M. Philippe Bas. C’est une erreur !

M. Michel Delebarre, rapporteur. … afin de tenir compte de la transformation en communes déléguées des communes associées qui, par le jeu de la répartition des sièges au sein de l’organe délibérant de l’intercommunalité, ne se verraient attribuer aucun siège.

Tels sont, mes chers collègues, les éléments dont je souhaitais vous faire part.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Voilà une présentation remarquable ! (Sourires.)

M. Michel Delebarre, rapporteur. Je n’ai pas une telle prétention, monsieur le ministre. (Nouveaux sourires.)

J’ai simplement voulu relever d’une manière presque notariale les avancées que la réunion de la commission mixte paritaire a permises. Au demeurant, l’ensemble des différents allers-retours entre le Sénat et l’Assemblée nationale ont, me semble-t-il, contribué à améliorer le texte…

Ainsi que M. le ministre l’a souligné, le projet de loi qui est soumis pour la troisième fois à la délibération du Sénat sera un élément essentiel de la structure de nos collectivités locales pour les prochaines années. Pourtant, j’ai l’impression que certains de nos collègues n’ont pas compris que se jouait l’avenir des départements. (M. François Grosdidier s’exclame.) Le texte modernise notre organisation territoriale et l’adapte aux nouveaux enjeux, dont la parité. Ce faisant, il lui permet de servir au mieux nos concitoyens, les territoires et la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les engagements que M. le ministre de l’intérieur a pris devant le Sénat ont effectivement été tenus.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Tous ! Presque tous…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est important.

M. Jean-Pierre Raffarin. C’est bien normal !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Non, monsieur Raffarin, je ne dirais pas que c’est « normal » !

M. François Grosdidier. Cela devient tellement rare…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Comme vous le savez, un Gouvernement peut agir autrement…

M. François Grosdidier. Que de respecter sa parole ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … lorsqu’il dispose d’une forte majorité à l’Assemblée nationale.

M. Michel Delebarre, rapporteur. En effet !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je tiens aussi à noter que, tout au long du débat, le Gouvernement a eu le souci de prendre en compte l’apport du Sénat, nonobstant les désaccords sur tel ou tel point. (M. François Grosdidier proteste.)

Notre rapporteur, Michel Delebarre, ayant exposé en détail et de manière tout à fait précise les positions de la commission, je ne reprendrai pas ce qu’il a excellemment dit.

En revanche, je crois devoir exposer publiquement ici une divergence d’interprétation de la Constitution entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

M. René Garrec. C’est important !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est une question qui n’est pas sans conséquence, non seulement pour le présent projet de loi, mais aussi pour les textes à venir.

Mes chers collègues, aux termes de l’article 45 de la Constitution, quel que soit le résultat de la commission mixte paritaire, en dernière lecture, l’Assemblée nationale peut reprendre soit « le texte élaboré par la commission mixte », quand il existe, soit « le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat ». Cela me paraît très clair.

Vous ne l’ignorez pas, la Constitution a été révisée le 23 juillet 2008. La question qui nous est désormais posée est : qu’est-ce qu’un amendement adopté par le Sénat ?

Selon l’Assemblée nationale, un amendement adopté par le Sénat est, semble-t-il, un amendement adopté en séance publique. Telle ne saurait, à mon sens, être notre interprétation. En effet, parmi les principales nouveautés introduites par la réforme de 2008 figure la possibilité d’adopter en commission des amendements et de les intégrer dans le texte examiné en séance publique.

M. Roland Courteau. Évidemment !

Mme Nathalie Goulet. Le Sénat, ce n’est pas la commission !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dans ces conditions, considérer, comme semble le faire l’Assemblée nationale, que seuls les amendements votés en séance publique sont des amendements adoptés par le Sénat, c’est tout simplement nier le travail accompli et les apports de la révision de 2008 sur l’article 42 de la Constitution.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mes chers collègues, pour ma part, je vous invite à suivre mon interprétation : dans le nouveau contexte instauré par la révision de 2008, doit être considéré comme amendement adopté par le Sénat un amendement adopté soit en commission lors de l’élaboration du texte – c’est l’innovation introduite par la révision constitutionnelle –, soit en séance publique.

À défaut, la seule manière que nos amendements puissent être adoptés en dernière lecture par l’Assemblée nationale lorsqu’une commission mixte paritaire a échoué serait que la commission saisie n’établisse aucun texte. La discussion en séance se ferait alors sur la base du texte transmis au Sénat et tous les amendements seraient bien adoptés en séance. Ce serait la négation de…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … la révision de 2008.

Mme Nathalie Goulet. Que vous n’avez pas votée !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est facile de comprendre qu’il y a là un enjeu important pour les droits du Sénat et la prise en compte de ses amendements.

M. Roland Courteau. C’est clair !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pour ce texte, notre rapporteur, Michel Delebarre, a bien voulu représenter en séance les amendements que nous avions adoptés en commission, avec de légères modifications, souvent rédactionnelles. Cela permettra de considérer qu’ils ont été adoptés en séance publique par le Sénat.

Cependant, je tiens à répéter qu’il me paraît très important, au regard du rôle du Sénat et de la bonne interprétation de la révision de 2008, de considérer comme amendement du Sénat un amendement adopté soit en commission dans les conditions que j’ai évoqués, soit en séance publique.

M. Alain Richard. Conformément à la volonté du Constituant ! (M. le rapporteur approuve.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument, monsieur Richard !

Mes chers collègues, je vous remercie de l’attention que vous avez bien voulu prêter à ces quelques propos, qui sont peut-être un peu techniques,…

M. Manuel Valls, ministre. Mais non !

M. Jean-Pierre Raffarin. Intéressants !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … mais qui me paraissent importants pour la défense des prérogatives du Sénat, auxquelles nous sommes tous et toutes attachés. (Applaudissements.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Vous êtes dans votre rôle, monsieur le président !

Mme Nathalie Goulet. Après avoir voté contre la réforme !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Je ne m’étendrai pas sur ce qui nous amène à nous réunir une dernière fois sur le présent projet de loi. J’évoquerai d’abord les sujets qui fâchent avant d’aborder ce qui fait consensus.

Parmi les sujets qui fâchent figure – cela ne surprendra personne – le mode de scrutin pour les élections départementales. Monsieur le ministre, vous nous avez exposé les deux avantages, à vos yeux, du scrutin binominal : la parité et la proximité.

Sur la parité, je ne puis qu’acquiescer et soutenir la féminisation des conseils généraux,…

M. Michel Delebarre, rapporteur. Il était temps !

Mme Jacqueline Gourault. … qui en avaient bien besoin.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Jacqueline Gourault. Sur la proximité, tout dépend du redécoupage cantonal. Plusieurs membres de mon groupe craignent que la recherche d’un alignement sur la moyenne démographique départementale n’aboutisse à des cantons trop étendus, ce qui serait contraire à l’objectif visé.

Il est un critère qui n’a pas été évoqué. Je suis d’accord sur la parité et nous pouvons discuter sur la proximité ; mais quid du pluralisme ?

Le pluralisme, c’est la possibilité pour tout candidat de se présenter sans appartenir à l’un des deux grands partis, voire à un parti tout court. Le système que vous proposez ne va clairement pas en ce sens.

M. Jacques Mézard. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, vous avez affirmé à plusieurs reprises qu’il n’y avait pas d’autre solution. Je voudrais rectifier vos propos : il n’y a pas d’autre solution majoritaire au Sénat ! En revanche, il existe d’autres modes de scrutin possibles.

Certes, entre ceux qui ne voulaient rien changer, ceux qui voulaient la proportionnelle – vous connaissez les réactions qu’une telle idée suscite parfois en France (Mme Éliane Assassi acquiesce.) – et ceux qui proposaient des systèmes différents entre zones urbaines et zones rurales, aucune majorité n’a émergé pour s’accorder sur un autre dispositif. La vérité est toujours bonne à dire !

Il y a d’autres possibilités que le scrutin binominal, même si aucune d’elles ne semble en mesure de recueillir une adhésion majoritaire.

Le découpage cantonal, et nous ne l’avons peut-être pas suffisamment rappelé au cours de nos débats, est nécessaire. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel l’exige. Dans mon département, certains écarts sont extravagants : un canton a moins de 3 000 habitants quand un autre en a plus de 20 000 ! Les Sages sont donc dans leur rôle. Au demeurant, un redécoupage était aussi prévu pour la mise en place de feu le conseiller territorial…

Le fameux « tunnel » a de nouveau été évoqué. Mon collègue Pierre Jarlier a redéposé un amendement visant à retenir le chiffre de 30 %. Cette proposition vient d’être rejetée en commission.

M. François Grosdidier. Le tunnel est fermé !

Mme Jacqueline Gourault. Certains membres de mon groupe, comme Michel Mercier, avaient ironisé sur ce point lors des explications de vote.

Mais, à un moment, il faut savoir faire confiance. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à faire en sorte que le découpage territorial respecte les territoires. Nous vous en donnons acte.

Le calendrier est aussi un sujet qui fâche toujours un peu. Même si cela n’a pas encore été évoqué, certains membres de mon groupe sont très mécontents du report des élections régionales. Pour eux, si le report du scrutin départemental se justifie par la mise en œuvre de la réforme, il n’y a pas vraiment de raison de faire subir le même sort aux élections régionales, malgré l’argument de l’encombrement du calendrier électoral de 2014, qui a été largement avancé.

Voilà donc pour les sujets qui fâchent !

En revanche, nous sommes tous très satisfaits des dispositions contenues dans ce texte sur l’intercommunalité et les élections municipales. Nous sommes heureux du travail que le Sénat a réalisé dans une atmosphère de confiance. D’ailleurs, la plupart des groupes s’en réjouissent.

Parmi ces dispositions, il y a d’abord le choix du seuil de 1 000 habitants pour le scrutin de liste aux élections municipales. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, c’est ce chiffre qui figurait dans votre texte initial. L’Assemblée nationale avait imposé 500 habitants. Mais, au Sénat, le seuil de 1 000 habitants a fait consensus après de longues discussions. Je vous remercie d’avoir défendu cette position devant les députés, comme vous vous y étiez engagé.

La suppression de la baisse du nombre de conseillers municipaux constitue un autre élément de satisfaction. De même, nous saluons le maintien de l’article 20 quinquies, qui a été réintroduit en séance publique par le Sénat en deuxième lecture pour repousser de deux mois la date limite fixée aux communes membres d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération pour parvenir à un accord sur le nombre et la répartition des sièges au sein du conseil de l’intercommunalité. Ce report est bienvenu dans un certain nombre de départements, car les délais prévus étaient vraiment très courts.

Voilà qui me rappelle nos débats de 2010 sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ; à l’époque, tout le monde se réjouissait des avancées sur l’intercommunalité, mais les discussions étaient très vives sur le scrutin départemental ! C’est bien la preuve que le département est un sujet important ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. ― MM. Philippe Kaltenbach et Alain Richard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Nous sommes saisis de ce projet de loi pour la troisième fois.

Je voudrais d’abord remercier M. le rapporteur de sa disponibilité et de son ouverture d’esprit. Je salue aussi M. le président de la commission des lois.

Monsieur le ministre, merci d’avoir accepté, en cette période de déballage, un débat de fond, même si le binôme ne reçoit pas forcément notre agrément. Le Sénat n’aura pas eu le beurre et l’argent du beurre, mais il aura au moins aujourd’hui le sourire du ministre ! (Mouvements divers.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est déjà ça !

M. Jacques Mézard. Notre scepticisme quant au binôme n’a pas varié. Je ne reviens pas sur les arguments que j’avais avancés le 13 mars dernier ; ils conservent toute leur pertinence.

En dépit d’améliorations sur ce point, le binôme créera inéluctablement des difficultés. D’abord, la délimitation des nouveaux cantons, après la suppression de la moitié de ceux qui existent aujourd’hui, provoquera une pluie de contentieux. Ensuite, le fonctionnement même de chacun des cantons et, probablement, des conseils départementaux sera affecté.

Les couples électoraux seront rarement la concrétisation d’un coup de foudre suivie d’un contrat de projet pour le territoire ! Dans les faits, ils résulteront de négociations entre courants de tel parti, puis de tractations entre partis, parfois même opposés ! Vous revenez aux mariages arrangés, à la différence près que ceux-ci, au moins, duraient ! (Sourires sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Vous vous êtes fondé sur le postulat qu’il n’existait que deux possibilités : le binôme ou la proportionnelle départementale. Ce sont les deux seules branches de l’alternative retenue dans l’excellent document publié par Terra Nova au début de l’année 2011, dont certaines propositions semblent avoir fixé la doctrine de l’actuel gouvernement en matière de décentralisation : binôme, Haut conseil du territoire, conférences régionales des exécutifs, droit de pétition…

Aucune autre piste ne fut sérieusement étudiée, qu’il s’agisse de la proportionnelle d’arrondissement, du maintien du scrutin uninominal actuel dans les zones rurales ou du calage des cantons sur les intercommunalités. La proposition de notre collègue Pierre-Yves Collombat n’a suscité que des quolibets alors qu’elle méritait un accueil constructif et une étude sérieuse, car elle favorisait la parité tout en maintenant un lien avec le territoire et avec les bassins de vie.

Pour le scrutin départemental, le seuil de 12,5 % pour accéder au second tour a été maintenu. Ce seuil n’avait pas notre préférence, mais nous l’avions accepté dans un souci de consensus, ayant entendu les observations de nos collègues de l’opposition et pris la mesure des risques possibles, en particulier dans le sud.

En revanche, l’Assemblée nationale, avec l’accord de M. le ministre, est revenue sur le système de l’écart type de 30 % par rapport à la moyenne de population. Les députés ont choisi d’introduire à la place une disposition précisant que le territoire de chaque canton est défini sur des « bases essentiellement démographiques », tout en dégageant des exceptions détaillées : insularité, relief, hydrographie, répartition de la population, enclavement, superficie, nombre de communes ou « autres impératifs d’intérêt général » !

J’ai la conviction qu’un tel mécanisme conduira à la multiplication des contentieux dans chaque département, offrant ainsi aux juges administratifs le pouvoir de trancher. Cela ne me paraît guère souhaitable… La préparation des élections départementales de 2015 sous la baguette des juges s’annonce épique !

Moins 30 % ou plus 30 %... Je connais vos craintes par rapport au Conseil constitutionnel. Le dispositif avait cependant le mérite d’éviter l’arbitraire des exceptions floues et de préserver les équilibres démographiques et les territoires ruraux.

Nous constatons en revanche avec satisfaction que l’Assemblée nationale a finalement adopté le seuil de 1 000 habitants pour la proportionnelle aux municipales. Monsieur le ministre, vous avez sans doute beaucoup œuvré pour cela, tenant ainsi vos engagements. Nous revenons donc au projet initial du Gouvernement, ce qui est plus raisonnable !

Il est également sage de ne plus instituer d’obligation de parité dans les exécutifs des conseils communautaires ! Une telle idée était irréaliste, d’autant que la majorité des communes d’un EPCI n’auront qu’un seul élu.

Toujours à propos du bloc communal, les députés ont supprimé la disposition votée par le Sénat sur notre initiative pour rendre inéligibles les membres du cabinet d’un président de conseil régional, de conseil départemental, d’un maire ou d’un président d’EPCI aux élections municipales pendant l’exercice de leurs fonctions et l’année qui suit. Nous voilà bien loin de l’égalité des citoyens devant l’élection, de la transparence et de la moralisation ! Nous en reparlerons !

Enfin, l’Assemblée nationale a balayé l’amendement du RDSE adopté par le Sénat modifiant le scrutin régional de manière à éviter que les citoyens d’un département ne soient pas représentés au conseil régional. À croire que cela était trop démocratique !

Aussi, et malgré des avancées tout à fait significatives sur les élections municipales et intercommunales, la majorité du groupe ne votera pas ce texte, compte tenu de notre manque d’enthousiasme et, surtout, de nos réserves quant au binôme et à l’article 2. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Chacun en conviendra, il faut faire preuve d’imagination pour ne pas s’ennuyer pendant cette nouvelle lecture et, surtout, pour ne pas lasser les citoyens et citoyennes qui nous regardent !

Nous sommes peu nombreux dans l’hémicycle, soit que le texte nous désintéresse, soit que sa date de réexamen ait été mal choisie… Je ne voudrais pas m’attirer les foudres de nos estimés président et rapporteur de la commission des lois, mais reconnaissons que, à ce stade de l’élaboration de la loi, notre utilité est faible, voire inexistante !

Mme Nathalie Goulet. Allons, allons !

Mme Hélène Lipietz. D’ailleurs, il semble bien, hélas ! que ce texte importe également peu aux citoyens.

D’abord, la « réformette » de nos institutions qu’il porte est sans réel intérêt face à la crise économique et morale de la société. En outre, le projet de loi est complexe, illisible et certainement incompréhensible par les non-spécialistes !

Si nous avions procédé non pas à une simple modification des modes de scrutin, mais à une véritable réforme de l’organisation de la France, en associant vraiment les Français et les Françaises à la décision politique, c'est-à-dire à l’organisation de la cité, nous aurions certainement eu de réelles discussions avec eux sur les marchés, dans les cafés, en lieu et place de conversations sur le paradis fiscal suisse ou la misère en France !

Bref, nous aurions fait de la politique et non du reprisage de vêtements usagés, de surcroît démodés, à l’image de l’organisation de notre territoire.

Quoi qu’il en soit, il nous faut bien faire l’analyse politique de cette nouvelle lecture, arrachée de haute lutte par notre ministre de l’intérieur, preuve, s’il en est, de la considération certaine qu’il a pour le Sénat.

Aussi, je me dois de rendre hommage à celui qui a tenté l’impossible, l’impensable : négocier avec l’opposition ou du moins, si je puis dire, avec la « non-majorité » sénatoriale, afin que le Sénat vote a minima ce texte et ne se retrouve pas à présenter une feuille blanche lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Surtout, je veux le féliciter d’avoir réussi à tenir cet accord, sauf pour ce qui concerne le tunnel, une proposition qui n’aura pas abouti.

L’échec de la commission mixte paritaire nous conduit à examiner en nouvelle lecture un texte déjà bien verrouillé. En effet, il ne nous reste qu’une faible marge de manœuvre et, quoi qu’il arrive, l’Assemblée nationale aura le dernier mot. Pour autant, nous espérons que sera retenue l’interprétation faite par M. le président de la commission des lois du dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution.

Je tiens à rappeler que les nombreuses propositions formulées par les écologistes auraient permis d’obtenir, grâce à un scrutin à la proportionnelle élaboré minutieusement sur le modèle des scrutins régionaux, les deux bienfaits attendus par le Sénat, tant à gauche qu’à droite, à savoir la parité et la proximité, auxquels nous ajoutons la représentativité. Mais vous n’en avez pas voulu ! J’y vois là le signe d’une certaine peur d’une représentation nationale équilibrée !

Pourtant, les citoyens attendent des scrutins unifiés, lisibles et transparents, qui garantissent une représentation équilibrée de l’ensemble des courants politiques et des courants de pensée animant notre société bien vivante socialement, intellectuellement et politiquement.

Mais vous avez apparemment préféré faire tourner les applications des ordinateurs du ministère pour déterminer, par de savants calculs, quel mode de scrutin existant répondrait le mieux à vos objectifs. N’ayant été satisfait par aucun, vous en avez inventé un nouveau !

Mme Nathalie Goulet. Mais non ! C’est le Sénat !

Mme Hélène Lipietz. Les écologistes ne peuvent pas partager votre choix. Avec des collègues siégeant sur d’autres travées, nous avons proposé la proportionnelle et l’ancrage territorial. Par conséquent, nous nous opposons même sur les objectifs.

Selon nous, la réforme des départements devait renforcer la démocratie, et non satisfaire des objectifs électoraux !

Les écologistes, en premier soutien du Président de la République, appellent donc à un choc de lisibilité électorale, de représentativité réelle du peuple français au travers de ses élus et de transparence des décisions politiques, et non pas simplement du patrimoine déclaré !

Au lieu de tout cela, le Parlement est en train d’accoucher d’un texte abscons, illisible, incompréhensible, visant seulement à préserver les équilibres séculaires qui gouvernent les départements.

Le projet de loi permettra également d’éviter que le citoyen ne vienne perturber, grâce à un vote différencié, les fragiles accords et tractations qui président à la gouvernance des intercommunalités.

Avec ce texte, nous faisons semblant : semblant de représenter nos concitoyens, semblant de créer un scrutin direct pour les intercommunalités !

Mais, un jour très prochain, les électeurs nous obligeront à faire notre examen de conscience, et il sera douloureux. Contrairement à ce que certains pensent, ce jour-là n’est pas encore arrivé ! (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. L’examen de ce projet de loi est déjà largement engagé, dans la mesure où des pans entiers du texte ont été définitivement adoptés. Le débat d’aujourd'hui se trouve donc considérablement réduit.

Pour ma part, je tiens à revenir sur les deux catégories de collectivités qui sont au cœur du texte : les conseils généraux et les conseils municipaux.

J’évoquerai d’abord les conseils généraux. Comme je l’avais indiqué en première lecture, le mode de scrutin proposé par le Gouvernement me semble tout à fait adapté et pertinent. Cette formule préserve l’ancrage territorial, avec la logique du scrutin majoritaire, le choix des élus par les électeurs, et permet d’assurer la parité, qui est tout de même l’une des obligations constitutionnelles auxquelles nous sommes soumis. J’y suis donc très favorable.

En revanche, je regrette très vivement le relèvement du seuil de maintien au deuxième tour de 10 % à 12,5 % des électeurs inscrits, ce qui représente 25 % des suffrages exprimés. C’est un peu une logique de bipartisme totalitaire. Il n’y a pas que les deux grands partis ! Il y a d’autres sensibilités, ainsi que des candidats indépendants. Une telle décision est donc très regrettable.

Une fois la loi votée, le problème du découpage des cantons se posera. J’espère que vous ferez mieux que votre prédécesseur pour le découpage des circonscriptions législatives, monsieur le ministre. De toute manière, vous ne pourrez pas faire pire !

J’en viens aux élections municipales. Là aussi, un consensus s’est dégagé sur le seuil à retenir pour l’application du scrutin de liste. Certains avaient proposé 500 habitants ; on est arrivé à 1 000. Mais peu importe : que ce soit 500 ou 1 000, ce n’est pas cela qui changera la face du monde !

Quoi qu’il en soit, les dispositions relatives aux élections municipales me paraissent très satisfaisantes. En revanche, je suis radicalement opposé à ce vers quoi nous nous acheminons : la disparition des communes associées.

À mon sens, c’est tout à fait scandaleux pour les communes qui ont, à l’époque, décidé de constituer des communes associées. Elles avaient un engagement fondamental : avoir leurs élus. Or, là, par un tour de passe-passe, au détour d’une loi électorale, elles sont rabaissées au rang de communes déléguées. Cela ou rien, c’est la même chose !

Monsieur le ministre, je ne suis d’accord ni sur le principe ni sur la démarche ayant conduit à cette décision. Quand on décide de tuer les communes associées, on ne le fait pas au détour d’une loi électorale : ce n’est pas le sujet ! Il faut annoncer la couleur dès le départ, en déposant un texte spécifique. Je conçois que vous puissiez être contre les communes associées. Mais, dans ce cas, engagez un véritable débat ! Ne les étranglez pas à la sauvette !

Tel est le reproche le plus fort que je puis vous adresser. Toutefois, puisque le texte est globalement très satisfaisant, je le voterai, comme je l’ai fait précédemment.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Après deux lectures successives dans les deux chambres du Parlement, ce projet de loi de réforme électorale revient en nouvelle lecture, la commission mixte paritaire du 2 avril dernier ayant échoué.

Nous réaffirmons ce que nous avions indiqué lors des précédentes lectures : le Gouvernement cherche à atteindre un objectif électoraliste. En modifiant les lois électorales dans la première année suivant son arrivée au pouvoir, il ne fait qu’entretenir des soupçons de manipulation, jouant avec la confiance des Français.

Dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, une telle stratégie ne nous paraît guère opportune. Nos concitoyens attendent à n’en pas douter – le terme est à la mode – une plus grande transparence.

Selon nous, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale et amélioré par notre commission des lois présente deux problèmes majeurs : le mode de scrutin binominal pour les élections départementales, qui est assorti au report des élections régionales et cantonales, et le découpage cantonal, qui est, à tout le moins, un sujet de discussion…

Le principal désaccord entre les deux chambres réside dans l’instauration d’un nouveau mode de scrutin pour les élections départementales. Le mécanisme repose, cela a été largement évoqué, sur le principe d’un binôme homme-femme. Notons la créativité, qualifiée par certains de « « baroque », du Gouvernement en la matière.

Nous sommes fondamentalement opposés au scrutin binominal, système qui pose plus de problèmes qu’il n’en résout, même si j’ai bien entendu les difficultés auxquelles vous disiez être confronté, monsieur le ministre.

Qu’on le veuille ou non, en instaurant les cantons tels qu’ils sont prévus, nous perdrons en proximité. Or la proximité entre l’élu et le territoire ou entre l’élu départemental et le canton, c’est un principe essentiel. Nous estimons qu’il ne faut pas le négliger.

En outre, les deux conseillers départementaux seront soit des doublons, soit des concurrents, la solidarité entre les deux candidats risquant – nous avons déjà eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises – de s’évanouir dès le lendemain de l’élection passée. Je vous laisse imaginer les problèmes qui ne manqueront pas d’en découler.

Quid du portage des projets ? Faudra-t-il procéder à un redécoupage géographique entre les deux co-conseillers ou engager une négociation permanente, stérile bien sûr, au risque, dans un cas comme dans l’autre, de fragiliser ces projets ? Nous verrons bien.

Si le binôme permet d’atteindre un objectif strict de parité, c’est au détriment du pluralisme et, j’ose même le dire, de la démocratie. Le mode de scrutin risque de favoriser le bipartisme. D’ailleurs, des élus d’autres groupes l’ont également relevé ; nous ne sommes donc pas les seuls à nous y opposer.

Le nouveau mode de scrutin délaisse considérablement les territoires ruraux ; mon collègue René-Paul Savary y reviendra plus longuement tout à l'heure. M. le ministre veut revoir la carte cantonale. Mais si l’élection dans les départements doit s’effectuer sur une base démographique, il faut absolument tenir compte de la représentation des territoires.

Certaines particularités propres aux zones rurales ne pourront pas être prises en compte si les cantons sont trop vastes. La réforme pourrait donc porter atteinte à un équilibre auquel les Français sont particulièrement attachés.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous ai déjà fait connaître mon sentiment lors des précédentes lectures. À mon sens, ce projet de loi était une formidable occasion de rapprocher les électeurs de leurs représentants, rebaptisés « conseillers départementaux ». Nous sommes en train de passer à côté !

Le calendrier électoral constitue un autre motif de désaccord profond. Certes, les dispositions dont il s’agit ont fait l’objet d’un vote conforme. Mais, encore une fois, le report des élections départementales et régionales à 2015 n’est pas une bonne décision.

Loin de viser des objectifs d’intérêt général, comme l’impose le Conseil constitutionnel, vous organisez au contraire un calendrier de nature à porter atteinte au principe de sincérité du scrutin. Les relents électoralistes de vos motivations apparaissent encore mieux quand on songe aux conséquences futures des élections départementales et régionales sur le collège des grands électeurs aux sénatoriales, qui se dérouleront en 2014. Le Conseil constitutionnel, que nous saisirons, se prononcera sur ce report, que rien ne justifie à nos yeux : les Français n’ont pas ce type de préoccupations en tête actuellement.

Le découpage cantonal a également donné lieu à une discussion intense entre nos deux assemblées. Monsieur le ministre, vous voulez diminuer le nombre de cantons pour le rendre égal, dans chaque département, à la moitié du nombre de cantons qui existaient au 1er janvier 2013. Ce faisant, vous figez des écarts de ratio entre le nombre d’habitants et le nombre d’élus et de cantons d’un département à l’autre, alors que, nous le savons, ils n’ont rigoureusement rien à voir.

L’Assemblée nationale n’a pas retenu le tunnel de 30 % que le Sénat avait adopté. Avec ce dispositif, la population d’un canton n’aurait pu être ni supérieure ni inférieure de plus de 30 % à la population moyenne des cantons du même département. Ce débat est extrêmement important, car il conditionne la représentation des différents territoires au sein des futurs conseils départementaux.

Nos collègues députés ont finalement prévu que les limites territoriales des cantons devraient être modifiées selon plusieurs règles. La commission des lois, dont je salue le travail approfondi, y a apporté sa pierre. En définitive, la rédaction ainsi établie nous semble acceptable.

Indépendamment de telles questions, qui sont particulièrement importantes pour notre groupe, nous sommes favorables à certaines mesures phares du projet de loi. Monsieur le ministre, nous vous donnons acte du respect des engagements que vous avez pris devant le Sénat.

Ainsi, nous sommes satisfaits que le seuil de 1 000 habitants ait été retenu pour l’élection des conseillers municipaux au scrutin de liste à deux tours. C’est la solution que nous soutenions. Certes, à l’origine, nous avions déposé un amendement tendant à fixer ce seuil à 2 000 habitants ; c’est le chiffre retenu par l’INSEE pour la définition des communes rurales. Un seuil de 500 habitants nous semblait trop bas. Mais, je vous le concède, le dosage est extrêmement complexe, les attentes des élus variant en fonction des contraintes locales. L’Association des maires de France s’est d’ailleurs ralliée au seuil de 1 000 habitants. Et nos concitoyens sont attachés au mode de scrutin actuel.

Par ailleurs, le nombre de suffrages nécessaires pour accéder au second tour des élections départementales est fixé à 12,5 % des électeurs inscrits. Nous avions ardemment défendu cette position. Nous avons obtenu satisfaction.

Monsieur le ministre, malgré les avancées que je viens de signaler, nous attendons, pour déterminer notre position définitive, de connaître le sort qui sera réservé à nos nombreux amendements relatifs au scrutin binominal paritaire. Selon les circonstances, nous nous abstiendrons ou, si cette formule est retenue par la Haute Assemblée, nous voterons contre le projet de loi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)