valoriser les médicaments génériques, qui constituent l’une des réponses à la situation financière que connaît notre pays.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, qui reflète bien le fait que la surconsommation de médicaments est, en France, un problème culturel : le médicament est un réflexe !

Permettez-moi de revenir sur la question du conditionnement du médicament.

L’automédication étant une pratique répandue, les personnes puisent dans leur stock de médicaments précédemment prescrits mais inutilisés et les associent de manière plus ou moins judicieuse. Chaque année, ce sont 140 000 personnes qui sont traitées dans nos hôpitaux pour ces raisons, et on déplore 13 000 décès, ce qui n’est pas rien et qui démontre l’importance du sujet.

Aussi est-il en effet nécessaire, comme vous l’avez dit, madame la ministre, de mieux informer. Cependant, il importe aussi de reconsidérer la question du conditionnement du médicament, en veillant à éviter les excès, car cela a aussi, comme vous l’avez souligné, des conséquences sur la santé publique.

Permettez-moi de citer un exemple. En cas de rhume, on utilise un spray – celui qui est le plus utilisé en France est vendu à trois millions d’exemplaires ! –, mais le flacon est trop grand par rapport à la durée du traitement, comprise entre quatre et cinq jours.

Voilà l’un des exemples de cette surconsommation médicamenteuse qui entraîne les difficultés que j’ai évoquées.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Joël Guerriau. Il s’agit donc d’un sujet important, madame la ministre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la ministre, l’industrie pharmaceutique se porte bien dans notre pays : elle se situe au premier rang des secteurs qui dégagent un résultat excédentaire, en l’occurrence 5 milliards d’euros par an.

Le laboratoire Sanofi est incontestablement le vaisseau amiral dans ce domaine. Il enregistre des bénéfices annuels compris entre 5 et 9 milliards d’euros, qui profitent très largement aux actionnaires, tout en revendiquant, il est vrai, 2 milliards d’euros injectés dans la recherche et le développement.

Pourtant, ce même laboratoire a annoncé un plan de réorganisation pour 2015, avec la suppression de nombreux emplois dans la recherche, notamment sur le site toulousain. Les salariés résument la situation en déclarant qu’ils veulent une stratégie pharmaceutique plutôt qu’une stratégie financière, également appelée « financiarisation de l’économie », fondée sur le profit à très court terme.

Cette formulation est certes lapidaire, mais elle a le mérite de bien montrer l’existence du danger.

Nous faisons, nous, le choix de la stratégie pharmaceutique, mais inscrite dans le cadre plus large de la politique de santé, celle dont vous êtes chargée, madame la ministre. La chose n’est d’ailleurs pas simple, car cette industrie pharmaceutique connaîtra forcément, pour de multiples raisons, une évolution.

Dans le futur, faut-il se résigner à voir, dans les pays riches, le marché du médicament dominé par les génériques, seule une toute petite place étant laissée aux molécules innovantes dédiées à des pathologies très ciblées, alors même que des besoins médicaux restent encore, on le sait, à couvrir en Europe et dans les pays riches et que tout reste à faire dans ce domaine dans les pays pauvres ?

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cette vision réductrice signerait, à moyen ou à long terme, la fin de notre industrie pharmaceutique.

Il convient de choisir une autre voie, celle qui consiste, grâce à la volonté politique qui est la vôtre, madame la ministre, à miser sur le long terme, en privilégiant la recherche et l’innovation. Il y va de notre sécurité sanitaire ainsi que de notre compétitivité industrielle.

Madame la ministre, quel est votre sentiment ? (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, l’industrie pharmaceutique constitue, avec l’industrie de la santé, une filière d’avenir pour notre pays, qu’il s’agit de développer et qui doit parier sur l’innovation.

C’est en effet en explorant les voies de l’innovation, de la recherche et du développement que ces filières pourront se développer, et non en maintenant les marchés qui ont été acquis voilà des années et qui n’évolueront plus. Le fait de vendre des médicaments génériques permet précisément de dégager des ressources pour investir dans l’innovation, réaliser des recherches et créer de nouvelles molécules.

L’industrie pharmaceutique est un atout formidable pour Toulouse et sa région. C’est la raison qui a poussé le Gouvernement, notamment le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, à s’engager fortement pour éviter que les plans de licenciement annoncés par Sanofi ne soient mis en œuvre selon les modalités annoncées. En effet, il n’était pas acceptable que 2 500 ou 2 800 licenciements interviennent alors même que l’entreprise réalise des bénéfices à hauteur de 5 milliards d’euros.

Le Gouvernement a obtenu que l’entreprise revoie ses projets : on parle maintenant d’un peu plus de 900 licenciements, et pas des licenciements « secs ».

En tout état de cause, il est absolument nécessaire que la direction de l’entreprise engage un dialogue approfondi avec les organisations syndicales, que j’ai eu moi-même l’occasion de rencontrer lors d’un déplacement à Lyon, avec Arnaud Montebourg.

Nous devons faire le pari de l’innovation, avec la volonté que cela se fasse dans le respect des sites industriels. Sanofi ne doit pas quitter Toulouse, car cette entreprise est un atout pour ce territoire. Tel est le sens de l’action conduite aujourd'hui par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour la réplique.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je vous remercie, madame la ministre, de cette démonstration de lucidité et de volonté politique.

Vous disposez d’outils performants. Je pense au Comité stratégique de filière des industries et technologies de santé, au Conseil stratégique des industries de santé et au Comité économique des produits de santé. Et c’est d’autant mieux car, quand on est ministre des affaires sociales et de la santé, on tient, d’une main, l’autorisation de mise sur le marché et, de l’autre, le remboursement des médicaments !

C’est tout le mal que je souhaite à l’industrie pharmaceutique, et singulièrement au site toulousain : que la conjonction de ces événements nous permette un pari sur l’avenir en misant sur la recherche et l’innovation.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux profiter de l’occasion qui m’est ici donnée pour aborder, à mon tour, la question du devenir des salariés de Sanofi sur le site de Toulouse comme sur les sites de mon département, le Val-de-Marne.

Bien que cette question puisse, de prime abord, sembler plus concerner votre collègue chargé du travail, le ministère de la santé est également particulièrement touché puisque, outre les emplois industriels, des emplois de la branche Recherche et développement seront supprimés, ainsi que vient de le souligner mon collègue Jean-Jacques Mirassou.

Avec un chiffre d’affaires de 34,947 milliards d’euros en 2012, dans un contexte que tout le monde présente comme particulièrement difficile pour la majorité de la population, le groupe Sanofi peut distribuer à ses actionnaires des dividendes en progression de 45 % par rapport à 2011. Dans le même temps, la direction se permet d’envisager la suppression de 170 emplois au moins dans la branche R&D.

Le 13 mars dernier, la cour d’appel de Paris a ordonné à la direction de Sanofi de reprendre à zéro la procédure d’information des représentants du personnel de la branche Recherche et développement.

Cette destruction massive d’emplois dans cette branche augure mal de l’avenir d’un groupe industriel comme Sanofi, confronté à la perte du brevet de nombreux blockbusters, ces médicaments qui rapportent chaque année au moins 1 milliard de dollars, soit 700 millions d’euros, à l’image de son anticoagulant vedette, le Plavix, dont le chiffre d’affaires avait atteint plus de 3 milliards d’euros en 2011 sur le sol américain.

« Dans les deux à trois semaines qui ont suivi la chute du brevet, Sanofi a perdu près de 90 % des ventes du médicament », a constaté Christian Lajoux, président de Sanofi-Aventis-France.

Madame la ministre, ma question est la suivante : quelles mesures entendez-vous prendre pour soutenir l’innovation pharmaceutique et garantir la création d’emplois ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, comme je l’ai indiqué à votre collègue Jean-Jacques Mirassou, le Gouvernement est très attaché à ce que l’industrie pharmaceutique se développe, et ce dans le respect des situations sociales et des implantations locales.

Concernant le site de Toulouse, une mission a été confiée à Jean-Pierre Saintouil, qui doit remettre ses conclusions dans quelques semaines et formuler des propositions pour maintenir l’unité de recherche existante.

Au-delà, il est absolument nécessaire, dans une relation de confiance avec l’industrie pharmaceutique mais aussi de coopération avec les organisations syndicales, de mettre en œuvre des mesures permettant à l’industrie pharmaceutique française de continuer à exister au premier rang mondial.

De ce point de vue, plusieurs mesures ont d’ores et déjà été prises par le Gouvernement ; elles ont été rappelées à l’occasion de la réunion du Comité stratégique de filière des industries et technologies de santé, qui s’est tenu le 25 mars dernier à Lyon, en présence d’Arnaud Montebourg, de Geneviève Fioraso et de moi-même.

Nous avons annoncé il y a déjà plusieurs mois le maintien du crédit d’impôt recherche, qui vient soutenir l’activité de recherche de l’industrie pharmaceutique en particulier. Par ailleurs, le pacte de compétitivité, qui fait l’objet de discussions, et votre groupe en prend toute sa part, madame la sénatrice, permet d’encourager le développement de l’industrie pharmaceutique. Du reste, l’accord national interprofessionnel sur l’emploi permettra de sauvegarder des emplois et d’aller de l’avant.

De la même manière, nous nous sommes engagés dans un programme d’investissements d’avenir. Le maintien des pôles de compétitivité et le chantier de simplification administrative et normative engagé par le Gouvernement permettront aussi de répondre aux attentes des entreprises.

Madame la sénatrice, l’effort de redressement de notre économie passe par un engagement fort au soutien de cette filière d’activité économique, dans le respect bien évidemment du travail et de l’apport des organisations syndicales, sans lesquelles il ne pourrait y avoir de développement de la recherche ni de l’activité économique.