compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires :

M. Jacques Gillot,

Mme Odette Herviaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Publication du rapport d’une commission d’enquête

M. le président. J’informe le Sénat que, ce matin, a expiré le délai de six jours francs pendant lequel pouvait être formulée la demande de constitution du Sénat en comité secret sur la publication du rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, créée le 3 octobre 2012 sur l’initiative du groupe du RDSE, en application de l’article 6 bis du règlement.

En conséquence, ce rapport a été publié ce matin, sous le n° 480.

3

Demande de création d’une commission d’enquête

M. le président. Par lettre en date du 9 avril 2013, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, a fait connaître que le groupe CRC exerce son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l’efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre.

La conférence des présidents prendra acte de cette création lors de sa prochaine réunion.

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.

Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

6

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 39 de la loi n° 2005–706 du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux, le rapport sur la mise en œuvre de cette loi.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales et est disponible au bureau de la distribution.

7

Renvois pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (n° 441, 2012–2013), dont la commission de la culture, de l’éducation et de la communication est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

J’informe également le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 489, 2012–2013), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

8

Article 1er bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Mise au point au sujet d'un vote

Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).

Mise au point au sujet d’un vote

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Article 1er bis

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Je souhaiterais faire une mise au point au sujet du scrutin n° 148 sur l’article 1er du projet de loi. Alain Fouché a été déclaré votant contre, alors qu’il s’était abstenu.

M. David Assouline. C’est mieux !

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous poursuivons la discussion des articles.

Chapitre Ier bis (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES À LA FILIATION ADOPTIVE ET AU MAINTIEN DES LIENS AVEC L’ENFANT

Mise au point au sujet d'un vote
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Mise au point au sujet d'un vote

Article 1er bis (suite)

M. le président. Nous continuons l’examen de l’article 1er bis, entamé hier et sur lequel deux orateurs se sont déjà exprimés.

Je rappelle les termes de cet article :

Après le 1° de l’article 345-1 du code civil, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ; ».

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l'article.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, autant il est légitime, et même urgent, d’améliorer la sécurité juridique des enfants élevés par un couple de personnes de même sexe, autant nous devons prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et la problématique de la construction de son identité. Je regrette d'ailleurs beaucoup que cette notion juridique précise, qui correspond aux engagements internationaux de la France, ne soit pas prise en compte par le projet de loi ni par son étude d’impact.

Je vous en prie, mes chers collègues, ne faisons pas fi des droits de l’enfant au nom d’un droit absolu à l’adoption. L’adoption doit avoir pour objectif non pas de donner un enfant à une famille, mais de donner une famille à un enfant. Vous faites exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire, puisque vous instaurez un droit à l’enfant. Un enfant, ce n’est pas un bien de consommation. Avoir un enfant, c’est une chance qui n’est hélas ! pas donnée à tout le monde, mais c’est surtout une immense responsabilité qui ne doit pas être prise à la légère, a fortiori par les législateurs que nous sommes.

M. David Assouline. Arrêtez avec ça, nous aussi, nous pensons aux enfants !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Beaucoup de couples homosexuels risquent d'ailleurs d’éprouver de grandes déceptions. Les belles promesses électorales s’effaceront devant la réalité des faits. Nombreux sont les pays qui ne peuvent concevoir la cellule familiale sans le critère de l’altérité sexuelle. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Agence française de l’adoption, l’AFA, un organisme indépendant, comme vous le savez.

L’adoption se fait aujourd’hui à 80 % auprès de pays étrangers, dans la mesure où, en France, nous avons la chance de connaître une diminution importante du nombre d’enfants adoptables. Or l’AFA relève que le volume d’adoptions internationales connaît lui aussi une décroissance importante depuis près de dix ans ; seuls 1 589 enfants ont été adoptés à l’étranger l’an dernier. Ce phénomène s’explique notamment par la diminution des abandons pour cause économique et le développement de structures sociales permettant de prendre en charge les enfants privés de famille dans les pays en voie de développement.

Parallèlement, le nombre de demandes émanant des pays d’accueil n’a cessé de croître.

Dans ce contexte, les pays concernés par l’adoption de leurs ressortissants ont dû faire en sorte de rééquilibrer l’offre et la demande, en mettant en place une politique de quotas – c’est le cas de la Thaïlande, du Cambodge et du Burkina Faso – ou en renforçant les critères de sélection, qui portent notamment sur la situation financière, le niveau d’éducation, l’état de santé ou encore l’engagement religieux des postulants à l’adoption. L’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels s’inscrit donc dans un contexte particulier, où chaque pays fixe des critères de sélection toujours plus restrictifs en fonction de ses codes sociaux, culturels ou religieux.

La plupart des pays qui autorisent l’adoption de leurs enfants par nos concitoyens ne reconnaissent pas la structure familiale organisée autour de l’homoparentalité. Même si, en France, l’homosexualité relève de la vie privée et ne peut constituer un critère pour la sélection des dossiers, cette position n’est pas partagée par l’ensemble de la communauté internationale. Il faut savoir qu’une soixantaine de pays pénalisent encore l’homosexualité, que beaucoup d’autres pratiquent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et que la plupart manifestent explicitement, comme vous pourrez le lire dans la fiche relative à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, leur refus de proposer des enfants à des couples de personnes de même sexe : c’est le cas par exemple de la Colombie, du Burkina Faso, du Mali et de la Chine.

Certains pays – je pense notamment à la Chine et au Vietnam – demandent même à l’adoptant de rédiger une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est hétérosexuel.

Le dernier élément du raisonnement est l’origine des enfants étrangers adoptés par des Français. Plus de 60 % de ces enfants proviennent de pays refusant explicitement l’adoption par les couples homosexuels ; seuls deux enfants étaient originaires du Royaume-Uni, qui autorise ce type d’adoption.

De tous ces éléments, on peut tirer deux conclusions. La première est évidente : sur la base d’une promesse électorale irresponsable, vous faites croire aux couples homosexuels qu’ils auront le droit à un enfant, alors que, en réalité, l’offre d’adoption est extrêmement réduite, voire quasi inexistante, pour eux. La seconde apparaît subrepticement : si les couples homosexuels ne peuvent satisfaire leur besoin d’enfant par le biais de l’adoption, ils se tourneront vers la gestation pour autrui, la GPA, et la procréation médicalement assistée, la PMA, ou encore, comme l’a souligné le Défenseur des droits lors de son audition, vers l’accouchement sous X, c'est-à-dire une forme de GPA qui ne dit pas son nom.

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, sur l'article. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne m’oppose pas au mariage des couples de personnes de même sexe, mais je suis totalement opposé à l’ouverture de l’adoption à ces couples, car cela conduira à des drames pour les enfants.

Comment pouvez-vous concevoir qu’un enfant, qui a besoin de l’amour de sa mère et de l’autorité de son père, puisse se développer normalement s’il en est privé ? Comment pourra-t-il supporter de ne pas avoir un papa et une maman comme les autres enfants ? Comment supportera-t-il de ne jamais savoir qui est sa vraie mère ou qui est son vrai père ? Il sera un éternel orphelin, il ne sera protégé par personne et grandira dans cette incertitude qui le traumatisera toute sa vie.

S’il est entouré de deux hommes, vers lequel se tournera-t-il s’il a besoin de protection ou d’affection ? (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste.) S’il a peur, qui le consolera, qui le protégera ? S’il est entouré de deux femmes, laquelle s’occupera de lui ? On ne peut avoir qu’une mère et non pas deux, car alors elles ne seraient ni l’une ni l’autre la vraie mère. L’enfant ne trouvera jamais l’affection d’une mère fière et heureuse de s’occuper de l’enfant qu’elle a conçu, et il en souffrira. Il grandira dans cette incertitude qui le poursuivra toute sa vie.

Pour se développer normalement, les enfants ont besoin d’une ambiance familiale équilibrée où ils trouvent à la fois l’affection de leur mère et l’autorité de leur père. La famille est le noyau principal de la société ; c’est là que se prépare l’avenir, avec les enfants. Si ces enfants sont travailleurs et bien équilibrés, ils deviendront plus tard responsables de l’avenir. Mais s’ils sont malheureux, troublés par l’inconnu qui entoure leur naissance, s’ils n’ont pas d’équilibre familial, s’ils se sentent différents des autres, humiliés, s’ils sont privés de l’amour d’une mère que nul n’oublie, alors ce sera l’aventure et parfois le désastre.

Que deviendront-ils plus tard ? Seront-ils comme leurs parents adoptifs, écartés du circuit de la reproduction normale ? Leur vie sera un enfer.

C’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, je vous conjure de ne pas accepter cette adoption contre nature qui ne produira que des drames pour ces enfants malheureux et compromettra l’avenir de la France. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, sur l'article.

M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en introduction à mon propos, je voudrais remercier M. le rapporteur du travail de réflexion qu’il a mené sur l’adoption.

Pourtant, s’il a tenté de régler un certain nombre de problèmes, c’est en vain, car, en voulant trouver des solutions, il a, en fin de compte, mis en avant une série de difficultés concrètes en la matière.

Je m’explique : par les amendements qu’il a fait adopter par la commission des lois, il a, certes, fait sauter le verrou de l’article 360 du code civil, lequel constituait une anomalie constitutionnelle, puisqu’il prévoyait qu’un enfant qui avait été préalablement adopté ne pouvait pas faire l’objet d’une autre adoption, sauf « motifs graves ». Personne ne sachant ce que recouvrait vraiment cette notion, il était aisé de passer outre l’interdiction.

J’avais également déposé un amendement en ce sens, ainsi qu’une proposition de loi, qui n’a jamais été discutée, par laquelle j’avais imaginé créer une nouvelle catégorie d’adoption, à savoir l’adoption plénière partagée, laquelle aurait permis à des familles d’accueillir des enfants, qui gardaient des liens avec leur famille initiale, mais qui, en même temps, avaient une nouvelle famille.

M. Patrice Gélard. Une telle solution permettait de régler de manière satisfaisante le problème d’accession aux sources et le sort d’orphelins qui, de fait, passaient d’une maison à une autre, de foyer en foyer, de famille d’accueil en famille d’accueil.

M. René Garrec. C’est vrai !

M. Patrice Gélard. Je regrette qu’elle n’ait pas fait l’objet d’un examen approfondi.

De même, M. Michel a corrigé une autre anomalie en vertu de laquelle, dans l’adoption simple, l’autorité parentale appartient à l’adoptant.

Or, comme il propose qu’il y ait à la fois un parent naturel ou adoptif et un autre, il fallait bien parvenir à un partage de l’autorité parentale. Mais, ce faisant, il a fait apparaître la multiplicité des cas qui vont se présenter.

Ainsi, certains enfants pourront faire l’objet d’une adoption plénière, mais jamais simultanée, car il n’y a pas d’enfants disponibles et, à moins de mettre en place des quotas au niveau départemental, je ne vois pas comment nous pourrons favoriser, pour une adoption plénière, un couple homosexuel par rapport à un couple hétérosexuel.

De même, il n’y aura pas d’adoption plénière simultanée d’enfants étrangers, car il n’y aura pas d’enfants adoptables par des couples homosexuels.

Cette adoption plénière simultanée n’existera donc pas. En revanche, il sera possible qu’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière ou dont la mère biologique est connue soit adopté de façon plénière, mais après coup, par l’autre parent.

Dans certains cas, ce ne sera pas possible, car l’enfant aura déjà deux parents. Dans ces situations, aucune adoption plénière ne sera permise, à moins que l’un des deux parents ne soit déchu de l’autorité parentale ou ne décède.

Il en sera de même pour l’adoption simple. Nous allons arriver à une situation assez étonnante : en effet, nous risquons d’avoir non plus deux parents, mais trois parents, à savoir le père, la mère et l’adoptant.

M. le rapporteur va même un peu plus loin, puisqu’il prévoit une seconde adoption postérieurement. En effet, il faut bien envisager le cas où les parents divorceront. À ce moment-là, le nouveau conjoint voudra à son tour adopter.

Vous le voyez, nous sommes face à une multitude de cas qui ne sont pas prévus dans le texte. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 1er bis, car il faut revoir l’intégralité de notre législation relative à l’adoption et à l’autorité parentale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, sur l'article.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’Agence française de l’adoption est très claire dans les rapports qu’elle émet sur l’adoption : le nombre d’enfants étrangers adoptables est en constante diminution. Ainsi, entre 2005 et 2010, les adoptions internationales réalisées par les cinq premiers pays d’accueil ont diminué de 36 %.

Ce phénomène s’explique notamment par l’amélioration des conditions de vie dans les pays en voie de développement. Ceux-ci ont désormais les moyens d’assumer progressivement les malheurs de l’orphelinat, soit que l’abandon pour raisons économiques se résorbe, soit que des structures sociales prennent en charge les enfants abandonnés.

En revanche, la diminution du nombre d’enfants adoptables que l’on constate également en France pousse nos ressortissants à se tourner toujours plus vers les pays étrangers pour adopter des enfants.

De ce fait, les pays qui font l’objet d’une demande toujours plus importante sont obligés d’instaurer des quotas – c’est le cas de la Thaïlande, du Cambodge et du Burkina Faso – ou de durcir les critères ouvrant droit à l’adoption. Ainsi vont être pris en compte non plus seulement des critères financiers, mais aussi des critères sociaux, religieux et culturels.

Or beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption aux ressortissants français condamnent l’homosexualité ou pratiquent une discrimination envers les personnes homosexuelles. D’ailleurs, la plupart manifestent explicitement, dans la fiche pays de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption, leur refus de proposer des enfants à des couples de même sexe. D’autres demandent parfois une attestation sur l’honneur du caractère hétérosexuel de l’adoptant. C’est le cas du Vietnam.

Ainsi, il est certain – dire l’inverse, c’est mentir aux couples homosexuels – que la majeure partie des pays qui accordent une adoption à des couples français écarteront d’office les dossiers se rapportant aux couples homosexuels ou à des individus dont l’orientation sexuelle ne peut pas être établie. Tel sera le cas pour la Colombie, le Mali, le Vietnam et le Burkina Faso. Or, à eux seuls, ces pays représentent plus de 60 % des adoptions réalisées chaque année.

D’ailleurs, le seul pays qui serait susceptible d’accorder les autorisations nécessaires à des couples homosexuels serait le Royaume-Uni, mais, en cinq ans, de 2005 à 2010, ce pays a délivré en tout et pour tout deux autorisations d’adoption.

Aussi, madame la ministre, qu’aurez-vous à répondre non seulement à tous ces couples dont la croyance en d’illusoires promesses va se heurter aux dures réalités des démarches administratives, mais aussi à ces pays, qui sont souverains et qui se verront stigmatisés, je pense, par les lobbies homosexuels les plus radicaux ? Que leur direz-vous ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je leur dirai bien des choses !

Mme Catherine Troendle. Pourtant, faut-il croire un instant que cette réalité vous arrêtera ? Je ne le pense pas. D’ailleurs, vous avez déjà trouvé le moyen de contourner le problème : puisque le Gouvernement recherche à satisfaire un principe d’égalité, la PMA, déjà ouverte aux femmes pour raisons médicales, devra être étendue sans conditions aux couples de femmes, afin de satisfaire un droit à l’enfant consacré par ce texte.

L’ouverture de la PMA aux couples de même sexe est bien la suite logique du texte, à telle enseigne que certains amendements avaient été proposés à ce sujet. Simplement, le Gouvernement a souhaité attendre l’adoption du projet de loi sur le mariage pour les couples de même sexe, avant de proposer la PMA dans un prochain grand texte sur la famille.

Mais un droit à la PMA réservé à la femme, au prétexte qu’elle seule peut porter un enfant, est illusoire. Dès lors que la PMA sera accessible pour des femmes en couple, il est évident que, par souci d’égalité, la GPA devra être ouverte pour les couples d’hommes. Ce dispositif a d’ailleurs déjà été approuvé par le Gouvernement au travers de la circulaire Taubira concernant les enfants nés par GPA à l’étranger.

Vous passez donc votre temps à enfouir les problèmes, à ne rien dire ou, pis, vous mentez aux Français quand vous leur dites que ce texte n’aura aucun impact sur le droit des familles et sur la filiation.

Vous êtes des marchands d’illusions, mais le temps que vous voulez gagner contre les réalités économiques et sociales qui échappent au Gouvernement va jouer en votre défaveur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oh non, madame Troendle, ce n’est pas vous qui avez écrit cela ! Je vous connais, cela ne vous ressemble pas !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l'article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je poursuis sur les chiffres relatifs à l’adoption.

Près de 25 000 foyers français bénéficient d’un agrément d’adoption depuis plusieurs années et on compte 2 000 enfants adoptables en France. Mme Troendle l’a dit, le nombre d’adoptions internationales a chuté de 4 000 en 2005 à 1 500 en 2012.

Depuis que la Belgique – je prends l’exemple d’un pays proche – a ouvert l’adoption aux couples homosexuels, voilà six ans, aucune adoption internationale n’a eu lieu.

L’adoption internationale va donc forcément diminuer, puisque de nombreux pays refuseront que leurs enfants soient adoptés par des couples homosexuels.

M. Bruno Sido. Absolument !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous vous alertons sur le fait que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, dans les conditions que vous proposez, risque de porter un réel préjudice aux adoptions internationales.

Mais le plus grave, c’est que ce sont les enfants qui vont subir le plus grand préjudice : donner l’illusion juridique à l’adoptant qu’il va être pleinement le parent de l’enfant biologique de son conjoint de même sexe, c’est instaurer une filiation sociale qui nie la biologie et la filiation symbolique grâce à laquelle l’enfant pouvait, jusqu’à aujourd’hui, se structurer.

Mme Françoise Férat. On ne s’en lasse pas !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans ce contexte, il est difficile de prétendre que le mariage entre personnes de même sexe ne change ni les règles du mariage pour les couples hétérosexuels ni l’avenir et la construction de nos futurs enfants, adoptés ou non.

Le droit donnera l’illusion aux enfants de couples homosexuels qu’ils sont issus de ce couple de même sexe. De son côté, l’enfant, lui, aura le sentiment psychique de ne pas avoir de père ou de mère.

M. Bruno Sido. Absolument !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Après la blessure de l’abandon, vous proposez donc aux enfants adoptés d’être définitivement privés de mère ou de père, alors même que ce sont eux qui ont le plus besoin d’un père et d’une mère. (Oh là là ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Un père, c’est celui qui engendre ; une mère, c’est celle qui donne la vie. Cela n’a pas de sens d’avoir deux pères ou deux mères. Cela n’existe pas et ne pourra jamais exister ! (Mmes Esther Benbassa et Hélène Lipietz s’exclament.)

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un enfant peut être élevé, en raison des aléas de la vie, par deux hommes ou deux femmes. Le sujet n’est pas là ! Mais il ne peut pas avoir deux pères ou deux mères !

Vous allez placer ces enfants dans des situations terribles alors que, je le répète, ils portent déjà en eux la blessure de l’abandon ou de la perte de leurs parents biologiques. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)

Mettez-vous quelques instants à la place de l’enfant qui a été abandonné : que ressent-il ? que pense-t-il ? Il se demande pourquoi il a été abandonné !

Lorsqu’on on lui annoncera qu’il va avoir une famille, qu’il est adopté par deux hommes ou deux femmes, il se demandera probablement pourquoi, lui, il n’a pas le droit d’avoir un père et une mère comme les autres enfants.

C’est en regardant son père et sa mère que l’enfant devrait pouvoir se construire, trouver sa place, s’identifier et panser ses blessures.

Mes chers collègues, n’oubliez pas que ces enfants, comme tous les enfants, sont des adultes en devenir.

L’enfant ne peut pas être considéré comme un remède pour les couples de personnes de même sexe en mal de reconnaissance.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’adoption doit être fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant, non pas sur un droit à l’enfant.

M. Bruno Sido. Absolument !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le droit ne doit pas suivre le désir des uns et des autres, mais il doit poser les limites. La limite, que vous êtes en train de dépasser, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant !

En matière d’adoption, nous n’aurions jamais dû en arriver à ce stade, qui nous divise. Nous vous avions proposé l’union civile, qui aurait pu nous rassembler.

Mme Esther Benbassa. Elle n’a pas été votée !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous sommes en désaccord avec vous. Vous auriez pu accepter cette union civile, qui était le mariage sans l’adoption ni la PMA, mais vous avez refusé notre main tendue.

Je vous mets en garde : en faisant du mariage une affaire de droits et de sentiments en dehors de toute donnée naturelle, vous prenez une lourde responsabilité.

Je constate, d’ailleurs, votre difficulté à passer du questionnement éthique, qu’il est légitime d’avoir en cette enceinte, au registre de la loi. Mais vous ne réalisez pas l’étendue des difficultés dans lesquelles vous nous entraînez.

Vous créez une fracture de plus dans notre société, une fracture sociétale, ce que je regrette. C’est ridicule ! (M. François Rebsamen manifeste des signes d’impatience.)

Le doyen Gélard a fait un plaidoyer pour une grande loi sur l’adoption et j’adhère à sa proposition. Cessez de diviser les Français et de provoquer des fractures dans notre société ! Rassemblez nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, sur l’article.