M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est l’opposition qui vous gêne !

M. Pierre Moscovici, ministre. Tels sont les principaux éléments de notre programme de stabilité et de notre programme national de réforme. Notre ambition est connue, elle s’inscrit dans la durée : nous voulons redresser notre pays, rétablir ses comptes publics et rendre la France plus productive…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est très mal parti !

M. Pierre Moscovici, ministre. … en gardant toujours le souci de la justice sociale, de l’emploi, en donnant toujours la priorité à l’investissement et à la jeunesse.

Le Gouvernement entend, par les choix qui vous sont proposés, associer crédibilité et ambition, adopter un rythme de consolidation budgétaire qui ne pénalise pas la croissance, mettre en œuvre des réformes profondes qui préparent l’avenir, sans nous renier. (M. le président de la commission des finances s’exclame.) Cela prend du temps, c'est vrai, mais nous creusons le sillon. Ainsi, l’économie sera plus forte, plus respectée, la France disposera des moyens lui permettant de peser davantage dans la réorientation de la construction européenne, dont je puis vous assurer qu'elle est la volonté du Président de la République et du Gouvernement.

Ne croyons pas que nous sommes plus forts en Europe si nous laissons faire ou si nous laissons aller. Pour être plus fort en Europe, il faut d'abord être crédible. C'est cette ligne de crête que nous suivons. Ces choix que nous vous proposons refusent l’austérité dont les Français, à juste titre, ne veulent pas. (M. Jean Arthuis s’exclame.) Pour autant, ce sont des choix sérieux, ce sont des choix responsables ; ils sont ambitieux, ils sont réalistes, et j'attends du Sénat,…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous cherchez à gagner du temps !

M. Jean-Claude Lenoir. Faites-le voter !

M. Pierre Moscovici, ministre. … à travers ce débat, plus que de la compréhension : le soutien à cette politique qui est celle dont la France a tout simplement besoin aujourd'hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

Un sénateur du groupe UMP. Eh bien, organisez un vote !

M. Jean-Claude Lenoir. Quel enthousiasme sur les travées de la majorité ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça ne va pas durer !

M. Alain Bertrand. Il y a une véritable stratégie au moins, pas comme avec Sarkozy !

Un sénateur du groupe socialiste. Il y a un cap !

M. Alain Bertrand. Oui, il y a un cap !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Faites-vous plaisir !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, après Pierre Moscovici, et en ayant soin que mes propos soient complémentaires aux siens, dire quelques mots sur la trajectoire des finances publiques dans laquelle nous sommes engagés et que décrit ce programme de stabilité, en insistant plus particulièrement sur quelques thèmes budgétaires.

Ce programme de stabilité sous-tend des considérations liées à notre évaluation de la conjoncture économique et à un certain nombre de données macroéconomiques qui caractériseront l'évolution de nos économies au cours des prochaines années. Ce programme sous-tend également une trajectoire budgétaire qui nous engage et nous devrons, année après année, à mesure que, dans le cadre du Semestre européen, nous présenterons nos programmes de stabilité, rendre compte, devant la représentation nationale, des conditions dans lesquelles nous atteignons nos objectifs en termes d’indicateurs budgétaires.

Avant que le débat ne s'engage, je voudrais profiter de cette séance pour répondre à quelques questions simples, en me fondant non pas sur des impressions, mais simplement sur des chiffres, sans volonté de polémiquer.

Première question : depuis l'alternance qui s'est produite au mois de mai dernier, la situation des dépenses publiques a-t-elle évolué, celles-ci sont-elles mieux maîtrisées, dans quelle trajectoire nous inscrivons-nous pour les mois qui viennent ?

Deuxième question : y a-t-il, comme certains l’affirment parfois pas toujours de manière très nuancée, une volonté de procéder à des ajustements budgétaires par le recours systématique à l'impôt, comment la pression fiscale a-t-elle évolué, comment évoluera-t-elle dans les semaines, les mois et les années qui viennent et quelle politique fiscale le Gouvernement entend-il mener jusqu'en 2017 ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Troisième question : compte tenu de notre stratégie d’évolution des dépenses publiques et de notre politique fiscale, quelle est l'évolution prévisible de nos déficits publics ?

Quatrième question : quel est l'impact de cette politique budgétaire, de cette trajectoire des finances publiques, sur la croissance ?

Avant de répondre à ces quatre questions, en reprenant certains des éléments qui ont été évoqués à l’instant, de manière approfondie, par le ministre de l'économie et des finances, je voudrais m’interroger avec vous sur les hypothèses de croissance sur lesquelles s’est exprimé le Haut Conseil des finances publiques, instance que nous avons créée (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.) à la suite de la ratification du pacte budgétaire européen de manière à pouvoir disposer d'éléments objectifs. Je voudrais notamment revenir sur l'appréciation que le Haut Conseil porte sur les hypothèses de croissance sur lesquelles nous fondons notre trajectoire.

Ces hypothèses de croissance sont les suivantes : 1,2 % en 2014, puis 2 % les années suivantes. Comme l’a dit Pierre Moscovici à l’instant, cela suppose que nous continuions à être volontaristes pour aller chercher la croissance là où elle se trouve, et que nous menions des politiques permettant de la rendre possible.

C’est ce qui conduit le Haut Conseil des finances publiques et un certain nombre d’observateurs à considérer que nous sommes optimistes. Ce que certains appellent « optimisme », nous, nous le qualifions de « volontarisme », parce que nous avons la volonté à la fois en France et en Europe de créer les conditions de la croissance.

Ce que nous proposons en termes de stratégie de croissance doit être apprécié à l’aune de ce qui a été présenté par les gouvernements précédents au titre des programmes de stabilité antérieurs.

De ce point de vue, l’année 2012 a été très emblématique de la relation du gouvernement précédent à la croissance.

Faut-il le rappeler, au moment de la préparation du projet de loi de finances pour 2012, la précédente majorité se fondait sur une hypothèse de croissance très optimiste de 1,75 % ? Lors de l’examen de la loi de finances initiale au Sénat, nous étions à 1 %, c’est-à-dire que, en quelques semaines, pas en quelques mois, l’hypothèse avait été corrigée de 0,75 %. Puis, une loi de finances rectificative – parce que c’était la modalité de pilotage des affaires budgétaires voilà quelques mois : on partait d’hypothèses très ambitieuses et on multipliait les lois de finances rectificatives de manière à corriger une trajectoire…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’était transparent !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … qui n’avait pas été totalement pertinente à l’origine…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’était transparent au moins !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la sénatrice, c’était surtout très aléatoire, car 1,75 %, puis 1 % quelques semaines après, puis 0,5 % de nouveau quelques semaines plus tard,…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … puis 0,7 % dans le programme de stabilité,…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … au raz Blanchard où j’ai appris à naviguer, cela s’appelle avancer à la godille.

Mme Nathalie Goulet. Aller à l’aveuglette !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous pratiquez la politique de l’autruche !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Telle était la méthode qui prévalait : beaucoup d’approximations dans les hypothèses sur lesquelles était fondée la trajectoire et comme de nombreuses approximations présidaient à la définition de la trajectoire, mécaniquement, il y avait beaucoup de corrections en cours de trajectoire.

C’est la raison pour laquelle de nombreuses lois de finances rectificatives sont venues par le passé corriger des hypothèses initiales qui n’étaient pas toujours pertinentes et voilà d’ailleurs pourquoi on nous demande aujourd’hui de reproduire ce schéma, c’est-à-dire de recourir à des lois de finances rectificatives,...

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … ce que nous ne ferons pas pour l’année 2013.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En effet, si nous le faisions, cela signifierait que nous nous apprêtons à corriger le niveau des dépenses et le niveau des recettes, donc à diminuer les dépenses et à augmenter les impôts, ce qui signifierait que nous sommes, dans une situation économique particulièrement dégradée de l’économie européenne et mondiale, prêts à ajouter l’austérité à la rigueur, ce que nous ne ferons pas.

J’ai rappelé ces éléments concernant les chiffres de croissance tout simplement pour dire, notamment aux sénatrices et sénateurs de l’opposition, dont je respecte les interrogations, que nous sommes beaucoup plus prudents qu’ils ne l’ont été lors de l’élaboration des lois de finances précédentes. Nous le sommes d’autant plus que les hypothèses sur lesquelles nous fondons notre trajectoire de finances publiques à la faveur de la présentation de ce programme de stabilité sont exactement les mêmes que celles de la Commission européenne, puisque, pour l’année qui s’ouvrira dans quelques mois, l’hypothèse de croissance de la Commission est pour l’heure de 1,2 %.

J’en arrive aux quatre questions que j’ai posées.

Première question : comment évolueront les dépenses, dans le cadre de ce programme de stabilité, au regard de ce qu’a été la variation des dépenses au cours des dix dernières années, et peut-on, à l’aune des résultats déjà obtenus depuis près de douze mois, considérer que ce que nous préconisons en termes d’évolution des dépenses publiques est pertinent ?

Je m’en tiendrai aux chiffres, car, même si l’exercice budgétaire n’est pas une science exacte, il est une science rigoureuse, et l’on évite d’autant plus facilement les polémiques et les mauvais débats que l’on prend soin d’adosser le raisonnement énoncé à des chiffres incontestables. Les chiffres dont je vais parler le sont, puisqu’ils n’appartiennent pas à des spéculations pour l’avenir, mais à des choses constatées pour le passé.

Je commencerai par les pourcentages d’évolution des dépenses publiques au cours des dix dernières années.

L’évolution des dépenses publiques a été, entre 2002 et 2006, de 2,3 % en moyenne, et entre 2006 et 2011, de 1,7 % en moyenne. En 2012, pour des raisons sur lesquelles je reviendrai dans un instant, l’évolution a été de 0,7 %, là où nous étions engagés sur un objectif de 0,5 %. Le décalage de 0,2 % résulte simplement d’une dépense plus dynamique des collectivités locales.

Mais, parmi ceux d’entre vous qui connaissent ces chiffres, personne ne peut nier que le rapport est de 1 à 3, en termes de dynamique d’évolution des dépenses publiques, entre 2002-2011 et la tendance sur laquelle nous sommes depuis le début de l’année.

Je veux également signaler qu’en 2012 les dépenses de l’État ont diminué, pour la première fois quasiment depuis le début de la Ve République, de 300 millions d’euros, alors que ces dépenses avaient augmenté en moyenne, au cours des années précédentes, de 5 à 6 milliards d’euros par an.

Notre objectif pour 2014 est une diminution des dépenses de l’État, hors dette et pensions, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros.

C’est la raison pour laquelle les critiques qui nous sont adressées quant à l’incapacité dans laquelle nous serions de maîtriser les dépenses publiques me paraissent peu modérées.

En effet, lorsqu’on regarde les taux d’évolution des dépenses publiques et l’évolution nominale des dépenses de l’État, nous constatons encore une fois que le rythme d’évolution des dépenses publiques s’est réduit dans une proportion de 1 à 4 et que pour la première fois nous voyons les dépenses de l’État diminuer là où elles augmentaient dans les proportions que je viens d’indiquer dans les années précédentes.

On pourrait considérer que les dépenses de l’État et les dépenses publiques évoluent de façon contrastée et que ce que je dis sur les dépenses de l’État n’est pas nécessairement vrai pour ce qui concerne d’autres dépenses publiques, je veux parler des dépenses de protection sociale.

Je tiens, là aussi, à rappeler des chiffres précis, qu’aucune personne intellectuellement honnête ne peut contester.

Les dépenses de l’ONDAM, ou objectif national des dépenses d’assurance maladie, qui ne sont pas des dépenses concernant une enveloppe réduite dans les dépenses publiques globales, ont augmenté d’un peu plus de 2 % au cours de l’année précédente. Or, faut-il le rappeler, au cours du dernier quinquennat, les dépenses de l’ONDAM, en moyenne annuelle, ont évolué de plus de 4 %.

Pour les dépenses d’assurance maladie, le rapport est de 1 à 2 entre ce qui s’est passé dans le précédent quinquennat et ce qui se passe depuis le début du quinquennat actuel. Et lorsque l’on prend la trajectoire globale prévue par le précédent gouvernement en 2012 concernant les dépenses d’assurance maladie, on constate que, par un effort de maîtrise de ces dépenses, nous avons, par rapport à la projection de la précédente majorité, un milliard d’euros de moins de dépensé en termes de dépenses d’assurance maladie en 2012, ce qui a permis une diminution de l’ordre de 4 milliards d’euros, entre 2011 et 2012, du déficit du régime général, alors que, entre 2006 et 2011, ce déficit avait augmenté de façon spectaculaire de 9 milliards d’euros.

Voilà quels sont les chiffres concernant la dépense. Ces chiffres sont incontestables et, selon moi, ils témoignent du mauvais procès que nous font ceux qui ont contribué à l’aggravation des dettes, au dérapage de la dépense publique, au creusement des déficits,…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … et qui ignorent les résultats que je viens d’indiquer,…

M. Marc Daunis. C’est incontestable !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … comme s’ils voulaient s’exonérer de leurs responsabilités pour le passé et ne pas reconnaître ce que sont les trajectoires dans lesquelles nous nous sommes engagés depuis que nous sommes aux responsabilités et pour l’avenir.

Je rejoindrai volontiers les propos tenus par M. Arthuis à l’occasion de la réunion de la commission des finances du Sénat voilà quelques jours : sur les questions budgétaires, il peut y avoir des orientations politiques différentes, mais il y a une réalité à laquelle on n’échappe pas, c’est la réalité des chiffres établis qui retrace la réalité du passé. Et dans le passé dont nous parlons, une partie renvoie à une situation où nous n’exercions pas les responsabilités,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est le passé tel que vous le reconstruisez !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … tandis qu’une autre partie, dont nous sommes comptables, est celle dont je rends compte à l’instant pour ce qui relève de l’action que nous avons conduite depuis douze mois.

Voilà pour ce qui est des dépenses.

Deuxième question : la pression fiscale et la stratégie fiscale du Gouvernement pour les années qui viennent.

Le semestre européen a cet avantage qu’il permet à nos deux assemblées d’être parfaitement informées et affranchies quant aux intentions des gouvernements devant l’Union européenne. Le semestre européen a ce mérite qu’il nous invite, année après année, à la faveur de l’examen de ces pactes de stabilité, à indiquer quelles sont nos trajectoires, nos indicateurs, nos statistiques. Il permet donc aux sénateurs et aux députés, année après année, de constater le décalage qui existe entre les objectifs qu’on s’est fixés à soi-même et les résultats obtenus.

Par conséquent, lorsque l’on regarde le programme de stabilité présenté par la précédente majorité et qui prévoyait des augmentations d’impôts, on constate que la trajectoire fiscale de nos prédécesseurs est presque la même, en termes de pourcentage et d’évolution, que celle que nous proposons. Pourquoi ? Tout simplement parce que les déficits sont si importants et la dette à ce point significative qu’il est impossible de procéder à l’ajustement de nos finances publiques par la seule mobilisation de la diminution des dépenses publiques.

Si nous le faisions, nous remettrions en cause les services publics qui constituent, en ces temps de crise, le patrimoine de ceux qui n’ont rien. Le ministre du budget est aussi le ministre du patrimoine de ceux qui n’en ont pas et, par conséquent, nous devons veiller, lorsque nous procédons à des économies, à ne pas remettre en cause les services publics et la protection sociale, car cela aurait des conséquences récessives évidentes.

Il faut bien convoquer l’impôt de façon raisonnable lorsqu’on veut ajuster. Nous, nous avons cherché à le faire dans la justice.

Je voudrais indiquer notre trajectoire fiscale pour les années à venir.

Pour l’année 2014, nous devrons consentir un effort de 20 milliards d’euros. Comme l’a indiqué M. le Président de la République, – vous vous rendrez compte, lorsque je présenterai le projet de loi de finances pour 2014 devant votre assemblée, que cet engagement sera respecté – cet effort sera accompli, pour les deux tiers, à travers des économies et, pour un tiers, par une augmentation de la pression fiscale à hauteur de 0,3 % en 2014, pression qui s’atténuera progressivement au cours des années suivantes jusqu’à atteindre en 2016–2017 un taux comparable à celui que nous avions en 2013. Autrement dit, l’effort fiscal demandé en 2014 sera compensé dans les années qui viennent.

Ces 6 milliards d’euros d’effort fiscal, d’où viennent-ils ? Constituent-ils ce que certains d’entre vous appellent un « matraquage fiscal » ? La réponse est non.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En effet, cette somme totale comprend d’abord un milliard d’euros d’augmentation de cotisations sociales déjà acté et engrangé dans le cadre de l’accord passé entre les partenaires sociaux au titre des régimes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO.

Certaines recettes qui étaient prévues dans le budget de 2013 n’ont pas été réalisées pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elles n’ont pas produit le rendement escompté – je pense en particulier à la taxe sur les transactions financières – ou parce que le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions qui en étaient à l’origine – par exemple la taxe à 75 %.

Le budget de 2014 sera l’occasion de procéder, à hauteur de 1 milliard d’euros, à la récupération de ce produit fiscal qui était envisagé en 2013 et qui, pour les motifs que je viens d’indiquer, n’a pas donné le rendement attendu ou n’a pas été perçu.

Ensuite, nous escomptons quelque 4 milliards d’euros de la lutte contre la fraude fiscale et de la poursuite du travail que nous avons engagé sur les niches fiscales et sociales.

Je vous le rappelle, en 2012, notre politique a permis d’augmenter de 2 milliards d’euros les recettes résultant de la lutte contre la fraude fiscale. Nous avons l’intention de continuer et d’intensifier ce travail : ceux qui doivent acquitter leurs impôts en France, en vertu des règles fiscales qui régissent le fonctionnement de nos finances publiques, doivent payer leurs contributions. Tout ce que nous prélevons sur ceux qui essayent d’échapper à ces obligations est bon pour nos recettes et pour nos équilibres budgétaires. De surcroît, c’est une action citoyenne et juste.

Par ailleurs, je le répète, nous avons l’intention de poursuivre le nettoyage des niches fiscales et sociales.

Voilà d’où viennent les 6 milliards d’euros que j’évoquais.

Nous aurons l’occasion d’en débattre au cours des prochains mois et des prochaines années, mais je le souligne d’ores et déjà devant le Sénat : nous ajusterons les prochains budgets par les économies, et nous ne solliciterons l’impôt qu’à la marge, lorsque cela sera réellement indispensable. Les économies seront désormais le moyen privilégié de l’équilibre de nos budgets pour favoriser la croissance et garantir le redémarrage de l’économie.

Au demeurant, le Président de la République s’exprimera sur ces sujets dans quelques jours, notamment pour ce qui concerne la fiscalité des entreprises.

Troisième question : les déficits. Je les évoquerai en quelques mots.

Non seulement, notre politique conduit à une meilleure maîtrise des dépenses et à une action fiscale raisonnable, mais elle a un impact sur les déficits.

Faut-il le rappeler ? Les chiffres sont incontestables : le déficit structurel de la France a bondi de 30 milliards à 100 milliards d’euros au cours des deux précédents quinquennats.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On est passé du vice à la vertu !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En pourcentage, le déficit a augmenté de près de 2 %. La dette a, quant à elle, crû de 25 points de PIB au cours du dernier quinquennat.

Quelle est l’évolution du déficit structurel depuis 2012 ? La situation que nous avons trouvée à notre arrivée a été parfaitement photographiée via un audit de la Cour des comptes, que nous avons sollicitée à cette fin : ce document montre qu’il existait un risque de dérapage des dépenses à hauteur de 2 milliards d’euros, et une surestimation manifeste des recettes fiscales à hauteur de 8 milliards d’euros.

Nous avons donc pris des dispositions à caractère fiscal en sollicitant 7 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires : nous ne pouvions pas faire autrement dans la mesure où nous arrivions ! Parallèlement, par une recherche d’économies et par un gel supplémentaire, nous avons maîtrisé les dépenses de l’État. Résultat : nous sommes parvenus à éviter le dérapage du déficit nominal. Il se serait élevé à 5,5 % si nous n’avions pas pris ces mesures : il n’a été que de 4,8 %.

S’il subsiste une différence de 0,3 % entre notre cible – à savoir 4,5 % – et le résultat constaté – c’est-à-dire 4,8 % –, c’est pour des raisons qui tiennent à des événements exceptionnels, à savoir la nécessaire recapitalisation de Dexia et la nécessité d’absorber 800 millions d’euros au titre du budget européen, parce qu’il avait été décidé de sous-évaluer les crédits de paiement nécessaires au financement des politiques de l’Union et parce qu’il a fallu, à la demande de la Commission européenne, rattraper ce retard.

De plus, le déficit s’est élevé à 5,3 % en 2011 alors que l’on s’attendait à ce qu’il ne soit que de 5,2 %. Ce dixième de point a eu un impact sur le déficit de 2012.

En outre, il est vrai qu’une part de responsabilité nous incombe : notre loi de finances rectificative se fondait sur une hypothèse de croissance de 0,3 %, alors qu’en réalité la croissance a été moindre. Cet écart explique également le décalage observé entre le déficit sur lequel nous nous étions engagés et le déficit réel constaté.

Toutefois, en la matière, 2012 aura été la première année de réduction significative du déficit structurel : ce dernier a baissé de 1,2 %.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous visons un objectif de 1,8 % en 2013…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr, tout va très bien !

M. Marc Daunis. Non, mais ça va tout de même nettement mieux !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Naturellement !

Mme Nathalie Goulet. En tout cas mieux qu’avec la loi TEPA !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … et de 1 % en 2014. Ces chiffres sont incontestables ! Je comprends qu’ils gênent,…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non ! Tout va bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … puisqu’ils vont à l’encontre de la constante opération d’enfumage à laquelle nous devons faire face. (Mme Odette Herviaux applaudit.) Mais ils reflètent simplement la réalité constatée et, en matière budgétaire, on ne peut pas échapper à la réalité des chiffres !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On ne peut pas échapper à la réalité de notre dette !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Voilà pour ce qui concerne les dépenses, la fiscalité et les déficits.

Quatrièmement et enfin, j’évoquerai la croissance.

La politique de rigueur – car il faut bien la qualifier ainsi – dans laquelle nous nous sommes engagés nous éloigne-t-elle de l’investissement et de l’ambition de croissance ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappellerai simplement que ce gouvernement a lancé, en mobilisant les crédits de l’Union européenne et ses moyens propres, une stratégie d’investissement extrêmement ambitieuse.

Sur ce sujet également, je citerai des exemples concrets : la mobilisation de 20 milliards d’euros pour l’équipement numérique des territoires sur dix ans ; la volonté d’accompagner la construction de 500 000 logements sociaux à travers des efforts significatifs de réduction de la TVA sur la construction de logements sociaux neufs ; la volonté que toutes ces dispositions permettent d’accompagner la relance du bâtiment, car on sait à quel point ce secteur a un impact sur la croissance.

On pourrait par ailleurs évoquer les 120 milliards d’euros du pacte de croissance,…

M. Jean Arthuis. Ça, c’est du bidon !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … négocié au mois de juin, qui sera à l’ordre du jour du Conseil européen du mois de mai.

M. Jean Arthuis. Taratata !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce pacte de croissance représente, pour la France, un volume global d’investissements de 10 milliards d’euros.

Madame Des Esgaulx, vous vous exclamez en disant « taratata ».

M. Jean Arthuis. Non, c’est moi !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce mot ressemble pourtant moins à M. Arthuis !

Mme Nathalie Goulet. C’est un taratata global !

M. Marc Daunis. Un petit moment musical…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si vous en êtes d’accord, je vous propose de venir, lors de la prochaine réunion de votre commission des finances, présenter la déclinaison de ce plan de croissance par territoire, ce qui permettra d’en établir la traçabilité pour chacun. Ainsi, nous mettrons un terme à ce mauvais débat au sujet d’un dispositif que nous sommes les seuls à ignorer alors que l’ensemble des acteurs de la Commission européenne y travaillent. Ce plan de croissance a été inscrit à l’ordre du jour du Conseil européen du mois de mai prochain, et il a été considéré comme une chance par la plupart des pays de l’Union.

Ainsi, ce que nous faisons en termes de rigueur n’est pas mené au détriment de l’investissement, qui est un élément déterminant de la croissance dont nous avons besoin.

La politique que nous menons, et que ce pacte de stabilité matérialise, repose sur un équilibre subtil entre, d’une part, la nécessité de redressement des comptes et, d’autre part, l’exigence de croissance : sans rétablissement des comptes, il n’y aura pas de croissance, et sans croissance nous n’aurons aucune chance de restaurer dans la durée la situation de nos finances publiques, depuis si longtemps dégradée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Jacques Mézard et Alain Bertrand applaudissent également.)