Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaires :

Mmes Odette Herviaux, Catherine Procaccia.

1. Procès-verbal

2. Mise au point au sujet d'un vote

MM. François-Noël Buffet, le président.

3. Rappels au règlement

MM. François-Noël Buffet, le président, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Vincent Delahaye, Mme Cécile Cukierman.

4. Retrait de l'ordre du jour d’une question orale

5. Régime des sections de commune. – Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation ; M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois.

M. Alain Richard, Mme Cécile Cukierman, M. Pierre Jarlier, Mme Hélène Lipietz, MM. Jean-Pierre Vial, Jacques Mézard.

Clôture de la discussion générale.

Articles 1er bis à 1er quater et 2. – Adoption

Article 2 bis

Amendement n° 2 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Retrait.

Adoption de l'article.

Articles 2 ter A, 2 ter à 2 quinquies, 3 et 4. – Adoption

Article 4 bis

Amendement n° 3 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Rejet.

Adoption de l'article.

Articles 4 ter à 4 nonies. – Adoption

Article 4 decies

Amendements nos 1 et 4 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Retrait des deux amendements.

MM. Alain Richard, Jacques Mézard.

Adoption de l'article.

Article 4 duodecies (suppression maintenue)

Articles 6 et 7. – Adoption

Adoption définitive de l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

M. le rapporteur.

M. le président.

Suspension et reprise de la séance

6. Saisines du Conseil constitutionnel

7. Représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux. – Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale : MM. Alain Bertrand, auteur de la proposition de loi ; Alain Richard, rapporteur de la commission des lois ; Manuel Valls, ministre de l'intérieur.

Mme Cécile Cukierman, Jacqueline Gourault, MM. Pierre-Yves Collombat, Mme Hélène Lipietz, MM. Jean-Claude Lenoir, Alain Anziani.

M. le rapporteur.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er A (nouveau)

Amendement n° 1 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, MM. le rapporteur, Manuel Valls, ministre ; Jacques Mézard. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 1er

Amendement n° 2 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, MM. le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 1er bis (nouveau)

Amendement n° 3 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, MM. le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Rejet.

Amendement n° 5 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 4 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.

MM. le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Adoption de l’amendement n° 5, l’amendement n° 4 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Articles 2 à 6 (supprimés)

Vote sur l'ensemble

MM. Jean-Claude Lenoir, François Fortassin, Pierre-Yves Collombat.

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. Alain Bertrand, auteur de la proposition de loi.

8. Indemnité des parlementaires. – Discussion d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi organique ; Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois ; Manuel Valls, ministre de l'intérieur.

Renvoi de la suite de la discussion.

Suspension et reprise de la séance

9. Droit du consommateur à la parfaite connaissance de son alimentation. – Adoption d’une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission modifié

Discussion générale : Mme Sylvie Goy-Chavent, auteur de la proposition de résolution ; M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur de la commission des affaires économiques.

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes ; M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

MM. François Fortassin, Joël Labbé, Mme Hélène Masson-Maret, MM. Alain Fauconnier, Gérard Le Cam, Marcel Deneux, Jean-Claude Lenoir, Mme Bernadette Bourzai.

M. Stéphane Le Foll, ministre.

Clôture de la discussion générale.

Texte de la proposition de résolution européenne

Amendement n° 1 rectifié de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques ; Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Amendement n° 4 rectifié de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, Stéphane Le Foll, ministre. – Adoption.

Adoption de la proposition de résolution européenne dans le texte de la commission, modifié.

M. le président.

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

Mme Odette Herviaux,

Mme Catherine Procaccia.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Je souhaiterais faire une mise au point au sujet d’un vote. Lors du scrutin n° 222 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, notre collègue Jean-François Husson s’est abstenu, alors qu’il souhaitait voter contre.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour un rappel au règlement.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 29 bis de notre règlement.

Lors de la réunion de la commission des lois ce matin, nous avons constaté que nous rencontrions des difficultés pour examiner au fond le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ces obstacles sont liés à la densité du texte et aux nombreux amendements qui ont été déposés : plus de 550 pour le moment.

En conséquence, je soumets à votre appréciation l’idée selon laquelle la conférence des présidents pourrait acter un report du délai limite pour le dépôt des amendements en séance, prévu initialement au jeudi 23 mai, alors même que le projet de loi ne commencera à être examiné en séance publique que le jeudi 30 mai. Un report au lundi 27 mai pourrait donc constituer un élément de souplesse dans le cadre d’une discussion qui s’annonce assez délicate. Ce texte mérite en effet qu’on y consacre du temps pour en améliorer la cohérence.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Buffet. Votre déclaration sera communiquée au Gouvernement et à la conférence des présidents, dont la prochaine réunion se tiendra le mercredi 22 mai.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je comprends tout à fait la demande de notre collègue François-Noël Buffet.

Depuis le dépôt de ce texte très important, qui concerne l’ensemble de l’économie de cette nouvelle étape de la décentralisation, les métropoles en général et quelques-unes en particulier, et non des moindres puisqu’il s’agit de Paris, de Lyon et de Marseille, la commission a beaucoup travaillé. Nous avons procédé à cinquante auditions publiques que le rapporteur René Vandierendonck a complétées par de nombreuses autres auditions.

Ce matin, la commission a tenu une séance utile. Une autre réunion se tiendra ce soir, que nous avons d’ailleurs décidé de prolonger pour avancer le plus possible sur le sujet.

Plusieurs de nos collègues ont fait part de leur souhait de voir ce délai reporté. Je voudrais donc faire une suggestion qui pourrait être soumise à la prochaine conférence des présidents. Au préalable, je tiens à signaler que nous avons tenu à respecter scrupuleusement le temps prévu entre le premier examen en commission ce matin et le second qui est prévu dans quinze jours, ce qui n’est pas toujours le cas pour un certain nombre de textes.

Compte tenu du travail de nos collaborateurs et de notre rapporteur, qui devront avoir le temps d’examiner sérieusement tous les amendements, je propose donc de reporter le délai limite au vendredi 24 mai à dix-huit heures, ce qui laisse pratiquement toute la semaine pour déposer des amendements.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour un rappel au règlement.

M. Vincent Delahaye. Mon intervention a également trait au projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ce texte important, qui fait partie d’un triptyque dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, mérite en effet beaucoup d’attention.

Je souhaite donc m’associer, au nom du groupe UDI-UC, à la demande de report du délai limite pour le dépôt des amendements. Le vendredi 24 mai au soir me paraît être un bon compromis entre le délai initialement fixé au jeudi 23 mai et la suggestion d’un report au lundi 27 mai.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.

Mme Cécile Cukierman. Mon propos va dans le même sens.

Comme l’a rappelé M. le président de la commission, le projet de loi est d’une importance considérable pour l’organisation territoriale de notre pays. Or nous avons constaté ce matin, même si nous n’avons fait qu’entamer l’examen des amendements, qu’une partie du texte est en voie d’être réécrite. Il nous faut donc disposer du temps nécessaire pour nous « réapproprier » cette nouvelle première partie.

Reporter le délai limite pour le dépôt des amendements au vendredi 24 mai à dix-huit heures permettrait de donner un peu plus d’espace pour faire vivre la démocratie dans notre institution. Les membres de la commission des lois que nous sommes pourraient effectuer un véritable travail avec leurs groupes respectifs et déposer les amendements qui s’imposeraient.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Compte tenu de l’unanimité qui semble se dégager, le principe du report du délai limite devrait pouvoir être acté.

4

Retrait de l'ordre du jour d’une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 417 de M. Jean-Vincent Placé est retirée de l’ordre du jour de la séance du 21 mai 2013, à la demande de son auteur.

Acte est donné de cette communication.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
Discussion générale (suite)

Régime des sections de commune

Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à moderniser le régime des sections de commune (proposition n° 511, texte de la commission n° 541, rapport n° 540).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
Article 1er bis

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, 15 octobre 2012-15 mai 2013 : sept mois jour pour jour pour me retrouver devant vous et saluer à la fois la belle initiative des sénateurs qui ont porté ce texte visant à moderniser le régime des sections de commune et le travail constructif du Parlement, ici et à l’Assemblée nationale. Que sont ces sept mois au regard d’un régime archaïque, survivance du droit de l’ancien régime, au regard de ces contentieux multiples, complexes qui ont empoisonné trop souvent nos communes ?

Je veux ici me rappeler vos interventions de ce 15 octobre dernier, la vôtre, Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi, la vôtre, Pierre-Yves Collombat, rapporteur du texte, les vôtres bien sûr, chacune et chacun d’entre vous qui êtes ici. Vos interventions ont toutes été convergentes pour redire l’intérêt d’un texte de clarification et de simplification : rappel des âpres débats intervenus avec le « décret de partage » des communaux de la Convention ; rappel de la loi de 1884 qui a organisé la commune républicaine d’aujourd’hui ; rappel de la nécessité de retisser les liens pour unir les communautés humaines ; rappel pragmatique du nécessaire équilibre foncier de nos territoires.

J’avais à cette occasion salué le travail qui avait été celui de votre commission des lois pour introduire dans le régime particulier des sections de commune trois objectifs distincts : favoriser la gestion au nom de la section ; faire obstacle à la captation de ressources par la section et ses ayants droit, au détriment de la commune ; encourager la reprise de la propriété des biens de section, dès lors qu’ils sont délaissés, au bénéfice de la commune.

Je veux aussi saluer l’excellence des débats que nous avons eus à l’Assemblée nationale le 14 avril dernier, débats intervenus dans le parfait prolongement de l’esprit des travaux qui avaient été les vôtres. M. Morel-A-L’Huissier, rapporteur du texte, a voulu apporter quelque enrichissement, quelque précision au texte adopté dans un esprit consensuel et constructif par la Haute Assemblée.

J’avais été conduite, comme le rapporteur à l’Assemblée nationale, à redire solennellement que l’objectif de ce texte n’était en rien de vouloir « tuer » les sections de commune lorsque leur fonctionnement est parfaitement cohérent, satisfaisant, harmonieux, mais, à l’inverse, de permettre à la commune d’intervenir pour en améliorer ledit fonctionnement lorsqu’il est source de difficultés et, plus largement encore, quand la recherche des ayants droit est infructueuse.

Je crois que nous avons tous ensemble été entendus et que chacun ne verra dans le texte ici proposé en deuxième lecture que la volonté clairement déterminée d’améliorer un dispositif désuet, de faciliter les modes de gestion entre communes et ayants droit de biens sectionaux, en un mot de simplifier le droit.

À mon tour, je ne veux pas manquer de souligner la clarification apportée au statut juridique de la section de commune, personne publique, seule titulaire du droit de propriété sur les biens sectionaux, au statut d’ayant droit, électeur et éligible à la commission syndicale, à la responsabilité de la commune agissant pour le compte de la section de commune lorsque sa taille n’est pas suffisante pour justifier le recours à la commission syndicale.

Tout dans le texte qui vous est soumis tend à favoriser la notion d’intérêt général, une notion à laquelle chacun d’entre nous est particulièrement attaché : un intérêt général qui conditionne dans tous les cas la possibilité nouvelle de transfert de biens sectionaux vers la commune.

Comment ne pas insister, à cet égard, sur l’absolue nécessité qui est la nôtre ? Il s’agit d’une nécessité et d’une responsabilité partagées de veiller à l’équilibre de notre foncier et au maintien indispensable de nos terres agricoles. Faute de quoi, nous risquons de voir ces dernières se réduire comme peau de chagrin et, avec elles, nos ressources alimentaires.

Les départements, essentiellement ruraux, concernés par les dispositions de la proposition de loi mesurent chaque jour les enjeux auxquels ils sont soumis. Ils aspirent à cette maîtrise de leurs territoires ainsi qu’à une gestion équilibrée et harmonieuse de leurs terres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour ces départements, ce texte est une chance : vous la leur avez donnée. Soyez-en remerciés ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, que le Sénat a adoptée à l’unanimité en première lecture – j’ai plaisir à le rappeler –, nous revient de l’Assemblée nationale dans une rédaction améliorée.

Améliorée, elle l’a été dans la forme et par l’adjonction de dispositions relatives à des questions que nous n’avions pu qu’effleurer – je pense à la sortie de l’indivision en cas de biens affectés à plusieurs communes, aux cas spécifiques de l’Alsace-Moselle et de l’outre-mer –, tout en conservant l’esprit général ainsi que la cohérence du texte issu de notre commission des lois et en retenant les innovations que celle-ci avait apportées.

Cet esprit, je vous le rappelle en citant l’objectif que nous avions défini : « Perpétuer cette longue tradition des sections de commune, qui se perd dans le fond de notre histoire, avec tout ce qu’elle peut avoir de vivant et d’un peu étonnant pour des juristes d’aujourd’hui : de fait, il n’y a aucune raison d’empêcher ces structures de vivre, dès lors qu’elles fonctionnent bien et qu’elles donnent satisfaction ».

Contrairement à ce qui a pu être dit et à ce qui le sera encore, le but n’est pas de supprimer les sections mais tout au contraire de permettre à celles qui sont vivantes et gèrent avec soin et efficacité la propriété collective mise à leur disposition, non seulement de continuer à vivre mais de mieux vivre, avant tout en limitant les occasions de conflit avec leur commune de rattachement. À ce titre, je rappelle que le seul tribunal administratif de Clermont-Ferrand traite annuellement entre quarante et cinquante affaires relatives aux sections de commune. Il ne s’agit donc pas de supprimer un archaïsme, mais de faire revivre ce que cette tradition a de plus intéressant, ce qu’elle a de meilleur. Comment y parvenir ?

Nous avons tenté d’y aboutir en élaguant le maquis des dispositions parfois contradictoires régissant le fonctionnement des sections et leurs relations avec les communes, en clarifiant des notions faussement synonymes et parfois simplement en rappelant quelques principes de droit enfouis sous des usages illégaux, comme l’usufruit sous forme pécuniaire des biens sectionaux.

Ainsi avons-nous rappelé à la suite du Conseil constitutionnel qu’une section de commune est une « personne morale de droit public ». Les biens dont elle dispose ne sont donc pas la propriété privée indivise de ses membres, mais un bien public, transférable à une autre personne de droit public, en l’occurrence la commune, sans autre indemnisation que celle de l’usufruit perdu, lequel est obligatoirement perçu en nature, comme je viens de l’indiquer. Ainsi avons-nous précisé qui étaient les membres de la section, à savoir les habitants ayant leur domicile réel et fixe dans la commune, notion se substituant à celle d’électeur et d’ayant droit quand c’était possible.

Nous avions fait ce choix, je vous le rappelle, en partant du principe que ce qui, aujourd’hui, se rapprochait le plus de la collectivité paysanne originelle, à la survie de laquelle les biens sectionaux étaient indispensables, c’était l’ensemble des habitants de la section. J’insiste un peu lourdement sur ce point particulièrement illustratif de l’esprit du texte tel qu’il a évolué : il s’agit de retrouver, par-delà les bouleversements du monde rural, l’esprit ayant présidé, il y a bien longtemps, à la création des sections de commune et non pas de faire disparaître celles-ci.

Nous avons ainsi précisé à quelles conditions une commission syndicale peut être constituée, les relations entre la commune, le maire et la commission syndicale, notamment en matière financière, ainsi que les conditions de transfert de la propriété sectionnaire à la commune selon qu’il existe ou non une commission syndicale.

Mes chers collègues, en tout état de cause, je le rappelle, car c’est là une question très importante, il s’agit de la décision du préfet, dans un objectif d’intérêt général. Il n’est donc pas question d’attribuer un pouvoir souverain au maire pour régler ses comptes.

M. Jacques Mézard. Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Je le souligne, car on a parfois l’impression que ces dispositions sont ainsi interprétées.

Comme je l’ai dit en préambule, l’Assemblée nationale a amélioré le texte sans en modifier la logique. Le rapport donne le détail de ces modifications et cette deuxième lecture permettra d’y revenir si vous le souhaitez.

Ce résultat est le fruit d’un travail de concertation suivi avec le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Pierre Morel-A-L’Huissier, que je tiens à remercier tout spécialement et à qui je rends hommage. Il résulte également d’un travail de concertation avec le Gouvernement, et je remercie à cet égard Mme la ministre.

S’agissant de textes intéressant nos collectivités – nous sommes en plein dans le sujet ! –, on souhaiterait qu’il en soit plus souvent ainsi. J’espère à cet égard que nous aboutirons bientôt à un résultat similaire au sein de la Haute Assemblée.

Quoi qu’il en soit, la commission des lois vous propose à l’unanimité de voter conforme le présent texte qui nous revient de la chambre des députés, ce qui mettra un point final à notre travail. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souligne à mon tour la progression satisfaisante qu’a suivie la proposition de loi. Je constate que ce texte répond pour l’essentiel aux objectifs que visait M. Mézard en le déposant : simplifier le régime applicable aux biens des sections ayant une existence réelle et permettre une nouvelle affectation et une meilleure gestion des biens relevant de sections tombées en déshérence, ou connaissant à tout le moins des carences ou des difficultés de fonctionnement.

Globalement, ce texte permet de résoudre les problèmes particuliers résultant de ces situations d’abandon ou de dépérissement. À cet égard, il faut saluer les précisions apportées par l’Assemblée nationale pour résoudre les questions d’indivision, sujet qui constitue un point de contact entre le droit privé et le droit de la domanialité publique. Ces problèmes sont évidemment un facteur de complexité dont il faut se libérer.

De même, les règles régissant les droits éventuels à indemnisation ont été clarifiées. Ces indemnisations doivent être l’exception. À ce titre, la nouvelle rédaction issue de la navette est préférable.

Par ailleurs, et c’est là l’un des principaux éléments du travail accompli, le droit de propriété de la commune est consolidé dans le cas où il a été procédé à la dévolution des biens d’une ancienne section de commune. Cependant – nos collègues qui connaissent en pratique, dans leur département, la vie de ces sections, le savent bien mieux que moi –, ce droit de propriété est certes porteur d’un patrimoine et partant d’un minimum d’avantages financiers, mais il induit principalement des obligations et des charges. Dans la plupart des cas, il s’agit donc non pas d’une opération avantageuse pour les communes qui reprendront la gestion de ces propriétés collectives, mais d’une responsabilité supplémentaire au service de l’équilibre du territoire.

À l’occasion de nos débats, ceux d’entre nous qui étaient un peu novices en cette matière ont pu constater que ces dispositions régissant la situation domaniale des collectivités publiques sont en étroit contact avec des questions touchant à la politique agricole. Il s’agit notamment des usages et, le cas échéant, des obligations applicables aux zones de bois, de pâturages et d’exploitations à faible intensité.

Je le souligne sous le contrôle d’un certain nombre de spécialistes présents dans cet hémicycle : dans ce domaine, les conséquences des modifications que nous sommes en train d’apporter au régime des biens sectionaux n’ont pas nécessairement toutes été explorées. Il n’est donc pas impossible que nous ayons à y revenir à l’occasion de tel ou tel débat relevant de la politique agricole. Il n’empêche que le travail accompli a permis de résoudre un problème resté pendant depuis trop longtemps. Voilà pourquoi beaucoup de nos collègues, auxquels je me joins, préfèrent que nous procédions à un vote conforme, le but premier du présent texte étant de mettre un terme à des situations en suspens.

Mes chers collègues, il ne faut pas, au nom du perfectionnisme ou du souci d’exhaustivité, reporter encore la mise en application de règles nouvelles, qui vont largement permettre une simplification et une clarification. C’est la raison pour laquelle j’adhère à cette volonté partagée d’aboutir à un vote conforme, même si, je le répète, de menues retombées risquent d’être observées.

En conclusion, nous pouvons nous réjouir d’avoir mené un travail d’approfondissement sur ce sujet particulier en matière de gestion territoriale, qui touche souvent des collectivités et des secteurs défavorisés. À mon sens, nous avons fait œuvre utile sur le plan tant territorial que social. Qui plus est, nous y sommes parvenus dans le dialogue.

Ce texte qui, dans quelques instants, sera sans doute adopté à une très large majorité, restera emblématique d’un travail typiquement sénatorial, dont nous pourrons, les uns et les autres, être satisfaits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à débattre aujourd’hui en deuxième lecture d’une proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune.

Nous l’avons observé au fil des discussions qui ont eu lieu dans cet hémicycle en première lecture, pour les uns, les sections de commune sont un objet totalement inconnu. Pour les autres, au contraire, elles sont une réalité positive ou négative et, de fait, elles font parfois l’objet de débats passionnels.

Mme la ministre l’a rappelé, en octobre dernier le Sénat a fait sienne la proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard et des membres du groupe du RDSE visant à moderniser et à faire évoluer le régime des sections de commune.

La France compte aujourd’hui un peu moins de 27 000 sections de commune, dont 200 seulement sont dotées d’un comité syndical. Rappeler ces chiffres, c’est poser l’enjeu de ce texte. En effet, comme M. le rapporteur l’a souligné, il n’est nullement question de supprimer les sections de commune qui vivent. D’ailleurs, si tel était le cas, nous nous y opposerions.

Certes, via cette proposition de loi, nous avons beaucoup évoqué les sections de commune qui n’ont pas d’existence, celles qui posent soucis ou questions non seulement aux élus locaux mais aussi parfois aux foyers qui habitent en leur sein. Ces sections ne fonctionnent pas pour diverses raisons que je n’énumérerai pas ici. Chacune et chacun d’entre nous a des cas très précis en tête : je ne les évoquerai pas par respect.

À l’opposé, là où les comités syndicaux vivent, là où tous les foyers sont pleinement associés aux décisions du comité syndical et sont tous bénéficiaires, il n’y a aucune raison de supprimer ces structures. D’ailleurs, je le répète, tel n’est pas l’objet de la proposition de loi. En effet, lorsque les sections de commune fonctionnent, le territoire est entretenu. De plus, ces structures permettent le maintien dans les territoires ruraux – montagneux dans la plupart des cas – de femmes et d’hommes indispensables à la survie et au développement de ces espaces.

Les sections de commune constituent un exemple original et presque unique de propriété collective dont chacun est bénéficiaire. Elles doivent perdurer tant qu’elles fonctionnent et n’entravent pas le principe d’intérêt général. Cependant, ces sections-là ne sont pas les plus nombreuses. Il convenait donc d’adopter un texte relatif à l’ensemble des cas problématiques, quitte à concentrer le débat sur les sections qui ne fonctionnent pas en laissant les autres de côté.

Je crois qu’il est important de rappeler les limites de la proposition de loi, tout en soulignant son importance pour les zones qu’elle concerne.

Certains des biens situés sur les sections de commune ont été progressivement dévoyés. Avec le temps, en effet, de nombreux ayants droit ont modifié leur vocation initiale, vous y êtes revenue, madame la ministre. Beaucoup de ces biens ont ainsi quitté le patrimoine collectif pour intégrer des patrimoines privés, dont les ayants droit peuvent se partager les revenus.

Une partie de ces biens, sans doute la plus grande, a par ailleurs été laissée à l’abandon. Leur vocation première, à savoir contribuer à l’entretien des paysages et au maintien des populations agricoles, a été perdue. Dans les faits, les espaces agricoles et forestiers ne sont plus entretenus et ne permettent plus de maintenir la population sur place. Ils deviennent parfois un enjeu de pouvoir à l’origine de conflits entre foyers ou entre un ou plusieurs foyers et la commune sur laquelle ils sont situés. Ils finissent donc par constituer un handicap pour les maires désireux de maîtriser pleinement leur territoire communal et son aménagement.

Concernant ce dernier point, j’avais regretté en première lecture que, contrairement à la proposition de loi initiale, le texte de la commission ne contienne plus la disposition faisant de l’inventaire, la connaissance de l’état des lieux un service rendu au maire par le représentant de l’État dans le département. Je déplore que celle-ci n’ait pu être réintroduite à l’Assemblée nationale.

Les arguments présentés ici en première lecture et que j’ai lus dans les comptes rendus des débats de l’Assemblée nationale ne peuvent nous satisfaire en tant que législateurs. Ils font valoir que les préfectures seraient dans l’incapacité de répondre à la demande, ce que je peux entendre, car un tel travail provoquerait leur engorgement. Et pour cause, pourrions-nous dire ! Les nombreuses années de RGPP, de réduction drastique des moyens, notamment en termes de présence humaine, se traduisent de façon plus dure encore dans les préfectures et les sous-préfectures, à commencer par celles de nos départements de montagne et, plus largement, des départements faiblement peuplés. Par l’effet du nombre, la force de travail des fonctionnaires de l’État dans ces départements se trouve fortement réduite.

J’en conçois plus qu’un regret, et je tiens à le souligner durant cette deuxième lecture. En effet, dans les discussions avec les élus locaux concernés, maires et membres de conseils municipaux, cette question est la première à émerger dans les communes rencontrant des difficultés avec des sections qui ne fonctionnent pas. Une fois encore, soit le dispositif ne présente pas ou peu de difficultés, soit il ne fonctionne pas et le maire a alors besoin d’aide pour appréhender la question et maîtriser son territoire communal. Une fois de plus, les élus retrousseront leurs manches et réaliseront ce travail d’appréhension de leur territoire !

Même si cette branche, importante à nos yeux, a été coupée, nous voterons ce texte. Il doit offrir la simplification qu’attendent nombre d’élus locaux confrontés à des territoires ayant une ou plusieurs sections.

Je souhaite enfin rappeler, afin de répondre à diverses craintes dont j’ai eu connaissance, que le conseil municipal ne pourra pas décider du transfert d’une partie ou de toute la section au territoire communal. C’est le préfet qui prendra, à la demande du conseil municipal, la décision de satisfaire ou non l’intérêt général.

Il me semble important de le souligner en ce moment : les élus locaux sont responsables, mais ne peuvent pas tout. La présence de l’État, seule à même d’assurer l’équité dans l’ensemble de nos territoires, demeure indispensable afin de garantir le droit. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. ― M. Jean Boyer applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est très satisfaisant de voir cette proposition de loi relative aux biens de section revenir au Sénat pour une seconde lecture sept mois seulement après la première lecture. Je tiens d’ailleurs à remercier le groupe du RDSE et son président de leur excellente initiative.

Je crois que je peux légitimement me faire le porte-parole des nombreux élus, en Auvergne et plus largement dans les territoires de montagne, qui m’ont sollicité, interrogé, fait part de leurs inquiétudes sur cette question particulièrement complexe des biens de section. Il faut dire que la mobilisation des élus a été forte, notamment au sein de l’association des maires du Cantal, pour faire évoluer ce régime ancestral issu du droit féodal. Ce droit d’un autre temps peut non seulement provoquer des blocages importants sur le terrain en constituant, parfois, un frein au développement de la commune, mais aussi susciter de lourds contentieux dans lesquels les maires sont en première ligne et sont parfois injustement inquiétés.

Depuis des décennies, nos élus sont confrontés à cette situation litigieuse. Le législateur est intervenu à maintes reprises, notamment par la loi Montagne, puis par la loi relative aux libertés et responsabilités locales, afin de tenter de répondre aux difficultés concrètes soulevées par la gestion des biens de section. Cependant, faute de précisions et, à certains égards, de cohérence, ces évolutions ont parfois favorisé l’émergence de lourds contentieux.

Malgré la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, la gestion des biens sectionaux constitue toujours, il faut le dire, un vrai casse-tête pour les maires comme pour les juristes. Aussi est-il important d’aller plus loin et de faciliter cette gestion quotidienne par un dispositif législatif clair, qui offrira plus de marge de manœuvre aux communes et facilitera leur intervention, tout en respectant, bien entendu, les intérêts de la section et de ses ayants droit. C’est le sens de la proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune, déposée par le groupe du RDSE et son président Jacques Mézard.

Le texte initial proposait le relèvement des seuils de création des commissions syndicales, l’assouplissement du recours à la procédure simplifiée de transfert ou encore la mise en place d’un transfert à l’initiative de la commune.

Dans le cadre de la première lecture, notre commission des lois a largement étoffé la proposition de loi en élargissant son champ d’application. Ces compléments ont permis de densifier et d’améliorer le texte qui comprend désormais trois volets principaux : la possibilité de transfert à la commune de biens de section de façon très encadrée, notamment pour ceux qui sont en déshérence ; la clarification et la rationalisation du régime juridique des biens de section ; l’amélioration des conditions de leur gestion, notamment en ce qui concerne les modalités d’attribution des terres à vocation agricole et pastorale. Ces deux derniers volets sont d’ailleurs la traduction des amendements que j’avais déposés à l’issu d’un travail de rédaction mené en lien étroit avec la chambre d’agriculture et les maires du Cantal.

Le rapporteur de l’Assemblée nationale a conservé l’esprit du texte issu des travaux du Sénat tout en apportant des compléments utiles, s’agissant notamment de la nouvelle possibilité de transfert des biens sectionaux à la commune pour un motif d’intérêt général, avec le renforcement de l’information des membres de la section, la consultation de la chambre d’agriculture en cas de transfert de biens agricoles ou pastoraux et une procédure d’indemnisation des ayants droit pour la perte de jouissance.

Au terme de cette première lecture, notre commission a jugé « la présente proposition de loi équilibrée entre la défense de l’intérêt général et le maintien ou la création de garanties pour les membres de la section » et n’a donc procédé à aucune modification du texte adopté par nos collègues députés. Autrement dit, la commission nous propose un vote conforme.

Madame la ministre, mes chers collègues, les membres de l’UDI-UC adhérent pleinement à cette proposition. Nous voterons le texte tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale et de la commission des lois du Sénat. Pour quelles raisons ?

Pour nous, le texte tel qu’il est maintenant rédigé répond à l’attente des maires tout en préservant le droit des membres de la section, nouvelle appellation simplificatrice ― ce n’est pas si fréquent ! ― qui fusionne désormais les notions d’ayant droit, d’électeur et d’éligible à la commission syndicale.

Ce texte répond aussi à la démarche que j’ai engagée il y a plus d’un an avec le groupe UDI-UC en déposant une proposition de loi relative à la clarification et à l’assouplissement de la gestion des biens sectionaux, dans laquelle figurent la plupart des dispositions intégrées aujourd’hui dans cette proposition de loi. Notre texte était le fruit d’un travail collectif réalisé avec les maires du Cantal, des représentants des communes forestières et la chambre d’agriculture. Cette concertation nous avait d’ailleurs permis de dégager, de façon consensuelle, des propositions concrètes d’évolution de la loi afin de faciliter la gestion quotidienne des sections. Je tiens d’ailleurs à remercier nos collègues radicaux d’avoir rendu hommage au travail accompli en s’en inspirant fortement.

À la suite de mon audition par le rapporteur Pierre-Yves Collombat, nos propositions ont été en grande partie reprises. Nous avons donc finalement réalisé un vrai travail de coproduction efficace avec la commission des lois. À cet égard, je tiens à remercier Pierre-Yves Collombat d’avoir prêté une oreille attentive à nos travaux, et je veux saluer le travail de qualité qu’il a mené ainsi que son ouverture à l’élargissement du champ de la proposition de loi, qui nous satisfait pleinement.

J’en profite pour saluer en outre l’implication de notre collègue député Pierre Morel-A-L’Huissier, qui, comme rapporteur du texte, l’a complété avec le souci d’assurer l’équilibre entre intérêt général et intérêts particuliers, exercice plus compliqué sans doute à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Le Gouvernement a également ajouté sa pierre à l’édifice lors des débats en première lecture, notamment à l’Assemblée nationale. Il est vrai, madame la ministre, que vous êtes sensibilisée à ce sujet, car vous aviez, à l’époque, cosigné la proposition de loi du groupe du RDSE.

Le texte, tel qu’il est rédigé au terme de la première lecture, répond maintenant globalement aux difficultés concrètes qui se posent aujourd’hui à nos élus, tout en préservant les intérêts des membres de la section. Il va également dans le sens de la préservation et de la facilitation des activités agricoles par les exploitants, par deux aspects.

Tout d’abord, s’agissant de la communalisation des terres à vocation agricole et pastorale, il veille à prendre en compte l’intérêt des agriculteurs en offrant à la chambre d’agriculture la possibilité d’émettre un avis sur l’utilisation prévue des biens transférés.

Ensuite, les modalités d’attribution de ces terres ont, elles, été simplifiées et optimisées, afin de mieux prendre en compte la réalité des exploitations agricoles, notamment sur la section.

Les nombreux élus qui m’ont sollicité sur cette question m’ont tous exprimé leur satisfaction, voire leur soulagement de voir enfin inscrites dans la loi des dispositions visant à moderniser le régime des sections de commune et à faciliter la gestion des biens sectionaux. Tous m’ont assuré de l’intérêt de ce texte.

Notre volonté de voter cette proposition de loi est donc aussi confortée par la position des maires et des élus de quelque 3 000 communes concernées au quotidien par la gestion des biens de section. Le droit des biens de section fait l’objet de très peu de rendez-vous législatifs. Nous avons là une occasion précieuse de le faire évoluer, ne la manquons pas !

Il est temps, désormais, de passer à la mise en pratique. Plus tôt la proposition de loi sera adoptée par le Parlement, plus tôt les problèmes soulevés par la gestion des biens de section trouveront une solution efficace et pérenne. Aussi, mes collègues de l’UDI-UC et moi-même n’avons déposé aucun amendement afin de faciliter un vote conforme de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l’UMP, du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les biens sectionaux constituent une forme de limitation de la propriété publique afin de garantir un usage et un usufruit collectifs aux habitants du lieu. Plusieurs fois réformée au cours des trois dernières décennies, la gestion de ces biens présente toujours une complexité rarement observée, et Dieu sait pourtant si nos lois en recèlent !

Ce régime particulier, puisqu’il ne s’adresse qu’à une fraction de la population d’une commune, constitue une rupture d’égalité au sein d’une même collectivité. Ces biens produisent des richesses qui ne sont utilisées que dans l’intérêt du territoire de la section, alors même qu’ils appartiennent à la commune dans son entier.

Les anciens usagers de cette partie du territoire communal, mais non ceux qui y travaillent toujours, vont évidemment y perdre avec la communalisation d’un espace commun privatisé. Mais les habitants de la commune, eux, vont bénéficier de cette réappropriation.

Nous ne votons ici que la disparition des sections de commune qui sont des coquilles vides, car elles ne fonctionnent pas. Or c’est le cas de la plupart d’entre elles. Il semble que seules 200 sections environ fonctionnent effectivement et ont constitué un conseil syndical pour gérer la section et les rapports avec la commune. Cette proposition de loi ne les concerne donc pas.

Je me réjouis que la proposition de loi reconnaisse la nature publique de la section de commune et définisse clairement la qualité de membre de la section, qui était pour le moins floue jusqu’à présent.

Comme écologistes, l’une de nos craintes était de voir ce texte contribuer à la spéculation foncière sur les terres agricoles. L’article 4 decies, que nous proposons de renforcer, répond à cette inquiétude. Nous devrons cependant rester attentifs quant à l’application de ce texte sur plusieurs points. Il nous faudra par exemple vérifier que, lors du rattachement des biens de la section à la commune, l’information des habitants est effective et efficace. Nous devrons également vérifier que le droit à indemnisation des bénéficiaires est respecté et d’un niveau acceptable.

Au-delà de cette proposition de loi, qui n’est pas parfaite, notamment quant à la possibilité de « droit de retour » des terres à leurs anciens exploitants lorsque la commune n’entend pas les garder comme biens communaux – cela justifie que nous défendions ultérieurement quelques amendements –, nous devrions nous intéresser à la notion de biens communs, notion chère aux écologistes, et nous interroger sur l’association des citoyens à leur gestion.

Aujourd’hui, il existe un besoin réel de retisser les liens qui devraient unir toutes les communautés humaines : la prise de décisions collectives, la connaissance de l’environnement proche, la protection du cadre de vie et la vision d’avenir de l’intérêt commun sont autant d’éléments de nature à souder une société humaine, quelle qu’en soit la taille, de la plus petite commune à l’État. L’individualisme et l’égoïsme ne sont pas des valeurs qui permettent au citoyen de relever la tête en temps de crise. En revanche, en ces temps difficiles, nous avons besoin d’entraide, de solidarité et de partage. Même dans nos grandes villes, il existe des déclinaisons de ces biens communs, tels les « jardins partagés », des jardins ouvriers mis au goût du jour, avec une notion collective plus marquée encore.

Il reste en France de nombreux bois communaux ; on pourrait aisément associer les citoyens à leur gestion et leur exploitation en réactivant l’affouage. De même, les canaux d’irrigation de proximité, comme ceux qui existent dans le Briançonnais, se comblent peu à peu, la commune n’ayant pas la volonté de leur redonner leur utilité, au profit de l’appropriation sauvage de sources par les captages privés.

Il conviendrait aussi d’associer les usagers à la gestion des biens collectifs que sont les aménagements urbains, les équipements sportifs, etc. II faut redonner du sens à la consultation des citoyens, en les rendant acteurs de la gestion des affaires de leur commune, au travers, par exemple, de la gestion d’un budget participatif. Nous renforcerions alors le sentiment de confiance dans la gestion des propriétés publiques et aussi dans le rôle de l’impôt. Nous donnerions aux citoyens la possibilité de comprendre le fonctionnement des espaces publics et de prendre leur part dans l’exercice de la gestion de ces biens communs. Ce serait un premier pas vers une meilleure compréhension de la politique, celle que nous aimons et que nous servons aujourd’hui, à savoir la gestion de la res publica(Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je veux saluer l’initiative de notre collègue Jacques Mézard ainsi que le travail du rapporteur, Pierre-Yves Collombat. Cette proposition de loi constitue une étape importante, pour ne pas dire décisive, en raison de la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision du 8 avril 2011, a clarifié la nature de la section de commune, en jugeant que les électeurs disposaient non pas d’un véritable droit de propriété sur les biens ou droits concernés, mais d’un simple droit de jouissance sur les biens dont les fruits sont perçus en nature.

Nous rejoignons la position de Jacques Mézard, considérant que la réflexion sur l’avenir des sections peut être et doit être engagée, mais qu’il importe, en l’état actuel, d’éviter un contentieux très important. Aussi faut-il créer un nouveau dispositif de communalisation des biens, et tel est l’objet de ce texte.

La première question porte sur le transfert des biens.

L’interdiction définitive de constitution de nouvelles sections est un point de départ essentiel, renforcée par l’interdiction du partage des biens entre membres, disposition introduite par l’article 4 ter.

Faciliter les transferts gratuits est donc un élément positif du débat, et l’évolution de l’article 3 au cours de l’examen du texte vers plus de souplesse dans le transfert des biens, droits et obligations est donc une très bonne chose. Pour que le transfert à la commune des biens, droits et obligations d’une section de commune puisse être possible, il fallait jusqu’à présent que la commune apporte la preuve qu’elle a bien émis pendant au moins cinq ans un rôle de répartition des impôts fonciers à destination des ayants droit de cette même section. Dorénavant, il suffira à la commune d’exercer cette compétence pendant trois ans pour pouvoir réaliser le transfert gratuit.

Toujours dans le but de les faciliter, les transferts gratuits peuvent, en vertu de la législation actuelle, s’opérer lorsque moins d’un tiers des électeurs de la section a voté lors d’une consultation. Avec la présente proposition de loi, ces transferts pourront s’opérer si moins de la moitié des électeurs de la section a voté lors de la consultation.

Une dernière disposition vise à faciliter les transferts gratuits des biens, droits et obligations lorsqu’il n’existe plus de membres de la section de commune. Ainsi, l’article 4 de la proposition de loi prévoit d’insérer un article L. 2411-12-2, qui refonde la procédure de transfert de tout ou partie des biens, droits et obligations d’une ou plusieurs sections de commune situées sur le territoire de la commune dans un objectif d’intérêt général, un transfert de biens qui doit être validé par la commission syndicale.

Concernant le durcissement des conditions de réunion de la commission syndicale, la proposition de loi élargit les cas où la commission syndicale n’est pas constituée et où ses prérogatives sont exercées par le conseil municipal. Il est désormais prévu que la commission syndicale ne pourra se réunir lorsque le nombre des électeurs appelés à désigner ses membres sera inférieur à vingt, contre dix auparavant.

La deuxième question abordée tend à apporter plus de sécurité juridique.

Les dispositions de ce texte sont bien plus que simplement rédactionnelles. Elles visent à rendre la loi plus intelligible et à rendre son application conforme à son esprit.

Avant toute chose, il fallait, conformément à la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel, donner à la section de commune le statut juridique de personne morale de droit public. Dans un esprit identique, le texte prévoit d’unifier quatre notions qui ne se recouvraient pas : celles d’habitant, d’électeur à la commission syndicale, d’éligibilité à la commission syndicale et d’ayant droit. Ces dispositions de clarification ont été introduites dans les articles 1 bis et 1 quater.

Comme cela a déjà été évoqué, ce texte trouve également sa raison d’être dans la réécriture des conditions d’attribution des terres à vocation agricole ou forestière, une réécriture qui devrait permettre de limiter les contentieux. Les articles 4 decies et 4 undecies traitent notamment de la question de la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, des conditions de jouissance que l’article 4 decies précise considérablement et hiérarchise.

Enfin, la réserve foncière destinée à permettre ou à faciliter de nouvelles installations agricoles prévues à l’article L. 2411-10 du code des collectivités territoriales est supprimée.

Toujours en matière de sécurité et de transparence juridiques, la municipalité pourra désormais, en l’absence de commission syndicale, représenter la section de commune en justice.

La troisième voie est de poser une nouvelle architecture financière.

La section ne doit pas être un bouclier qui permette aux habitants des sections privilégiées d’une commune de se soustraire de leur devoir de solidarité. Cette problématique est abordée dans le texte, et il faut s’en féliciter.

L’article 4 septies autorise, une fois les besoins de la section satisfaits, l’affectation du surplus de revenus au financement d’opérations d’intérêt général, au bénéfice non exclusif de la section. Ainsi, le nouvel article L. 2412-2 du code des collectivités territoriales dispose que le conseil municipal peut financer la réalisation de travaux relevant de la compétence de la commune au bénéfice non exclusif de la section de commune par une contribution du budget de la section.

Concernant l’autonomie budgétaire réduite des sections, l’article 4 sexies prévoit, dans un esprit proche, que le conseil municipal puisse modifier le budget proposé par une section alors que rien n’était prévu auparavant en cas de désaccord entre la commune et la section : telle sera la nouvelle rédaction de l’article L. 2412-1 du code général des collectivités territoriales.

En matière de transparence financière, autre mesure phare du présent texte, l’article 2 quater prévoit l’exclusion de tout revenu en espèces au bénéfice des ayants droit, une exclusion qui sera dorénavant inscrite à l’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales.

Cette proposition de loi, qui est largement positive, constitue une étape majeure, tout en reconnaissant la réalité historique, sociale et juridique des sections communales. Elle permet à celles qui ont une véritable raison d’être et qui respectent l’esprit originel de ces sections de pouvoir s’organiser et de conserver leur autonomie. Dans le même temps, il est accordé aux communes de récupérer des biens, droits et obligations qui ne sont exercés par aucune section, d’empêcher la constitution de nouvelles sections et, enfin, d’entériner la disparition de celles qui ne respectaient manifestement pas l’intérêt général.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP apportera son entier soutien au texte proposé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte est un bel exemple de simplification et de modernisation en matière de collectivités locales. Il illustre d’ailleurs l’intérêt du lien entre mandat local et mandat national.

Mme Françoise Laborde. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Vous comprendrez que je ne peux résister au plaisir de rappeler que c’est ce lien de proximité avec le terrain qui a permis de faire émerger une proposition de loi, certes peu médiatique – ce n’est pas le genre de texte qui intéresse Le Monde, Libération ou Mediapart –, mais qui facilitera la vie de nos collectivités et donc celle de nos concitoyens.

En déposant cette proposition de loi, le groupe que j’ai l’honneur de présider avait pour objectif non seulement d’appeler l’attention du législateur sur les difficultés que rencontrent plus de 3 000 communes dans plus de trente départements – essentiellement ruraux, il faut bien le dire – dans leurs relations avec les sections de commune ou dans la gestion des biens sectionaux situés sur leur territoire, mais également de moderniser le fonctionnement des sections de commune en facilitant la tâche des maires, qui, très souvent, pendant leur mandat, rencontrent des difficultés considérables en matière de gestion des biens sectionnaires. D’ailleurs, à la fin de leur mandat, certains d’entre eux crient « halte au feu ! » Ils n’en peuvent plus et ne veulent pas se représenter tellement la tâche peut être ardue dans certains cas.

Après le vote unanime du Sénat en première lecture et le vote de l’Assemblée nationale à la quasi-unanimité – je remercie notre collègue Cécile Cukierman d’avoir indiqué que le groupe CRC a une position différente de celle du groupe communiste à l’Assemblée nationale –, notre objectif a été, en grande partie, atteint dans la mesure où le législateur a beaucoup travaillé, et bien travaillé, pour apporter des réponses satisfaisantes et juridiquement opératoires au service des élus locaux.

À cet égard, je tiens à saluer l’investissement de Mme la ministre, à l’origine cosignataire de cette proposition de loi. Son obstination constructive nous a facilité la tâche : le laps de temps qui s’est écoulé entre la première lecture et la deuxième a été relativement court. Je remercie les deux rapporteurs, Pierre-Yves Collombat, qui est devenu un spécialiste incontestable de la question, même si le département du Var a peu de biens de section, et Pierre Morel-A-L’Huissier, qui a œuvré, je tiens à le souligner à l’intention de nos collègues de l’UMP, avec un souci de l’intérêt général tout à fait évident. Tous deux ont travaillé de concert pour aboutir à un texte équilibré et, à notre sens, tout à fait pertinent.

Je tiens également à remercier mes collègues et amis cantaliens, Pierre Jarlier, sénateur, qui a beaucoup contribué à améliorer le texte par ses amendements, et Alain Calmette, député, qui a œuvré efficacement pour que ce texte soit rapidement examiné par l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’historique des sections, sauf pour souligner que cet héritage du droit féodal – il faut dire les choses telles qu’elles sont – n’a pu subsister dans notre droit moderne dans toute sa diversité qu’au prix d’un régime juridique complexe, morcelé et ambigu, qui se caractérise par une stratification des normes le plus souvent illisible pour ceux qui en sont les destinataires.

À rebours de leur finalité initiale, qui visait à donner des moyens de subsistance aux habitants des feux grâce au partage des fruits des biens mis en commun, de nombreuses sections se sont ainsi transformées avec l’usage en quasi-propriétés privées, où l’accaparement de biens publics et l’opposition d’intérêts particuliers furent souvent érigés en règle de vie contra legem.

À côté de ces dérives, la grande majorité des sections est aujourd’hui tombée en déshérence, ce qui ne simplifie pas pour autant la vie des communes chargées de gérer les biens subsistants. Il était donc évident qu’il fallait que le législateur intervienne de nouveau, après les tentatives infructueuses de rationalisation et de simplification opérées en 2004 et en 2005. La procédure de transfert, introduite en 2004, n’est ainsi aujourd’hui que peu utilisée.

Comme plusieurs orateurs l’ont rappelé, la décision du Conseil constitutionnel du 8 avril 2011 a changé la donne de manière décisive. C’est en partant du raisonnement du juge constitutionnel que nous avons souhaité, d’une part, faciliter le transfert aux communes des biens des sections tombées en déshérence et, d’autre part, mettre à la disposition des communes une nouvelle procédure de transfert à titre gratuit, sous réserve naturellement de l’indemnisation des droits de jouissance existant. Je ne dis pas que nous sommes arrivés à un texte parfait : quelques difficultés subsistent, que notre collègue Alain Richard a signalées, mais elles pourront être résolues ultérieurement.

À l’issue de la navette, la version initiale de notre proposition de loi a été largement complétée. Nous aboutissons à une réforme d’ensemble du régime des sections de commune, qui peut être résumée en deux mots : simplification et rationalisation.

La ligne directrice de cette modernisation indispensable a consisté à faciliter la gestion des sections pour parvenir à un fonctionnement apaisé des sections dynamiques et à un transfert sans heurt des biens des sections tombées en désuétude.

Je tiens à insister une nouvelle fois sur ceci : contrairement à ce que d’aucuns ont pu prétendre, il n’a pas été question de spolier les ayants droit des sections. Bien au contraire, les sections qui fonctionnent trouvent toute leur utilité dans la gestion et la mise en valeur de nos territoires ; elles doivent disposer des outils pour prospérer en bonne intelligence avec les communes.

De la même façon, il ne s’agit nullement de détourner les terres agricoles de leur affectation. Les exploitants agricoles doivent pouvoir continuer à travailler dans des conditions satisfaisantes. Cette proposition de loi le leur permettra sans difficulté, en particulier grâce aux dispositions tout à fait heureuses qui ont été introduites sur l’initiative de Pierre Jarlier.

Ainsi, cette proposition de loi prévoit de nombreuses simplifications, fruits du travail complémentaire de nos deux assemblées : consolidation du caractère public de la personnalité morale des sections, clarification de la définition des membres des sections, rationalisation de la répartition des compétences entre la commune et la commission syndicale, sans oublier la simplification des règles budgétaires, dont certains d’entre nous savent particulièrement bien avec quelle insistance elle était demandée par nos collectivités.

Elle prévoit également des avancées importantes, que les élus locaux sauront mettre à profit pour approfondir leurs politiques de développement des territoires. Je pense en particulier à l’introduction d’une procédure de sortie du régime d’indivision à la demande d’un indivisaire ; celle-ci permettra de résoudre les problèmes, parfois inextricables, qui surgissent lorsqu’une section comporte des biens sur le territoire de plusieurs communes. Je pense aussi au renforcement de la règle d’interdiction du partage des biens entre les membres de la section ou à l’affectation du produit de la vente de biens sectionaux.

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est un fait que les sections de commune sont peu connues de nos compatriotes. Reste que, là où elles existent, elles ne doivent pas affecter la vie municipale au point de devenir un sujet de litige permanent, comme c’est le cas aujourd’hui dans de nombreuses communes. La diminution progressive du nombre des sections simplifiera la vie quotidienne de milliers de maires, qui pourront pleinement se consacrer aux autres projets intéressant la vie de leur commune.

Nous ne doutons pas que, dans quelques instants, le Sénat entérinera définitivement cette grande avancée pour nos collectivités. Nous espérons qu’il manifestera la même unanimité qu’en première lecture ! (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements ou articles additionnels remettant en cause les articles adoptés conformes ou sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
Article 1er ter

Article 1er bis

(Non modifié)

I. – (Non modifié) 

bis. – L’article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un II ainsi rédigé :

« II. – Aucune section de commune ne peut être constituée à compter de la promulgation de la loi n° … du … visant à moderniser le régime des sections de commune. »

II. – Le même code est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Au 5° de l’article L. 2411-4, le mot : « électeurs » est remplacé par le mot : « membres » ;

2° bis Au dernier alinéa du même article L. 2411-4, les mots : « trois mois suivant sa convocation » sont remplacés par les mots : « deux mois suivant sa saisine » ;

3° L’article L. 2411-11 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « électeurs » est remplacé par le mot : « membres » ;

a bis) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et notifie l’arrêté de transfert à la commission syndicale lorsqu’elle est constituée, ainsi qu’au maire de la commune à fin d’affichage en mairie pendant une durée de deux mois » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « ayants droit » sont remplacés par les mots : « membres de la section » et les mots : « notamment des avantages reçus durant les années » sont remplacés par les mots : « des avantages effectivement recueillis en nature pendant les dix dernières années ».

III. – (Non modifié)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
Article 1er quater

Article 1er ter

(Non modifié)

L’article L. 2411-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 2411-2. – La gestion des biens et droits de la section est assurée par le conseil municipal et par le maire.

« Lorsqu’elle est constituée en application de l’article L. 2411-3, la commission syndicale et son président exercent les fonctions de gestion prévues au I de l’article L. 2411-6, aux articles L. 2411-8 et L. 2411-10, au II de l’article L. 2411-14, ainsi qu’aux articles L. 2411-18 et L. 2412-1 et sont consultés dans les cas prévus au II de l’article L. 2411-6 et aux articles L. 2411-7, L. 2411-11, L. 2411-12-2, L. 2411-15 et L. 2411-18. » – (Adopté.)

Article 1er ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
Article 2

Article 1er quater

(Non modifié)

L’article L. 2411-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° A Au premier alinéa, après le mot : « comprend », sont insérés les mots : « le maire de la commune ainsi que » ;

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « personnes éligibles au conseil municipal de la commune de rattachement » sont remplacés par les mots : « membres de la section », les mots : « les mêmes règles que les conseillers municipaux des communes de moins de 2 500 habitants » sont remplacés par les mots : « les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du code électoral » et la référence : « du premier alinéa » est supprimée ;

2° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« Sont électeurs, lorsqu’ils sont inscrits sur les listes électorales de la commune, les membres de la section. » ;

3° L’avant-dernier alinéa est supprimé. – (Adopté.)

Article 1er quater
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
Article 2 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 2

(Non modifié)

I. – Le premier alinéa de l’article L. 2411-5 du code général des collectivités territoriales est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La commission syndicale n’est pas constituée et ses prérogatives sont exercées par le conseil municipal, sous réserve de l’article L. 2411-16, lorsque :

« 1° Le nombre des électeurs appelés à désigner ses membres est inférieur à vingt ;

« 2° La moitié au moins des électeurs n’a pas répondu à deux convocations successives du représentant de l’État dans le département faites à un intervalle de deux mois ;

« 3° Les revenus ou produits annuels des biens de la section sont inférieurs à 2 000 € de revenu cadastral, à l’exclusion de tout revenu réel. Ce montant peut être révisé par décret. »

bis. – Après la référence : « L. 2113-23, », la fin du second alinéa du même article L. 2411-5 est ainsi rédigée : « dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, ou le conseil de la commune déléguée prévu à l’article L. 2113-12 constituent avec le maire de la commune, la commission syndicale. »

II. – L’article L. 2411-8 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du quatrième alinéa, le mot : « électeur » est remplacé par les mots : « membre, dès lors qu’il ne dispose pas d’un intérêt à agir en son nom propre » ;

2° L’avant-dernier alinéa est supprimé ;

3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Si la commission syndicale n’est pas constituée, le maire peut être habilité par le conseil municipal à représenter la section en justice, sauf si les intérêts de la commune se trouvent en opposition avec ceux de la section. Dans ce dernier cas, une commission syndicale spéciale est désignée par le représentant de l’État dans le département uniquement pour exercer l’action en justice contre la commune. Cette commission est dissoute lorsque le jugement est définitif. Les conditions de désignation de cette commission et ses modalités de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Dans le cas où le maire de la commune est personnellement intéressé à l’affaire, le représentant de l’État dans le département peut autoriser un autre membre du conseil municipal à exercer l’action en justice. » – (Adopté.)

Article 2
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Article 2 ter A

Article 2 bis

(Non modifié)

L’article L. 2411-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° A Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

1° Le 2° est complété par les mots : « autres que la vente prévue au 1° du II » ;

2° Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° Partage de biens en indivision ; »

3° Les deux derniers alinéas sont remplacés par un II ainsi rédigé :

« II. – Le conseil municipal est compétent pour délibérer sur les objets suivants :

« 1° Vente de biens de la section ayant pour objectif la réalisation d’un investissement nécessaire à l’exécution d’un service public, à l’implantation d’un lotissement ou à l’exécution d’une opération d’intérêt public ;

« 2° Location de biens de la section consentie pour une durée inférieure à neuf ans ;

« 3° Adhésion de la section à une association syndicale ou à une autre structure de regroupement foncier ou de gestion forestière.

« Lorsque la commission syndicale est constituée, elle est consultée sur le projet de délibération du conseil municipal et dispose d’un délai de deux mois pour rendre un avis. À défaut de délibération de la commission dans ce délai, l’avis est réputé favorable.

« Les actes nécessaires à l’exécution de ces délibérations sont pris par le maire. »

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans le cas d'un allotissement, l'aliénation des biens de la section est assujettie à une révision du plan d'occupation des sols ou du plan local d'urbanisme ;

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. La mort dans l’âme, la commission des lois a émis un avis négatif. La raison en est simple : nous voulons nous en tenir au mode de fonctionnement stricto sensu des sections de commune. Or le problème soulevé par l’amendement de Mme Lipietz touche à l’urbanisation, qui ne fait pas partie du champ de la proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. L’adoption de cet amendement alourdirait la proposition de loi de dispositions n’ayant rien à voir avec son objet.

M. le président. Madame Lipietz, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?

Mme Hélène Lipietz. Non, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2 bis.

(L'article 2 bis est adopté.)

Article 2 bis (Texte non modifié par la commission)
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Article 2 ter

Article 2 ter A

(Non modifié)

L’article L. 2411-7 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le mot : « nature », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « déterminées par le conseil municipal. » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « trois mois à compter de la date où elle a été saisie par le maire » sont remplacés par les mots : « deux mois à compter de sa saisine ». – (Adopté.)

Article 2 ter A
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Article 2 quater

Article 2 ter

(Non modifié)

Après les mots : « une section, », la fin de l’article L. 2411-9 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « les conseillers tenus à l’abstention sont remplacés par un nombre égal de citoyens tirés au sort par le représentant de l’État dans le département parmi les personnes inscrites sur les listes électorales de la commune, à l’exception des membres de la section. » – (Adopté.)

Article 2 ter
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Article 2 quinquies

Article 2 quater

(Non modifié)

L’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « , à l’exclusion de tout revenu en espèces » ;

2° Au cinquième alinéa, les mots : « ayants droit » sont remplacés par les mots : « membres de la section » et les mots : « la chasse notamment, dans le respect de la multifonctionnalité de l’espace rural » sont remplacés par les mots : « ou la chasse » ;

3° L’avant-dernier alinéa est supprimé ;

4° À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « des membres » sont supprimés. – (Adopté.)

Article 2 quater
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Article 3

Article 2 quinquies

(Non modifié)

L’article L. 2411-12 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° A Au premier alinéa, la référence : « premier alinéa » est remplacée par la référence : « 2° » ;

1° Au même premier alinéa, après le mot : « biens », il est inséré le mot : « , droits » ;

1° bis Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et notifie l’arrêté de transfert au maire de la commune à fin d’affichage en mairie pendant une durée de deux mois » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les membres de la section peuvent prétendre à une indemnité dans les conditions prévues à l’article L. 2411-11. » – (Adopté.)

Article 2 quinquies
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Article 4

Article 3

(Non modifié)

L’article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° A Au premier alinéa, le mot : « trois » est supprimé ;

1° Au deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « d’un tiers » sont remplacés par les mots : « de la moitié » ;

3° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« – lorsqu’il n’existe plus de membres de la section de commune.

« Dans le délai de deux mois à compter de l’arrêté de transfert, le représentant de l’État dans le département porte à la connaissance du public le transfert des biens de la section et notifie l’arrêté de transfert à la commission syndicale lorsqu’elle est constituée, ainsi qu’au maire de la commune à fin d’affichage en mairie pendant une durée de deux mois. » – (Adopté.)

Article 3
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Article 4 bis (Texte non modifié par la commission)

Article 4

(Non modifié)

Après l’article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2411-12-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2411-12-2. – Le transfert à la commune de tout ou partie des biens, droits et obligations d’une section peut être prononcé par le représentant de l’État dans le département, à la demande du conseil municipal afin de mettre en œuvre un objectif d’intérêt général.

« Lorsqu’elle est constituée, la commission syndicale est consultée sur la délibération du conseil municipal et dispose d’un délai de deux mois à compter de sa saisine pour rendre un avis au conseil municipal. Lorsque la commission syndicale n’a pas été constituée, la délibération du conseil municipal est publiée dans un journal habilité à recevoir des annonces légales diffusé dans le département et affichée en mairie pendant une durée de deux mois durant laquelle les membres de la section peuvent présenter leurs observations.

« Lorsque le transfert porte sur des biens à vocation agricole ou pastorale, la chambre d’agriculture est informée de la demande et peut émettre un avis au conseil municipal sur l’utilisation prévue par la commune des biens à transférer.

« Dans le délai de deux mois à compter de l’arrêté de transfert, le représentant de l’État dans le département porte ce transfert à la connaissance du public et notifie l’arrêté de transfert à la commission syndicale lorsqu’elle est constituée, ainsi qu’au maire de la commune à fin d’affichage en mairie pendant une durée de deux mois.

« Les membres de la section peuvent prétendre à une indemnité dans les conditions prévues à l’article L. 2411-11. » – (Adopté.)

Article 4
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Article 4 ter

Article 4 bis

(Non modifié)

Après l’article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2411-12-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 2411-12-3. – Lorsque la commune souhaite aliéner un bien transféré d’une section de commune en application des articles L. 2411-11 à L. 2411-12-2 dans un délai de cinq ans à compter de la date de publication de l’arrêté de transfert, la délibération du conseil municipal présentant les caractéristiques du bien à aliéner est affichée en mairie pendant une durée de deux mois. »

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les anciens ayants droit de la section bénéficient d'un délai de préemption de deux mois à l'issue de la fin de la période d'affichage en mairie sur les biens dont ils peuvent prouver leur jouissance dans les cinq ans précédant l'aliénation.

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Cet amendement vise à réintroduire dans la proposition de loi, comme nous en avions décidé en première lecture, un droit de retour pour les anciens ayants droit, c’est-à-dire pour les personnes qui, après avoir abandonné des sections pendant un certain temps, ont besoin d’en disposer de nouveau.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Il est exact que, en première lecture, nous avions introduit dans la proposition de loi une disposition permettant aux anciens ayants droit d’acquérir éventuellement les biens.

L’Assemblée nationale a objecté que cette mesure était trop imprécise et que le risque existait de voir plusieurs personnes revendiquer le droit de racheter les mêmes biens. Elle a donc supprimé cette disposition.

Compte tenu de tout ce que j’ai dit à propos du travail réalisé avec l’Assemblée nationale, nous n’avons pas jugé souhaitable de revenir sur cette suppression, même si, madame Lipietz, nous partagions votre intention en première lecture.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. L’Assemblée nationale a bien compris l’intention initiale du Sénat. Cependant, dans l’esprit de simplification que nous avons salué les uns et les autres, elle a considéré que, en mettant en place une information très large de l’ensemble des acteurs auprès du maire, toutes les conditions étaient réunies pour que le droit dont vous parlez, madame Lipietz, soit garanti. Aussi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Madame Lipietz, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?

Mme Hélène Lipietz. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis.

(L'article 4 bis est adopté.)

Article 4 bis (Texte non modifié par la commission)
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Article 4 quater

Article 4 ter

(Non modifié)

L’article L. 2411-14 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 2411-14. – I. – Les biens de la section ne peuvent donner lieu à partage entre ses membres.

« II. – Lorsque plusieurs sections de commune disposent d’un bien indivis ou lorsqu’une commune dispose d’un bien indivis avec une ou plusieurs sections, un indivisaire peut demander qu’il soit mis fin à l’indivision en ce qui le concerne, par notification de sa décision aux autres sections ou communes intéressées.

« Une commission commune, présidée par un délégué nommé par le représentant de l’État dans le département et composée d’un délégué de chaque section ou commune concernée élabore, dans un délai d’un an, un projet de définition du lot ou de la compensation à attribuer à la section ou à la commune. Les frais d’expertise sont à la charge de la section ou de la commune demanderesse.

« La section ou la commune reçoit, par priorité, un lot situé sur son territoire. Elle peut réclamer, moyennant une compensation en argent ou en nature, l’attribution d’un lot dont la valeur excède la part qui lui revient lorsque, pour sa bonne gestion, ce bien ne doit pas être morcelé ou lorsqu’il est nécessaire à la politique d’équipement ou d’urbanisation de la commune.

« Si une section ou une commune décide de mettre fin à l’indivision, aucun acte modifiant la valeur du bien et de ce qui y est attaché ne peut intervenir durant le délai qui s’écoule entre la demande de fin de l’indivision et l’attribution du lot constitué.

« En l’absence de notification d’un projet dans le délai d’un an prévu au deuxième alinéa du présent II ou en cas de désaccord persistant après l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date où la section ou la commune a été informée du projet établi par la commission commune, le juge de l’expropriation, saisi par l’une des sections ou des communes intéressées, se prononce sur l’attribution du lot ou sur la valeur de la compensation. » – (Adopté.)

Article 4 ter
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Article 4 quinquies

Article 4 quater

(Non modifié)

I. – L’article L. 2411-15 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° Au début du deuxième alinéa, sont ajoutés les mots : « Lorsque la commission syndicale est constituée et sous réserve des dispositions du II de l’article L. 2411-6, » ;

3° Les trois derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« En l’absence d’accord ou de vote du conseil municipal ou de la commission syndicale dans un délai de six mois à compter de la transmission de la proposition, le représentant de l’État dans le département statue, par arrêté motivé, sur le changement d’usage ou la vente. »

II. – L’article L. 2411-16 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, les mots : « Dans le cas où, en application du deuxième alinéa de l’article L. 2411-3 et de l’article L. 2411-5 » sont remplacés par le mot : « Lorsque » ;

bis) À la fin, les mots : « représentant de l’État dans le département » sont remplacés par le mot : « maire » ;

b) Sont ajoutés les mots : « dans les six mois de la transmission de la délibération du conseil municipal » ;

2° Les trois derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« En l’absence d’accord de la majorité des électeurs de la section, le représentant de l’État dans le département statue, par arrêté motivé, sur le changement d’usage ou la vente. » ;

3° (Supprimé) – (Adopté.)

Article 4 quater
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Article 4 sexies

Article 4 quinquies

(Non modifié)

L’article L. 2411-17 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un I ainsi rédigé :

« I. – Le produit de la vente de biens de la section ne peut être employé que dans l’intérêt de la section. » ;

1° bis Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Les membres de la section peuvent prétendre à une indemnité dans les conditions prévues à l’article L. 2411-11. » – (Adopté.)

Article 4 quinquies
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Article 4 octies

Article 4 sexies

(Non modifié)

L’article L. 2412-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° A Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention « I. – » ;

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le projet de budget est élaboré par la commission syndicale et soumis pour adoption au conseil municipal. Le conseil municipal peut adopter des modifications au projet présenté ; avant leur adoption définitive, celles-ci sont soumises pour avis à la commission syndicale. À défaut de délibération de la commission syndicale dans un délai d’un mois, l’avis est réputé favorable. » ;

2° Au troisième alinéa, les mots : « , en application du deuxième alinéa de l’article L. 2411-3 et de l’article L. 2411-5, » sont supprimés ;

2° bis Après le quatrième alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :

« II. – Les revenus en espèces des biens de la section et, le cas échéant, le produit de la vente de ceux-ci figurent dans le budget annexe ou l’état spécial annexé relatif à la section. » ;

2° ter A Au cinquième alinéa, la référence : « L. 143-1 » est remplacée par la référence : « L. 212-1 » ;

2° ter Au début du sixième alinéa, est ajoutée la mention : « III. – » ;

3° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : « IV. – » ;

b) Les mots : « en Conseil d’État » sont supprimés. – (Adopté.)

Article 4 sexies
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Article 4 nonies

Article 4 octies

(Non modifié)

I. – À l’article L. 2411-19 du code général des collectivités territoriales, les mots : « en Conseil d’État » sont supprimés.

II. – (Supprimé) – (Adopté.)

Article 4 octies
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Article 4 decies (Texte non modifié par la commission)

Article 4 nonies

(Non modifié)

I. – (Supprimé)

II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2112-7 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2112-7. – Les biens meubles et immeubles appartenant à la commune situés, à la date de publication de l’arrêté ou du décret prévu à l’article L. 2112-5, sur la portion de territoire faisant l’objet d’un rattachement à une autre commune ou ceux appartenant à une commune réunie à une autre commune deviennent la propriété de cette autre commune.

« S’ils se trouvent sur une portion de territoire érigée en commune distincte, ils deviennent la propriété de cette nouvelle commune. » ;

2° Les articles L. 2112-8 et L. 2112-9 sont abrogés ;

2° bis À la fin du premier alinéa de l’article L. 2112-10, les mots : « mentionnées aux articles L. 2112-7 et L. 2112-8 » sont remplacés par les mots : « prévues à l’article L. 2112-7 » ;

3° L’article L. 2242-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-2. – Lorsqu’un don ou un legs est fait à un hameau ou à un quartier qui ne constitue pas une section de commune, le conseil municipal statue sur l’acceptation de cette libéralité.

« En cas d’acceptation, la commune gère le bien dans l’intérêt du hameau ou du quartier concerné. »

III et IV. – (Supprimés) – (Adopté.)

Article 4 nonies
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Article 4 duodecies

Article 4 decies

(Non modifié)

L’article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle d’exploitation agricole ou de pâturage conclue dans les conditions prévues à l’article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime ou par convention de mise à disposition d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural :

« 1° Au profit des exploitants agricoles ayant leur domicile réel et fixe, un bâtiment d’exploitation et le siège de leur exploitation sur le territoire de la section et exploitant des biens agricoles sur celui-ci, et au profit d’exploitants agricoles ayant un bâtiment d’exploitation hébergeant, pendant la période hivernale, leurs animaux sur le territoire de la section et exploitant des biens agricoles sur ledit territoire ;

« 2° À défaut, au profit des exploitants agricoles utilisant des biens agricoles sur le territoire de la section et ayant un domicile réel et fixe sur le territoire de la commune ;

« 3° À titre subsidiaire, au profit des exploitants agricoles utilisant des biens agricoles sur le territoire de la section ;

« 4° Lorsque cela est possible, au profit de l’installation d’exploitations nouvelles. » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si l’exploitation est mise en valeur sous forme de société civile à objet agricole, les biens de section sont attribués soit à chacun des associés exploitants, dès lors qu’ils remplissent les conditions définies par l’autorité compétente, soit à la société elle-même. » ;

3° À la fin du troisième alinéa, les mots : « l’autorité municipale » sont remplacés par les mots : « le conseil municipal » ;

4° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« Le fait de ne plus remplir les conditions retenues par l’autorité compétente au moment de l’attribution entraîne la résiliation du bail rural ou de la convention pluriannuelle d’exploitation agricole ou de pâturage, notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, avec application d’un préavis minimal de six mois. »

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La commission départementale d'orientation de l'agriculture définie à l'article R. 313-1 du code rural et de la pêche maritime est consultée sur l'attribution des baux ruraux et des conventions pluriannuelles d'exploitation agricole ou de pâturage. » ;

L'amendement n° 4, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La commission départementale de la consommation des espaces agricoles définie à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime est consultée sur l'attribution des baux ruraux et des conventions pluriannuelles d'exploitation agricole ou de pâturage. » ;

La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour présenter ces deux amendements.

Mme Hélène Lipietz. La commission départementale d'orientation de l'agriculture est rarement consultée, alors qu’elle nous paraît être un organisme extrêmement utile, surtout dans les cas où des terres sont remises à la disposition des communes.

Ces deux amendements visent donc à lancer un appel au Gouvernement, afin que, lors de l’élaboration des décrets d’application, il n’oublie pas de prévoir l’intervention de cette instance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Ma chère collègue, je ne doute pas que le Gouvernement entendra votre appel lorsque les décrets d’application seront rédigés. Il n’en demeure pas moins que vos amendements sont étrangers à l’objet de la proposition de loi que nous examinons cet après-midi. Aussi la commission des lois ne peut-elle émettre qu’un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Madame le sénateur, il va de soi que le Gouvernement sera vigilant ; il donnera les instructions nécessaires pour que la commission départementale d’orientation de l’agriculture soit consultée sur l’ensemble des sujets dont nous parlons.

Je souhaite également vous rassurer : pour connaître un peu le fonctionnement de ces organismes, je sais qu’ils sont très régulièrement saisis de questions de cette nature et qu’ils rendent des avis à leur sujet.

Pour ce qui est de votre appel, je ne manquerai pas de faire le nécessaire.

Mme Hélène Lipietz. Dans ces conditions, monsieur le président, je retire mes amendements.

M. le président. Les amendements nos 1 et 4 sont retirés.

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote sur l'article.

M. Alain Richard. Il me semble utile d’appeler l’attention du Sénat et du Gouvernement sur une petite malfaçon qui entache selon moi l’article 4 decies.

Cet article, qui, me semble-t-il, a pour origine une initiative de notre collègue Jarlier, prévoit la résiliation du bail rural au cas où le preneur d’un bien de section ne remplirait pas les conditions fixées initialement par la commune ou la section.

Je faisais remarquer précédemment la contiguïté qui existe entre le droit des collectivités territoriales et le droit rural. Or, justement, on a cru bon de modifier les articles relatifs aux biens sectionaux à la fois dans le code général des collectivités territoriales et dans le code rural et de la pêche maritime, qui régit les contrats. Je crois que cela est judicieux. Seulement, les deux procédures prévues ne sont pas identiques : le code général des collectivités territoriales prévoit que la résiliation a lieu par simple envoi d’une lettre recommandée, alors que le code rural et de la pêche maritime accorde seulement à la collectivité le droit de demander la résiliation, celle-ci devant être prononcée par le tribunal paritaire des baux ruraux.

À mon sens, nous sommes en train d’adopter deux dispositions légèrement contradictoires. Je ne crois pas que cela doive retarder notre travail, mais il me semble qu’une petite mise en conformité sera nécessaire pour harmoniser les règles de résiliation prévues dans les deux codes.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Avec beaucoup d’humilité, car je n’ai pas l’expérience administrative de notre excellent collègue Alain Richard, je ne suis pas tout à fait convaincu par son raisonnement.

La procédure devant les tribunaux paritaires des baux ruraux obéit à des règles fixées à la fois par le code rural et de la pêche maritime et par le code de l’organisation judiciaire. Or, en dépit de certains arguments qui ont pu nous être expédiés par tel ou tel représentant d’association d’exploitants, il n’existe pas selon moi de difficulté en la matière.

M. le président. Je mets aux voix l'article 4 decies.

(L'article 4 decies est adopté.)

Article 4 decies (Texte non modifié par la commission)
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Article 6

Article 4 duodecies

(Suppression maintenue)

Article 4 duodecies
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
Article 7

Article 6

(Non modifié)

I. – À l’article L. 2544-3 du code général des collectivités territoriales, les mots : « et, sous réserve des droits acquis, » sont supprimés.

II. – L’article L. 2544-4 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du 2°, les mots : «, dont les produits étaient jusqu’alors partagés entre les habitants » sont supprimés ;

2° Les 3° et 4° sont abrogés.

III. – L’article L. 2544-5 du même code est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « un tiers des électeurs et propriétaires » sont remplacés par les mots : « la moitié des électeurs » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

IV. – À la fin du deuxième alinéa de l’article L. 2544-6 du même code, les mots : « nomme ses membres parmi les électeurs de la section ou, à défaut, parmi les plus imposés habitant la section » sont remplacés par les mots : « tire au sort ses membres parmi les électeurs de la section ».

V. – L’article L. 2544-8 du même code est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « aux trois quarts de l’effectif légal du conseil » sont remplacés par les mots : « à moins du tiers de ses membres » et les mots : « ou de propriétaires fonciers de la commune, éligibles au conseil municipal » sont remplacés par les mots : « tirés au sort par le représentant de l’État dans le département parmi les personnes inscrites sur les listes électorales de la commune » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

VI. – L’article L. 2544-9 du même code est abrogé. – (Adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
Vote sur l'ensemble (début)

Article 7

(Non modifié)

I. – La présente loi est applicable en Polynésie française, à l’exception de l’article 6.

II. – L’article L. 2573-58 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au 1°, la référence : « l’article L. 2412-1 » est remplacée par les références : « les articles L. 2412-1 et L. 2412-2 » ;

2° Le V est abrogé.

III. – Le second alinéa de l’article L. 151-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est remplacé par un alinéa et un II ainsi rédigés :

« La section de commune est une personne morale de droit public.

« II. – Aucune section de commune ne peut être constituée à compter de la promulgation de la loi n° … du … visant à moderniser le régime des sections de commune. – (Adopté.)

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
Vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

(La proposition de loi est définitivement adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. En cet instant, je ne peux pas ne pas remercier non seulement Mme la ministre, mais aussi nos collègues de l’ensemble du travail qu’ils ont préalablement effectué et qui a permis d’aboutir à ce vote. Des noms ont été cités, en particulier celui de Pierre Jarlier. Nous avons essayé de faire avancer les choses et, véritablement, de simplifier.

Bien sûr, ce texte n’est pas parfait. Pour autant, s’agissant du problème de l’inventaire des sections, le simple fait de préciser clairement qui est membre d’une section permettra de simplifier grandement la vie des communes dans le cadre d’éventuels contentieux.

Je le répète, en ce bas monde, rien n’est parfait. Je dirai donc, pour paraphraser un célèbre philosophe, que les ombres du tableau font ressortir la qualité des couleurs. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. le rapporteur est un grand philosophe ! (Sourires.)

M. le président. Mes chers collègues, avant d’interrompre nos travaux pour quelques instants, je salue la présence en tribune des membres d’un conseil municipal des jeunes d’une commune du Haut-Rhin.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune
 

6

Saisines du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, d’une part, par plus de soixante sénateurs, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger et, d’autre part, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

Le texte des saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux
Discussion générale (suite)

Représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux, présentée par M. Alain Bertrand et plusieurs de ses collègues (proposition n° 386, texte de la commission n° 545, rapport n° 544).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Bertrand, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux
Article 1er A (nouveau)

M. Alain Bertrand, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux que la proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux soit soutenue par l’ensemble du groupe du RDSE. J’espère que, à la fin de ce débat, je pourrai également remercier de leur soutien tous les autres groupes de la Haute Assemblée. (Sourires.)

Je ne tiendrai pas devant vous le discours traditionnel sur la ruralité ou l’hyper-ruralité, cette pépite de la République française riche de ses forces vives et de ses nombreux projets. Je ne vous dirai pas que le fait urbain est une tendance irréversible, inéluctable, qui écrabouille un peu les ruraux que nous sommes. Je me référerai plutôt à mon expérience passée de conseiller régional pour tenter de vous démontrer que la loi actuellement en vigueur rend impossible, dans certains départements, le plein exercice par les élus régionaux de leurs responsabilités.

En vertu du mode de scrutin en vigueur, les conseillers régionaux sont élus dans le cadre de sections départementales affiliées à une liste régionale, qui servent à la répartition des sièges au prorata des voix obtenues. Si ce dispositif n'avait affecté que la Lozère, j'aurais répugné à vous soumettre la présente proposition de loi. Or il touche également le Cantal, cher à Jacques Mézard, la Creuse, dont est élue notre collègue Renée Nicoux, les Hautes-Alpes, les Alpes-de-Haute-Provence, autant de départements qui sont faiblement représentés dans leurs assemblées régionales respectives.

Pourquoi dis-je qu’il est impossible pour certains conseillers régionaux d’exercer pleinement leur mandat ? Prenons l’exemple de la Lozère, le plus significatif. Le conseil régional du Languedoc-Roussillon compte 67 élus. La section départementale de vote de Lozère, elle, y compte un élu – soit 1,49 % du total des élus –, alors que ce département représente 20 % du territoire régional.

De fait, cet élu revêt une importance particulière puisqu'il est le seul représentant de son territoire et de sa population. La loi l’oblige à siéger dans tout un tas d'instances : dans les conseils d’administration des lycées – c'est très important –, dans des organismes compétents en matière d'emploi, notamment les missions locales pour l’emploi, dans les centres de formation d’apprentis, dans les instituts de formation en soins infirmiers, avec les élus de montagne, dans le comité régional du tourisme, dans les comités de massif, dans différents services publics, dont La Poste, à la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, dans les pays, dans les offices publics d’HLM, dans les schémas de cohérence territoriale, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, etc. En tout, j’ai compté 57 organismes ou instances dans lesquels le conseiller régional élu de la section départementale de vote de Lozère doit obligatoirement siéger. Puisqu’il est seul, il faut bien qu’il y aille ! Mais c’est une mission impossible à remplir.

Une région fonctionne avec une assemblée délibérante, une commission permanente et des commissions. La région Languedoc-Roussillon, autrefois présidée par l'excellent Georges Frêche et qui l’est aujourd'hui par le non moins excellent Christian Bourquin, ne fait pas exception :

Commission n° 1 : Éducation-Lycée. Il est indispensable d’y être !

Commission n° 2 : Culture-Patrimoine-Cultures occitane et catalane. C’est indispensable !

Commission n° 3 : Relations internationales-Europe-Francophonie. C’est important !

Commission n° 4 : Transport-Intermodalité-Ports de commerce-Aéroports.

Commission n° 5 : Développement économique-Développement des entreprises-Parcs régionaux d’activités économiques. Il faut y être !

Commission n° 6 : Formation professionnelle et apprentissage. Il faut y être !

Commission n° 7 : Intergénération-Santé-Jeunesse-Handicap et lutte contre les discriminations-Plan « senior »-Vie associative. Il est indispensable d’y être !

Commission n° 8 : Agriculture-Viticulture-Pêche. Il faut y être, et c’est d’ailleurs dans cette commission que je siégeais !

Commission n° 9 : Aménagement du territoire. Indispensable !

Commission n° 10 : Ruralité-Montagne-Élevage. Il faut y être !

Commission n° 11 : Tourisme. Très important dans le milieu rural, monsieur Mézard, il faut y être !

Commission n° 12 : Finances. Le nerf de la guerre : il faut y être !

Commission n° 13 : Sports. Il faut y être ! Même si les sports, monsieur le ministre, donnent parfois lieu à des comportements bien idiots dans notre République.

Commission n° 14 : Développement durable-Agenda 21-Énergie-Parcs naturels régionaux. Il faut y être !

Commission n° 15 : Eau et prévention des risques-Aqua Domitia. Chers amis écologistes, chère madame Lipietz, il faut y être !

Commission n° 16 : Habitat-Logement social. Il faut y être, et Mme Duflot m’obligerait à y siéger ! (Sourires.)

Commission n° 17 : Enseignement supérieur et recherche-Innovation-Nouvelles technologies de l’information et de l’éducation. C’est indispensable !

Mme Cécile Cukierman. Il faut y être ! (Sourires.)

M. Alain Bertrand. Commission n° 18 : Droits des femmes. (Il faut y être ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Bien sûr !

Commission n° 19 : Méditerranée. Si un Lozérien n’y est pas, ce n’est pas grave (Sourires.), même si la Lozère est le balcon de la Méditerranée.

Mes chers collègues, sachant qu’il faut trois heures de route pour rejoindre le siège du conseil régional depuis la Lozère, il est matériellement impossible à l’actuelle conseillère régionale élue de la section départementale de vote – dont je fus moi-même l’élu dans le passé – de prendre part à plus de deux ou trois de ces commissions. Parmi ces dix-neuf commissions, auxquelles doit-elle alors renoncer ?

Tout cela n'est pas sérieux et la loi actuelle ne permet pas une juste représentation du citoyen et, accessoirement, du territoire.

L’hyper-ruralité est de moins en moins audible dans les assemblées politiques, même si nous faisons le maximum pour qu’elle soit entendue. Sur quelque travée que nous siégions, nous sommes nombreux à être attachés la ruralité, laquelle trouve une oreille attentive auprès de François Hollande, de Jean-Marc Ayrault et du Gouvernement.

Le département de la Lozère ne compte qu’un seul élu tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Cela s'explique par le fait que l’élection des parlementaires doit reposer sur des bases essentiellement démographiques, comme l’a jugé en 2009 le Conseil constitutionnel lorsqu’il a censuré la disposition maintenant un minimum de deux députés par département. Ce n'est pas une bonne chose. Le Conseil constitutionnel aurait pu estimer que les députés représentaient le peuple et, accessoirement, une partie du territoire également. C’eût été une décision de bon sens, à défaut d'être une décision juridiquement correcte.

En revanche, la représentation régionale ne repose pas sur une logique identique d’expression de la souveraineté. La reconnaissance d’un fait régional est destinée à exprimer, depuis l’amorce du processus de décentralisation par les lois de 1982, l’équilibre entre la représentation de la pluralité des départements qui composent les régions et la proximité avec les électeurs. La recherche de cet équilibre est délicate et explique pourquoi trois modes de scrutin différents ont été successivement adoptés : en 1985, en 1999 et en 2003.

Les scrutins précédents, je ne le rappellerai pas par charité, avaient donné lieu à certaines mésalliances. Pour y remédier fut votée une loi en 1999, qui ne fut jamais appliquée. C’est finalement la loi du 11 avril 2003 qui a fixé le cadre juridique toujours en vigueur, en conservant les principes de régionalisation du scrutin et de prime majoritaire. Désormais, ces assemblées disposent de vraies majorités, stables, excluant toute mésalliance.

Aux termes de l’article L. 338–1 du code électoral, les sièges sont attribués à chacune des listes en proportion du nombre de voix obtenues dans chaque section départementale, c’est-à-dire dans le département. La grande particularité de ce scrutin complexe tient à ce que, si les effectifs globaux des conseils régionaux sont fixés par la loi – le tableau n° 7 annexé au code électoral –, le nombre d’élus par département n’est quant à lui pas fixe. Le code électoral se contente de fixer le nombre de candidats par section.

Ce mécanisme avait été validé par le Conseil constitutionnel, qui relevait dans sa décision du 3 avril 2003 que la conciliation entre la reconnaissance d’un fait régional, la recherche de la stabilité politique et la proximité entre élus et électeurs pouvait impliquer la variation du nombre de sièges attribués à une section d’une élection à une autre. Bien sûr, nous en prenons acte, et nous ne pouvons qu’approuver la nécessité de trouver un mode de scrutin équilibré. Toutefois, près de dix ans après sa première mise en œuvre, nous pouvons dresser un bilan critique de l’application de ce mode de scrutin.

De fait, la loi de 2003 a atteint les principaux objectifs qui lui étaient assignés : consolider l’échelon régional en tant que collectivité « montante » de plein exercice dotée d’une visibilité et d’une crédibilité, donner aux conseils régionaux des majorités claires – c’est important – et garantir la montée en puissance des politiques régionales. En revanche, on ne peut que constater que ce mode de scrutin engendre aujourd’hui une sous-représentation de plus en plus prégnante des territoires ruraux. De fait, la loi de 2003 n’a pas limité le nombre de conseillers régionaux par département : la déconnexion entre le nombre de candidats par section et le nombre d’élus in fine revient à favoriser les départements dans lesquels le nombre d’électeurs est élevé, voire très élevé.

Par ailleurs, dans la mesure où certaines régions voient leur population croître à un rythme plus élevé que celle des départements ruraux qui la constituent – la région Languedoc-Rousillon, avec Montpellier, en est un bon exemple, dont la population augmente annuellement de plusieurs milliers, voire de plusieurs dizaines de milliers d'habitants –, cela signifie à terme que ces départements ruraux, dont la population croît sur un rythme moins soutenu, n'auront bientôt plus de représentants. Or, monsieur le ministre, si cette loi était maintenue en l’état, la Lozère, par exemple, ne compterai bientôt plus aucun représentant au conseil régional. Jusqu'en 2004, nous en comptions deux ; aujourd'hui, nous n’en comptons plus qu’un seul et, dans dix ans, quoi qu’il advienne, nous n’en aurons plus.

Je suis non pas constitutionnaliste, mais un homme de bon sens. Cette loi, je le pense, est contraire à la Constitution. Si, d'aventure, quoique je ne l’envisage pas, ma proposition de loi devait être rejetée, alors Jacques Mézard et moi-même saisirions le Conseil constitutionnel afin qu’il se prononce. Une loi qui prévoit qu'une section de vote départementale pourrait, dans certaines circonstances, ne pas envoyer de représentant à l’assemblée départementale n’est pas, à mon sens, une bonne loi et est contraire à la Constitution.

Cela étant, j’espère que nous n’aurons pas à aller jusque-là et que le Sénat, suivi par l’Assemblée nationale, adoptera aujourd'hui notre proposition de loi, qui ne remet aucunement en cause la régionalisation du scrutin et la stabilité des majorités.

En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes comptent chacun quatre élus, sur un total de 123 conseillers régionaux. Mais comme ils sont moins dynamiques que la métropole marseillaise sur le plan démographique, dans quelques années, ils ne compteront plus que trois élus, puis deux, puis un seul.

En Auvergne, le Cantal n’élit que cinq conseillers sur les 47 que compte l’assemblée régionale. La Creuse n’est quant à elle représentée que par sept élus sur les 43 conseillers régionaux de la région Limousin.

En d’autres termes, le système tel qu’il existe risque à terme de priver les représentants de ces territoires, déjà défavorisés, de la possibilité d’exprimer leurs spécificités.

Cette situation est d’autant moins acceptable aujourd’hui que les territoires ruraux souffrent de nombreux handicaps structurels, sur lesquels je ne m'étendrai pas aujourd'hui. Monsieur le ministre, l’amélioration de la représentation électorale de ces territoires n’est sans doute pas la première urgence au vu de la crise économique qui frappe notre pays, au vu des difficultés qu’il rencontre, sur le plan tant de l’emploi que de la croissance, difficultés auxquelles François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault remédieront. Mais cette proposition de loi introduirait, à son niveau, une mesure de bon sens. Ne fermons pas les yeux sur ces territoires qui se sentent ignorés, mais qui contribuent au dynamisme de notre République.

Mes chers collègues, la présente proposition de loi est le fruit d’une réflexion entamée voilà quelques mois, à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires. Les membres du groupe du RDSE et moi-même avions alors déposé plusieurs amendements. L’un d’entre eux fut adopté en seconde lecture, grâce notamment au soutien du rapporteur Michel Delebarre, que je remercie ici, et de notre rapporteur d'aujourd'hui, Alain Richard, auquel je souhaite rendre hommage. Celui-ci relevait alors qu’il ne lui « semblerait pas exagérément aventureux » de voter l’amendement en question, afin de laisser au Gouvernement le temps d’expertiser l’ensemble de ses répercussions et de présenter une autre formule. C’est ce que nous faisons aujourd'hui.

Je souhaite ici également saluer notre collègue Pierre-Yves Collombat, qui a soutenu depuis le début la mesure que nous soumettons aujourd’hui au débat. À cet égard, il est dommage que nos collègues députés n’aient qu’à peine pris le temps de se pencher sur cette question. C'est une preuve supplémentaire de l'utilité du bicamérisme.

Notre amendement se voulait avant tout un amendement d’appel. En ce sens, nous avions parfaitement conscience, dès l’origine, qu’il n’aurait pu être appliqué en l’état, car nous proposions, à travers celui-ci, de revenir à la départementalisation du mode de scrutin. De ce point de vue, notre collègue de la Gironde aurait eu raison de tenir les propos qu'il a tenus, mais, aujourd'hui, il ne s'agit pas de cela.

Les effets négatifs de la départementalisation sont connus. C’est pourquoi nous voulons maintenir le scrutin régional.

Au demeurant, je rappelle qu’il peut être dérogé, pour des motifs d’intérêt général, à l’exigence de représentation assise sur des bases essentiellement démographiques, tirée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et inférée de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’était le cas dans la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui fixait un nombre plancher de quinze conseillers territoriaux par département, loi que nous avons heureusement abrogée, d'ailleurs, puisqu'elle était extrêmement néfaste pour la ruralité.

M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas mieux maintenant pour la Lozère !

M. Alain Bertrand. C'est mieux, parce que le binôme garantit une parfaite égalité entre les hommes et les femmes, une parfaite parité (Mme Gisèle Printz applaudit.), et reste proche des citoyens. La Lozère comptera désormais 26 conseillers départementaux au lieu des 25 conseillers généraux.

En toute hypothèse, il n’est donc pas excessif de vouloir modifier à la marge la stricte représentation proportionnelle de la population en se fondant sur des considérations liées à la sous-représentation de certains territoires. En outre, le Gouvernement a lui-même soutenu, il y a quelques semaines, un article du projet de loi relatif aux élections des conseillers départementaux précisant que le conseil départemental assure la représentation de la population et des territoires qui le composent.

Monsieur le rapporteur, les membres de mon groupe et moi-même vous savons gré d’avoir compris notre intention initiale et d’avoir pu utiliser votre science et votre expertise pour proposer au Sénat un dispositif opérationnel. Nous soutiendrons naturellement l’article 1er bis, qui précise que, à la suite de la répartition des sièges, si une section électorale dispose de moins de trois sièges au conseil régional, des sièges supplémentaires seront ajoutés à l’effectif du conseil régional pour atteindre le seuil de trois conseillers régionaux. Avec ce procédé, personne n’est pénalisé. Naturellement, l’attribution de ces sièges supplémentaires suivra les règles classiques du droit électoral, à savoir l’application de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

Ce relèvement ponctuel des effectifs des conseils régionaux restera marginal et n’affectera pas, en toute hypothèse, les majorités issues des urnes. Il permettra en revanche d’assurer une représentation juste et équitable de l’ensemble des territoires.

Contrairement à ce que certains de nos collègues veulent exprimer au travers des amendements déposés sur ce texte, il ne s’agit pas de faire des régions de simples instances de coordination des départements, comme c’est le cas de l’EPCI pour les communes. Le sectionnement départemental ne constitue qu’une méthode de désignation des élus, la seule permettant d’articuler la proximité entre électeurs et élus et la définition d’un intérêt général.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la région est une collectivité importante, un échelon stratégique, comme le montre la volonté du Gouvernement de lui consacrer un volet substantiel de notre droit de la décentralisation. Ce constat n’est pas nouveau, mais il justifie que les populations des diverses régions soient justement représentées, sans que soit altéré le principe d’égalité des suffrages. Les régions regroupent non seulement des hommes, mais aussi des territoires, qui forment la pluralité de la collectivité. Les composantes rurales de nos régions demeurent des réalités, même si elles tendent à s’amenuiser. Les ignorer, c’est ne pas entendre une partie de la République.

Mes chers collègues, je vous invite donc à voter la proposition de loi que vous présentent les membres du RDSE. C’est un texte de bon sens, pragmatique, qui donne un signal aux citoyens. Notre majorité est composée de parlementaires sensés qui savent, quand l’intérêt général est transversal, adopter les mesures propres à dégager de bonnes solutions. C’est aussi le message que nous devons délivrer. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. Jean-Michel Baylet. Bravo ! Compliments !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’auteur de la proposition de loi, notre collègue Alain Bertrand, a déjà indiqué les motivations de cette initiative législative et l’évolution des modalités juridiques. Je n’y reviendrai donc que de façon cursive, mais je suis sûr que vous me le pardonnerez.

Il faut partir de ce qui fait l’objet d’un accord très large au sein de notre assemblée, c’est-à-dire des principes directeurs du scrutin régional, qui, Alain Bertrand l’a rappelé, sont nés après une gestation quelque peu douloureuse. Les plus anciens d’entre nous, dont j’ai le malheur de faire partie, en ont quelques souvenirs. Manuel Valls, tout jeune conseiller régional élu en 1986, a lui aussi vécu ces péripéties…

Lorsque les conseils régionaux étaient élus par fraction départementale et à la proportionnelle sans correctif, le vote des budgets, voire l’élection du président donnaient lieu à des séquences qui n’ont pas laissé que de bons souvenirs. Après une première esquisse en 1999 – réforme qui n’a jamais été appliquée –, un nouveau mode de scrutin inspiré du mode de scrutin municipal de 1982 a été consacré. Permettez-moi de préciser avec un bref sourire que j’étais au nombre de ceux qui contribuèrent à ce mode de scrutin fondateur.

L’application de la loi de 2003 a connu une brève interruption avec l’aller-retour de 2009-2011 et la volonté d’instaurer un scrutin différent, uninominal et majoritaire, pour l’élection du conseiller territorial, qui aurait fait fonction de conseiller régional. Cette formule n’a pas prospéré. Elle a donné lieu, y compris parmi ceux qui avaient voté le texte à l’époque, à des interrogations honorables. Reste qu’elle a permis – nous y reviendrons – de préciser l’application des principes constitutionnels d’égalité du suffrage et de répartition territoriale de la représentation.

Il est intéressant de constater que, lors de l’examen récent du projet de loi sur les modes de scrutins locaux, qui a abouti au rétablissement de la loi de 2003 par une majorité qui n’était pas celle qui l’avait instaurée, les modalités de ce mode de scrutin n’ont donné lieu à aucune nouvelle proposition. Elles sont donc consensuelles.

Ces modalités reposent sur un équilibre. Les listes qui sont en concurrence portent chacune un projet régional. Elles sont le support de l’attribution des sièges : on calcule le nombre de sièges pour chaque liste, avec une prime majoritaire du quart des sièges en collationnant les résultats au niveau de l’ensemble de la région. C’est donc le suffrage de chaque électeur régional, considéré dans des conditions égales, qui décide qui aura la majorité au conseil régional et quels seront les représentants des minorités.

L’élection de listes comprenant plusieurs dizaines de sièges peut, notamment dans les régions les plus peuplées, aboutir à un sentiment d’éloignement des élus par rapport aux électeurs…

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Alain Richard, rapporteur. … auquel il peut être difficile de remédier, certains d’entre nous en ont fait l’expérience. Pour favoriser l’équilibre territorial, la proximité entre élus et électeurs, il faut essayer de réduire cette distance. Il a donc été convenu que, au sein de chaque liste, dans le respect du nombre de sièges qui lui échoit après la décision des électeurs, les postes de conseillers régionaux seraient répartis entre les sections départementales.

À ce point de mon raisonnement, permettez-moi une observation. En première année de droit constitutionnel, on apprend que, lorsqu’il doit y avoir une distribution géographique de sièges dans un scrutin, ces sièges sont répartis au prorata de la population puisque l’élu représente l’ensemble de la population et pas seulement ses électeurs : c’est le principe de la souveraineté populaire. Or, dans le cas présent, et la Constitution ne s’y oppose pas, la répartition finale des sièges entre entités géographiques se fait au prorata non pas de la population mais des suffrages exprimés, en tenant compte de l’altération possible du fait de la répartition politique des suffrages. C’est ce constat qui a mû l’initiative de nos collègues du RDSE.

Aujourd’hui, des départements peu peuplés au sein d’une région très peuplée peuvent être représentés de façon minuscule, voire microscopique. Le cas le plus emblématique est celui de la Lozère, qui n’a obtenu qu’un seul siège de conseiller régional au terme du dernier renouvellement. Si les différences de dynamique démographique entre les grands départements de la région proches du littoral, essentiellement l’Hérault, mais aussi le Gard et à certains égards les Pyrénées Orientales, devaient se poursuivre, la Lozère pourrait se retrouver sans aucun représentant.

Aujourd’hui, il n’y a pas de situation similaire. Toutefois, dans la région PACA, les Hautes-Alpes, voire les Alpes-de-Haute-Provence, compte tenu du nombre d’électeurs dans ces départements et de l’accroissement de la population dans les Bouches-du-Rhône et surtout dans les deux départements de la Côte d’Azur, pourraient à leur tour compter moins de trois représentants au sein d’un conseil régional de 123 membres.

Voilà pourquoi il semble logique de chercher une solution. Comme l’a indiqué Alain Bertrand à juste titre, l’idée de partir de sections régionales qui auraient eu de façon garantie leurs propres sièges présentait beaucoup inconvénients, même si – cette observation ne manque pas d’intérêt pour les connaisseurs de la chose électorale – c’est suivant ce système que sont élus les conseils municipaux, donc les maires, des trois plus grandes villes de France. Ils sont élus sur la base d’un fractionnement géographique, sans aucune détermination de majorité à l’échelle de l’ensemble de la ville, et sans même l’obligation pour les formations politiques de présenter des listes identiques dans tous les arrondissements. Et nous nous accommodons très bien de ce mode d’élection, ce qui prouve le caractère assez diversifié, pour ne pas dire chatoyant, de notre droit électoral et de nos habitudes politiques.

Confrontés au déficit de représentation – Alain Bertrand a fort bien expliqué les difficultés concrètes d’un seul représentant pour un département –, il nous fallait bien trouver une solution, d’où l’idée de fixer un seuil de trois conseillers.

Lors des débats en commission et au cours des échanges que j’ai pu avoir avec tous les groupes, je n’ai pas entendu de véritable contre-proposition. Aurait-il mieux valu opter pour le seuil de deux représentants ? Eu égard aux charges minimales de représentation d’un territoire, en particulier au sein des organismes relevant de la région, le chiffre de trois semble à même de faire l’unanimité, d’autant – j’y reviendrai en conclusion – qu’il n’a pas pour effet de déséquilibrer la composition des conseils régionaux.

La commission des lois, à l’unanimité, a estimé qu’il fallait un minimum de trois représentants par territoire. Si l’on retient cette idée, reste à trouver les moyens de parvenir à ce résultat sans distordre l’application du système électoral pour les élections régionales auquel nous sommes, je le crois, collectivement attachés.

Prenons l’exemple de la région Languedoc-Roussillon. Après les élections de 2010, les 67 sièges à pourvoir ont été répartis entre une majorité et des minorités selon le principe de la proportionnelle avec prime majoritaire : la Lozère n’a recueilli qu’un conseiller. Si l’on veut que ce département dispose de trois conseillers, il est proposé d’ajouter deux sièges au conseil régional. La répartition des sièges avec le scrutin à la proportionnelle et prime majoritaire serait alors calculée sur la base de 69 élus, ce qui ne créerait aucun déséquilibre entre les listes. Il en résulterait que deux sièges supplémentaires seraient attribués en application du système de majorité pondérée à l’échelle régionale. Les listes bénéficiaires de ces deux sièges supplémentaires – ou la liste bénéficiaire puisque cela peut être la même, en l’occurrence d’ailleurs, en 2010, cela aurait été la même – devront les attribuer aux candidats figurant sur la section départementale du département déficitaire. La prime majoritaire représente le quart du nombre de conseillers, soit 17 conseillers pour 67 membres. Si l’on refait le calcul sur la base de 69 membres, la prime majoritaire passerait à 18.

Il m’a donc fallu réécrire l’article afin que tout soit suffisamment clair. Dans ces conditions, ce dispositif me semble de nature à concilier le besoin de représentation d’un département à faible population et le principe d’égalité du suffrage.

J’observe que, grâce à l’initiative, par ailleurs controversée, du conseiller territorial, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser le droit en la matière. En effet, le même déséquilibre se présentait à l’intérieur des régions. Dans la mesure où la taille des cantons devait être homogène au sein de la région, la base de représentation de chaque élu devait être la même, que ce soit au sein d’un tout petit département ou du plus grand département de la région. En Languedoc-Roussillon, on se trouvait donc confronté au problème d’effectifs – c’était le plus massif – entre les conseillers territoriaux représentant l’Hérault et ceux qui représentaient la Lozère.

Comme ce système aboutissait à créer des conseils généraux soit absolument pléthoriques – dans les départements les plus importants –, soit microscopiques – dans les plus petits d’entre eux –, le Gouvernement et la majorité de l’époque ont décidé de fixer le nombre minimal de conseillers territoriaux à quinze, soit une surreprésentation substantielle en faveur des petits départements.

M. Pierre-Yves Collombat. Le ratio de cette surreprésentation est de 3,7 !

M. Alain Richard, rapporteur. Dans sa sagesse, l’opposition de l’époque a contesté ce dispositif devant le Conseil constitutionnel, qui, dans son encore plus grande sagesse, l’a déboutée, considérant qu’il était légitime et conforme à la conciliation entre, d’une part, l’égalité du suffrage et de la représentation territoriale, et, d’autre part, les nécessités de fonctionnement d’un conseil général, que l’on attribue au moins quinze sièges de conseillers territoriaux à un département, quand bien même un tel nombre de sièges ne représenterait pas le poids de ce dernier au sein de la région. Tel est le sens de la décision n° 2010-618 du Conseil constitutionnel.

Il faut rappeler – les anciens s’en souviennent – que l’instauration du conseiller territorial a donné un travail non négligeable au Conseil constitutionnel, l’amenant à rendre plusieurs décisions.

M. Bruno Sido. Pour rien !

M. Alain Richard, rapporteur. Non, monsieur Sido ! Il est toujours utile d’approfondir le droit. (Sourires.) J’en veux pour preuve que nous profitons aujourd'hui des décisions rendues alors…

Il me semble que l’on a ainsi trouvé une conciliation qui n’entraîne pas d’effet déséquilibrant significatif sur la composition des conseils généraux et qui assure une représentation minimale solidaire et équitable aux plus petits départements. Et c’est l’élu d’un département très urbain et peuplé qui vous le dit !

Mes chers collègues, nous devons nous montrer solidaires des représentants de ces départements, dont nous savons combien la mission est difficile et exigeante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Bécot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a un mois, l’Assemblée nationale adoptait définitivement le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Nos débats, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, ont été longs. Si je regrette qu’ils n’aient pu aboutir à un compromis, il me semble qu’ils ont été fructueux sur de nombreux points ; je pense notamment à la représentation des territoires ruraux.

Lors de ces discussions, j’ai pu vous dire combien j’étais attaché à la diversité des territoires qui composent notre pays. J’ai pu vous dire également le prix que j’accorde à la démocratie locale et à tous ces élus qui la font vivre, dans les conseils municipaux, départementaux et régionaux.

Monsieur Bertrand, je vous rejoins donc sur ce point essentiel : nos concitoyens, où qu’ils vivent, doivent être représentés, et bien représentés ; ils doivent connaître leurs élus.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. La proximité est un élément essentiel pour une démocratie locale forte et légitime, tellement utile pour notre pays.

J’entends donc pleinement les préoccupations que vous exprimez dans ce texte. Néanmoins, lors des débats sur le projet de loi relatif aux élections locales, j’ai pu vous faire part de mes doutes et de mes interrogations sur le dispositif proposé.

S’il est logique que je renouvelle aujourd'hui ces doutes, vous verrez que je vais le faire dans un grand esprit d’ouverture. (M. Bruno Sido s’exclame.)

Ne nions pas les difficultés que ce texte pose pour l’articulation des institutions de la démocratie locale.

Ces trente dernières années, l’affirmation progressive de la région s’est exprimée dans l’évolution du mode de scrutin. La régionalisation de ce dernier s’inscrit dans le sens de l’histoire, dans le sens de la constitution de régions ayant une identité politique forte. Elle s’inscrit aussi dans l’histoire de l’Europe, à laquelle votre groupe est si profondément attaché.

La loi de 2003 a repris trois points essentiels de la loi de 1999, qui était issue d’un projet du gouvernement de Lionel Jospin.

Premièrement, l’élection des conseillers régionaux se déroule dans un cadre régional, et non plus seulement départemental, comme le prévoyait la loi de 1985. À cet égard, je remercie le rapporteur Alain Richard de m’avoir vieilli de quelques années… (Sourires.)

Deuxièmement, le futur président, ou la future présidente, est placé en tête de liste ; il est donc connu des électeurs au premier tour et, a fortiori, au second. L’élection gagne ainsi en clarté démocratique, me semble-t-il.

Troisièmement, et enfin, une prime majoritaire de 25 % permet de stabiliser la gouvernance régionale.

Néanmoins, la confusion entre la région et le département était un facteur d’affaiblissement pour les deux institutions. C’est l’une des raisons pour lesquelles la majorité – et d’abord ici, au Sénat –, tout comme le Gouvernement, a tant combattu le principe même du conseiller territorial et a souhaité son abrogation. Je rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que votre assemblée a voté cette abrogation avant même l’élection présidentielle.

Aujourd’hui, notre démocratie locale est sortie de l’impasse du conseiller territorial. C’est l’un des apports de la réforme des élections locales que je vous ai proposée. Le département et la région restent bien évidemment des échelons complémentaires, mais ils sont de nouveau autonomes. Chaque institution a ses compétences, sa logique, et peut nouer les partenariats nécessaires. L’illusion d’un élu qui se dédoublerait entre plusieurs fonctions, entre plusieurs assemblées, est dissipée.

Monsieur Bertrand, votre liste, qui n’était pas sans faire penser à celle de Don Giovanni (Sourires.), nous a permis de prendre la mesure de la tâche incombant déjà à un élu et de montrer qu’il n’était pas possible de la rendre deux fois plus lourde.

Les rôles et les compétences sont clairement définis et donc a priori lisibles pour nos concitoyens. Là aussi, c’est un facteur de légitimité démocratique. Cette lisibilité et cette légitimité des deux échelons ne doivent pas être remises en cause.

Or, s’il était adopté, ce texte contribuerait, je le crains, à restaurer – différemment – une forme de confusion ou, en tout cas, un retour en arrière vers un mode de scrutin avant tout départemental, et non plus régional.

Si l’on comprend votre attachement aux départements, notamment au vôtre, le recul de l’identité spécifique de la région était net dans la proposition de loi initiale, puisqu’il s’agissait de revenir au système antérieur aux lois de 1999 et 2003, avec des listes présentées dans chaque département. D'ailleurs, les travaux de votre commission des lois montrent que vous avez perçu les risques d’un tel dispositif, notamment en termes de gouvernance des assemblées régionales. Les régions ont un mode d’élection spécifique : un scrutin de liste, certes, mais qui permet à une majorité de se dégager. Pourtant, la chose n’est pas toujours aisée : par le passé, certaines régions se sont révélées ingouvernables.

Un retour à un scrutin complètement départementalisé, avec un nombre minimum de trois conseillers régionaux par département et, même, avec une prime majoritaire, pourrait nous ramener à ces situations. Je suis convaincu que personne d’entre vous ne le souhaite !

Votre commission des lois, sur la proposition de son rapporteur, a eu la sagesse de vouloir éviter cet écueil. Je veux d’ailleurs saluer vos efforts, monsieur Richard : une nouvelle fois, dans ce domaine comme dans bien d’autres, vous avez su innover, proposer et être constructif.

Pour autant, certaines questions demeurent. La force d’une assemblée tient en partie à la stabilité et à la lisibilité de son mode de scrutin. À cet égard, introduire un nombre flottant de conseillers régionaux pourrait constituer un facteur de complexité pour les électeurs. Ainsi, alors que le tableau n° 7 annexé au code électoral fixe le nombre de conseillers par région, il serait, dans certaines régions, dérogé à ce critère, pour assurer la représentation de certains départements.

Enfin, monsieur Bertrand, je tiens à souligner les éventuels risques constitutionnels que pourrait comporter votre proposition de loi.

Je le répète, j’entends le souci que vous avez d’assurer la représentation des départements et des territoires ruraux, donc des populations rurales. Très concrètement, cela a été rappelé, la portée de ce texte resterait assez limitée. Il ne s’appliquerait, dans un premier temps, qu’au département de la Lozère.

M. Jean-Michel Baylet. C’est essentiel ! (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. Je reconnais que c’est déjà beaucoup !

Bien évidemment, monsieur Bertrand, j’aime beaucoup la Lozère, comme j’aime beaucoup le Tarn-et-Garonne. (Nouveaux sourires.) J’aurai l’occasion de vous le prouver dans quelques instants, de manière plus personnelle et dans une autre enceinte.

Cependant, si je n’oserais dire que cette proposition de loi est un texte de circonstance, je considère qu’elle marque l’attachement que vous portez aux départements. D'ailleurs, vous connaissant, je ne doute pas de votre capacité à faire entendre la voix de la Lozère au sein de la région Languedoc-Roussillon…

Dans l’exposé des motifs du texte est évoqué, à juste titre, le principe d’égalité du suffrage. Toutefois, c’est justement sur ce fondement que le texte risquerait d’être censuré par le Conseil constitutionnel ! En effet, le mode de scrutin issu des travaux de votre commission des lois ne me semble pas permettre de garantir l’égalité des suffrages. S’il était appliqué, au moins un département se trouverait surreprésenté au regard de la jurisprudence constitutionnelle, et ce dès les élections régionales de 2015.

Ainsi, sur la base des chiffres de la population de 2010, la Lozère bénéficierait de trois conseillers régionaux, donc d’un conseiller régional pour 25 694 habitants, alors qu’un conseiller de la région Languedoc-Roussillon représenterait, en moyenne, 38 208 habitants. La Lozère présenterait donc un écart de représentation démographique de 33 % par rapport à la moyenne régionale, ce qui ne correspond pas aux critères posés par la jurisprudence constitutionnelle.

Ce risque a d’ailleurs été bien perçu par le rapporteur. Selon lui, la fixation d’un nombre minimal de trois conseillers régionaux par département « pourrait conduire à une représentation excessive de certains départements par rapport à leur poids démographique, ce qui serait contraire à la jurisprudence, constante et ancienne, du Conseil constitutionnel, qui a toujours rappelé que la répartition des sièges devait reposer sur des bases essentiellement démographiques ».

Vous estimez que ce nombre de trois pourrait être accepté par le Conseil constitutionnel, dans la mesure où une telle exception au critère démographique serait motivée par un impératif d’intérêt général. Pour ma part, je considère qu’un risque demeure, d’autant que le Conseil constitutionnel a déjà, dans des circonstances certes différentes, censuré la fixation d’un tel seuil.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’histoire de notre démocratie locale, c’est aussi celle d’une autonomisation et d’une émancipation de chaque niveau de collectivité, par rapport à l’État, bien sûr – tel est le sens des grandes lois républicaines sur les collectivités, jusqu’aux lois de décentralisation –, mais aussi les uns par rapport aux autres.

Chaque espace a son rôle, sa pertinence. Avec l’abrogation du conseiller territorial et l’adoption du mode de scrutin binominal dans les départements, nous avons voulu donner un nouveau souffle à la démocratie départementale et, ainsi, réaffirmer pleinement la place du département. Ce souci de clarté, de répartition des rôles et des compétences, nous devons également l’avoir pour les régions ; je sais que vous en discutez aussi sur un certain nombre d’autres sujets.

Le Gouvernement connaît et partage l’attachement de votre assemblée aux territoires, les régions autant que les départements. Il connaît également votre souhait d’asseoir la démocratie locale dans les territoires et d’en assurer partout la vitalité.

Pour ces raisons, au-delà des quelques précautions que j’ai prises, et faisant confiance à la qualité de vos travaux, le Gouvernement s’en remet, sur ce texte, à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur les travées de l'UDI-UC. – M. Jean-Claude Lenoir applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédée à cette tribune sont déjà revenus longuement sur les évolutions de la désignation des conseillers régionaux, depuis 1985 jusqu’à la régionalisation marquée sacralisée au travers de la loi du 11 avril 2003.

De fait, depuis 2003, si le mode de scrutin aux élections régionales conserve des sections départementales, celles-ci sont affiliées à une liste régionale et servent à la répartition des sièges au prorata des voix obtenues. Comme le rappelle l’auteur de la proposition de loi dans l’exposé des motifs de cette dernière, seules les listes ayant dépassé la barre des 10 % des suffrages exprimés peuvent désormais se maintenir au second tour, tandis que n’accèdent à la répartition des sièges que les listes ayant recueilli 5 % des suffrages.

Monsieur le ministre, nous ne voulons pas revivre l’expérience du scrutin de l’année 1998, qui fut, pour tous, douloureuse. À la suite de cette élection, il a été prévu d’instaurer une prime majoritaire et de supprimer la départementalisation. Toutefois, c’est un raccourci d’affirmer que seul le retour à un scrutin départementalisé pour les élections régionales nous ferait revivre les événements de 1998.

Si, en raison de l'application de la loi du 11 avril 2003, un seul département a été concerné aux dernières élections régionales, plusieurs départements pourront ne compter, à l’avenir, qu'un seul représentant au sein du conseil régional, ce qui pose un problème. Alain Bertrand l’a exposé avec brio et un peu d'ironie, mais sa démonstration sur la représentation du territoire au sein des différentes instances du conseil régional et sur la possibilité d’exercer un mandat de conseiller régional au sein du département est assez réaliste.

Avec ce scrutin, je vois pour ma part une autre difficulté, celle de faire vivre la démocratie et le pluralisme démocratique. Comment un seul représentant sur le département, même s’il est rassembleur et qu’il s’efforce de faire entendre des voix diverses, pourrait-il exprimer par son simple vote le reflet de la diversité démocratique d’un territoire ?

La commission a souhaité supprimer la redépartementalisation initialement proposée. Ce n'était pas le moment, pas plus que cette proposition de loi ne constituait le véhicule adéquat. Cependant, le groupe CRC reste ouvert à un réexamen du mode de scrutin des élections régionales, afin de le rendre beaucoup plus lisible aux électeurs.

Monsieur le ministre, le mode de scrutin a gagné en clarté auprès des électeurs en raison de la présidentialisation qu’il permet. Si, aujourd'hui, une grande partie des électeurs – je n'ose parler de tous – peuvent faire le choix entre tel ou tel candidat à la présidence du conseil régional, la question de la connaissance et du choix des différents conseillers régionaux pour les six ans qui viennent reste posée.

Le scrutin actuel demeure peu lisible, la représentation départementale étant fonction de la part prise par le département dans le score final. Cela conduit à ce qu’un département – peut-être plusieurs, demain – n'ait qu'un seul représentant. Dans de nombreuses régions – je l'ai vécu au sein de la région Rhône-Alpes pour le département de la Loire –, certains départements, d'une élection à l'autre, « gagnent » ou « perdent » un ou deux conseillers régionaux, ce qui, en termes de lisibilité, ne permet pas de réconcilier le citoyen avec cette élection et ce mandat.

La proposition du rapporteur d’assurer que tous les départements auront dorénavant au moins trois élus ne règle pas la question de la lisibilité, mais permet tout de même une avancée forte pour la représentation de chacun des départements.

Enfin, permettez-moi de relever un point : ce qui nous est proposé aujourd’hui, et que nous voterons, c’est que, en cas de besoin, il puisse y avoir trois sièges minimum en plus des sièges initialement prévus pour composer l’assemblée régionale. Cette mesure constitue une véritable ouverture. Elle permet d’inscrire dans le droit électoral le principe de sièges correctifs. Elle va dans le sens de la proposition, que nous avons soutenue et débattue ici, d’un scrutin mixte majoritaire rééquilibré par la proportionnelle avec une liste départementale. Nous avons eu cette discussion lors du débat sur les modes de scrutins locaux, notamment à propos de l’élection des conseillers départementaux.

Nous nous réjouissons que ce principe correctif, pour des questions démographiques et de représentation du pluralisme, soit pris en compte et puisse entrer en vigueur. J'entends que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. En tout état de cause, nous voterons pleinement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai brève, M. le rapporteur nous ayant fait un véritable cours, dans le sens positif de ce terme. Sa pédagogie était absolument parfaite ! (Sourires.)

La proposition de loi repose sur l'idée d'équité dans la représentation des départements au sein de la région.

Le ministre a soulevé un certain nombre d’objections légitimes ayant trait à l’expression du vote populaire. Néanmoins, pourquoi ne pas estimer que les départements doivent être représentés pour la simple raison que l’on a créé des sections départementales ? Si tel n’avait pas été le cas, on en serait resté à un scrutin purement régional.

Malgré les inconvénients soulevés par M. le ministre, dont je mesure bien toute la portée, il me semble que cette proposition de loi vise à assurer une certaine équité dans la représentation de l’ensemble de nos territoires.

C’est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, le mode de scrutin régional a mis du temps à se stabiliser : pas moins de trois modes de scrutin, dont un mort-né, en cinq élections ! Outre la représentation de la diversité des opinions, il s’agissait de faciliter l’émergence de majorités de gestion, ainsi qu’un sentiment d’appartenance régionale, condition de possibilité d’un projet de développement ne se résumant pas à la somme des projets départementaux.

Le système adopté en 2003 semble avoir donné satisfaction, puisque si la nouvelle majorité a innové – ô combien ! – en matière d’élections départementales et modifié substantiellement le scrutin municipal, elle s’est bien gardée de toucher au mode d’élection des conseillers régionaux. Celui-ci a donné satisfaction en termes de résultats électoraux, certainement. Toutefois, ce fut au prix d’une grande complexité et en continuant à ignorer que ce mode de scrutin peine à assurer la représentation des territoires ruraux dans les départements où la répartition de la population est très hétérogène, à garantir une représentation minimale des départements ruraux au sein des régions où l’écart démographique entre départements est très grand.

Je développerai ces différents points.

Tout d'abord, le système est complexe. Il n’est pas immédiatement compréhensible, en effet, que le nombre de conseillers régionaux élus dans un département soit différent du nombre de sièges potentiel dont celui pourrait disposer, et qui varie d'ailleurs d’une élection à l’autre.

Il est encore plus surprenant que ce mode de scrutin permette l’élection du personnel politique d’un département dans un autre. Je citerai l’exemple de mon département, le Var.

En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, deux Varois sont élus, l’un au titre des Bouches-du-Rhône, l’autre des Alpes-Maritimes, et, en contrepartie, une conseillère des Alpes-de-Haute-Provence est élue au titre du Var. Il ne s’agit pas de conseillers flottants, pour reprendre l’expression qui a été citée, mais au minimum de conseillers itinérants ! Je vous avoue que l’électeur a un peu de mal à s’y retrouver…

Vous le savez, mes chers collègues, un tel « mercato » est seulement à la portée d’appareils partisans bien rodés, ce qui peut expliquer, au moins en partie, l’attachement à ce mode de scrutin qui interdit, de fait, les candidatures et les listes indépendantes.

Il est difficile d’assurer la représentation des territoires ruraux dans les départements où la population est répartie de manière très hétérogène.

Pour reprendre l’exemple de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les résultats des élections de 2010 montrent une sous-représentation au conseil régional des zones non densément urbanisées dans le Var et les Alpes-Maritimes. Ce n’est pas le cas dans les Bouches-du-Rhône, ni dans le Vaucluse.

Dans le Var, sur treize élus de gauche, neuf sont issus de la communauté d’agglomération toulonnaise, trois du reste du Var littoral, dont deux de la communauté d’agglomération Fréjus-Saint-Raphaël. Un seul sur treize est issu du Var intérieur, et encore est-ce d’une ville, Brignoles.

Même tableau à droite, dont un seul élu sur huit représente le Var intérieur, le président de la communauté d’agglomération dracénoise, qui compte 100 000 habitants. C’est un résultat qui ne s’explique ni par un déficit de population ni par un manque de supporters, je suis prêt à en faire la démonstration, qu’il s’agisse de la gauche et encore plus de la droite !

Il est difficile d’assurer une représentation minimale des départements ruraux dans les régions où l’écart entre le département le plus peuplé et le moins peuplé est fort, ce qui est spécifiquement l’objet de la proposition de loi de notre collègue Alain Bertrand.

Dans ces régions, telles que le Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur, faute d’un nombre minimal de sièges attribué aux départements, l’application de la proportionnelle à une population en évolution pourrait aboutir à ce que certains n’aient plus du tout de représentants au conseil régional.

À cela s’ajoute, Alain Richard l’a rappelé tout à l’heure, le mode de répartition des sièges entre sections départementales. Je n’y reviens pas.

Constatons que les trois conseillers régionaux de la Lozère d’avant la réforme de 2003 n’étaient plus que deux en 2004 et un seul en 2010, tandis que les Alpes-de-Haute-Provence, qui disposaient de cinq représentants avant la réforme de 2003, doivent se contenter de quatre représentants aujourd’hui.

Le risque, c’est que l’évolution démographique ne diminue encore la représentation de ces petits départements, voire ne la réduise à néant, ce qui serait paradoxal à l’heure où la région est censée jouer un rôle plus stratégique dans le développement des territoires.

Constatons enfin, autre paradoxe, que feu la réforme de décembre 2010, avec ses quinze conseillers territoriaux minimum par département, même au sein de conseils régionaux généralement plus nombreux, était autrement plus favorable aux départements ruraux.

À ce propos, cela a été souligné mais je ne me lasse pas d’insister, le Conseil constitutionnel avait validé la disposition, ce qui tendrait à prouver que des accommodements avec le principe de la « représentation essentiellement proportionnelle », éteignoir commode de toute discussion de la parole officielle, sont possibles. Je rappelle tout de même que le Conseil constitutionnel a validé un rapport démographique de 1 à 3,7 pour les départements de la région Languedoc-Roussillon. Ce n’est pas 20 %, 30 % ni 33 % !

La proposition d’Alain Bertrand entend être une réponse à ces difficultés aussi souvent occultées que bien réelles. Le problème, cela a été dit, c’est qu’elle crée d’autres difficultés. Notamment, en départementalisant l’élection, elle fait disparaître le caractère régional de celle-ci. C’était le principal défaut de la réforme de décembre 2010, qui transformait le conseil régional en réunion de conseils généraux.

Personnellement, j’aurais préféré que la suppression du conseiller territorial ait été suivie d’un réexamen du mode de scrutin non seulement départemental, mais aussi régional, car il y a des raisons de revenir sur ce dernier. Je l’avais dit alors, avec le succès que l’on sait.

La tâche est donc toujours devant nous, mais il n’y a aucune chance qu’elle soit traitée aujourd’hui, d’autant que l’on approche des élections.

C’est pourquoi la proposition réaliste de notre rapporteur et de la commission des lois mérite à mon sens d’être soutenue. Elle ne règle, certes, qu’un aspect d’un seul problème – garantir une représentation minimale des départements dans les conseils régionaux –, mais sa parfaite compatibilité avec la logique du système existant la rend facilement applicable. Elle apporte une amélioration qui est tout à fait intéressante. Je crois que, en la votant, nous ferons tous acte utile. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste. – M. Christian Favier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons nous prononcer aujourd’hui sur un texte de nos estimés collègues radicaux concernant la modification de la représentation des départements au sein du conseil régional.

Notre pays est devenu le spécialiste européen, voire mondial, de la diversification et de la complexification des modes de scrutin. Après avoir consacré, dans la douleur, le scrutin binominal majoritaire à deux tours, voilà que nous revenons sur le mode de scrutin régional, qui pourtant fonctionne plutôt bien depuis sa dernière réforme, en 2003.

Le scrutin de liste paritaire à deux tours est l’outil que nous, les écologistes, préférons, non pas parce qu’il nous est favorable, mais parce qu’il permet l’expression des sensibilités politiques dans leur pluralité au sein des organes délibérants, et ainsi une amélioration de la qualité du travail de ces organes et du contrôle des exécutifs régionaux.

Malheureusement, notre vision n’est pas aussi largement partagée que nous aurions pu l’imaginer. Le Gouvernement a préféré verrouiller les départements par le scrutin binominal majoritaire plutôt que de donner naissance à une évolution souhaitable pour la cohérence de nos institutions et souhaitée par nos concitoyens pour leur représentation.

Concernant les régions, nous défendons une vision similaire à celle que nous avons pour les intercommunalités. Il nous semble évident que le projet politique qui se construit pour une région doit surmonter la notion de concurrence entre les territoires que nous favorisons aujourd’hui en multipliant les échelons locaux, aussi bien en termes électifs qu’en ce qui concerne les compétences.

Il est temps de donner des pouvoirs élargis aux régions pour l’élaboration des stratégies territoriales de l’action publique et de soutien à l’initiative privée. Nous ne pouvons plus nous permettre de mettre en concurrence, de mille manières différentes, les communes, les intercommunalités, les départements et les régions.

Quoi que certains puissent en penser, le mode de scrutin participe de ces logiques. Il est intéressant d’observer que, dans le scrutin régional actuel, et c’est un cas unique dans nos processus électoraux, le nombre de sièges attribués dans chaque département dépend du nombre de voix obtenues et non de la population des départements qui ne sont et ne font pas la région, mais qui procèdent d’un simple principe de découpage électoral permettant d’élire les conseillers régionaux.

Ce mode d’élection rappelle que l’intérêt régional n’est pas l’agrégation des intérêts départementaux, que la région est une collectivité distincte des départements que son territoire englobe, avec un intérêt collectif distinct.

Les élus d’une section départementale peuvent très bien aller dans des lycées d’un autre département, pour revenir sur un point qui a tout à l'heure été évoqué. Ainsi, lorsque j’étais conseillère régionale, je siégeais dans le Val-de-Marne et à Paris.

M. Alain Bertrand. C’est pratique !

Mme Hélène Lipietz. Je sais que j’étais la seule à le faire, mais il me paraissait important de réaffirmer le fait régional au travers de cette migration d’un département à l’autre.

Cependant, la complexité du scrutin régional, par l’utilisation des sections départementales, et son imprévisibilité en termes de nombre d’élus dans chaque département en font un scrutin difficile à saisir dans le détail par nos concitoyens.

On peut se demander si prévoir qui sera élu dans chaque département pour aller siéger à la région n’intéresse pas plus les candidats eux-mêmes de chacune des listes que les citoyens. En effet, pour ces derniers, la région n’est peut-être pas le lieu de défense de certains types de territoires comme les départements, mais plutôt une assemblée délibérante, porteuse d’un projet à l’échelon régional, comme l’organisation des transports, qui ne s’arrête pas aux limites des départements.

Je ferai remarquer que les électeurs des départements qui seraient moins ou peu représentés au sein de l’assemblée régionale sont pourtant bien représentés par les élus des opinions pour lesquelles ils ont voté. Lorsqu’ils ont voté pour tel ou tel groupe politique, c’est bien celui-ci qui va se retrouver représenté à la région.

M. Alain Richard, rapporteur. C’est plaider pour l’élu hors-sol !

Mme Hélène Lipietz. Aujourd’hui, au travers de ce texte, il nous est proposé de renforcer la représentation de certains départements. Je le répète, les élus représentent non pas des territoires mais des citoyens. Ce ne sont pas les départements qui élisent, mais les électeurs. De même, dans certaines villes, des quartiers ne sont pas représentés au sein du conseil municipal, ce qui pose un problème pour les élections municipales. Pourtant, les conseillers municipaux du centre-ville se rendent dans les quartiers périphériques, et inversement.

M. Alain Bertrand. Les situations sont différentes : les départements sont parfois à deux heures trente de distance en voiture, à quatre heures et demie par le train !

Mme Hélène Lipietz. Certes, mais dans les villes les différents quartiers et leurs électeurs ne sont toujours pas représentés.

De plus, l’impact de cette proposition de loi est extrêmement faible. On estime que seulement deux sièges de conseillers régionaux seraient créés pour l’ensemble de la France. On peut donc s’interroger sur l’opportunité de faire des lois pour élire deux conseillers régionaux de plus.

M. Alain Bertrand. Cela s’appelle la solidarité !

Mme Hélène Lipietz. Pour ces raisons, les écologistes ne voteront pas ce texte.

Mme Françoise Laborde. On le fera savoir !

Mme Hélène Lipietz. Vous le ferez savoir, ma chère collègue, mais la solidarité peut s’exprimer d’une autre façon !

M. François Fortassin. On le voit tous les jours ! (Sourires sur certaines travées du RDSE.)

Mme Hélène Lipietz. Nous nous inscrivons également contre le principe, de plus en plus souvent évoqué, de représentation des territoires, auquel nous préférons celui de représentation des citoyens.

Mes chers collègues, certains d’entre vous ont reproché aux écologistes de ne pas proposer de solutions de substitution. Je vous promets donc que nous déposerons une proposition de loi ambitieuse pour une réforme de notre organisation territoriale, dans le sens de plus de démocratie, de justice et d’écologie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (MM. Philippe Bas et Rémy Pointereau applaudissent.)

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je porte ici la voix du groupe UMP, qui va adopter le texte de la commission des lois, mais qui m’a demandé de formuler un certain nombre d’observations, auxquelles je souscris d’autant plus que je les ai, pour l’essentiel, inspirées. (Sourires.)

Mme Jacqueline Gourault. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !

M. François Fortassin. Quelle modestie !

M. Jean-Claude Lenoir. En ce qui concerne les élections régionales, il faut observer que, depuis moins de trente ans, le système de désignation des représentants au conseil régional a connu de véritables hoquets.

La loi de 1985, qui s’est appliquée en 1986, a produit des effets attendus : ceux qui espéraient gagner dans une région donnée ont gagné ; ceux qui pensaient perdre ont perdu. Le résultat n’a donc finalement surpris personne.

Les choses se sont quelque peu compliquées en 1992 et aggravées en 1998, non pas à cause du système électoral, mais en raison de l’évolution des forces politiques dans notre pays, qui a eu pour conséquence de réduire les majorités, quel qu’ait été le camp du vainqueur.

Un certain nombre de lois ont été adoptées – nous en sommes à la cinquième – et deux d’entre elles n’ont pas été appliquées. C’est le cas de celle de 1999. Quant à l’autre, monsieur le ministre, vous en avez parlé, elle a été adoptée par l’Assemblée nationale en dernière lecture le mois dernier, mais elle n’est pas encore parue au Journal officiel, puisque, à ma connaissance, le Conseil constitutionnel n’a toujours pas rendu sa décision.

Demain ou après-demain, si le présent texte est adopté, on comptabilisera donc cinq lois relatives à la désignation des conseillers régionaux.

Ce n’est pas tout à fait surprenant, dans la mesure où la région est une nouvelle collectivité ; c’est la plus jeune. Elle a pu s’affirmer avec des majorités cohérentes, avec des exécutifs qui ont donné la pleine mesure de leur talent, je le dis devant René Garrec qui a présidé le conseil régional de Basse-Normandie pendant dix-huit ans.

Aujourd'hui, on est amené à dresser un constat mitigé, qui se retrouve spontanément sous la plume de notre collègue Alain Bertrand.

Il est clair, ainsi que le ministre l’a relevé, que sa proposition de loi est un plaidoyer pro domo. J’ai beau chercher, il m’apparaît que seule la Lozère est actuellement concernée par le problème qui a été posé… Toutefois, comme nous avons tous beaucoup de sympathie pour ce département et pour ses représentants, nous regardons avec une grande attention les propositions qui sont faites et nous écoutons les arguments qui sont défendus par le représentant de la Lozère à la Haute Assemblée.

Monsieur Bertrand, vous déplorez qu’il n’y ait qu’un conseiller régional pour représenter la Lozère. Je vous ferai très malicieusement remarquer que, en laissant la loi instaurant le conseiller territorial s’appliquer, vous auriez eu non pas un, mais quinze conseillers régionaux pour défendre les intérêts du département de la Lozère au siège de la région.

M. Philippe Bas. Exactement !

M. Jean-Claude Lenoir. Cela étant, vous avez posé un problème auquel nous devons être d’autant plus attentifs que, comme le ministre et le rapporteur l’ont relevé, nous risquons de voir des départements moins bien représentés. Il faut donc éviter d’avoir à revenir trop souvent sur les textes qui concernent la région. Il vaut mieux parer à toute éventualité et, à cet égard, l’inspiration de ce texte, je le dis comme je le pense, était excellente ! J’en viens aux modalités de sa mise en œuvre.

Il ne faut pas s’en tenir au seul département de la Lozère, et éventuellement au Cantal ou aux Alpes-de-Haute-Provence. Mon propre département, l’Orne, a découvert, à l’issue des élections de 2004, qu’il perdait un représentant à la région, puisque la répartition se faisait ainsi.

Mme Cécile Cukierman. C’est pareil dans la Loire !

M. Jean-Claude Lenoir. J’ajoute que, malgré tout, mon département était celui qui avait, proportionnellement, apporté le plus de voix à la liste que conduisait M. Garrec – je parle sous le contrôle de ce dernier. Le département de l’Orne s’est malheureusement retrouvé privé d’un mandat, ce qui n’a pas été bien compris, sinon par la population, qui ne s’en est pas émue outre mesure, du moins, en tout cas, par le corps des élus intéressés par la conduite des affaires.

Aussi, M. le rapporteur, une fois de plus, a pris sa plume pour rédiger un autre texte. À regarder le tableau comparatif contenu dans le rapport, on constate que le texte que vous nous aviez proposé, monsieur Bertrand, a été biffé et remplacé, dans la colonne d’à côté, par un nouveau texte. Néanmoins, le consensus semble s’établir, l’inspiration est largement partagée et un objectif commun nous réunit sans doute.

Monsieur le rapporteur, un problème subsiste, qui a été relevé par le ministre. J’adhère complètement au propos de ce dernier : nous continuons d’avoir un nombre flottant d’élus dans une région, ce qui, franchement, n’est pas souhaitable. Il faudrait, une fois pour toutes, en vertu d’un mécanisme qui, d'ailleurs, ne doit pas être difficile à imaginer – certes, vous pouvez toujours me reprocher de ne pas l’avoir fait ! –, veiller à ce que chaque département soit représenté d’une façon équitable.

Malgré tout, une incertitude affecte l’identité au sein de la région d’un certain nombre d’élus de départements que nous aimons bien, et nous devons les en sortir. Aussi, nous soutiendrons ce texte de nos collègues Alain Bertrand et, surtout, Alain Richard, afin qu’il puisse être appliqué aux prochaines élections. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de faire entendre une voix dissidente, ou plutôt, devrais-je dire, un point de vue différent. Je le ferai presque avec regret après avoir entendu notre collègue Alain Bertrand évoquer avec beaucoup de sincérité et de conviction la situation de la Lozère, à laquelle je suis très sensible, comme, plus globalement, à celle de l'ensemble des territoires défavorisés.

Avant de vous faire entendre mon point de vue, je souhaite préciser, en toute honnêteté, que ma position est personnelle et n'engage pas mon groupe, qui a décidé, bien au contraire, de soutenir cette proposition de loi.

Nous sommes sans doute nombreux ici à avoir vécu, dans l’exercice de nos responsabilités régionales, comme c'est le cas d'Alain Bertrand, la situation de régions ingouvernables, à avoir passé des nuits entières à chercher un accord minimal de gouvernance. Pour ma part, j'en ai gardé des souvenirs qui ne figurent pas parmi les meilleurs que je puisse avoir en politique.

Vingt ans et trois réformes plus tard, nous avons un mode de scrutin efficace, qui a certainement permis d’avoir aujourd'hui, comme cela a été souligné, des régions dotées de majorités stables.

Ce qui caractérise ce mode de scrutin constitue peut-être aussi le nœud du problème : c'est sa dimension régionale. Les propos des uns et des autres reposent tous sur le fait que la région soit la représentation des territoires départementaux. Or je ne suis pas du tout d'accord avec cela.

M. Alain Richard, rapporteur. C’est pourtant la loi !

M. Alain Anziani. Non, monsieur le rapporteur ! La région représente les sections départementales. Dans votre rapport, vous ne cessez d’ailleurs, page après page, de souligner à quel point il faut préserver l'identité régionale et combien les sections départementales accueillent non pas les conseillers régionaux, mais bien les candidats à l'élection régionale. Vous pourrez relire votre rapport, vous verrez que c'est exactement ce qui y est écrit !

Or la réforme régionale est, quant à elle, justement caractérisée par la dissociation entre la circonscription régionale et les circonscriptions départementales. Je le répète, la région n'est pas l'expression des territoires départementaux.

Personne ne conteste que le système actuel marche bien ; l’auteur de la proposition de loi le reconnaît d’ailleurs lui-même dans l’exposé des motifs du texte.

Dans ces conditions, permettez-moi, mes chers collègues, de poser une question simple, qui n'est pas complètement incongrue : pourquoi modifier un système qui fonctionne bien ? La réponse figure dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, que j’ai lu avec attention : la modification d’un mode de scrutin qui donne satisfaction à presque tout le monde doit servir à « rétablir la départementalisation du scrutin ». Vaste ambition, dont les effets pervers seront sans doute importants ! Et pourquoi rétablir la départementalisation ? Afin de permettre aux départements de défendre leurs intérêts.

Pour y parvenir, le minimum de représentants des départements dans les régions a été fixé à trois. C'est ce qui figure dans le texte de la proposition de loi, qui a été ensuite fortement modifié par notre rapporteur, dont je tiens, même si je ne suis pas complètement d’accord avec lui, à saluer le travail.

Ne soyons pas hypocrites ! Examinons la situation et déterminons qui est concerné par la réforme. La proposition de loi doit permettre, à en croire son magnifique titre, d’« assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux ». Toutefois, elle ne concerne en réalité que la Lozère.

M. Bruno Sido. Et les Hautes-Alpes !

M. Alain Anziani. Aujourd'hui, la Lozère est le seul département n’ayant qu’un seul conseiller régional ; tous les autres en ont plus que trois. La fixation à trois du nombre minimal de conseillers régionaux dans les départements ne vise donc que la Lozère. À l’avenir, les évolutions démocratiques pourraient conduire – j’utilise le conditionnel, car tout cela est très hypothétique – à ce que deux, trois ou quatre départements soient concernés. Cette réforme a donc été faite uniquement pour un très petit nombre de départements, même s’ils méritent certainement le respect.

M. Alain Bertrand. L’équité, pas le respect !

M. Alain Anziani. Pour ma part, ce n’est pas l’orientation que j’aurais choisie pour le cadre régional.

La proposition de loi cite cinq départements qui pourraient être concernés par cette réforme. Je crois vous avoir montré, mes chers collègues, que, en réalité, seule la Lozère verrait le nombre de ses conseillers régionaux passer d’un à trois.

M. Alain Richard, rapporteur. C’est exact.

M. Alain Anziani. Pour l'instant, aucun autre département n’est concerné.

Je le reconnais volontiers, la Lozère, ne serait-ce que parce qu’elle est le plus petit département de France et qu’elle fait partie des départements défavorisés, mérite tout à fait notre attention.

Toutefois, mes chers collègues, changer la loi uniquement pour tripler la représentation de la Lozère au sein du conseil régional du Languedoc-Roussillon relève-t-il vraiment de notre travail de législateur ? Je laisse la question ouverte.

Permettez-moi simplement de faire remarquer que si nous votons aujourd'hui ce texte, nous accepterons à l’avenir d'autres dérogations de la même nature. Si nous rédigeons une loi pour la Lozère, je suis certain qu’il y aura demain une loi pour un autre département ou pour une autre région. À chaque fois, des circonstances locales parfaitement justifiées nous conduiront à faire de la loi l'expression d'intérêts particuliers. Pour ma part, je préfère qu’elle soit l'expression de la volonté générale, comme le proclame d’ailleurs la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

On peut certes m’objecter que ma remarque vaut pour le texte de la proposition de loi, mais pas pour celui qui est issu des travaux de la commission. Je l’ai dit, notre rapporteur a fait un travail remarquable pour essayer de sauver les meubles.

M. Alain Anziani. Il a tenté de rendre le texte initial, qui dénotait clairement une volonté de départementalisation du scrutin régional, plus conforme à l'esprit de la loi régionale.

Toutefois, il reste, selon moi, trois obstacles.

Le premier est d’ordre institutionnel. Je l’ai déjà énoncé, mais j’aimerais le reformuler autrement. Au moment où nous voulons tous – personne ne dira le contraire, et la proposition de loi le souligne également – affirmer le fait régional, et où des textes allant d'ailleurs en ce sens nous seront bientôt soumis, il est paradoxal de voter une proposition qui contribue à affirmer la départementalisation du mode de scrutin.

M. Alain Bertrand. Pas du tout !

M. Alain Anziani. Si, mon cher collègue, ne faisons pas preuve d’hypocrisie ! Le texte va bien dans le sens d’une départementalisation du scrutin, puisqu’il tend, pour l’essentiel, à assurer aux départements un minimum de trois sièges au conseil régional.

M. Bruno Sido. C'est plutôt un sectionnement !

M. Alain Anziani. J’ajouterai, et je reprends là d'ailleurs une idée exprimée dans le rapport, que la région n'est pas au département ce que l'intercommunalité est aux communes.

M. Alain Richard, rapporteur. Absolument !

M. Alain Anziani. Nous devons donc maintenir une distinction nette entre les deux et préserver l’identité régionale.

Le second obstacle est d'ordre politique, et je ne m’y attarderai pas. Pour parvenir à ce résultat, notre rapporteur a dû faire du nombre de conseillers régionaux une variable d'ajustement. C’est vrai à la marge et, pour parvenir à ce nouvel équilibre, il a fallu augmenter le nombre de conseillers régionaux. À mes yeux, ce n’est pas la bonne approche. Je serais plutôt partisan de diminuer leur nombre ; or, là, nous prenons le chemin exactement opposé.

Le troisième obstacle, que j'ai déjà signalé, est d'ordre constitutionnel. Nous allons passer d'un département sous-représenté à un département surreprésenté. Je reprendrai les chiffres cités par M. le ministre, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention. La Lozère disposera d'un conseiller régional avec 25 694 habitants, alors qu'il faudra en moyenne 38 208 habitants en Languedoc-Roussillon pour élire un élu régional, soit une différence de 33 %. (M. Alain Bertrand s’exclame.)

Cela fait des semaines, voire des mois, que l’on estime que la différence acceptable entre départements est de plus ou moins 20 %, mais je veux bien admettre que ce n’est pas le bon taux.

Le Conseil constitutionnel a statué sur la question lors de l’examen de la loi sur le conseiller territorial, mais il existe une différence importante : le conseiller territorial représente à la fois le département et la région. Je ne suis donc pas certain que cette jurisprudence du Conseil constitutionnel s'applique à notre cas, qui est purement départemental.

Mes chers collègues, de toute manière, pour moi, l'essentiel est ailleurs : si l’on accepte une loi de la Lozère pour la Lozère, demain je présenterai une loi de la Gironde pour la Gironde,…

M. Jean-Claude Lenoir. Vive les Girondins ! (Sourires.)

M. Alain Anziani. … et chacun d'entre vous pourra faire de même pour son département. Pour moi, ce n’est pas cela le travail du législateur. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. René Garrec applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Je ne veux pas prolonger notre discussion, mais puisque la discussion des articles s’annonce concise, je souhaite reprendre certaines des questions évoquées par mes collègues de tous bords politiques, avec une élévation d'esprit qui mérite d'ailleurs le respect.

Je veux tout d’abord évoquer la remontrance faite avec une grande éloquence par mon collègue et ami Alain Anziani, selon lequel cette proposition de loi ne serait qu’une disposition de circonstance. Si nous sommes les uns et les autres aujourd'hui convaincus de la valeur, de l'équilibre et de l'équité de ce texte électoral, c'est parce qu'il a posé les termes d'un compromis. Je le dis d'autant plus qu’il découle de choix faits en 2003 par une majorité dont je ne suis pas solidaire.

Il a été jugé logique de procéder au choix des gouvernants de la région en fonction d'un système électoral qui prenait comme seul cadre la région. Toutefois, à la différence de ce qui se passe pour les élections municipales, il n’était pas question d’accorder aux listes une liberté absolue de choix de leurs candidats.

La loi oblige chaque liste – cela a été mûrement réfléchi – à être composée de sections départementales. Cela n'empêche certes pas des manipulations, sous le contrôle des électeurs. Si les formations politiques veulent déplacer un candidat originaire d'un département vers un autre, la loi ne leur interdit pas de le faire. Les électeurs ont le droit de s'en apercevoir, tout comme les concurrents d'ailleurs, et de le critiquer. En tout cas, la loi prévoit qu'un conseiller régional, majoritaire ou minoritaire, ne peut être élu qu’au titre d'une section départementale.

Ce point n’est plus remis en question, sauf par nos collègues écologistes, qui n’en ont pas encore tiré toutes les conséquences. (Mme Hélène Lipietz proteste.)

Je reconnais d'ailleurs la validité de l’objection de Mme Lipietz, qui observe que l’on ne procède pas de la même façon pour les villes. Néanmoins, c’est tout simplement parce que l’enjeu de proximité n’y est pas du tout le même.

Si l’on fait de cette objection honorable un cas à part, je crois qu’il se dessine un consensus sur les bancs des deux assemblées pour conserver le scrutin régional, mais avec des sections départementales. Ces sections ont effectivement pour objet de forcer les listes à respecter un équilibre territorial. Toutefois, lorsque, en raison des écarts démographiques, elles ne suffisent pas à préserver un minimum d’équilibre, il revient au législateur d’intervenir de façon générale et impersonnelle.

S’il s’était agi de proposer un dispositif ne bénéficiant – même pour de bonnes raisons – qu’à un seul département, j’aurais suggéré que l’on choisît un autre rapporteur. Je crois donc que nous légiférons sur la base de principes.

Le second point sur lequel je veux revenir est l’interrogation quelque peu insistante du ministre sur le risque constitutionnel.

D’après le considérant décisif de la décision n° 2010-618 du Conseil constitutionnel, le législateur a estimé que le nombre minimal de conseillers par département « constituait un minimum pour assurer le fonctionnement normal d'une assemblée délibérante » et que « l’objectif ainsi poursuivi tend à assurer la mise en œuvre du principe constitutionnel du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution », selon lequel les collectivités s’administrent par des conseils élus.

Ce raisonnement, qui a été le support nécessaire de la décision du Conseil constitutionnel, est-il transposable à notre affaire ? Cette question est également posée par Alain Anziani. J’y réponds par l’affirmative, sur la base des arguments de fait donnés par Alain Bertrand. Compte tenu de la charge de délibération et de représentation du conseiller régional, il est matériellement difficile, sinon impossible à ce dernier d’assumer ses fonctions quand il se trouve seul représentant d’un département. Et si l’on ne légiférait pas, le problème du « zéro conseiller régional » dans un département finirait même par apparaître.

Selon moi, les motifs pour lesquels le Conseil constitutionnel a accepté un écart par rapport au principe d’une représentation démographique – je réponds ici à Jean-Claude Lenoir – sont directement transposables. La preuve en est que, au considérant suivant de la décision que j’ai citée, le Conseil constitutionnel a censuré les écarts de représentation départementale au sein des régions, le motif du fonctionnement normal ne s’appliquant pas.

Il existe donc bien un impératif d’intérêt général consistant à faciliter – ou à rendre seulement possible – le fonctionnement d’une assemblée délibérante. Cette idée permet, dans les cas extrêmes comme le nôtre, de faire obstacle à une représentation établie sur une base démographique, ou de l’infléchir.

J’entrevois une solution simple : si nos amis du groupe RDSE, qui ont d’honorables correspondants à l’Assemblée nationale, peuvent faire prospérer ce texte grâce à la solidarité majoritaire – dont nous attendons le retour ! – (Mme Cécile Cukierman s’esclaffe.), il serait tout à fait envisageable que le Premier ministre, de sa propre initiative, le soumette en temps utile au Conseil constitutionnel, afin que l’on sache à quoi s’en tenir avant les élections régionales.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux
Article 1er

Article 1er A (nouveau)

L’article L. 337 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En application des dispositions de l’article L. 338-2, l’effectif des conseils régionaux fixés conformément au tableau n° 7 annexé au présent code peut être modifié à l’issue de chaque renouvellement afin d’assurer la représentation minimale de chaque section départementale prévue au dernier alinéa de l’article L. 338. »

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Mon intervention dans la discussion générale m’a déjà permis de défendre cet amendement de suppression, ainsi que les suivants d'ailleurs.

Les écologistes considèrent que la présente modification de la loi électorale revient à changer profondément la notion même de fait régional. C'est pourquoi nous y sommes opposés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Tout notre débat l’a montré, me semble-t-il : la majorité, très nette, qui s’est dessinée au sein de la commission des lois a quelques chances d’être confirmée par notre assemblée, pour considérer que la disposition proposée est conforme aux principes du droit électoral. Il n’y a donc pas lieu de s’y opposer.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de cet amendement, je voudrais revenir rapidement sur certains points.

Tout d’abord, je tiens à remercier notre rapporteur, Alain Richard, d’avoir réalisé un travail et un exposé aussi clairs, mais aussi d’avoir indiqué qu’il ne s’agissait pas simplement ici de régler le problème d’un seul département, car se pose une question de principe.

Je veux indiquer à mes collègues, y compris à Alain Anziani, pour qui j’ai beaucoup d’estime, que je suis tout à fait favorable à ce qu’on appelle le « fait régional ».

Notre organisation institutionnelle peut connaître des modifications importantes, mais celles-ci ne doivent pas aboutir à des systèmes qui sont injustes. La proposition de loi de notre collègue et ami Alain Bertrand a pour objet de lutter contre une injustice territoriale qui est évidente et qui, à terme, comme elle résulte d’un défaut inhérent au système existant, ne frappera pas que le département de la Lozère.

À ce propos, un débat vient d’avoir lieu à l’Assemblée nationale sur une proposition de loi présentée par notre groupe concernant les élections européennes, et il était aussi très clair. Quand on fabrique des dispositions électorales non pour la représentation des citoyens, mais en fonction du résultat escompté – les majorités successives l’ont fait –, on aboutit à créer un sentiment d’abandon. S'agissant de l’élection régionale, dans nombre de nos territoires, vous n'avez pas suffisamment appréhendé l’ampleur ce sentiment, et les électeurs, peu à peu, vous le font comprendre.

En effet, le fait régional, c’est très bien, mais quand le poids des électeurs est concentré dans la métropole régionale – c'est particulièrement le cas dans les régions les plus petites –, ceux qui constituent les listes tendent tout naturellement à les pondérer en fonction de la population. Quand la distance fait que vous vous trouvez à deux heures ou deux heures et demie de la métropole régionale, il ne faut pas rêver ! De la part de ceux qui constituent les listes, il y a effectivement une analyse pseudo-stratégique gouvernée par le fait électoral. Le sentiment d’abandon est donc justifié, parce qu’il correspond à des décisions injustes – et l’on va de plus en plus dans ce sens.

On nous affirme que ce système électoral est parfait, qu’il donne de bons résultats. Il est vrai qu’il donne le pouvoir au président de la région…

M. Bruno Sido. Tout à fait.

M. Jacques Mézard. … et procure une certaine stabilité politique. Toutefois, sachez, mes chers collègues, que la plupart des conseillers régionaux sont inconnus dans nos départements.

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Jacques Mézard. Si vous faisiez une interrogation écrite dans la rue, 95 % ou 98 % de nos concitoyens ne pourraient pas citer le nom de ces conseillers. Madame Lipietz, je connais des partis qui les tirent au sort !

Mme Hélène Lipietz. Chez vous, peut-être !

M. Jacques Mézard. Non, justement, chez vous madame, par exemple en Midi-Pyrénées !

Mme Hélène Lipietz. Pas du tout !

M. Jacques Mézard. Telle est la réalité. Il ne faut donc pas s’étonner que s’ensuive une déconnection totale entre la représentation des citoyens et le territoire.

Une fois de plus, nous nous opposerons donc à vos amendements. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Claude Lenoir. Quelle ambiance dans la majorité sénatoriale !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

L’article L. 338 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque section départementale compte au moins trois conseillers régionaux. »

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux
Articles 2 à 6

Article 1er bis (nouveau)

Après l’article L. 338-1 du code électoral, il est inséré un article L. 338-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 338-2. – Si, après la répartition des sièges en application de l’article L. 338-1, moins de trois conseillers régionaux ont été élus au sein d’une ou de plusieurs sections départementales, des sièges supplémentaires sont ajoutés à l’effectif du conseil régional afin d’atteindre le seuil de trois conseillers régionaux élus dans le ou les départements concernés.

« Ces sièges supplémentaires sont répartis au niveau régional entre les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution d’un siège supplémentaire, celui-ci revient à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus.

« Les sièges supplémentaires sont attribués aux candidats des listes bénéficiaires dans l’ordre de leur présentation dans la ou les sections départementales correspondant aux départements dont la représentation doit être complétée. »

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 338-2. — Si, après la répartition des sièges en application des articles L. 338 et L. 338-1, ont été élus moins de trois conseillers régionaux issus des sections départementales correspondant à un département, un ou des sièges supplémentaires sont ajoutés à l’effectif du conseil régional afin d’atteindre le seuil de trois conseillers régionaux au titre du ou des départements concernés.

« Le nombre total ainsi majoré des sièges du conseil régional est réparti suivant les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l’article L. 338.

« Le ou les sièges supplémentaires résultant de cette nouvelle répartition sont attribués aux candidats des listes bénéficiaires, dans l'ordre de leur présentation dans la ou les sections départementales correspondant aux départements dont la représentation doit être complétée. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit ici de mieux insérer le calcul des sièges supplémentaires qui résulteraient de l’adjonction dans l’ensemble des dispositions fixant la répartition des sièges dans le scrutin régional.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Remplacer le mot :

âgé

par le mot :

jeune

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Faisant acte d’innovation, peut-être même de modernisme, lors de la discussion sur le mode de scrutin des conseillers départementaux le Sénat a prévu que, en cas d’égalité des suffrages, le plus jeune devait l’emporter. Il serait cohérent, quatre mois après ce vote, de reprendre ici la même règle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 4 ?

M. Alain Richard, rapporteur. La commission n’a pas suivi cette proposition. S’il y a eu quelques moments d’hésitation – de « fasseillement », pour utiliser un terme relevant du domaine de la voile – sur cette question, comme l’ensemble des autres textes donnent la priorité au plus âgé, il est apparu qu’une telle inversion constituerait un gros travail qu’il valait mieux ne pas improviser.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 4 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles 2 à 6

(Supprimés)

Vote sur l'ensemble

Articles 2 à 6
Dossier législatif : proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je ne voudrais pas retenir plus longtemps l’attention de la Haute Assemblée pour une explication de vote, puisque j’ai déjà indiqué que nous allions voter cette proposition de loi. En revanche, je voudrais apporter une précision à propos du débat qui a eu lieu tout à l'heure entre le ministre et le rapporteur quant à la constitutionnalité du texte qui nous est proposé.

Je rappellerai simplement un point de bon sens : pour que le Conseil constitutionnel se prononce, encore faut-il qu’il soit saisi ! Contrairement à un usage récurrent, rappelé ici à la tribune, le groupe UMP du Sénat, dès lors que le texte reviendrait de l’Assemblée nationale sans être altéré ni dans sa forme ni au fond, ne déposerait pas de recours devant le Conseil constitutionnel. Si je puis ainsi apporter un peu de sérénité à tout le monde, particulièrement au ministre de l’intérieur, je n’aurai pas perdu mon temps !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tenais préalablement à souligner que je soutiens cette proposition de loi déposée par notre collègue Alain Bertrand.

J’appuierai également les propos de Jacques Mézard. Je voudrais d'ailleurs très aimablement faire remarquer à notre collègue Anziani que le législateur est parfaitement dans son rôle lorsqu’il corrige une anomalie. Tel est le premier élément que je tenais à indiquer.

En deuxième lieu, on ne peut pas considérer que la régionalisation serait en danger dès l’instant où tous les départements qui composent une région sont représentés à l’assemblée régionale.

Il est non moins évident que le conseil régional de Midi-Pyrénées, où j’ai siégé pendant dix-neuf ans, n’est certainement pas l’exemple le meilleur de la représentation des populations et des territoires. Il y a, là aussi, quelques vices qui ne sont même pas cachés ! Dans cette région, il suffit que le département de la Haute-Garonne s’associe au département le plus petit pour obtenir une majorité absolue, contre l’avis des six autres départements. Cela a pu se produire, y compris sur un dossier transpolitique intéressant l’ensemble de la région ; ce n’est pas mon collègue Fauconnier qui me démentira.

Voilà ce que je voulais dire, tout en considérant que le Sénat a aujourd'hui fait œuvre utile, me semble-t-il. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Alain Fauconnier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je le répète, je pense que le mode de scrutin actuel pour les régionales n’est pas aussi merveilleux qu’on le dit. Il faudrait rendre la région sensible à nos concitoyens, ce qui est loin d’être le cas. Nous pouvons certes ignorer le problème en nous retranchant derrière les résultats électoraux, mais celui-ci demeure.

Cela dit, la proposition de loi présentée par Alain Richard est la seule possible, à l’instant t, pour améliorer le dispositif. Elle respecte la logique du système, avec laquelle je ne suis pas complètement d’accord, mais nous ne saurions en changer à un peu plus d’un an des élections.

La solution qui a été retenue est donc la meilleure possible, et nous avons fait œuvre utile en nous y ralliant.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand, auteur de la proposition de loi. Au-delà des membres de mon groupe et de M. le ministre, je remercie l’ensemble de mes collègues, qui ont réagi avec bon sens. Il s’agissait de réparer une injustice, une iniquité, qui ne concernait pas uniquement la Lozère ; si tel avait été le cas, d'ailleurs, je n’aurais pas présenté ce texte. Je remercie chacun de l’excellent travail qui a été réalisé.

Je suis par ailleurs stupéfait d’entendre mon collègue Alain Anziani affirmer que nous souhaitons une redépartementalisation du scrutin. J’ai moi-même vécu une alliance que je ne citerai pas, en 1998, au sein de la région Languedoc-Roussillon, et je ne suis pas fou au point de vouloir une redépartementalisation.

Je pense donc que nous faisons œuvre utile, au bénéfice de nombreux départements ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à assurer une représentation juste et équilibrée des territoires au sein des conseils régionaux
 

8

 
Dossier législatif : proposition de loi organique tendant à prohiber le cumul, par les parlementaires, de leurs indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat
Discussion générale (suite)

Indemnité des parlementaires

Discussion d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du RDSE, de la proposition de loi organique, présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues, tendant à prohiber le cumul, par les parlementaires, de leurs indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat (proposition n° 381, texte de la commission n° 543, rapport n° 542).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi organique.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique tendant à prohiber le cumul, par les parlementaires, de leurs indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat
Discussion générale (fin)

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi organique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre République est fondée sur le principe de la souveraineté nationale, qu’incarnent concomitamment le peuple et les élus chargés par ce dernier de le représenter au Parlement.

La démocratie représentative est ainsi indissociable de notre République, malgré les turpitudes de l’histoire et les différentes formes dans lesquelles elle s’est incarnée. La souveraineté du Parlement nous confère, en tant que représentation nationale, la tâche difficile de définir et de créer le droit, et de relayer, sans mandat impératif, les attentes de nos concitoyens, pour définir l’intérêt général.

En contrepartie de ces responsabilités éminentes, nos concitoyens exigent de leurs représentants, à juste titre, exemplarité et probité, c’est-à-dire l’exercice d’un mandat tourné vers la réalisation du bien commun, et non vers la satisfaction d’intérêts personnels ou partisans qui ruineraient le pacte républicain. Ce précepte s’applique d’ailleurs aux parlementaires comme aux élus locaux, car servir les électeurs est d’abord un honneur.

Certes, l’histoire de notre République, comme celle de tous les régimes, fourmille d’exemples de scandales qui ont surtout alimenté l’antiparlementarisme des extrêmes, de ceux qui n’ont jamais accepté la République.

Malheureusement, le cycle des crises économiques et sociales dans lequel nous vivons toujours a également eu pour corollaire la défiance à l’égard de tout ce qui incarne l’autorité et les institutions s’y rattachant. Cette défiance à l’encontre de la démocratie parlementaire, soupçonnée de reposer sur la connivence et l’intérêt personnel, se manifeste, hélas, par la recrudescence de discours démagogiques qui créent une présomption de suspicion sur la représentation nationale et sur l’ensemble des élus.

Or, jusqu’à preuve du contraire, chaque parlementaire est responsable de ses actes en tant que personne, et non collectivement. Tout comportement individuel contraire au droit et à l’éthique d’un élu de la République appelle naturellement les sanctions prévues par le droit, comme en serait justiciable n’importe quel citoyen qui tirerait avantage de ses fonctions. Cependant, mes chers collègues, les manquements personnels ne sauraient, dans le même temps, aboutir à jeter l’opprobre et le soupçon sur l’ensemble des élus…

M. Jacques Mézard. … qui accomplissent avec dévouement et probité leur tâche, au nom de l’intérêt général. Toute autre approche constitue un amalgame que nous réprouvons totalement.

Or ces amalgames douteux conduisent in fine à affaiblir l’action publique. À partir du moment où la légitimité des élus est constamment remise en cause, leurs décisions ne sont plus acceptées, ou le sont mal. La crise économique et sociale qui frappe notre pays appelle pourtant de la part des pouvoirs publics des réponses fortes, comprises et acceptées de nos concitoyens.

Face à ce constat partagé par l’immense majorité d’entre nous, la modernisation des institutions est bien sûr une nécessité. Certains dysfonctionnements de nos institutions appellent à l’évidence des évolutions répondant aux aspirations d’une démocratie moderne, que nous appelons de nos vœux.

Ce renouveau démocratique semble cependant emprunter aujourd’hui des chemins détournés, qui ne traitent pas le cœur du problème. Pour le dire clairement, monsieur le ministre, l’air du temps voudrait amalgamer deux débats qui ne sauraient se confondre : celui sur la légitimité du cumul d’une fonction parlementaire avec une fonction locale, et celui sur la légitimité du cumul des indemnités liées aux mandats…

M. Jacques Mézard. … que nous avons souhaité ouvrir en déposant cette proposition de loi en février dernier, avant l’ouverture de la nouvelle saison de la chasse médiatique aux élus. (Sourires.)

Mme Françoise Laborde. Jolie formule !

M. Jacques Mézard. Je vous le dis tout net, monsieur le ministre, les titres de journaux tels que « les cumulards font de la résistance », parmi tous ceux que nous avons subis depuis plusieurs mois, tout de même entraînés par ceux qui sont à l’origine de cette malheureuse initiative, ne sont bons ni pour la démocratie ni pour l’image de la République.

Le rapport Jospin, répondant à une commande préparée dans le détail et ficelé avant même d’être remis publiquement, sans consultation des partis politiques ou des groupes parlementaires…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas respectueux pour Lionel Jospin, qui a une grande indépendance d’esprit !

M. Jacques Mézard. Monsieur le président de la commission des lois, je m’exprime à la fois en mon nom personnel, comme sénateur, et en tant que président d’un groupe parlementaire, et j’ai l’habitude de dire ce que je pense…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Moi aussi !

M. Jacques Mézard. Je n’ai pas l’habitude de vous interrompre, monsieur le président de la commission, et je souhaiterais que ce soit réciproque, même si mes propos ne vous plaisent pas.

Le rapport Jospin, disais-je, réalisé sans consultation des partis politiques,…

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Jacques Mézard. … ni d’aucun groupe parlementaire, avait très largement tracé la voie à cette confusion des genres, en posant doctement qu’il suffirait de prohiber le cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale pour que notre démocratie soit instantanément renouvelée, rajeunie et pour ainsi dire régénérée.

Cette motivation incantatoire, nous en connaissons l’origine : les appétits d’appareils partisans, professionnels de la politique, zélateurs de la représentation proportionnelle, impatients d’éliminer le lien direct entre les électeurs des territoires et l’élu.

M. Philippe Bas. Très bien !

M. Jacques Mézard. Nous en connaissons le vecteur, assimilant dans l’opinion le cumul des mandats et le cumul des indemnités.

Le risque est ainsi de renforcer la professionnalisation de la politique et de réserver les mandats nationaux en priorité aux membres des appareils des partis dominants.

M. Philippe Bas. C’est le but !

M. Jacques Mézard. En d’autres termes, la désignation des élus reviendrait en réalité non pas au peuple, qui le tient pourtant de l’article III de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais des partis politiques. L’article 4 de la Constitution ne fait pourtant qu’énoncer que « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage » ; ils ne le remplacent pas, et j’espère de tout cœur qu’ils ne le remplaceront jamais.

De la même façon qu’il n’est pas sain pour notre démocratie que la « consanguinité sociale », démontrée par de nombreuses études sociologiques, détermine encore trop largement la désignation des représentants de la Nation, il serait dangereux que ceux-ci partagent en plus les mêmes trajectoires militantes et professionnelles.

Ce qu’ont toujours souhaité nos concitoyens, aujourd’hui comme hier, c’est que nul ne puisse s’enrichir en faisant de la politique.

M. Bruno Sido et Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas le cas !

M. Jacques Mézard. Je vous écoute et je vous approuve, pour l’essentiel, chers collègues. Il peut y avoir des errements individuels…

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Jacques Mézard. En d’autres termes, agir pour la défense de l’intérêt général ne doit pas permettre une accumulation de richesses personnelles déconnectée de la réalité. Nous souscrivons naturellement à ce point de vue, car là est le cœur du débat sur la moralisation de la vie publique.

Or, qu’entendons-nous lorsque nous allons au contact de nos administrés – ce que nous faisons tous, parce que nous avons la chance, pour la plupart d’entre nous, d’être à la fois des élus locaux issus du terrain et des parlementaires ? Que, sur la base de rares mauvais exemples, nombre de nos concitoyens considèrent que l’intérêt financier est le vecteur de l’engagement public, alors que la majorité des Français travaillent dur pour vivre.

Au-delà de la caricature parfois simpliste, il nous faut rappeler que ce sont les questions d’argent qui déterminent très souvent l’image du politique dans l’imaginaire collectif.

Ce bruit de fond de la société n’est pas sans rappeler certaines époques troublées, et c’est bien pourquoi il faut aujourd’hui déminer cette critique en agissant et en expliquant fortement, publiquement, qu’il ne faut pas confondre cumul des mandats et cumul des indemnités.

Le plus souvent, nos concitoyens se disent opposés au premier en pensant en réalité au second. Un cumul des mandats sans cumul des indemnités ne leur poserait, en définitive, aucun problème, car il autoriserait à la fois la proximité avec les élus et l’assurance de faire entendre la voix de leur territoire par les pouvoirs publics.

Dans son excellent rapport, notre collègue Pierre-Yves Collombat nous rappelle comment est née historiquement la rétribution des élus de la Nation. On peut également se remémorer que, déjà à Athènes, le misthos institué par Périclès permettait de rétribuer ceux qui occupaient une fonction publique.

De fait, les conditions matérielles d’exercice d’un mandat parlementaire doivent répondre à un double objectif : d’une part, permettre la représentation de la diversité sociale et, d’autre part, mettre les parlementaires à l’abri des pressions extérieures, afin qu’ils puissent exercer leur mandat en toute indépendance, aussi bien intellectuelle que morale.

Au regard de ces principes essentiels, les indemnités dont bénéficient aujourd’hui députés et sénateurs doivent remplir ce double objectif. Le rapport de la commission détaille précisément l’ensemble des éléments d’indemnisation dont bénéficient les parlementaires et éclairera, à n’en point douter, nos concitoyens.

Il ne faut pas craindre d’affirmer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, dans une démocratie, les élus doivent avoir les moyens matériels d’assurer leurs fonctions et leur indépendance.

La peur viscérale de tous les gouvernements successifs, toutes étiquettes confondues, dès qu’il est simplement question de procéder à l’indexation du montant de l’indemnité parlementaire est révélatrice du malaise qui entoure ce problème dans notre République. Et quand on veut aller vers la moralisation, vers la transparence, parfois à l’excès, parfois à l’extrême, on se retrouve souvent aller à l’encontre de l’idée même que l’on souhaitait développer.

Il faut dire les choses, il faut dire que les parlementaires doivent être indemnisés de telle manière qu’ils puissent faire correctement leur travail. Cela n’a rien à voir avec le cumul des indemnités ! Il faut que l’indemnité parlementaire soit à la hauteur de la charge et de la nécessité d’indépendance que justifient ces fonctions honorables.

Les parlementaires titulaires d’un mandat local ou d’une fonction exécutive non élective peuvent aussi bénéficier, à ce titre, d’une indemnité aujourd’hui plafonnée à une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire de base, comme le prévoit l’article 4 de l’ordonnance du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement.

Ce cumul des indemnités n’a pas de justification, dès lors que la seule indemnité parlementaire suffit à assurer un revenu suffisant et doit permettre aux parlementaires d’assurer leur indépendance de décision, en rendant impossible tout mandat impératif.

La gratuité des fonctions électives locales pour les parlementaires permet de couper court à toute suspicion d’enrichissement personnel,…

M. François Rebsamen. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. … qui résulterait d’une course effrénée aux mandats.

M. François Rebsamen. Bien sûr ! C’est là qu’est le problème !

M. Jacques Mézard. En effet, c’est cela que l’opinion reproche aujourd’hui aux élus : il s’agit non pas du cumul des mandats, mais de celui des indemnités ! Il est grave, voire déplorable, d’utiliser cet amalgame et cette confusion pour justifier un mauvais objectif dans des conditions parfaitement regrettables.

En outre, le Gouvernement semble avoir déjà franchi un pas en ce sens, puisque la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, municipaux et intercommunaux récemment adoptée a d’ores et déjà supprimé le système de reversement nominatif de la part des indemnités soumises à écrêtement.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Grâce au Sénat !

M. Jacques Mézard. Grâce au Sénat et, en particulier, à l’action de son excellent président de la commission des lois. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Merci !

M. Jacques Mézard. La dénonciation obsessionnelle du cumul vertical a cependant passé sous silence, de façon surprenante – mais nous en connaissons bien les raisons –, la question du cumul horizontal des mandats et des avantages matériels de toutes sortes qui peuvent en être tirés par les élus.

Pourquoi faudrait-il qu’il y ait deux poids deux mesures, que l’on accepte pour les uns ce qui est présenté comme inacceptable pour les autres ? L’exemple du cumul des fonctions de maire d’une grande métropole, par exemple dans le Nord, avec la présidence d’une communauté urbaine et ses multiples sociétés d’économie mixte, ou SEM, est révélateur.

M. Jean-Claude Requier. Des noms ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Les mêmes causes produisent pourtant les mêmes effets et il n’est guère surprenant de retrouver déjà, au niveau local, les mêmes arrangements de parti qui, dans certains cas, sclérosent la vie parlementaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre proposition de loi n’est ni une réaction à chaud face à un fait divers ni la course en avant moralisatrice de convertis de la dernière heure. Elle s’inscrit simplement dans la volonté de raffermir notre démocratie représentative en répondant aux critiques populistes dont on connaît les dérives, les dangers et les objectifs.

Nous savons que le projet de loi sur le non-cumul des mandats sera prochainement soumis au Parlement, mais notre texte pose, pour l’heure, une question très simple : le Parlement a-t-il vocation à ne regrouper que des élus hors-sol ou peut-on organiser les conditions permettant à des élus, au fait des réalités, d’exercer leur mandat sans suspicion ?

À cette question, nous répondons qu’il est tout à fait possible de clarifier ce qui existe en mettant fin au cumul des indemnités.

D’autres pistes sont également envisageables : mieux réglementer les incompatibilités professionnelles des parlementaires, interdire les rémunérations tirées des activités exercées dans des organismes extra-parlementaires mais aussi, au niveau local, limiter le cumul des fonctions exécutives non électives.

Je vous renvoie d’ailleurs, monsieur le ministre, aux nombreuses propositions de loi que les membres de mon groupe et moi-même avons déjà déposées depuis plusieurs mois sur ces sujets, anticipant largement ce qui, hélas, est arrivé à la suite des errements que nous connaissons tous.

Notre groupe a considéré qu’il était nécessaire et urgent de réfléchir à ces questions et de formuler un certain nombre de propositions afin d’améliorer le fonctionnement démocratique.

L’une de ces propositions vise, vous ne l’ignorez sans doute pas, à éviter que le professionnalisme ne se développe trop en politique. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, en particulier, que les collaborateurs de cabinet soient soumis à un délai de carence, similaire à celui qui est imposé aux préfets ou aux personnels administratifs de nos collectivités territoriales, avant de pouvoir se présenter aux élections se tenant dans les départements, les communes ou les régions dans lesquels ils sont en fonction.

Pour l’heure, nous considérons que l’adoption de ce texte, utilement complété par notre rapporteur, va dans le sens d’une démocratie apaisée. Très clairement, et sagement, il est temps – c’est aussi le sens de cette proposition de loi inscrite dans notre ordre du jour réservé –, d’arrêter le déferlement qui s’abat sur le fonctionnement de notre système parlementaire.

M. Philippe Bas. Absolument !

M. Jacques Mézard. Un tel déferlement ne va pas dans le sens d’une République apaisée, celle que nous souhaitons, celle qui permet à chaque citoyen de se sentir bien représenté.

Je crois que le travail effectué par l’immense majorité des élus, qu’il s’agisse des élus locaux ou des parlementaires, au lieu d’être dénigré à longueur de journée et de semaine, devrait au contraire, monsieur le ministre, être valorisé. C’est d’ailleurs au Gouvernement qu’il revient en premier lieu de mettre en avant le travail considérable accompli par l’immense majorité de nos collègues élus, de la plus petite commune jusqu’au Parlement de notre République. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, dans nos démocraties modernes ou prétendues telles, le pouvoir politique étant le seul à limiter celui de l’argent – devenu aussi pouvoir d’information –, il est inévitable de voir ses modes de fonctionnement et ses acteurs périodiquement contestés.

Tout y passe : du vrai, du faux et surtout un mélange de vrai et de faux. Ce dernier cas est sans doute le pire, car alors la dénonciation de scandales réels débouche rarement sur autre chose qu’une gesticulation, et le problème de fond demeure entier. Cependant, si l’objectif n’est pas de réformer le pouvoir politique mais avant tout de l’affaiblir, ce n’est pas si mal joué. Un pouvoir démocratiquement incontestable pourrait avoir de mauvaises pensées à l’encontre des oligarchies…

Cela dit, la démocratie est aussi l’exercice du contrôle et du débat. Cette contestation est donc parfaitement légitime, quand elle repose sur des faits avérés et s’inscrit dans des problématiques claires.

Ainsi est-il apparu nécessaire, en ces temps troublés, à l’auteur de la présente proposition de loi de bien distinguer, comme il vous l’a expliqué, deux débats trop facilement confondus : d’une part, le débat sur la légitimité du cumul d’une fonction parlementaire et d’une fonction d’élu local – question particulièrement importante pour le Sénat qui, aux termes de l’article 24 de la Constitution, « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » –, et, d’autre part, le débat sur la légitimité du cumul des indemnités accompagnant et permettant l’exercice de ces fonctions dans des conditions satisfaisantes.

Séparer les deux débats, ai-je dit, mais aussi proposer une disposition interdisant désormais de les confondre, à savoir l’interdiction du « cumul, par les parlementaires, de leurs indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat » local.

Cette proposition est parfaitement fondée si l’on veut bien se rappeler le sens de l’attribution d’une indemnité de représentation aux parlementaires, disposition dont la légitimité a mis beaucoup de temps à s’installer dans les consciences.

Le but était double : d’une part, démocratiser au maximum la fonction de représentation, donc la rapprocher du représenté, et, d’autre part, assurer l’indépendance intellectuelle et morale du parlementaire, ce que rappellent les premiers mots de l’article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul ». Il s’agit d’une disposition trop souvent ignorée, alors qu’elle résume l’essence de la démocratie et de son système : contrairement à ce que l’on croit et ce que l’on dit, la démocratie, ce n’est pas le règne de la majorité, mais un système dans lequel les décisions procèdent du débat entre consciences libres.

Historiquement, il s’est donc agi d’ouvrir la fonction parlementaire à d’autres qu’aux rentiers et aux mandataires d’intérêts particuliers, d’assurer un niveau d’indemnisation suffisant pour garantir une activité à temps complet au service de l’intérêt général et protéger les élus, autant que faire se peut, des tentations.

Il est intéressant de constater que la mise en place de l’indemnité parlementaire, par le biais d’un décret de la Constituante en date du 1er septembre 1789, intervient dès lors qu’est instituée une assemblée parlementaire permanente.

Il est non moins intéressant de remarquer que, dès l’origine, les députés étaient gênés à l’idée d’apparaître comme des prébendiers. À tel point que le décret ne fut pas transcrit dans le bulletin des lois de la Constituante et qu’il faudra attendre 1795 pour que le niveau modeste de l’indemnité soit revalorisé par la Convention. Comme on le voit, ce rapport ambigu de la démocratie à l’argent, ce rapport empreint de gêne des parlementaires à l’égard de leur indemnisation, ne date pas d’aujourd’hui !

Constatons aussi que, avec le rétablissement du suffrage censitaire, la Restauration, en posant en 1817 le principe de la gratuité des fonctions élective, revient sur l’indemnisation des représentants. Ce principe de gratuité des fonctions électives ne demeure aujourd’hui que pour les fonctions municipales. C’était ma rubrique : « À quand un statut de l’élu local ? ». (Sourires.)

Il faudra attendre la fin de la « France des notables » et l’avènement de la Deuxième République pour que l’indemnité de fonction, rétablie, ne soit plus remise en cause, mais, au contraire, régulièrement améliorée.

À cette amélioration s’ajoutera souvent le cumul avec d’autres indemnités de fonction liées à l’exercice de mandats locaux, eux-mêmes revalorisés. Ces derniers se multiplient d’ailleurs avec le foisonnement d’organismes dépendant plus ou moins directement des collectivités locales – établissements publics, sociétés d'économie mixte, ou SEM, et, plus récemment, sociétés publiques locales, ou SPL – et, surtout, le développement de l’intercommunalité.

Ces indemnités peuvent être considérables. Ainsi l’indemnité mensuelle du président d’une communauté d’agglomération de 100 000 habitants est-elle de l’ordre de 5 500 euros, l’indemnité parlementaire se situant, elle, aux alentours de 7 100 euros. Vous trouverez la liste des fonctions susceptibles d’être indemnisées dans le rapport. Leur importance est telle qu’il est apparu nécessaire de limiter le cumul des indemnités liées aux mandats parlementaires et locaux.

Deux leviers seront utilisés : l’écrêtement des indemnités, d’abord, puis la limitation du cumul des mandats, qui, tout en produisant un effet comparable, procède d’une autre logique.

L’ordonnance de 1958 limite les possibilités de cumul des indemnités parlementaires avec celles de maire et d’adjoint, de conseiller municipal de Paris et de conseiller général de la Seine à une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire. La moitié écrêtée peut être « déléguée par l’intéressé à celui ou à ceux qui le suppléent dans les fonctions de magistrat municipal ».

La loi du 25 février 1992 étend le plafonnement à l’ensemble des élus nationaux, municipaux, généraux et régionaux, ainsi qu’aux membres du Gouvernement titulaires de mandats électoraux.

Il existe d’ailleurs une distorsion évidente en faveur de ces derniers, dont l’indemnité de base est entre 1,5 et 2 fois supérieure à celle des parlementaires. Notre collègue Patrice Gélard, rapporteur de la loi du 14 avril 2011 relative à la transparence financière de la vie politique, qui soumet les membres du Gouvernement au droit commun des parlementaires et des élus locaux, ne manquera pas de le faire remarquer.

Comme l’a indiqué Jacques Mézard, une nouvelle étape est franchie avec la loi du 17 avril 2013, qui, supprimant la faculté laissée à l’élu dont l’indemnité a été écrêtée de désigner la personne bénéficiaire de l’indemnité, évite toute forme de pouvoir, même involontaire, d’un élu sur un autre, et les dérives toujours possibles. La part écrêtée retombe dans la caisse de la collectivité, qui reste libre de l’attribuer selon les modalités ordinaires.

Aujourd’hui, donc, députés et sénateurs ne peuvent percevoir qu’un montant indemnitaire total maximal de 8 272 euros, dont 2 757 euros, au plus, au titre de l’ensemble de leurs mandats locaux.

À l’indemnité parlementaire proprement dite, qui est fiscalisée, s’ajoutent diverses allocations, forfaitaires ou non, compensatrices des frais liés à l’exercice du mandat, qui ne le sont pas. Le rapport en donne le détail, je ne vais donc pas m’y appesantir.

Concurremment aux dispositions visant à encadrer le montant des indemnités perçues par un élu au niveau garantissant son indépendance – indépendance qui fonde l’existence même de l’indemnité –, un autre mécanisme a été utilisé pour parvenir au même but : la limitation du cumul des mandats. Cette dernière a été organisée, d’abord, par la loi organique du 30 décembre 1985, qui limite le cumul du mandat de député avec un seul autre mandat, selon une liste limitative, puis par les lois du 5 avril 2000 et du 17 avril 2013.

Aujourd’hui, le mandat parlementaire est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats de conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d’une commune d’au moins 1 000 habitants. Les fonctions de président d’intercommunalité n’entrent pas en ligne de compte, pas plus que celles qui sont liées aux diverses émanations et satellites des collectivités.

Ce simple énoncé, mes chers collègues, montre que cet ensemble de dispositions n’a pas la cohérence du dispositif de limitation du revenu qu’un élu peut retirer de l’exercice de ses mandats.

Quel rapport, en effet, entre la charge que représente la gestion de la région Île-de-France, celle d’une commune de 500 000 habitants, celle d’une communauté urbaine qui en compte le double et celle d’une commune de 950 habitants, même si cette dernière ne dispose pas des moyens humains et financiers des grandes collectivités ?

On voit bien l’intérêt de distinguer clairement la question du montant de l’indemnité permettant d’assurer l’indépendance du parlementaire, condition fondatrice de son mandat, de la question du type et du nombre de fonctions qu’il est susceptible d’assumer, voire que la collectivité gagnerait à le voir honorer, ce qui est l’objet de la proposition de loi organique déposée par Jacques Mézard.

Éliminer le soupçon selon lequel l’élu cherche à s’enrichir sur le dos de la collectivité en cumulant les mandats permettra de bien poser, le moment venu, les seules questions qui importent en matière de cumul : niveau de la charge, compatibilité des fonctions, effets sur l’équilibre des pouvoirs en général, et au sein du Parlement en particulier. Ne l’oublions pas, en effet, il s’agit non pas seulement d’une question pratique ou éthique, mais d’indépendance des parlementaires – notion au fondement même, je l’ai déjà dit, de la démocratie – et d’équilibre des pouvoirs réels. Cette question est bien plus complexe que celle qui nous est posée aujourd’hui.

Le montant de l’indemnité versée au parlementaire, la somme des indemnités et compensations représentatives de frais liés à sa fonction, les moyens matériels et humains mis à sa disposition – vous trouverez, mes chers collègues, le détail de tout cela dans le rapport –, lui permettent d’exercer son mandat dans des conditions satisfaisantes, qui garantissent son indépendance.

Cette proposition de loi organique, croyez-moi, mes chers collègues, n’est pas un exercice de mortification s’ajoutant à tous ceux qui ont été inventés pour conjurer les maux affligeant le pays, ce qu’ils sont, d’ailleurs, bien incapables de faire. Il s’agit plutôt d’une opération de clarification, permettant de bien poser le seul problème qui devrait nous importer : comment rendre au Parlement son pouvoir et à ce pays le dynamisme que seule une authentique démocratie permet ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’indemnité de fonction des parlementaires est une question sérieuse, qui touche aux principes mêmes de notre démocratie, dont elle garantit le bon fonctionnement.

L’indemnité renvoie à l’héritage de la Révolution, qui proclama l’égalité des citoyens devant le suffrage, c’est-à-dire, également, et en toute logique, l’égalité devant l’accès au mandat. Toute personne doit être en mesure de représenter le peuple, d’assumer une part de la souveraineté nationale.

De ce point de vue, l’indemnité est un gage de représentativité, de pluralisme, mais aussi de diversité sociologique. Le versement de cette indemnité a permis que l’exercice d’un mandat ne soit pas réservé aux plus fortunés ou, pour dire les choses simplement, à ceux qui avaient les moyens de ne pas travailler et de se consacrer alors à l’activité politique.

Ne pas rémunérer, c’est introduire un biais dans l’accès aux fonctions parlementaires. Ne pas rémunérer, ou ne pas le faire à un niveau convenable, c’est introduire une faiblesse au cœur des institutions, car il y aurait là un risque pour l’indépendance intellectuelle des parlementaires. Ceux-ci doivent être mis à l’abri des influences diverses, des tentations qui peuvent naître des contingences matérielles.

Ce qui vaut pour les parlementaires vaut aussi, bien sûr, pour les élus locaux. C’est toute l’importance du statut de l’élu, auquel le Sénat est, je le sais, très attaché. Votre assemblée a fait montre de son intérêt sur ce sujet depuis qu’il est apparu, il y a quelques années. Le rapport Debarge est passé par là, et il reste dans les esprits !

En bref, l’indemnité, c’est un signe de maturité démocratique, d’indépendance et de libre-arbitre des élus.

Dans ce domaine, des exigences nouvelles sont, aujourd’hui, posées par les Français. L’exposé des motifs du texte que vous avez déposé le relève d’ailleurs très justement, monsieur Mézard. Il est de notre devoir de les entendre et de leur donner une traduction concrète. Nous ne pouvons pas en rester au stade des proclamations ; les Français attendent des actes concrets et rapides. Nous ne pouvons pas laisser s’installer un climat de défiance ou, pire, de désillusion et de rejet, à l’égard de nos institutions démocratiques.

La crise de confiance est profonde. Elle existe depuis longtemps, mais elle s’aggrave avec la crise économique. Nous ne pouvons pas l’ignorer. Les mesures de transparence de la vie publique, voulues et annoncées par le Président de la République, sont nécessaires. Elles contribueront, avec d’autres, au rétablissement de la confiance.

Le Gouvernement comprend les motivations de cette proposition de loi organique, qu’elles soient explicites ou implicites. (Sourires sur certaines travées du RDSE.)

Mme Françoise Laborde. C’est pourtant clair !

M. Jean-Michel Baylet. Tout a été dit !

M. Manuel Valls, ministre. Par son intelligence, M. Mézard a la capacité de tout dire sans en avoir l’air ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il en a dit beaucoup, tout de même !

M. Manuel Valls, ministre. C’est vrai, monsieur Sueur.

Je partage votre attachement à la défense de la figure de l’élu. Nous avons eu l’occasion de le dire lors du débat précédent, les élus sont trop souvent critiqués ou caricaturés. Dans ce climat, je crois utile de répéter, inlassablement, ce que j’ai déjà dit à de multiples occasions à cette tribune : dans leur immense majorité, les élus sont des femmes et des hommes dévoués, qui défendent leurs convictions, font avancer la réflexion, conduisent une action, avec pour seul objectif l’intérêt général.

Récemment encore, la rue, de manière bruyante et parfois violente, est venue – fait assez singulier dans notre histoire – contester la légitimité des parlementaires. En tant que ministre de la République, en tant qu’ancien député, je ne l’accepte pas, comme vous, j’imagine, mesdames, messieurs les sénateurs.

Des outrances contre la représentation nationale se sont fait entendre. Il faut les condamner avec beaucoup de vigueur. Pour autant, nous ne devons pas occulter un sentiment diffus, profond, qui fait son chemin dans les esprits de nos concitoyens : les élus ne seraient pas en mesure de comprendre les attentes de la population et d’y répondre.

Ce n’est pas nouveau dans l’histoire de la République, mais des mouvements plus ou moins radicaux font aujourd'hui de l’antiparlementarisme et des attaques contre le personnel politique un élément de mobilisation, un fonds de commerce. Nous le savons depuis longtemps, notre pays n’est pas à l’abri des mouvements d’opinion qui, sur fond de crise économique, sociale et culturelle, dans une période de doute et de désespérance, font que les élus, à l’instar de ce que l’on appelle improprement les « élites », sont montrés du doigt. Ce mouvement n’est pas propre à la France : il apparaît également ailleurs en Europe et aux États-Unis.

Face à cela, nous avons, collectivement, un devoir d’exemplarité. C’est l’objectif légitime que se fixe le texte qui nous est soumis.

La solution qu’il propose – prohiber le cumul, par les parlementaires, des indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat – est le premier gage de cette exemplarité.

M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Toutefois, il ne s’agit que d’une étape, monsieur Baylet, qui ne peut être pleinement satisfaisante.

Vous le savez, le Gouvernement a retenu une autre voie, complémentaire de celle que vous prônez, qui représentera une réforme plus profonde et répondra à l’exigence de la grande majorité de nos concitoyens. J’en suis sûr, monsieur Mézard, vos mots ont dépassé votre pensée quand vous avez résumé cette ambition au travail d’un ancien Premier ministre, Lionel Jospin, dont l’engagement et la probité ne peuvent être remis en cause par personne.

Le Gouvernement, donc, a retenu la voie de la stricte limitation du cumul des mandats. J’aurai d’ailleurs l’occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, de venir devant votre assemblée dans quelques mois pour débattre de ce sujet.

M. Jacques Mézard. Ce sera un vrai plaisir !

Mme Françoise Laborde. Nous y serons.

M. Manuel Valls, ministre. J’imagine que le texte qui sera discuté recevra le soutien et l’accueil que le Sénat sait réserver aux grandes lois de la République ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest. C’est sûr !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

M. Manuel Valls, ministre. Je m’y prépare avec sérénité et conviction. (Nouveaux sourires.)

M. René Garrec. Très bien !

M. Manuel Valls, ministre. Le non-cumul d’un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local est un engagement fort du Président de la République. Celui-ci a eu l’occasion d’en expliquer les motivations profondes, à plusieurs reprises, au cours de la campagne présidentielle. Il les a explicitées, à nouveau, devant vous, lors des États généraux de la démocratie territoriale.

Le cumul des mandats est une spécificité française…

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Non !

M. Manuel Valls, ministre. En grande partie, si ! J’ai étudié le sujet, monsieur le rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Nous aussi. Nous avons écrit des rapports, nous avons même parcouru l’Europe !

M. Manuel Valls, ministre. Je le sais bien, monsieur le rapporteur, mais vous ne m’avez pas laissé terminer mon propos.

M. Jean-Michel Baylet. Nous aurons l’occasion d’en reparler !

M. Manuel Valls, ministre. Le cumul a pu se justifier dans le passé, avant les grandes lois de décentralisation, puis avec celles-ci. Moi-même, j’ai cumulé ! (Exclamations amusées.)

M. Bruno Sido. Ah ! Ce n’est pas bien !

M. Manuel Valls, ministre. Toutefois, aujourd’hui, les citoyens attendent que les élus soient pleinement investis dans leurs responsabilités.

M. Rémy Pointereau. Vous ne l’étiez donc pas ?

M. Manuel Valls, ministre. Je l’étais comme vous tous ! Les journées étaient longues, mais passionnantes. Et encore étais-je élu de la région d’Île-de-France !

M. Philippe Bas. C’est un avantage !

M. Bruno Sido. Élu de la petite couronne !

M. Manuel Valls, ministre. Non, de la grande couronne. Ne confondez pas ! (Sourires.)

M. Bruno Sido. Pardonnez-moi !

M. Manuel Valls, ministre. Les citoyens souhaitent donc des élus pleinement investis dans leurs responsabilités, au niveau local comme au niveau national, en tout cas au Parlement. C’est aussi une question de revalorisation de la fonction.

Le Premier ministre, dans cette enceinte, lors de son discours de politique générale, a rappelé la volonté du Gouvernement de légiférer pour donner aux parlementaires les conditions et les moyens leur permettant d’exercer pleinement leur mission. Cette exigence est déjà en vigueur au sein du Gouvernement puisque, contrairement à ce qu’on a vu par le passé, aucun ministre n’exerce de fonctions exécutives locales.

Nous avons donné une traduction forte et tangible à cet engagement avec les deux projets de loi qui ont été présentés en conseil des ministres le 3 avril dernier. Ces textes, lorsqu’ils seront votés – ce sera évidemment le choix du Parlement –, constitueront un élément déterminant, je le crois, de rénovation de la vie publique dans notre pays.

Voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement : telles sont notamment les missions éminentes des parlementaires, exigeant d’eux un investissement très soutenu. Comme l’a souligné la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, les fonctions de législation et d’évaluation des politiques publiques, notamment du fait de la réforme constitutionnelle de 2008, sont devenues plus lourdes. Qui peut le nier ? Le travail parlementaire est donc difficilement compatible avec des fonctions exécutives locales. Le risque est, pour l’élu en situation de cumul, de ne pas pouvoir exercer pleinement les deux mandats. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.) C’est précisément là que le sentiment de défiance peut trouver sa source.

Le mandat d’élu local et celui de parlementaire ont chacun leurs exigences, leurs contraintes, et toute réforme sur le non-cumul devra nécessairement s’accompagner d’un statut de l’élu. Elle impliquera d’ailleurs aussi que des moyens soient donnés aux parlementaires.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Manuel Valls, ministre. Il appartiendra évidemment aux deux assemblées d’en tirer les conséquences.

Le statut de l’élu devra encourager à embrasser ce parcours, cet engagement extraordinairement respectable qui consiste à représenter ses concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement entend l’effort d’exemplarité qui est entrepris avec cette proposition de loi. Il y est favorable parce qu’il s’agit d’un pas important. Mais ce texte ne saurait être satisfaisant par lui-même. Il faudra lui donner un aboutissement, faire d’autres pas. Vous avez commencé ; il faudra continuer !

Les deux textes relatifs au non-cumul des mandats seront discutés prochainement. Ils seront, me semble-t-il, l’aboutissement de la logique d’exemplarité que nous entamons aujourd’hui : parce qu’il y aura le non-cumul des mandats, il y aura, de fait, le non-cumul des indemnités.

Je vous remercie donc, monsieur le président Mézard, de votre utile contribution à la concrétisation des engagements du Président de la République et du Gouvernement en la matière. Je n’en attendais pas moins de vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Excellent !

M. le président. En accord avec M. Mézard, auteur de la proposition de loi organique et président du groupe du RDSE, et avec M. le président de la commission des lois, la suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure.

Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi organique tendant à prohiber le cumul, par les parlementaires, de leurs indemnités de fonction avec toute autre indemnité liée à un mandat
 

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Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies du Règlement, tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation
Discussion générale (suite)

Droit du consommateur à la parfaite connaissance de son alimentation

Adoption d’une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de résolution européenne tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation, présentée en application de l’article 73 quinquies du règlement par M. François Zocchetto et les membres du groupe de l’UDI-UC. (proposition n° 413, rapport et texte de la commission n° 534.)

La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, auteur de la proposition de résolution.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies du Règlement, tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation
Discussion générale (suite)

Mme Sylvie Goy-Chavent, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui fait suite aux propositions de résolution déposées conjointement à l’Assemblée nationale et au Sénat par Jean-Louis Borloo et François Zocchetto, dont je tiens à saluer la démarche.

Le chef de file des sénateurs UDI-UC du Sénat a déposé, au nom des membres de notre groupe, une proposition de résolution européenne tendant à demander la création d’un droit européen du consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.

Cette résolution s’articule autour de trois mots d’ordre : sécurité, traçabilité et transparence. Pour les sénateurs centristes, « il est indispensable de réformer les missions des autorités en charge de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires au niveau européen afin qu’elles soient en mesure de mener des contrôles renforcés » et « les politiques européennes dans le domaine de la sécurité alimentaire doivent également être renforcées ».

Nous avons demandé qu’un étiquetage obligatoire indique, comme pour les produits frais, si l’animal – bovin, poulet, poisson, etc. – dont la chair se trouve dans les aliments préparés a été nourri avec ou sans farines animales : « Les consommateurs ont le droit de savoir ce qu’ils mangent et doivent pouvoir faire leurs choix en toute connaissance de cause. »

Cette obligation bénéficierait également aux éleveurs, qui pourraient ainsi garantir aux consommateurs que les aliments qu’ils proposent ne contiennent pas de farines animales.

Notons avec satisfaction que, si la procédure a été bloquée à l’Assemblée nationale, elle a pu normalement suivre son cours au Sénat, ce qui nous permet aujourd’hui d’en débattre publiquement. Le débat public n’est-il pas essentiel ? En effet, dans une société démocratique, si la morale doit nous servir de guide, c’est bien le peuple qui est notre seul juge ?

Même si, pour ma part, je regrette que le texte présenté aujourd’hui par la commission n’aille pas assez loin en termes d’information du consommateur et d’interdiction des farines animales, je reconnais néanmoins qu’il constitue une avancée significative ; aussi, je le voterai.

Dans un contexte de défiance du consommateur à l’égard des produits à base de viande, il est essentiel que la France soit à l’avant-garde européenne en matière de traçabilité des viandes, de qualité des produits et d’information du consommateur.

Si nous ne pouvons pas interdire totalement l’usage des farines animales, ne devons-nous pas a minima faire pression sur la Commission européenne afin que le consommateur soit enfin informé quant à l’origine exacte des produits agroalimentaires qu’il consomme ainsi qu’au mode d’alimentation des animaux qui entreront eux-mêmes dans la composition de sa propre alimentation ?

Pourquoi la Commission européenne est-elle opposée à ces principes de base ? Chacun répondra en son âme et conscience à cette question...

Au début des années soixante-dix, le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini avait déclaré : « Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la "société de consommation". »

Cette fameuse société de consommation, c’est bien cet ordre social et économique dénué de morale et fondé sur la stimulation systématique du désir d’acheter dans des quantités toujours plus importantes.

À l’heure de la production agricole de masse, l’industrie agroalimentaire mondiale ne répond-elle pas bien souvent à ce modèle, au détriment des productions françaises de qualité ?

De quoi parlons-nous aujourd’hui ? Quels sont les véritables enjeux de cette discussion ? S’agit-il du simple examen d’une proposition de résolution tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur ? Le problème se résume-t-il ainsi : oui ou non, le consommateur doit-il être informé et jusqu’à quel point ?

Si nous l’informons, me direz-vous, peut-être le consommateur se détournera-t-il de certains biens de consommation ? Il ne fera pas plus suffisamment tourner nos industries...

De retour dans vos départements, une fois sur le terrain, comment expliquerez-vous que vous avez voté un texte susceptible de nuire à certaines entreprises et peut-être même à l’emploi ? Dans ces conditions, personne ne vous blâmera d’avoir rejeté ce texte ! Vous vous serez conduits finalement en élus responsables...

Mais ce serait tout de même oublier un peu vite pourquoi nous avons été élus. Ce serait oublier que le consommateur n’est pas un simple pion qu’on manipule.

Comment omettre le fait que le consommateur est avant tout un citoyen, une des cellules vivantes de cet organisme qui constitue la nation et que nous représentons, toutes et tous, ici même ?

En fait, ne pas informer correctement le consommateur, ne pas lui dire toute la vérité, lui cacher certaines informations, c’est déjà lui mentir, et c’est aussi de cela que nous parlons aujourd’hui : d’une forme de mensonge organisé, et organisé à l’échelle européenne !

Et pourtant, les crises sanitaires, les scandales, les fraudes se succèdent. La confiance des consommateurs s’émousse et les productions agricoles nationales s’effondrent.

En France, dans une République dominée par l’esprit critique et conduite par la morale, l’information transparente du consommateur n’est-elle pas un devoir ? Cacher à une personne l’origine d’un produit de peur qu’elle ne s’en détourne, guider son comportement en ne lui disant pas toute la vérité, c’est une forme de mensonge. Mais n’est-ce pas également une dérive totalitaire, voire l’aboutissement du totalitarisme ? En effet, le consommateur n’a d’autre possibilité que de consommer toujours et toujours plus les produits qu’on lui présente, sans réellement pouvoir opérer un choix. C’est même parfois lui qui les réclame !

Voilà pourquoi je l’affirme : ne pas voter ce texte, ce serait baisser les bras, cautionner la manipulation de masse. Les Français les mieux informés – nos électeurs, par exemple –, ceux à qui nous devons rendre des comptes, ne le comprendraient pas, surtout à l’heure de la transparence servie à toutes les sauces.

Il nous faut aujourd’hui faire preuve de volontarisme. L’adoption de cette proposition de résolution permettrait au Sénat, rassemblé et unanime, d’envoyer un message fort aux autorités européennes.

Elle permettrait en outre d’honorer un des engagements du Président de la République. N’avait-il pas promis de protéger les consommateurs pour rétablir la confiance ?

Mme Sylvie Goy-Chavent. De plus, lors d’une conférence de presse en marge du 50e salon de l’agriculture, François Hollande n’avait-il pas déclaré : « La France s’oppose aux protéines animales. La France a voté contre et la France n’introduira pas ces protéines animales pour ce qui la concerne » ?

Au nom d’un prétendu pragmatisme politique, le Président de la République doit-il aujourd’hui renier ses engagements, et devons-nous, nous-mêmes, trahir nos propres convictions ? Notre premier devoir n’est-il pas de veiller à la parfaite information de ceux qui nous ont élus afin de respecter leur libre arbitre et de veiller à leur libre décision, fondée sur un choix éclairé ?

Pouvons-nous cautionner plus longtemps ces mensonges par omission ? Plus qu’une faute politique, ce serait une faute morale. Qu’on ne vienne plus, alors, me parler des droits européens et de la libre circulation des marchandises !

Mes chers collègues, informer le consommateur, le protéger, ce n’est pas faire du protectionnisme.

M. Jean-Jacques Mirassou. Qui a dit le contraire ?

Mme Sylvie Goy-Chavent. En conséquence, je vous invite à méditer cette petite phrase de Pasolini, que je me permets de vous rappeler : « Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la “société de consommation”. »

De fait, il n’est pas seulement question de plats cuisinés à base de viande low cost ou de quelques saumons élevés aux farines animales et vendus au prix fort dans les rayons des grandes surfaces. Il est question de libre arbitre et même de liberté de conscience !

« Liberté », peut-on lire au fronton de nos mairies. Mais, en matière de consommation, cette liberté n’est-elle qu’un vain mot ? Au nom de la liberté de conscience, nous autorisons l’abattage rituel des animaux de boucherie sans insensibilisation préalable, alors que la loi impose cet étourdissement. Dès lors, au nom de cette même liberté de conscience, pourquoi ne pas informer le consommateur sur l’origine exacte de la viande, sur le mode d’élevage des animaux, sur leur alimentation, sur leur mode d’abattage ou encore sur l’origine, religieuse ou non, de cette viande ?

Pourquoi ne pas lui indiquer clairement si les poissons qu’il consomme ont été nourris ou non avec des farines animales ? Si ces farines ne présentent aucun danger, où est le problème ?

Pourquoi chercher à forcer la main du consommateur en lui cachant la vérité ? À cette question, on me répond simplement : « Si nous l’informons, il risque de se détourner de ces produits et il en choisira d’autres. » Dans ce cas, faisons de la pédagogie. Au demeurant, qui gouverne ce pays ? Rassurez-moi : pas les lobbies ?

Je le déclare très solennellement : méfions-nous, ne méprisons pas les droits élémentaires des citoyens et notamment le droit à l’information. Ne soyons pas complices d’un système aujourd’hui exclusivement dominé par la finance. Ces manquements pourraient bien nous conduire vers une tout autre forme de totalitarisme !

Par un étiquetage honnête, simple et lisible sur tous les produits carnés, à base de viande ou de poisson, bruts ou transformés, nous pourrions, nous devons informer les Français. Nous leur devons cette transparence, car nous avons le devoir de les protéger, de préserver leur santé et celle de leurs enfants.

Monsieur le ministre, la France doit être le fer de lance de cette politique de transparence. Incitons nos voisins européens à nous suivre, ouvrons le chemin, soyons un exemple !

Mes chers collègues, sans doute ce texte aurait-il pu aller beaucoup plus loin, j’en suis consciente, mais il représente une avancée certaine et je vous engage, en conséquence, à le soutenir. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l’UMP et du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est assez rare que le Sénat examine en séance publique une proposition de résolution européenne : cela se produit en moyenne une fois par an, paraît-il. Notre présence dans cet hémicycle témoigne donc de la pertinence de cette initiative et de l’importance du sujet, à la fois pour les consommateurs et pour les filières agroalimentaires.

Comme l’a parfaitement rappelé notre collègue Sylvie Goy-Chavent, le présent texte vise un but essentiel : éclairer le consommateur sur la nature des produits d’alimentation qui lui sont proposés. Pour y parvenir, la présente proposition de résolution suggère, premièrement, d’accélérer la mise en œuvre de la nouvelle réglementation européenne sur l’étiquetage, deuxièmement, de ralentir le processus de réintroduction des protéines animales dans l’alimentation des poissons.

Cette proposition de résolution a cheminé dans notre appareil institutionnel.

Elle a tout d’abord été examinée par la commission des affaires européennes, sur l’excellent rapport de notre collègue Catherine Morin-Desailly. La principale conclusion de ces travaux est qu’il est souhaitable d’articuler la mise en œuvre des nouvelles règles d’étiquetage avec une généralisation des exigences de traçabilité, qui sont aujourd’hui limitées, pour l’essentiel, à la viande bovine. La commission des affaires économiques s’est unanimement ralliée à cette modification de bon sens.

Je rappelle cependant que, pour ce qui concerne le volet relatif aux protéines animales, la commission des affaires européennes a maintenu le principe d’une réprobation de l’initiative européenne et la suggestion d’un moratoire.

Ce travail d’expertise ayant été remarquablement conduit, la commission des affaires économiques a approuvé l’approche complémentaire que je lui ai soumise sur ce sujet. À l’heure où les incantations sur l’information des citoyens et les dénonciations médiatiques du retour aux farines animales se multiplient, il m’a paru salutaire d’apporter au débat des éléments objectifs quant à la nature des protéines animales, aux techniques d’alimentation animale et à la mondialisation des échanges de produits ou de matières premières agricoles.

De quoi parlons-nous ?

Notre point de départ est le suivant : la réglementation européenne lève l’interdiction de certaines protéines animales pour l’alimentation des seuls poissons. Toutefois, les autorités européennes indiquent sans équivoque qu’il s’agit là d’une première étape vers une réintroduction plus générale qui ne concernerait pas les ruminants, mais les porcs et les volailles, espèces naturellement omnivores ou carnivores, tout en excluant le recyclage intra-espèce.

À cet égard, il faut rappeler quelques réalités incontestables. En effet, certains ont parfois l’impression que l’interdiction des farines animales serait devenue une sorte de règle intangible et universelle.

Or, comme le souligne l’Académie d’agriculture de France, l’histoire agricole se résume à 180 années d’utilisation des farines animales pour toutes les espèces et à 10 ans de végétarisme imposé en Europe, y compris aux omnivores. Il en résulte une forte dépendance aux importations de soja, très souvent transgénique, et un renforcement de la spéculation sur les cours des matières premières alimentaires. C’est là un premier constat.

Deuxième constat : sur le plan géographique, l’interdiction des farines animales se limite aux seuls pays de l’Union européenne. Or les échanges de produits agricoles se sont mondialisés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en France, 85 % du poisson que nous consommons est importé et presque la moitié de la production mondiale proviendra bientôt de l’aquaculture, laquelle, en dehors de l’Union européenne, utilise bien entendu les farines animales.

Troisième constat : l’épisode de la maladie de la vache folle reste présent dans nos mémoires. C’est pourquoi la presse, quand elle titre sur « le retour des farines animales », a toutes les chances d’inquiéter les populations, surtout si les plus hautes autorités de l’État expriment simultanément et unanimement des réticences à l’égard des mesures de réintroduction des protéines animales.

Dans un tel contexte, tout en rappelant que les experts ne sont pas infaillibles, le devoir d’objectivité nous impose de constater que l’assimilation des protéines animales transformées, les fameuses PAT d’aujourd’hui, aux farines animales du passé relève de la désinformation du consommateur.

En effet – et ce sont des considérations techniques fondamentales –, les PAT proviennent exclusivement de certains animaux sains dédiés à la consommation humaine. Au surplus, il s’agit des seuls porcs, volailles et poissons, c’est-à-dire des espèces monogastriques – et non pas des ruminants – chez qui aucune contamination n’a été observée en conditions naturelles.

Quatrième et dernier constat : du point de vue économique, de nombreuses études démontrent que le statu quo – c’est-à-dire le maintien de l’interdiction générale des PAT dans l’alimentation animale – présente de sérieux inconvénients pour l’Union européenne et pour la France.

En effet, jusqu’au milieu du XXe siècle, l’agriculture produisait ses propres intrants. Aujourd’hui, la nutrition animale, externalisée de la sphère agricole stricto sensu, est soumise à des systèmes d’échanges mondialisés. Désormais, sur le terrain, la survie économique de l’éleveur dépend donc parfois tout autant de sa compétence technique que de sa capacité à gérer la volatilité des prix internationaux de l’alimentation animale.

Je rappelle que la sélection génétique des animaux d’élevage implique, pour répondre à leurs besoins, une alimentation dense en protéines. Or les PAT ont une teneur élevée en protéines, qui oscille entre 50 % et 60 %, contre 45 % à 50 % pour le tourteau de soja, qui est le plus riche en matière azotée totale, ou MAT, et qui est également le plus largement importé. L’Union européenne est déficitaire à 70 % en tourteaux et le déficit de la France s’élève, en la matière, à 53 %. L’Amérique du Sud est notre premier fournisseur de tourteaux de soja, un soja souvent issu de variétés génétiquement modifiées, dont culture n’est pas autorisée en Europe, mais dont l’usage dans l’alimentation animale est admis.

Ce rappel des données fondamentales étant fait, je formulerai trois remarques pour mieux situer l’état d’esprit du rapport adopté à l’unanimité par notre commission des affaires économiques.

Tout d’abord, pour comprendre pourquoi l’acceptabilité sociétale des protéines animales soulève en France plus de difficultés que dans les pays du nord de l’Europe, il faut prendre en compte notre culture alimentaire et les identités alimentaires qui se manifestent chez nous.

Ensuite, il faut souligner que l’acceptabilité sociale n’est pas seulement un concept sociologique : elle a également un impact décisif et parfois dévastateur sur la demande de produits alimentaires et sur la santé économique de nos filières agricoles.

Enfin, combattre les mystifications alimentaires correspond également à une exigence sociale. En effet, ne nous voilons pas la face, la liberté de choix des ménages ayant peu de ressources est avant tout contrainte par un pouvoir d’achat en baisse. Dans ce contexte, gardons-nous de susciter l’anxiété des plus modestes à l’égard des produits qui leur sont proposés à un prix abordable. Pour contrebalancer un certain emballement médiatique, il faut rappeler que l’alimentation n’a jamais été aussi sûre sur le plan sanitaire. Les acteurs économiques sont aujourd’hui focalisés sur la sécurité alimentaire, car le moindre incident est destructeur en termes d’image.

Compte tenu de ces éléments, notre position initiale consistait à observer un certain rejet sociétal, médiatique et gouvernemental de l’utilisation des PAT, et à souligner les risques économiques qui en découlent pour notre fragile appareil de production agricole et agroalimentaire. En effet, si, dans le contexte actuel, nos producteurs en viennent à utiliser les PAT, on peut craindre une fragilisation des ventes. C’est la raison pour laquelle la filière aquacole et les filières viande se sont, pour la plupart, démarquées de l’utilisation de ces protéines animales.

L’autre scénario, plus probable, verrait la France renoncer à utiliser les PAT tandis que ses concurrents s’engouffreraient sur ce créneau rémunérateur : on accroîtrait ainsi le différentiel de compétitivité, alors que les travaux de la mission commune d’information sur la filière viande incitent à lancer un cri d’alarme sur la situation de nos élevages et à agir au plus vite pour les soutenir.

Au total, il semblait opportun et conforme aux attentes de nos concitoyens de retarder la réintroduction des PAT en s’engageant dans la voie du moratoire, dont personne ne nie qu’elle soit semée d’embûches juridiques.

Cependant, notre commission des affaires économiques a décidé de supprimer de la proposition de résolution la demande de moratoire de la décision européenne et de la remplacer par des demandes d’évaluation : au vu des résultats de ces études, le Gouvernement pourra être invité à solliciter, au niveau européen, un réexamen de l’autorisation des protéines animales transformées.

Mes chers collègues, la position prise par notre commission des affaires économique est conforme aux données techniques et aux contraintes juridiques qui s’imposent à notre pays. Il nous faut désormais relever le défi majeur, qui est de nature économique, avec, d’un côté, la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs et, de l’autre, un appareil de production en grande difficulté. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l'UMP – Mme Odette Herviaux et M. le président de la commission des affaires économiques applaudissent également.)

(M. Charles Guené remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies du Règlement, tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation
Discussion générale (fin)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la troisième fois que j’interviens sur ce sujet qui touche à l’alimentation des Français.

La première fois, c’était le 28 février : je m’étais alors associée à François Zocchetto et aux collègues de mon groupe pour cosigner une proposition de résolution européenne qui s’opposait à l’incorporation de farines animales dans l’alimentation des poissons et demandait une amélioration de l’information des consommateurs, avec notamment une traçabilité complète des produits alimentaires, y compris des produits élaborés.

Je suis intervenue une deuxième fois le 28 mars pour rapporter ce texte devant la commission des affaires européennes.

C’est ce qui me conduit à intervenir aujourd’hui, pour la troisième fois, donc, comme rapporteur pour avis de cette commission.

Chacun le sait, le règlement du Sénat prévoit trois procédures d’adoption définitive des résolutions européennes : l’approbation tacite, par la commission compétente au fond, d’un texte adopté par la commission des affaires européennes ; l’adoption explicite d’un texte par la commission saisie au fond ; enfin, l’examen en séance publique, qui est évidemment la procédure la plus solennelle, mais qui est rarement utilisée.

Pourquoi l’est-elle aujourd’hui ?

L’implication de la Haute Assemblée sur ce thème me semble liée à des raisons politiques, historiques et culturelles.

Le moment choisi par la Commission européenne pour réintroduire les farines carnées dans l’alimentation animale, même en la réservant aux poissons, a été pour le moins malheureux puisqu’il a coïncidé à peu près avec l’affaire de la viande de cheval, qui était cependant d’une tout autre nature.

La Commission européenne suit un rythme, une logique et une voie souvent déconnectés de la vie quotidienne de nos concitoyens. C’est là un des problèmes récurrents de l’Union européenne. Il reste que cette absence de sens politique élémentaire peut être pénalisante pour la construction européenne.

Il faut reconnaître que traiter de l’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des poissons, c’est traiter des farines animales. Même s’il y a des différences entre les deux, et malgré les efforts pour bien distinguer les garanties sanitaires que présentent les premières par rapport aux secondes, les PAT ne sont pas autre chose qu’une sélection des parties nobles des farines animales.

Or, on le sait, ce sujet fait inévitablement remonter à la mémoire la trop fameuse crise de la vache folle de la fin des années 1980 et sa cohorte de scandales sanitaires. Souvenons-nous : c’était l’époque où l’on avait réussi à transformer des vaches végétariennes en espèces carnivores et même cannibales ! Nos partenaires britanniques interdisaient l’utilisation des farines chez eux tout en tolérant leur exportation chez les voisins… Quelques professionnels avaient même alors tenté de faire passer des carcasses d’animaux malades dans le circuit des farines. Il y avait eu incontestablement des dérives scandaleuses !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Le retour des farines carnées évoque donc des pratiques que l’on aurait voulu pouvoir oublier.

Il y a, enfin, une raison culturelle. Ce retour des farines animales a été globalement accepté, voire encouragé par la quasi-totalité des pays de l’Union européenne, à l’exception de la France. Comment expliquer ces réticences françaises dans un contexte d’accord presque général ?

Les familiers de l’Union européenne peuvent l’expliquer par des raisons culturelles. Quand, au nord de l’Europe, on parle de « nourriture », en France, on parle d’« alimentation ». La nourriture évoque un ingrédient et une nécessité biologique. L’alimentation, une façon de faire et un moment de sociabilité.

Or parler de la nourriture des poissons, c’est parler de l’alimentation des hommes. En France, plus qu’ailleurs, c’est un sujet sensible, une question qui touche à la culture, et pas seulement à la santé publique.

Ce n’est ni la première ni sans doute la dernière fois que le Sénat intervient. Notre assemblée a été à l’origine de la fronde sur un projet de réglementation européenne concernant les profils nutritionnels. La Commission avait alors dû reculer. Elle vient de faire connaître son intention de reprendre ce dossier, et nous serons à nouveau vigilants comme nous le sommes aujourd’hui.

Au reste, le débat de ce soir est une nouvelle illustration de cet ancrage culturel.

J’en viens à la proposition de résolution, modifiée par notre collègue Jean-Jacques Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques.

Il me faut d’abord saluer son travail, tant sur la forme que sur le fond. En tant que rapporteur de la commission des affaires européennes d’un texte que j’avais cosigné, je m’étais efforcée de donner un éclairage juridique et politique à cette proposition de résolution. Notre collègue a complété cet éclairage, et les nombreuses auditions qu’il a conduites l’ont amené à faire évoluer le texte.

Je suis, je dois le dire, quelque peu embarrassée par cette évolution puisqu’elle inclut à la fois une adhésion à notre proposition telle qu’elle a été adoptée par la commission des affaires européennes, et une certaine distance, notre collègue proposant les modifications dont il vient de faire état.

La plus importante concerne la question d’un moratoire sur la décision de la Commission européenne. La proposition initiale présentée par notre groupe, comme la proposition adoptée par la commission des affaires européennes à l’unanimité, retenait cette idée de moratoire, tandis que notre collègue Jean-Jacques Lasserre et la commission des affaires économiques ont préféré y renoncer.

Je n’ignore pas que cette demande de moratoire est, au regard des exigences posées par le droit européen, une source potentielle de contentieux.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. En effet, la suspension temporaire de l’application d’un règlement européen doit être fondée par des motifs d’ordre public ou de santé publique. Ce n’est pas tout à fait le cas, en l’espèce, puisque l’opposition au retour des farines animales est plutôt, à ce stade, une position de principe et de précaution.

Nous sommes conscients de ces obstacles, mais, après en avoir discuté en commission des affaires européennes, nous avons néanmoins fait le choix de maintenir la demande de moratoire. Il nous est apparu nécessaire de marquer notre inquiétude et de susciter un débat.

Il est clair que le retour des PAT dans l’alimentation des poissons risque de n’être qu’une étape vers un retour plus large des farines dans l’alimentation animale. Une fois ce pas franchi, sera-t-il possible, en pratique, de s’arrêter là ?

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. La prochaine étape sera de manger des mouches !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Je crois qu’il n’était pas inutile d’exprimer notre inquiétude de nous voir pris dans un engrenage. Il est aussi de notre devoir de parlementaires de relayer le sentiment de beaucoup de nos concitoyens d’être dépossédés du droit de choisir leur alimentation. Comment exercer ce droit si la transparence et la traçabilité ne sont pas garanties, si l’information du consommateur est tronquée ?

L’épisode du scandale de la viande de cheval a démontré que, malgré les règles, il peut y avoir des lacunes dans la chaîne de contrôle. On voit bien que la traçabilité dans la filière de production et de transformation de la viande n’est pas complètement assurée.

Certes, le cas des PAT est bien différent, compte tenu du nombre de règles multiples et complexes à respecter, mais celles-ci n’éliminent pas les risques, comme l’ont souligné certains eurodéputés. Si les abattoirs se spécialisent de plus en plus par espèce, c’est loin d’être le cas sur le reste de la chaîne. Par exemple, les transports ne sont pas spécialisés et les mêmes conteneurs peuvent transporter tantôt des restes de bœuf, tantôt des restes de volaille.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Et bientôt des mouches !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. De même, les usines qui produisent déjà des aliments à base de PAT pour animaux domestiques ne sont pas dédiées à une seule espèce.

D’ailleurs, une étude menée en 2011 par le ministère de l’agriculture à la demande de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail expliquait que seulement 2 % de la production française d’aliments pour porcs était fabriquée dans des usines exclusivement consacrées à cette activité. Les autres produisaient, entre autres, des aliments pour volailles et pour ruminants… Difficile, dans ces conditions, d’éviter à coup sûr les contaminations croisées ! Le manque d’étanchéité des filières concernées ne peut donc pas être ignoré.

Je rappelle tout de même que la France et l’Allemagne se sont, de concert, opposés à cette réintroduction des PAT dans l’alimentation des poissons, tout comme les eurodéputés français, qui ont largement rejeté, le 6 juillet dernier, la résolution portant sur le contrôle des aliments pour animaux.

Nos collègues de la commission des affaires économiques ont choisi de privilégier le réalisme et la solidité juridique. Ce sont des soucis légitimes, mais il me paraît tout aussi légitime de manifester une préoccupation devant des évolutions qui pourraient s’avérer incontrôlables.

Ce n’est donc pas sans regret que je me rallierai au texte présenté par la commission des affaires économiques. Notre intention principale reste de faire vivre le débat. La séance de ce soir montre que cet objectif est atteint. Il nous faudra ensuite rester durablement très vigilants. C’est ce que les citoyens attendent de nous, tout spécialement face à des questions de ce type, qui les concernent tous. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je reviens devant le Sénat avec plaisir. En effet, votre assemblée organise régulièrement des débats sur des sujets touchant à l’agriculture et à l’agroalimentaire et je suis heureux que la proposition de résolution européenne qui est aujourd’hui en discussion porte sur un sujet qui fait écho à une actualité très vive.

Je tiens d’abord saluer le travail qui a été conduit. Ses fruits, tels qu’ils apparaissent dans le texte qui vous est soumis, sont indiscutablement à la hauteur des enjeux qui ont été rappelés à cette tribune.

J’ai d’ailleurs observé que, la première intervention, puis la deuxième, puis la troisième nous ont permis d’entendre s’exprimer des sensibilités assez différentes sur ce sujet très complexe.

En vérité, il s’agit d’une question qui concerne à la fois les consommateurs et les citoyens. Certes, les consommateurs sont a priori des citoyens, mais il y a là deux notions qu’il convient de ne pas confondre, comme c’est souvent le cas, en fonction des intérêts en jeu. En l’occurrence, ce débat, et cela a été dit, intéresse à la fois le consommateur et le citoyen : les rapports que l’on entretient avec la nourriture sont à la fois des rapports de consommateur et de citoyen, ne serait-ce que par la dimension culturelle de l’alimentation.

Concernant la première intervention, je voudrais formuler certaines mises en garde.

La première concerne l’information des consommateurs sur les produits vendus. Au fur et à mesure que l’on ajoute des informations sur les produits, on conduit le consommateur à analyser l’ensemble des étiquettes pour faire ses choix. On lui demande d’être capable de savoir si les produits qu’il consomme contiennent des OGM, demain des protéines animales, de déterminer les taux de différents produits, notamment d’insecticides ou de pesticides. On finit alors par ne plus donner aucune information !

Pourtant, une des informations les plus importantes pour le consommateur aujourd’hui, c’est le rapport entre la qualité du produit et son prix, ce dernier élément pesant évidemment d’autant plus que son niveau de pouvoir d’achat est faible. Or il n’en a jusqu’à présent pas été question. Pourtant, nous avons tous, les uns les autres, une responsabilité à cet égard.

Nous devons cesser de considérer simplement que les circuits courts, avec des productions locales sur des marchés locaux, qui sont au demeurant absolument nécessaires – et le ministre que je suis en soutient résolument le développement –, sont « la » vraie réponse, tout en laissant entendre que l’industrie agroalimentaire devrait susciter immédiatement le doute. Comme si l’on pouvait, dans des sociétés comme la nôtre, urbanisées à 80 %, nourrir les populations en faisant l’économie d’organisations de production, de transport et de distribution qui sont à l’échelle des marchés que représentent ces populations !

L’industrie agroalimentaire et les grands circuits de distribution ne sont pas nés d’un seul coup sous prétexte que certains y avaient intérêt : ils ont été aussi une des conditions du passage à la consommation de masse. L’enjeu, pour nous, c’est d’assurer et la consommation locale, de qualité, avec des circuits courts, et l’accès à l’alimentation pour tous, non d’opposer l’une et l’autre.

Oserai-je rappeler ici que près de 18 millions d’Européens souffrent aujourd’hui de malnutrition ? Oserai-je rappeler que, dans un certain nombre de ménages en France, le seul repas pris par les enfants dans la journée est celui que propose la cantine ?

Voilà des éléments que nous devons garder à l’esprit lorsque nous parlons des questions alimentaires !

Je reviens à présent sur le débat lui-même.

Il est certain que se sont mêlées la crise née du fait que des produits annoncés comme contenant de la viande de bœuf étaient en réalité faits de viande de cheval et la question des protéines animales transformées. Vous l’avez très bien dit, madame le rapporteur pour avis, la conjonction des deux sujets a suscité le débat qui vous a conduits, vous et vos collègues, à travailler sur cette proposition de résolution.

Bien sûr, le moment choisi pour traiter des protéines animales transformées, précisément celui où éclatait ce scandale sur la viande de cheval, était sûrement le plus mauvais ! Mais, comme vous l’avez fort justement souligné, madame le rapporteur pour avis, cela n’a pas empêché la France, seul pays de l’Union à se prononcer en ce sens, de refuser la possibilité d’utiliser des protéines animales transformées pour l’alimentation des poissons carnivores.

Il arrive à la France de l’emporter sur les autres pays !

Ainsi, s’agissant de l’utilisation des néonicotinoïdes, nous avons été suivis et avons obtenu un moratoire de deux ans sur ces produits, qui sont source de problèmes, voire cause de mortalité chez les abeilles.

Mais, dans le cas qui nous occupe, nous avons été seuls, ainsi que vous l’avez rappelé. Aussi, la règle européenne s’appliquera.

Dans cette proposition de résolution européenne, la commission des affaires économiques a fait le choix de revenir sur la première hypothèse retenue, à savoir un moratoire qui ne se serait appliqué qu’en France, car, dans ce cas, vous le savez, nous aurions été en infraction avec le droit européen.

L’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des produits d’aquaculture étant autorisée à compter de juin prochain, vous voulez, avec cette proposition de résolution, faire en sorte que la France sensibilise les autres pays, les alerte sur les risques que présenterait une extension générale de ces protéines.

Je soutiendrai ce texte et les conclusions auxquelles vous êtes parvenus sur deux points qui me paraissent importants.

Tout d’abord, si les évaluations soulèvent des doutes et des questions, qui n’ont pas été évoquées jusqu’à présent, la France, je le dis au nom du Gouvernement, prendra les décisions nécessaires pour faire stopper l’utilisation des protéines animales transformées et demander à la Commission européenne de revenir sur sa décision.

C’est tout le débat entre moratoire et évaluation, et je vous rejoins tout à fait sur le principe que vous avez adopté et sur la méthode que vous avez employée.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur le ministre !

M. Stéphane Le Foll, ministre. De manière plus globale, la vigilance que vous demandez porte sur toutes les possibilités d’extension de l’utilisation de ces protéines. Les évaluations qui seront conduites sur le poisson seront de nature à nourrir le débat qui pourrait s’engager à l’échelle européenne.

La France sera alors là pour rappeler les règles de sécurité et de sûreté et, surtout, les risques de confusion ou de « fongibilité » sur un certain nombre de produits et sur les espèces. À cet égard, j’ai pris bonne note, madame le rapporteur pour avis, de ce que vous avez dit. Cette question exige une vigilance toute particulière, et la France sera là pour faire valoir cette position.

Compte tenu de ce qui s’est passé avec les farines animales, même s’il ne s’agit pas tout à fait de la même chose, il importe d’être extrêmement vigilant et scrupuleux quant à l’application de la décision qui a été prise, notamment sur le poisson.

Comme cela a été rappelé, le Président de la République avait pris une position en la matière. La filière aquacole française s’est engagée, comme la filière bovine d’ailleurs, à ne pas recourir à ces protéines. Comme il s’agit de poissons carnivores, qui ont donc besoin de protéines, le ministre chargé de la pêche a lui-même pris l’engagement de travailler sur le développement de protéines à base de poisson destinées à l’alimentation de poissons.

Telle est la ligne directrice qui est la nôtre, sachant que l’aquaculture française est aujourd'hui en voie de développement : la part de la consommation de poissons issue de cette production est actuellement de 15 %. Nous devons suivre cette stratégie pour développer une aquaculture de qualité, qui ne recourra pas aux protéines animales transformées.

Cette proposition de résolution européenne a donc un objectif d’alerte et de vigilance, que je partage. Sur tous ces sujets, il importe de réunir toutes les conditions de sécurité et toute la vigilance nécessaire.

Vous avez ensuite évoqué la question de l’étiquetage, notamment les conséquences à tirer de l’affaire de la viande de cheval retrouvée en lieu et place du bœuf dans des produits transformés.

Aujourd'hui, la réglementation européenne ne permet pas de fournir, pour les produits transformés, l’origine des produits. C’est ainsi que, faute de traçabilité, on a retrouvé, dans les lasagnes incriminées, du cheval à la place du bœuf.

Dès que ce scandale a éclaté, la France a été très claire et très ferme tant à Bercy, par la voix de Benoît Hamon, qu’au ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, par celle de Guillaume Garot : il fallait retirer les produits incriminés, trouver les sources de la fraude en remontant l’ensemble de la filière, sanctionner et remettre la filière en ordre de marche. En effet, les entreprises concernées sont aujourd'hui, il faut le savoir, dans de grandes difficultés économiques.

Toutefois, il convenait avant tout de protéger le consommateur. Et il est inacceptable de faire croire à un consommateur qu’il achète des lasagnes à base de bœuf quand il s’agit en fait de cheval !

Nous avons saisi l’Europe sur cette question, car la fraude constatée dans les entreprises françaises provenait d’une fraude menée à l’échelle européenne, dans laquelle deux traders des Pays-Bas étaient notamment en cause.

Aussi avons-nous sollicité une réunion de crise exceptionnelle, qui s’est tenue le 13 février dernier, au cours de laquelle nous avons demandé à la Commission européenne d’accélérer, d’une part, les processus de contrôle en mobilisant Europol pour ce qui concerne les questions de police et de coordination des contrôles à la fois sanitaires et économiques et, d’autre part, la présentation du rapport qu’elle devait élaborer sur l’étiquetage des produits agroalimentaires transformés.

Le commissaire européen Tonio Borg a pris cet engagement, à la demande de la France. Lorsque je l’ai rencontré, il y a un mois, avec Delphine Batho, il a confirmé le fait que la Commission européenne présenterait son rapport en septembre prochain, accélérant ainsi le calendrier prévu : le rapport était censé être remis à la fin de l’année, ce que, dans les circonstances en question, nous ne pouvions accepter.

De plus, dans une lettre qu’il nous a adressée le 20 mars dernier, il a fixé des orientations qui correspondent aux demandes de la France, ainsi que d’autres pays d’ailleurs, notamment l’Allemagne, à savoir que serait dorénavant indiquée, pour les produits transformés, l’origine des ingrédients utilisés.

Toute la discussion a porté ensuite sur des questions techniques, l’origine étant, pour ce qui est des viandes animales, le lieu de la production, et non pas celui de l’abattage. Sur ce point, nous sommes d’accord avec l’Allemagne.

Le rapport portera sur l’ensemble des questions d’étiquetage, afin non pas simplement d’assurer une traçabilité – on finit toujours par retracer l’origine du produit, et ce fut bien le cas, en l’espèce –, mais de donner au consommateur les éléments lui permettant d’être sûr de l’origine de production de la viande qu’il achète.

Tel est, à nos yeux, l’enjeu et tel est le débat que nous aurons avec la Commission européenne.

Je me félicite donc des orientations fixées par le commissaire européen. Je soutiendrai la Commission européenne, bien entendu, si elle va dans le sens souhaité par l’Allemagne et la France.

Mais nous n’avons pas fait que cela. Car nous voulons, dans le même temps, favoriser l’essor des activités considérées dans notre pays. Aussi, comme après la crise de la vache folle, nous allons chercher à assurer des débouchés aux filières françaises concernées par les protéines animales transformées et à la filière aquacole, avec un cahier des charges tenant compte de la qualité sanitaire, de l’origine de la production – c’est le logo « viande bovine française ».

Lors du salon de l’agriculture, un certain nombre de grands distributeurs se sont engagés à vendre des produits transformés à base de viande bovine française. Je m’efforce d’étendre cet engagement aux viandes ovines et porcines. À cet égard, je proposerai, au début du mois de juillet, une grande réunion avec les professionnels concernés pour fixer le cahier des charges qui s’appliquera à l’ensemble des viandes françaises.

Lorsque l’on appose une étiquette « viande bovine française », « viande porcine française » ou « viande ovine française », le consommateur doit savoir que cela a été fait conformément à un cahier des charges respectueux des conditions sanitaires, du bien-être animal et aussi, il ne faut pas l’oublier, des conditions sociales de production qui ont cours chez nous. En effet les conditions sociales de production ne sont évidemment pas toujours respectées de la même manière dans le monde, ni même partout en Europe.

Il convient donc de fixer ce cahier des charges pour structurer et renforcer les filières animales françaises. Tel est, en tout cas, l’objectif que nous nous sommes fixé.

Eu égard aux enjeux que vous avez posés et aux problèmes que vous avez évoqués, cette question revêt, comme je l’ai dit précédemment, une dimension culturelle. Nous devons rester vigilants sur la représentation de l’aliment, qui est très importante. La France est un modèle en la matière, et nous devons nous appuyer sur la conception du repas à la française, sur la gastronomie française, ainsi que sur la qualité et la diversité de la production française. Au-delà de la question des protéines animales transformées et de la crise que nous connaissons, nous devons faire en sorte que nos filières de production soient un atout pour la France. C’est un engagement que je prends devant vous.

Je le répète, je souscris aux orientations retenues dans cette proposition de résolution européenne quant aux problèmes posés par les protéines animales transformées et par le scandale de la viande de cheval. En la matière, le Sénat fait œuvre utile et permettra au Gouvernement français de peser – c’est bien ce que souhaite la représentation nationale – dans le débat européen pour aller vers plus de qualité et de sécurité, tout en valorisant, dans le même temps, le mieux possible les productions agricoles de notre pays. (Applaudissements.)

M. le président. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, mes chers collègues, l’auteur de la proposition de résolution européenne, les rapporteurs et M. le ministre ont, je le crois, abordé l’ensemble des aspects du sujet. Aussi, afin d’éviter les redites, je concentrerai mon propos sur ce qui me paraît le plus important.

D’emblée, monsieur le ministre, je tiens à vous dire que mon groupe et moi-même souscrivons à vos déclarations.

L’utilisation des protéines animales transformées ne va pas sans poser quelques problèmes. Il faut avant tout prévenir certaines dérives possibles. J’ai bien noté que vous aviez pris quelques précautions au niveau européen.

Il reste que la France importe environ 85 %...

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. De protéines végétales !

M. François Fortassin. … certes, mais surtout des poissons d’élevage qu’elle consomme. Nous devons donc obtenir toutes assurances quant aux conditions d’élevage des poissons importés. Se pose donc la question de la traçabilité.

De manière un peu anecdotique, j’évoquerai la viande de cheval retrouvée dans des lasagnes « au bœuf ». À titre personnel, ça ne me gêne pas de manger de la viande de cheval…

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Ce n’est pas le problème !

M. François Fortassin. Ce que je déplore, c’est que nous n’ayons eu aucune garantie sanitaire et que l’on nous ait menti quant à l’origine de la viande. La traçabilité, elle doit être au service des consommateurs, qui sont tout de même, au final, principalement concernés !

De la même façon, monsieur le ministre, je suis tout à fait d’accord avec vous pour considérer qu’il faut faire figurer l’origine des viandes.

M. François Fortassin. Mais nous pourrions aller plus loin et exiger que l’on précise s’il s’agit de viande de race à viande ou de race laitière.

En effet, avec de la viande française de race à viande, il y a 90 % de chances que l’animal ait mangé de l’herbe.

M. Roland Courteau. Et de l’herbe française ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Avec de la viande européenne, on a 80 % ou 90 % de chances pour qu’il s’agisse de vache de réforme, avec une alimentation…

M. François Fortassin. … au moins relativement douteuse.

Par ailleurs, la traçabilité suppose que le consommateur puisse précisément s’assurer de la nature exacte d’un produit. Mais encore faut-il qu’il dispose de toute l’information nécessaire, et je crois que nous devons être au clair sur ce point, À cet égard, il y a un problème d’éducation.

La qualité d’un poisson ou d’une viande ne réside pas seulement dans sa qualité sanitaire : c’est une condition nécessaire, indispensable même, mais non suffisante. La qualité gustative, cela compte aussi !

Monsieur le ministre, vous avez rappelé que la France était le pays de la bonne table. Vous avez parfaitement raison. J’en suis moi-même, ainsi que quelques autres, une illustration parfaite ! (Exclamations amusées.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Sénat dans son ensemble ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Pour que l’information soit la plus complète possible, il faut également, me semble-t-il, que les dates d’abattage soient mentionnées.

Prenons l’exemple des agneaux que notre pays importe de Nouvelle-Zélande. Environ 9 000 carcasses d’animaux sont transportées dans des cargos et vendues sous forme de viande fraîche… trois mois après l’abattage ! Moi, je n’ai rien contre, mais j’aimerais bien savoir ce que l’on met sur la viande pour la conserver… Or, même lorsque j’ai rédigé un rapport d’information sur l’élevage ovin avec notre collègue Gérard Bailly, voilà quelques années, je n’ai pas pu obtenir cette information ! Et si l’on n’a pas voulu nous la fournir, c’est qu’il y avait sans doute quelque chose à cacher…

Le problème se pose également pour les produits laitiers. Beaucoup sont faits avec des laits dont on ne connaît avec précision ni l’origine ni les conditions de production. En France, pays de grands pâturages, nous produisons un lait de bonne qualité, mais ce n’est pas le cas de tous les pays européens. Or nous importons aussi des produits laitiers d’autres pays.

Je terminerai en évoquant un amendement que j’avais déposé voilà quelques années ; ma proposition avait été adoptée à l’unanimité, mais elle est demeurée lettre morte, en tout cas pour l’instant. Il s’agissait simplement de dire que les herbivores doivent manger de l’herbe ! (Sourires et exclamations.)

D’abord, l’herbe, c’est ce qui permet de produire la meilleure viande et le meilleur lait. Ensuite, si on a de l’herbe, on a des prairies naturelles, et celles-ci sauvegardent les nappes phréatiques. Enfin, si on avait donné de l’herbe aux bovins, nous n’aurions jamais connu le problème de la vache folle !

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. François Fortassin. Si une vache n’a devant elle rien d’autre que des farines animales, elle finira par les manger ! Mais si elle a un herbage de qualité, elle ne touchera pas à ces farines absolument « dégueulasses » – passez-moi le terme, mais je l’emploie volontairement –, que nous finissons par manger nous-mêmes, ce qui est encore plus gênant ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je partage les conclusions que notre collègue François Fortassin, qui nous les a présentées avec la pointe d’humour dont il sait toujours agrémenter ses interventions.

La proposition de résolution européenne a été déposée à la suite du récent scandale de la viande de cheval trouvée dans des aliments censés contenir du bœuf, à quoi s’est ajoutée la décision de la Commission européenne d’autoriser à nouveau l’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des poissons, en tout cas pour le moment des seuls poissons. Je tiens d’ailleurs à saluer la position que la France a défendue sur ce dossier par votre voix, monsieur le ministre.

Il est nécessaire que la population dispose de toutes les informations sur les aliments qu’elle consomme. Les citoyens attendent légitimement de se sentir protégés par les règlements et par la loi. Le premier de nos objectifs doit donc être de restaurer la confiance, à l’égard tant des aliments que des politiques. Cela signifie que nous devons être en mesure de jouer pleinement notre rôle.

Nous assistons parallèlement à la mise au jour de scandales à répétition : les fraudes se mêlent au manque de transparence et, parfois, aux conflits d’intérêts, avec à la clé des risques sanitaires – et ils peuvent être majeurs – pour le consommateur.

Posons un constat : oui, il y a des fraudes qu’il faut parvenir à déceler plus systématiquement et qu’il faut sanctionner ! Mais, au-delà, il faut prendre toute la mesure des dangers liés à certaines pratiques, certes légales, de l’industrie agroalimentaire.

Je pense à l’utilisation en masse d’OGM dans l’alimentation animale, au recours excessif aux antibiotiques chez les animaux, aux effets cocktail des pesticides sur les végétaux, aux nitrates et pesticides, là encore, qui polluent nos cours d’eau… Il s’agit non pas de dramatiser, mais de faire preuve de lucidité. Toutes ces pratiques pourraient demain entraîner des scandales sanitaires.

En découvrant de telles pratiques, la population se sent trompée. En effet, le modèle agro-industriel échappe aux citoyens. Mais il ne doit pas échapper aux politiques. Nous devons prendre l’initiative de favoriser l’émergence de modes de production respectueux de l’environnement et des animaux.

Aujourd’hui, trop d’élevages fonctionnent encore selon un modèle hors-sol inacceptable sur le plan éthique, source de pollutions et de graves menaces sanitaires : recombinaison de virus, antibiorésistance due à l’usage irraisonné d’antibiotiques, dont, selon une étude récente, la consommation par les animaux d’élevage a augmenté de 12,5 % entre 1999 et 2009…

Selon un rapport publié par la Cour des comptes européenne le 10 avril dernier, les subventions aux entreprises agroalimentaires dépasseraient 9 milliards d’euros, 5,6 milliards d’euros provenant de l’Union européenne et le reste de fonds nationaux. L’institution s’est penchée sur l’efficacité de ces aides, accordées dans le cadre de la politique de développement rural de l’Union européenne, c'est-à-dire le deuxième pilier. Voici ce qui figure dans le communiqué de presse : « La Cour a constaté que les États membres n’orientent pas les financements vers les projets pour lesquels la nécessité d’une aide publique est avérée. De ce fait, la mesure se transforme en subvention générale aux entreprises qui investissent dans le secteur agroalimentaire, avec les risques associés de distorsion de concurrence et de gaspillage de fonds publics devenus rares. »

Ce sont ces mêmes entreprises qui sont dans une logique de masse en produisant au plus bas prix, donc en offrant des produits bas de gamme. Elles sont engluées dans une course sans fin à l’industrialisation, à la massification et aux conditions de travail déplorables.

Oui, comme l’écrit notre collègue, il faut avoir la parfaite maîtrise et la connaissance de notre alimentation ! Pour nous, cela implique des changements dans les pratiques alimentaires.

Il s’agit tout d’abord de reconsidérer notre politique alimentaire. Comme le montrent nombre d’études, en moyenne, nous mangeons trop de protéines d’origine animale, notamment de viande. La viande, on le sait, symbolise encore le régime des riches. Bien entendu, il ne s’agit surtout pas aujourd'hui d’en refuser à ceux qui ont trop peu de moyens. En revanche, il faut diminuer globalement la quantité de viande dans le régime moyen et y substituer une part de protéines végétales, que nous ne produisons pas encore en quantité suffisante. Les arguments ne manquent pas : la consommation excessive de viande est cause de diabète, d’obésité, de maladies cardio-vasculaires…

Par ailleurs, notre modèle alimentaire ne peut pas être étendu à l’ensemble de la planète : la production de viande demande en effet beaucoup plus d’énergie et de surface que bien d’autres productions. Le système ne peut donc pas être généralisé.

Par conséquent, si nous voulons des protéines made in France, il nous faut produire plus de protéines végétales, consommer moins de protéines animales, mais des protéines françaises : moins en quantité, mais de meilleure qualité.

Notre objectif doit être de faire de la qualité, c'est-à-dire des produits issus de notre tradition alimentaire et gastronomique ; Stéphane Le Foll et Guillaume Garot ont d’ailleurs insisté à plusieurs reprises sur ce point. La qualité, c’est à la fois la qualité gustative et la qualité sanitaire.

Je pense à des produits issus de la variété et de la richesse de nos terroirs, fabriqués par des travailleurs et des entreprises fiers de leurs savoirs et de leur savoir-faire. C’est cette production-là qui doit être connue, reconnue, promue, identifiée, tracée et contrôlée. C’est cela qu’il faut exporter, comme le montre le succès des vins français,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas les taxer, alors ! (Sourires.)

M. Joël Labbé. … et non des produits bas de gamme, créant trop peu de valeur ajoutée, exportés à coûts de subventions et ruinant trop souvent les agricultures des pays importateurs !

Pour conclure, je dirai que cette proposition de résolution européenne, sans prendre toute la mesure des enjeux, va dans le bon sens. C’est pourquoi les membres du groupe écologiste la voteront.

L’alimentation est un enjeu fondamental. Nous attendons avec confiance de réelles avancées des deux prochains projets de loi portant, l’un, sur la consommation et, l’autre, sur l’avenir de l’agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret.

Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative remarquable de François Zocchetto, président du groupe de l’UDI-UC, et surtout de Sylvie Goy-Chavent. Cette proposition de résolution européenne me paraît tout à fait importante.

Je félicite également les rapporteurs de leur travail d’expertise, qui a permis de préciser certains aspects de cette proposition de résolution européenne. Je pense notamment au droit relatif à l’information des consommateurs, aux règles de traçabilité et d’étiquetage, à l’harmonisation des contrôles, à la responsabilité des entreprises de courtage ou encore aux problèmes économiques, qui ne sont pas les moindres.

Leur démarche est d’autant plus intéressante qu’elle s’inscrit dans le cadre de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe.

Je voudrais rappeler brièvement le contexte actuel et les deux principaux événements qui, à mon avis, expliquent que les consommateurs aient aujourd’hui une conscience accrue des risques sanitaires qu’ils courent.

Le premier de ces événements est le récent scandale dont nombre d’orateurs ont déjà parlé mais qu’il est bon de rappeler : de la viande de cheval a été retrouvée dans des produits alimentaires surgelés en lieu et place de la viande de bœuf. Je fais évidemment référence à l’affaire qui a défrayé la chronique dernièrement.

M. Roland Courteau. Nous l’avions compris !

Mme Hélène Masson-Maret. Sans doute, mais je crois utile de rappeler cette affaire parce qu’elle a soulevé le problème de l’étiquetage des produits alimentaires et de la traçabilité de leur chaîne de fabrication.

Le second événement est la décision prise par la Commission européenne d’autoriser l’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des poissons d’élevage et des autres animaux d’aquaculture. Cette autorisation pourrait raviver le spectre du scandale de la vache folle, et surtout l’angoisse du consommateur de voir réapparaître l’encéphalopathie spongiforme bovine, maladie qui a beaucoup frappé les esprits voilà quelques années et dont nous nous souvenons tous.

Aujourd’hui, face à l’internationalisation du marché des produits alimentaires, la nécessité de circuits courts dans les processus de fabrication des plats cuisinés apparaît de plus en plus nettement.

La présente proposition de résolution européenne s’inscrit parfaitement dans l’actualité en s’ordonnant autour de deux volets essentiels.

D’abord, elle souligne la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de la nouvelle réglementation européenne sur l’étiquetage et de mettre en place, au niveau européen, une législation permettant au consommateur d’être informé non seulement du contenu des produits, mais aussi de leur provenance.

Selon moi, cette nouvelle obligation d’étiquetage devrait produire un double effet. En premier lieu, elle bénéficierait aux éleveurs, qui pourraient prouver aux consommateurs que les aliments qu’ils proposent ne contiennent pas de ces protéines animales tant redoutées. En second lieu, elle rétablirait la confiance du consommateur à l’égard du produit alimentaire qu’il absorbe, ce qui est tout à fait essentiel.

Ensuite, la proposition de résolution européenne met en question la décision prise par la Commission européenne le 18 juillet 2012 d’autoriser l’utilisation de protéines animales transformées pour l’alimentation des poissons d’élevage, et ce dès le 1er juin 2013, c’est-à-dire quasiment demain. Cette proposition de résolution constitue une démarche politique importante, car elle demande qu’une évaluation soit décrétée dans le but de relancer un débat européen sur l’opportunité de cette autorisation.

Je tiens à souligner que la Commission européenne vient par ailleurs de modifier le règlement de surveillance de l’encéphalopathie spongiforme bovine, en levant l’obligation d’effectuer des tests de dépistage sur les animaux de plus de 72 mois « ne présentant pas de signe clinique de la maladie » ; cette mesure, qui revient à supprimer totalement les dépistages sur les bovins dits « sains », ne peut que renforcer les inquiétudes.

Cette décision est liée à la pression de certains États membres, qui ont dénoncé le coût des campagnes de dépistage ; du moins est-ce l’une de ses raisons. Elle soulève donc la difficulté de concilier les pressions économiques – en l’occurrence, celles des professionnels de la filière bovine – et la sécurité alimentaire.

En pleine crise de confiance à l’égard de l’industrie agroalimentaire, et même si l’utilisation des protéines animales reste théoriquement sous contrôle étroit, celle-ci étant même interdite dans la filière bovine, la présente proposition de résolution européenne a le mérite de soulever les problèmes posés par la décision de la Commission européenne.

Compte tenu des fondements sur lesquels elle repose, nous estimons que cette proposition de résolution européenne va dans le sens d’une meilleure protection du consommateur. Nous considérons aussi, pour paraphraser le célèbre proverbe de Rabelais,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Science sans conscience…

Mme Hélène Masson-Maret. … qu’une alimentation sans confiance n’est que ruine de l’entreprise. Nous venons d’ailleurs d’en constater les dégâts avec la chute vertigineuse d’une entreprise régionale française en raison de la perte de confiance des consommateurs dans la qualité de ses produits.

Dans la crise qui bouleverse particulièrement l’Europe, cette proposition de résolution européenne souligne le lien qui existe entre la confiance du consommateur envers les produits que les industriels lui proposent et la vitalité de l’économie alimentaire, qui représente une part de marché suffisamment importante pour participer à la relance de notre économie.

En définitive, le législateur se doit d’imposer des règles susceptibles de rétablir la confiance, tout en prenant en compte les nécessités économiques ; monsieur le ministre, les unes n’excluent pas les autres.

C’est pourquoi j’apporte mon soutien à cette proposition de résolution européenne ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dépôt par nos collègues du groupe UDI – UC de la proposition de résolution européenne relative au droit du consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance par le consommateur de son alimentation est intervenu à la suite de deux événements.

Le premier est la décision de la Commission européenne d’autoriser, par la voie d’un règlement, l’introduction de protéines animales transformées dans l’alimentation des poissons d’élevage.

Le second est le scandale lié à la découverte, le 7 février dernier, de viande de cheval dans des lasagnes au bœuf. Cette affaire a révélé une fraude d’une ampleur considérable, touchant plusieurs filières d’approvisionnement dans plusieurs pays européens.

Ces deux événements, quoique bien distincts par leurs origines et leurs conséquences, présentent un point commun : dans les deux cas, le consommateur voit le contenu de son assiette potentiellement modifié dans sa qualité.

De ce point de vue, nous soutenons la démarche de nos collègues visant à renforcer les dispositions prévues par le règlement européen du 25 octobre 2011 concernant l’information du consommateur sur les denrées alimentaires, plus connu sous le nom de règlement INCO. Ce règlement européen institue un véritable droit à l’information du consommateur en ce qu’il oblige l’ensemble des exploitants du secteur agroalimentaire, depuis le fournisseur d’ingrédients et de produits alimentaires intermédiaires jusqu’aux restaurations collective et rapide, à mentionner de manière simple et lisible douze informations essentielles pour que le consommateur puisse faire un choix éclairé.

Alors même que le droit à l’information du consommateur institué par ce règlement n’est pas encore appliqué dans sa totalité – nous avons jusqu’en 2014 pour en appliquer les dispositions générales et jusqu’en 2016 pour le mettre en œuvre dans son ensemble – la question se pose déjà, à juste titre, de son renforcement. En effet, l’information du consommateur doit couvrir des domaines plus larges que les douze mentions obligatoires prévues par le règlement INCO.

Les consommateurs, nos concitoyens, exigent transparence et traçabilité au sujet des denrées qui leur sont proposées ainsi que de leur mode de fabrication et de production. Pour répondre à ces exigences légitimes et pour faire face aux enjeux de qualité et de sécurité mis en lumière par des crises fréquentes, les moyens mis en œuvre doivent être adaptés aux situations et coordonnés.

C’est pourquoi, avec certains de nos collègues, nous nous sommes étonnés que cette proposition de résolution européenne soit présentée au moment où tant le Parlement que le Gouvernement mettent tout en œuvre pour répondre de manière adéquate à deux problèmes distincts : la réintroduction des protéines animales transformée et la fraude à la viande de cheval.

En ce qui concerne les PAT, la décision de l’Union européenne d’autoriser leur réintroduction pour l’aquaculture survient après des années de recherche scientifique rigoureuse et, surtout, après un vote par lequel, malheureusement, la majorité des États membres se sont prononcés en faveur de cette autorisation. Bien entendu, le gouvernement français a pris position contre cette autorisation, gardant en mémoire, comme nombre de Français, l’apparition en Europe d’une forme d’encéphalopathie spongiforme transmissible : la maladie dite de la « vache folle ». (M. Roland Courteau acquiesce.)

Le Gouvernement maintient cette position politique ; avec les aquaculteurs, il fait en sorte que l’alimentation des poissons d’élevage reste majoritairement exempte de PAT. C’est dans cet esprit qu’il soutient le label « Aquaculture de nos régions », dont le cahier des charges exclut l’utilisation des PAT et qui a été acquis par 75 % des aquaculteurs français. La commission des affaires économiques a adopté, sur l’initiative du groupe socialiste, un amendement à la proposition de résolution européenne tendant à encourager le Gouvernement à promouvoir ce label au niveau européen.

Dans sa version initiale, la proposition de résolution européenne demandait qu’un moratoire soit instauré sur l’application du règlement européen levant l’interdiction d’utilisation des PAT dans l’alimentation des poissons d’élevage. Le moratoire, possibilité que les traités ouvrent aux États membres lorsqu’ils peuvent invoquer des raisons liées notamment à la protection de la santé, n’est pas l’outil juridique adéquat en la circonstance. En effet, les risques résultant de l’utilisation des PAT pour la santé des poissons et des humains qui les consomment ayant été écartés par des pratiques plus vertueuses, la clause de sauvegarde ne peut être mise en œuvre.

En revanche, le Gouvernement peut contrôler la production des PAT afin qu’elles soient irréprochables d’un point de vue sanitaire ; du reste, il s’y est déjà engagé.

Le groupe socialiste a également fait adopter par la commission des affaires économiques un amendement prévoyant la réalisation, sur le plan national comme sur le plan européen, d’études d’impact sur les conséquences économiques et environnementales de cette autorisation. Comme M. le ministre l’a précisé, le cas échéant, des conclusions en seront tirées.

Par ailleurs, j’observe que le groupe UDI de l’Assemblée nationale a déposé une proposition de résolution européenne identique à celle déposée au Sénat le 28 février dernier. Pour éviter la répétition et l’amalgame, les aspects de cette proposition qui concernent les PAT ont été intégrés à un autre texte actuellement étudié par l’Assemblée nationale et qui porte sur le respect de la chaîne alimentaire. Quant au volet de la proposition relatif à la filière viande, son examen a été suspendu en prévision de la publication d’un rapport d’information.

Au Sénat, la situation est identique : la présente proposition de résolution européenne vient interférer avec les travaux de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe ; en outre, elle assimile deux questions distinctes, au risque d’entraîner une confusion quand les buts recherchés sont l’information et la clarification.

Les amendements présentés par le groupe socialiste en commission des affaires économiques ont visé, dans un premier temps, à dissocier clairement ces deux questions. Dans un second temps, nous avons fait en sorte que la proposition de résolution européenne accompagne le Gouvernement dans sa volonté d’éviter que l’utilisation des protéines animales transformées dans l’alimentation des animaux se répande dans tout l’élevage français.

S’agissant de la filière viande et des dispositions à prendre à la suite de la fraude ayant consisté à remplacer de la viande de bœuf par de la viande de cheval, les dispositions que le groupe socialiste a introduites par voie d’amendement visent à insérer la proposition de résolution européenne dans la démarche d’amélioration de la traçabilité des denrées, plus particulièrement de la viande, entreprise à la fois par l’Union européenne et par le Gouvernement.

Enfin, nos amendements ont introduit dans la proposition une demande à mon avis primordiale pour l’efficacité de la lutte contre la fraude alimentaire : le renforcement des obligations pesant sur les traders, c’est-à-dire les courtiers.

Bien que, dans la forme, cette proposition de résolution européenne paraisse peu opportune, elle traite de sujets – la qualité et la sécurité alimentaires – qui préoccupent vivement les Français. Elle souligne par ailleurs la nécessité d’une plus grande vigilance, dans le cadre de l’Union européenne, sur les enjeux alimentaires. Enfin, elle nous permet de renouveler notre soutien et notre confiance au Gouvernement concernant les actions entreprises en la matière. Nous saluons plus particulièrement l’efficacité avec laquelle il a géré la crise récente, issue de la fraude visant à faire passer du cheval pour du bœuf. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Marcel Deneux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution européenne que nous a présentée Mme Sylvie Goy-Chavent au nom du groupe UDI-UC a été adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques. Elle tend à poser les grandes lignes d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.

Ce texte fait bien sûr écho à l’actualité récente, qui a révélé la présence frauduleuse de viande de cheval dans des produits censés contenir de la viande de bœuf.

Vingt ans après la crise sanitaire dite de la « vache folle », la confiance des consommateurs est encore une fois légitimement ébranlée. Alors même que le constat d’une fraude à grande échelle dans l’industrie agroalimentaire montre les faiblesses des contrôles sanitaires face à des opérateurs économiques parfois peu scrupuleux et cherchant toujours plus de profits, la Commission européenne voudrait que nous acceptions la réintroduction, progressive mais inéluctable, des protéines animales transformées dans l’alimentation des animaux d’élevage.

C’est dans ce contexte que les auteurs de cette proposition de résolution européenne posent des exigences de traçabilité des produits et d’information des consommateurs. En déplorant le règlement européen de janvier 2013, qui réintroduit les protéines animales dans l’alimentation, le texte pose également la question de l’indépendance alimentaire de notre pays et de celle de nos élevages pour ce qui concerne les protéines végétales.

Nous partageons bien entendu l’ensemble des constats et recommandations inscrits dans la proposition de résolution. C’est pourquoi nous l’avons votée avec l’ensemble de la commission des affaires économiques et c’est pourquoi nous la voterons en séance publique.

Cependant, nous souhaitons vous présenter, mes chers collègues, deux amendements visant à renforcer les positions exprimées. Depuis le vote intervenu en commission des affaires économiques, la Commission européenne a présenté des mesures législatives visant à garantir un meilleur respect des normes de santé et de sécurité sanitaire tout au long de la chaîne agroalimentaire. Il nous a donc semblé utile d’en tenir compte et d’amender le texte de la proposition en conséquence, afin de préciser nos exigences, et d’abord en ce qui concerne l’information des consommateurs.

Comme vous le savez, un certain nombre de rapports doivent être présentés au niveau européen ; celui sur l’étiquetage devrait être disponible en septembre 2013. Comme le note M. le rapporteur Jean-Jacques Lasserre, il est essentiel de trouver un équilibre entre l’insuffisance et le trop-plein d’informations. Nous sommes favorables à l’obligation d’indiquer sur l’étiquette des plats transformés le lieu de naissance, d’élevage et d’abattage de l’animal.

En premier lieu, l’information délivrée doit pouvoir être décryptée par le consommateur, dont l’éducation en la matière doit donc être assurée. Pour notre part, nous sommes convaincus qu’une information positive est plus pertinente. Ainsi avions-nous proposé, dans un premier temps, par souci de clarté, que les poissons nourris avec des protéines animales soient étiquetés avec cette mention. Le consommateur doit savoir : à côté du label « 100% végétal et poisson », on doit lui donner cette information.

Il est également important d’assurer une information du consommateur pour les produits à l’étalage, par voie d’affichage. Sur ce point, nous avons rectifié notre amendement initial – j’y reviendrai lors de sa présentation –, afin qu’un affichage permette de savoir que tels poissons n’ont pas été nourris avec des farines animales. C’est une position de repli, qui constitue malgré tout un progrès puisqu’elle doit permettre au consommateur de comprendre que, a contrario, les autres poissons sont nourris avec ces farines.

En second lieu, il faut réviser le système de l’autocontrôle et de l’autocertification, synonymes de moindres contrôles officiels. Le paquet « hygiène » adopté en 2004 repose sur la responsabilité et l’autocontrôle des producteurs et des fabricants, assortis d’une surveillance des autorités publiques ; Ce dispositif peut être mis en question dans un contexte où l’industrie agroalimentaire est focalisée sur les coûts. Comme le notent les représentants des salariés de la DGCCRF, « on est allé trop loin dans la délégation de cette fonction aux entreprises. Il faut renforcer de nouveau la pression des contrôles officiels. »

C’est l’une des leçons du scandale de la viande de cheval : le système de contrôle actuel ne permet pas d’encadrer le marché européen ni de détecter de manière satisfaisante les éventuelles fraudes qui en découlent.

De plus, les politiques d’austérité imposées au niveau européen et appliquées avec zèle par les gouvernements de droite ont conduit à diminuer le nombre des personnels aptes à remplir ces missions de service public visant à protéger les consommateurs.

M. Gérard Le Cam. Le résultat, c’est que, dans le département de l’Aude, où est située l’entreprise Spanghero, la répression des fraudes ne compte qu’un seul agent pour toute l’industrie alimentaire !

M. Roland Courteau. C’est presque exact !

M. Gérard Le Cam. Il y a deux ans, ma collègue Evelyne Didier s’était intéressée, dans son rapport budgétaire pour avis sur les crédits de la mission Économie, à la situation de la DGCCRF. Elle avait dénoncé non seulement le manque de moyens mis à disposition, mais également la dénaturation des missions des agents et l’abandon des missions d’enquête.

Les annonces de la Commission européenne sur le renforcement des contrôles officiels et des sanctions resteront lettre morte si les dépenses budgétaires nécessaires ne sont pas engagées. De plus, il est essentiel de préciser le contenu et l’articulation européenne de tels contrôles.

Pour ce qui concerne les farines animales, malgré les propos rassurants de la Commission, nous sommes fermement opposés à leur réintroduction dans l’élevage et soutenons donc la position ferme du Gouvernement en la matière. Les sénateurs du groupe CRC condamnent sans appel une telle décision, qui consiste à oublier trop vite les erreurs du passé.

Cependant, une fois que l’on a dit cela, il faut répondre au problème de notre dépendance en matière de protéines végétales. Presque la moitié des protéines consommées par les élevages français proviennent d’Amérique du Sud. Il s’agit pour l’essentiel de soja transgénique, dont le cours ne cesse d’augmenter. Au-delà de son coût, prohibitif pour les agriculteurs français, se pose également la question de la présence d’OGM, même indirecte, dans notre alimentation.

De plus, la course à la productivité a entraîné dans les pays d’Amérique du Sud, notamment en Argentine et au Brésil, un développement de l’usage des pesticides pour les cultures de soja OGM, dont les conséquences sont catastrophiques sur la santé des citoyens et la permanence des écosystèmes. Globalement, la concentration foncière s’accélère, ainsi que l’inégalité dans la distribution des revenus. Les intoxications des personnes liées aux techniques de fumigation aérienne, notamment quand les habitants vivent au bord des champs de soja, ont des conséquences dramatiques sur la santé des personnes.

Une mission commune d’information sur les pesticides a été conduite. Nous connaissons les dangers, il serait inacceptable de les ignorer au nom de notre indépendance alimentaire.

Devrons-nous choisir entre OGM et farines animales ? Nous pensons que d’autres voies sont possibles. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, un plan « protéines végétales », pour tirer parti de l’intérêt agronomique et écologique des légumineuses et contribuer à l’autonomie fourragère des exploitations. Nous devons travailler à de telles pistes.

En conclusion, il serait hypocrite de faire croire que le consommateur peut maîtriser son alimentation, alors que son pouvoir d’achat ne cesse de diminuer. Être informé ne suffit pas : encore faut-il avoir les moyens d’acheter les produits que l’on veut ! Mettre en avant les circuits courts, les productions locales, est une bonne chose, mais il est nécessaire de donner les moyens à nos producteurs de vivre et de continuer leur activité, pour offrir des alternatives complémentaires à l’alimentation de masse.

Mes chers collègues, nous partageons les exigences de protection des consommateurs. Mais, dans une Europe qui affame ses concitoyens et les abandonne – je pense ici à la fin du Programme européen d’aide aux plus démunis –, dans une Europe où l’austérité est le mot d’ordre, cette protection me semble quelque peu fragile. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de nombreux commentaires ont déjà été formulés sur cette proposition de résolution européenne tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation. Je n’en détaillerai donc ni le contenu ni l’histoire.

Avant tout, je tiens évidemment à saluer le travail des deux rapporteurs, Jean-Jacques Lasserre pour la commission des affaires économiques, Catherine Morin-Desailly pour la commission des affaires européennes. Leurs analyses pertinentes et la qualité de leurs rapports ont éclairé nos débats.

Pour m’en tenir à ma famille centriste, je tiens également à remercier le président de notre groupe, qui a bien voulu déposer cette proposition de résolution européenne au nom de l’UDI-UC.

Je formulerai quelques remarques préliminaires.

Les questions relatives au droit des consommateurs et à la qualité de l’alimentation constituent des préoccupations majeures pour tous les responsables publics, auxquelles nous ne devons pas nous soustraire. Je suis heureux que ce soient les sénateurs centristes qui aient pris l’initiative de porter ces problématiques devant notre assemblée et, de surcroît, de les considérer comme relevant du niveau européen. Nous ne pouvons plus nous contenter de légiférer et d’adopter des grands principes si nous sommes seuls à les défendre ! Cela ne serait d’aucune efficacité pour atteindre les objectifs visés et pourrait devenir dangereux économiquement.

Sur le fond, je tiens naturellement à soutenir des objectifs partagés par tous : une information fiable et transparente du consommateur, une maîtrise de son alimentation, le développement des circuits courts et, donc, une confiance retrouvée entre les consommateurs, les distributeurs, les producteurs et les éleveurs.

Les mesures défendues dans cette proposition de résolution européenne ainsi que dans le texte de la commission des affaires économiques doivent être soutenues par notre assemblée, puis par le Gouvernement.

Concernant l’étiquetage de ce que mange le consommateur et la nécessaire transparence, je soutiens la volonté d’accélérer, par rapport au calendrier initial, la mise en place de la nouvelle réglementation européenne. Comme notre collègue Jean-Jacques Lasserre le rappelle dans son rapport, « le règlement de 2011 concernant l’information du consommateur sur les denrées alimentaires doit entrer progressivement en vigueur et l’essentiel de ses dispositions devrait être applicable à la fin de l’année 2014 ».

Appuyons encore la volonté des ministres de se montrer très exigeants envers la Commission, de manière à ce qu’un texte puisse être adopté et soit applicable rapidement. Tous les agents économiques de la filière sont demandeurs d’un calendrier leur donnant le temps de se préparer.

Sur la distinction entre farines animales et protéines animales transformées, je tiens à saluer le travail de pédagogie réalisé par le rapporteur de la commission des affaires économiques, pour bien différencier les deux produits, dont la différence est, comme l’écrit Jean-Jacques Lasserre, « comparable à celle qui distingue l’eau de source des eaux usées ». Notre collègue parle de « combat contre les mystifications alimentaires », ce qui me semble tout à fait pertinent.

Il faut une fois pour toutes adapter notre vocabulaire et ne plus parler de « farines animales » lorsqu’il s’agit de protéines animales transformées. Pour l’éducation du public, le choix de notre vocabulaire se révélera particulièrement utile, les politiques n’ayant pas vocation à nourrir des peurs infondées. Il nous appartient de savoir de quoi nous parlons et d’employer les termes qui conviennent.

Les politiques ont souvent du mal à résister aux crises sanitaires et à leur impact sur l’opinion publique, même si celles-ci sont lointaines et que les professionnels en ont déjà tiré les conséquences.

Une crise a suffi à stigmatiser une pratique. Tout le monde a réagi, mais la suspicion demeure, entraînant des blocages quasi insurmontables. J’entends bien notre devoir de protection des citoyens et des consommateurs et je comprends aussi le poids du principe de précaution. Néanmoins, mon expérience m’autorise à affirmer que nous ne pouvons pas nous laisser aveugler par ce seul principe, qui constitue finalement, pour les décideurs, une bonne excuse pour ne rien décider : il faut en effet un peu de courage pour prendre des décisions dont la popularité n’est pas acquise et dont on ne reconnaît que plus tard la pertinence.

Sur le moratoire, je comprends les arguments de chacun, mais je crois que nous ne pouvons à la fois souhaiter une nouvelle réglementation européenne et avancer seuls dans notre Hexagone.

Cultivant le paradoxe, contrairement à mon habitude, monsieur le ministre, je développerai sur ce point quelques arguments.

En prétendant être les meilleurs, nous ne ferions qu’entamer notre compétitivité économique, sans pour autant faire réagir les autres États membres de l’Union. Ramer seul dans une embarcation où se trouvent vingt-six autres passagers ne permet pas de changer de cap : cela ne fait que la déstabiliser !

Pis, le moratoire pourrait avoir un effet contraire à celui recherché et entraîner moins de transparence. Des voisins moins scrupuleux en matière d’élevage et d’étiquetage pourraient profiter de notre réglementation pour inonder le marché français de produits que nous ne souhaitons pas produire, mais que nous laissons entrer. Pensez seulement un instant, mes chers collègues, au soja OGM… Je ne veux pas en parler longuement, mais assumons notre hypocrisie collective concernant les OGM, qui nourrissent en fait tous nos élevages !

Concernant les aspects techniques des protéines utilisées, j’éprouve une crainte. En effet, l’utilisation de protéines animales transformées, qu’il convient donc de ne pas confondre avec les farines animales, permet la composition de formules destinées à l’alimentation des animaux dont l’équilibre en acides aminés est à peu près inimitable. Aujourd’hui, dans l’alimentation animale – je pense en particulier à l’aquaculture –, ces acides aminés sont remplacés par des produits dont je n’ai pas la garantie qu’ils constituent un bienfait pour la santé des animaux et pour les humains, qui sont le maillon final de la chaîne alimentaire et sur lesquels ces produits peuvent avoir des répercussions directes ou indirectes. Est-ce un progrès ? Il faut nous interroger au moment où nous allons devoir nous prononcer sur ce moratoire.

Ainsi, vous l’aurez compris, s’agissant de ce dernier, je soutiens bien sûr l’amendement qu’avaient déposé nos collègues Alain Fauconnier et Daniel Raoul en commission. Comme ils le soulignent, la demande de réexamen de la décision de la Commission européenne, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er juin 2013, n’aurait sans doute pas trouvé d’issue favorable. Le remplacement du moratoire par la réalisation d’études permettant une évaluation de l’utilisation des protéines animales pour les poissons d’élevage me semble plus réaliste techniquement, et sans doute plus sûr en termes de résultats au niveau européen.

C’est tout naturellement que l’ensemble des collègues de mon groupe et moi-même voterons cette proposition de résolution européenne, en souhaitant, monsieur le ministre, qu’elle contribue à éclairer la position du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe UMP, je tiens à remercier le groupe UDI-UC d’avoir pris l’initiative de ce débat à la suite du scandale de la viande de cheval. C'est en effet en février dernier que François Zocchetto et ses collègues ont déposé cette proposition de résolution européenne tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.

Évidemment, ce scandale alimentaire fait aujourd'hui l'objet d’intenses travaux. Qu'il me soit permis ici de saluer ceux que mènent, de manière extrêmement intelligente et efficace, nos collègues Bernadette Bourzai et Sylvie Goy-Chavent dans le cadre de la mission commune d'information qu’elles conduisent, et aux activités de laquelle je participe autant que faire se peut. Les très nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé montrent d’ailleurs toute son utilité, en complément de la présente proposition de résolution.

Nous sommes tous favorables à ce que le droit des consommateurs, tant français qu’européens, soit renforcé. De même, nous sommes tous soucieux que les produits qu’achètent les consommateurs français et européens soient exempts de tout risque sur le plan sanitaire.

Dans le même temps, nous voyons bien les limites de l'exercice : nous sommes un pays parmi beaucoup d'autres et les solutions qui peuvent être mises en œuvre soulèvent elles-mêmes des problèmes techniques auxquels nous ne pouvons pas nécessairement apporter des solutions.

S’il est question aujourd'hui de l'étiquetage, c'est bien sûr en référence à la crise née de la tromperie sur la viande entrant dans la composition de plats préparés. S’il est question également des protéines animales transformées, c'est parce que nous avons le souvenir de la crise alimentaire consécutive au développement de l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, dont les conséquences ont été extrêmement graves en particulier pour notre pays, même s’il est possible d’en tirer des enseignements positifs.

Il va de soi qu'il faut non seulement renforcer l'étiquetage, mais surtout le rendre lisible. C'est bien beau de vouloir éclairer les consommateurs ; encore faut-il que ceux-ci soient en mesure non seulement de lire les informations qui leur sont dispensées, mais également de les comprendre. C’est ce que vous disiez peu ou prou tout à l’heure, monsieur le ministre.

M. Jean-Jacques Mirassou. Lire les étiquettes peut être fastidieux !

M. Jean-Claude Lenoir. Il convient même d’aller plus loin. On parle de l'étiquetage des produits qui sont achetés en magasin, mais irait-on jusqu'à exiger des restaurateurs qu’ils indiquent le détail des produits qu’ils servent dans les assiettes de leurs clients, leur origine ? (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Cette obligation serait logique, mais lourde de conséquences. C’est pourquoi je ne pense pas qu’elle soit réaliste.

Aussi, il faut savoir raison garder. Il faut être ferme sur les principes, exploiter au maximum les instruments techniques dont nous disposons, utiliser les règlements en vigueur, mais, parce que nous n'en avons pas les moyens financiers, il est inenvisageable de placer un contrôleur derrière chaque produit.

Pour ma part, monsieur le ministre, je suis plutôt partisan d’un système très répressif. Certes, des contrôles réguliers doivent être effectués, de façon inopinée, sur un échantillonnage de produits – un sur cent ou un sur mille –, mais, en cas de faute ou de tromperie, il faut que la sanction soit très lourde. Le commerçant, le producteur, le restaurateur qui aurait trompé le consommateur mérite d’être très sévèrement condamné.

En revanche, je ne voudrais pas que, en accroissant les missions de contrôle, on mette en place un système administratif conduisant à la création de nombreux postes de fonctionnaire et, partant, à l’augmentation du prix des produits consommés.

Monsieur le ministre, vous aviez raison tout à l'heure d'évoquer l’aspect économique et social de cette question. Dans un magasin, quelle étiquette le consommateur regarde-t-il en premier ? Celle du prix ! Aujourd'hui, il est mieux informé que par le passé, mais ce n'est pas déterminant dans son choix. Par conséquent, nous devons trouver un moyen permettant tout à la fois de protéger le consommateur, d'empêcher les tromperies, mais aussi d'éviter la crise que feraient naître des prix trop élevés.

J’en viens maintenant à la question des protéines animales transformées. Celles-ci suscitent évidemment de graves inquiétudes, mais, dans le même temps il faut être réaliste : le 1er juin prochain, la décision de la Commission européenne s'appliquera !

En commission, nous avons eu un débat très riche et très intéressant. Dans un premier temps, nous étions partisans d’un moratoire, qui est toujours une solution de facilité. Finalement, nous avons renoncé à cette option et fait le choix de procéder très rapidement une évaluation des risques éventuels.

Cette solution, semble-t-il, reçoit l’agrément du Gouvernement et de l’ensemble de ceux qui ont contribué à la rédaction des documents que nous sommes en train d'étudier.

S’agissant des poissons, le sujet est très complexe. Je ne suis pas un expert de cette question, mais je crois savoir que tous les poissons ne sont pas carnivores : certains sont herbivores.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir. Par ailleurs, s’il est un produit qui circule sur toute la planète, c'est bien le poisson. D'abord, beaucoup d’espèces parcourent les océans. Ensuite, le lieu de consommation du poisson est souvent fort éloigné du lieu où il a été pêché, et ce lieu de pêche n'est pas toujours, sur les étals, aussi bien identifié que l’est le lieu d’élevage d’un animal destiné à l’abattage. Enfin, les circuits de commercialisation sont organisés de telle sorte que beaucoup d'informations qui seraient nécessaires nous échappent.

Au final, il faut être vigilant et étudier de près la situation qui va être créée à compter du 1er juin.

Je conclurai mon propos en m’adressant d'abord spécifiquement à vous, mes chers collègues, puis au Gouvernement.

Notre rôle est d'écouter, puis de transmettre les informations qui sont portées à notre connaissance. Nous nous y emploierons dans le cadre de la mission d'information. Il ne s'agit pas de faire peur, il ne s'agit pas de faire croire au consommateur qu'ils court des risques à consommer les produits dont on parle, lesquels portent parfois des noms un peu techniques, y compris les produits génétiquement modifiés, pour reprendre l’expression favorite du président de la commission des affaires économiques. Notre rôle est aussi de nous montrer pédagogues, d'expliquer, d'informer et d'éviter ainsi les erreurs de jugement.

Quant à mon ultime message, celui que je destine au Gouvernement, il est le suivant.

Depuis la crise de l’ESB, voilà plus de dix ans, les questions alimentaires nous préoccupent. La France, parmi les autres pays européens, a su donner un sens à l'action publique. Il faut que nous soyons exemplaires et, pour cela, il faut être à la fois déterminé et énergique.

Parce que nous pouvions penser que nous nous retrouverions sur cet objectif, les membres du groupe UMP ont voté cette proposition de résolution en commission. À cette tribune, je suis chargé de vous dire que nous sommes favorables à son adoption en séance plénière. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens au préalable à féliciter Jean-Jacques Lasserre, rapporteur, et Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis, de la qualité de leur travail et des éclaircissements qu’ils nous ont apportés.

Le texte que nous examinons aujourd’hui sur l’initiative du groupe UDI-UC appelle plusieurs commentaires, qui portent tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, tout d’abord, cette proposition de résolution tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation « télescope » largement les travaux de la mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe.

Cette mission, que j’ai l’honneur de présider, traite de l’élevage, de l’abattage, de la transformation et de la distribution. Créée, également à la demande du groupe UDI-UC, lors de la conférence des présidents du 20 février 2013, elle a vocation à proposer des améliorations de la législation européenne et nationale.

Nos travaux sont en cours : nous avons déjà procédé à une trentaine d’auditions et nous en avons autant à venir. Il nous a en effet paru nécessaire d’auditionner l’ensemble des intervenants de la filière, car nous avons le souci d’établir un diagnostic complet et précis qui nous permette de faire des propositions concrètes et pertinentes.

Il me semble donc à cet égard quelque peu regrettable que cette proposition de résolution soit déposée et examinée en parallèle, avant même la fin des travaux de la mission

Venons-en maintenant au fond.

L’objectif affiché de cette proposition de résolution européenne est de renforcer la sécurité, la traçabilité et la transparence afin que, comme l’indique l’exposé des motifs, « nos concitoyens n’aient plus à s’inquiéter au quotidien des conséquences de leurs choix alimentaires ».

Cet objectif, nous le défendons également, et d’ailleurs c’est le sens des travaux que nous menons dans le cadre de la mission.

Mais, pour ce faire, la proposition de résolution initiale plaçait sur le même plan l’affaire dite de « la fraude à la viande de cheval » – le horsegate – et l’autorisation de réintroduire les protéines animales transformées, les PAT, dans l’alimentation des poissons d’élevage.

Cette rédaction m’a semblé quelque peu inopportune, car, en creux, ce texte fait l’amalgame entre deux dossiers qui ont peu à voir l’un avec l’autre : d’un côté, un comportement frauduleux et tout à fait répréhensible ; de l’autre côté, une décision politique, certes malvenue mais légale, de la Commission européenne.

Or je rappelle que cette fraude, certes de très grande ampleur, est liée à une tromperie sur la marchandise et n’a entraîné, fort heureusement, aucune crise sanitaire.

Ce texte peut ainsi entretenir une confusion chez le consommateur, ce qui est en contradiction totale avec l’objectif affiché par ses auteurs. C’est à mon sens dommageable si l’on veut vraiment rétablir la confiance de celui-ci.

Concernant la fraude à la viande de cheval, les préconisations de la proposition de résolution rejoignent celles du groupe socialiste et celles du Gouvernement, qui, d’ailleurs, dès que l’affaire a été révélée – M. le ministre l’a rappelé, et je l’en félicite –, a pris des initiatives fortes en ce sens auprès de ses partenaires européens pour travailler dans les meilleurs délais à une législation européenne instaurant un étiquetage de l’origine de la viande dans les produits transformés, en particulier dans les plats cuisinés.

Je rappelle également la mise en place, à la demande du gouvernement français, d’un plan de contrôle européen.

Par ailleurs les dispositions du futur projet de loi sur la consommation relatives au renforcement des sanctions en cas de tromperie répondent également aux préoccupations contenues dans cette résolution.

S’agissant du dossier des protéines animales transformées, je rappelle que, si le gouvernement français s’est opposé à la décision de la Commission européenne, celle-ci est désormais une décision communautaire. Nous pouvons la regretter, mais aucune raison objective sur le plan sanitaire ne nous autorise à la contester de manière unilatérale, sauf à remettre en cause le principe même de nos institutions européennes.

Alors, plutôt que de condamner de manière stérile, il me semble préférable de continuer à assurer la mobilisation des moyens nécessaires à une coordination des contrôles et à une harmonisation des mesures lorsqu’une fraude alimentaire ou un problème de sécurité sanitaire est détecté simultanément dans plusieurs États membres.

C’est ce que le groupe socialiste a proposé, en intégrant également un renforcement des obligations imposées aux entreprises de courtage s’agissant de la traçabilité. Dans tous les cas en effet, la responsabilité des pouvoirs publics est de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des consommateurs et restaurer leur confiance dans la filière alimentaire.

Nous avons demandé également des études d’évaluation sur les pratiques effectives de la filière de production des protéines et graisses animales dans l’ensemble des pays européens ainsi que sur les impacts économiques et environnementaux de l’utilisation des protéines animales pour les poissons d’élevage au regard de l’utilisation d’autres sources de protéines, notamment végétales.

Au vu des résultats de ces études et sur leur base, le Gouvernement aura la possibilité de solliciter un réexamen au niveau européen de cette autorisation.

Assurer la transparence et la traçabilité, valoriser les pratiques saines et les dispositifs alternatifs tels que la création d’un label européen « sans farine animale » sont des mesures nécessaires pour que la confiance du consommateur soit rétablie.

Ce sont les points introduits et défendus par le groupe socialiste. La proposition de résolution initiale a ainsi été largement amendée en ce sens, ce dont je me félicite. C’est pourquoi je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je tiens tout d’abord à remercier l’auteur de proposition de résolution, les rapporteurs et l’ensemble des intervenants.

Cette discussion a mis en évidence des points importants relatifs à l’étiquetage, à la protection des consommateurs et aux divers enjeux. D’aucuns ont insisté sur l’équilibre qu’il faut trouver entre toutes les contraintes auxquelles nous sommes confrontés, qu’elles soient de nature technique ou qu’elles touchent à la protection des consommateurs ainsi qu’à leur capacité d’identifier les indications figurant sur les étiquettes.

Cela va-t-il servir au Gouvernement ? La question a été posée. Je réponds : oui, bien entendu. Le débat est pleinement engagé sur le plan européen et la position adoptée par l’une des assemblées du Parlement français permettra au Gouvernement de défendre à la fois la ligne que nous avons adoptée et les engagements que nous avons pris.

J’ajoute en ce qui concerne les sanctions, car j’ai oublié d’évoquer cet aspect dans mon intervention liminaire, que le projet de loi sur la consommation, que présentera Benoît Hamon, fera plus que doubler, puisqu’il pourra atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires, le montant des sanctions que pourra prononcer le juge en cas de fraude.

Certes, les consommateurs sanctionnent aujourd'hui les entreprises qui ont été touchées par la fraude à la viande de cheval, qui le paient très cher, mais ceux qui sont à l’origine de cette fraude ne sont au fond pas sanctionnés. Comme le disait Benoît Hamon, et la formule m’a paru juste, on sanctionne plus celui qui « pique » un paquet de lasagnes dans un supermarché que celui qui remplace 30 000 tonnes de viande de bœuf par de la viande de cheval ! Ce n’est pas acceptable.

Dans la mesure où l’on est dans un système de contrôles aléatoires et d’autocontrôles des entreprises, les sanctions sont absolument nécessaires, et elles doivent être dissuasives. Ce sera l’un des objets du projet de loi sur la consommation.

Enfin, je sais qu’il y a au Sénat une tradition gastronomique et je tiens à vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le ministère de l’agriculture a pris l’initiative de lancer les « Rabelaisiennes », grandes tablées du 14 juillet. Si le Sénat est prêt à en organiser une, je serais très heureux d’y participer ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. Il y aura des rillettes du Mans et du boudin de Mortagne ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne.

Proposition de résolution européenne

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 168, 169 et 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires,

Vu le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires,

Vu la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard,

Vu le règlement (UE) n° 56/2013 de la Commission, du 16 janvier 2013, modifiant les annexes I et IV du règlement (CE) n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles,

Vu la communication de la Commission européenne du 22 mai 2012 (COM (2012) 225 final) : Un agenda du consommateur européen – Favoriser la confiance et la croissance,

Considérant que la parfaite information du consommateur est indispensable à la maîtrise de son alimentation ;

Considérant que la réintroduction de protéines animales transformées pour l’alimentation d’animaux destinés eux-mêmes à l’alimentation humaine peut entamer la confiance des consommateurs et créer un climat de suspicion à l’égard de l’ensemble de la filière aquacole ;

Considérant que les circuits courts entre les producteurs et le consommateur final permettent de limiter les risques liés à la traçabilité des aliments ;

Constate que les récents scandales autour de la viande de cheval retrouvée dans des aliments censés contenir du bœuf font peser un climat de défiance à l’égard de l’ensemble des acteurs de l’agro-alimentaire ;

Constate que ces épisodes ont mis en exergue l’insuffisance de la législation européenne dans le domaine de la traçabilité et de l’information des consommateurs ;

Demande que le droit relatif à l’information des consommateurs prévu dans le règlement (UE) 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, précité soit amélioré afin de créer un droit européen du consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation ;

Soutient l’action du Gouvernement en direction de la Commission européenne afin que celle-ci présente dans les meilleurs délais, comme elle s’y est engagée, au Parlement européen et au Conseil les deux rapports prévus aux 5 et 6 de l’article 26 du règlement (UE) 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, précité relatifs à l’indication des pays d’origine de la viande utilisée en tant qu’ingrédient ainsi que l’indication d’origine de tous les types de viande ;

Demande que l’indication de la provenance de tous les aliments, en particulier s’agissant de la viande, entrant dans la composition des plats préparés soit rendue obligatoire par le biais d’un étiquetage ;

Estime que la législation européenne doit privilégier les circuits courts entre les producteurs de denrées alimentaires et le consommateur final ;

Souhaite que les règles actuelles relatives à la traçabilité telles qu’elles sont prévues notamment par l’article 18 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, précité soient complétées afin que les opérateurs soient tenus de mettre en place une procédure de traçabilité interne permettant de garantir la véracité des informations qu’ils communiquent ;

Demande que les obligations imposées aux entreprises de courtage de viande soient renforcées, notamment s’agissant de la traçabilité complète des produits qu’elles achètent et revendent ;

Demande que les autorités européennes puissent mobiliser les moyens nécessaires à une coordination des contrôles et une harmonisation des mesures lorsqu’une fraude alimentaire ou un problème de sécurité sanitaire sur les aliments survient simultanément dans plusieurs États membres ;

Souligne la nécessité d’œuvrer pour une réelle harmonisation des politiques européennes de sécurité alimentaire ;

Déplore le règlement (UE) n° 56/2013 de la Commission, du 16 janvier 2013, précité visant à autoriser l’utilisation dès juin 2013 de protéines animales transformées pour l’alimentation des poissons d’élevage et salue l’opposition de la France lors du vote en comité de réglementation de cette décision ;

Demande que des études soient menées aux plans national et européen en vue :

– d’évaluer les pratiques effectives de la filière de production des protéines et graisses animales dans l’ensemble des pays européens ;

– d’évaluer les impacts économiques et environnementaux de l’utilisation des protéines animales pour les poissons d’élevage au regard de l’utilisation d’autres sources de protéines notamment végétales ;

Au vu des résultats de ces études et en tant que de besoin, invite le Gouvernement à demander le réexamen, par la Commission européenne, de l’autorisation des protéines animales transformées ;

Invite le Gouvernement à créer un label « 100 % végétal et poisson » et à promouvoir ce label au niveau européen ;

Demande aux autorités européennes de ne prendre aucune nouvelle décision d’autorisation d’utilisation de protéines animales transformées dans l’alimentation des animaux d’élevage.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Demande de mettre en place une réelle coordination européenne des services de police économique et sanitaire bénéficiant d’un renforcement des moyens et permettant à côté des contrôles sanitaires d’exercer une véritable surveillance économique sur l’ensemble des entreprises agroalimentaires ;

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Comme je l’ai dit dans mon intervention générale, nous sommes convaincus qu’un réel cap doit être pris pour garantir l’effectivité des missions de service public des agents exerçant des missions de police économique ou sanitaire.

Face à une économie mondialisée, à des circuits complexes, il est nécessaire de rétablir un réel tissage des contrôles publics. Il s’agit non pas de mettre un contrôleur derrière chaque fournisseur, monsieur Lenoir, mais de renforcer les contrôles.

Cependant, nous considérons qu’une réforme des autorités européennes de sécurité sanitaire des denrées alimentaires, même avec l’objectif vertueux de renforcer les contrôles, ne suffit pas à remplir l’objectif de maîtrise par le consommateur de son alimentation.

Le renforcement des sanctions encourues en cas de fraude n’est pas satisfaisant, car il joue très faiblement en faveur de la prévention, et donc ne protège pas suffisamment les consommateurs, comme M. le ministre vient de le rappeler.

Au-delà du renforcement des moyens financiers et humains, qui demande au préalable un arrêt des politiques d’austérité, il est nécessaire de préciser le contenu et l’articulation de tels contrôles.

C’est dans ce sens que nous souhaitons faire préciser dans la proposition de résolution européenne que nous demandons la mise place d’une réelle coordination européenne des services de police économique et sanitaire, lesquels doivent bénéficier d’un renforcement de leurs moyens afin d’être en mesure d’exercer, à côté des contrôles sanitaires, une véritable surveillance économique sur l’ensemble des entreprises agroalimentaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Favorable aussi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un alinéa ainsi rédigé est inséré dans la proposition de résolution européenne, après l’alinéa 17.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Invite le Gouvernement à porter au niveau européen l'exigence d'un étiquetage ou d'un affichage à l'étalage « garanti sans protéines animales transformées », obligatoire pour les poissons d'élevage nourris sans protéines animales transformées (PAT) ;

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. À côté du label « 100 % végétal et poisson », nous vous demandons, comme nous le faisons depuis longtemps pour les OGM, que les poissons nourris avec des protéines animales soient étiquetés positivement, c’est-à-dire que le consommateur soit informé, par étiquetage ou affichage, que le poisson qu’il achète a été nourri avec des farines animales.

À la suite du débat que nous avons eu en commission, il a été préféré que la résolution recommande un étiquetage obligatoire pour les poissons non nourris avec des farines animales. En d’autres termes, la commission a exprimé sa préférence pour un étiquetage mentionnant « garanti sans protéines animales transformées ».

Nous avons donc procédé à une rectification de notre amendement en ce sens. En effet, nous considérons que, même si cette mention est moins protectrice pour le consommateur, elle constitue cependant une avancée pour son information, et nous sommes toujours favorables à de telles avancées.

Je tiens toutefois à préciser deux points.

En premier lieu, il s’agit non pas de décider au seul niveau national de garantir cette information, mais de porter cette exigence au niveau européen.

En second lieu, il ne s’agit pas non plus de renoncer à étiqueter les produits nourris « 100 % végétal et poisson ». Ce label nous paraît important pour les filières respectant un certain cahier des charges.

Cependant, alors que nous sommes au cœur de ce débat la plupart des consommateurs ne sont pas au courant de la décision de réintroduire des PAT. C’est pourquoi il est important que cet élément apparaisse de façon non équivoque.

Si aujourd’hui aucun risque sanitaire n’a été détecté en ce qui concerne la réintroduction de telles farines, il nous semble essentiel, au regard de la défense de notre modèle alimentaire, de laisser aux consommateurs la possibilité de décider s’ils adhèrent ou pas, individuellement, dans leur vie quotidienne à cette décision européenne d’imposer une telle information.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur. Nous sommes d’accord avec cette formulation, et je remercie M. Le Cam de l’avoir proposée.

Franchement, je considère qu’il est plus profitable pour la profession d’indiquer « nourri sans protéines animales transformées » que « nourri avec des protéines animales transformées ». Si cette dernière formulation avait été retenue, nous aurions en effet été impuissants face aux importations de poissons. En revanche, la formulation retenue permet de créer un signe distinctif positif pour nos professionnels, dont c’est au demeurant le souhait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement : mieux vaut des poissons sans PAT ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un alinéa ainsi rédigé est inséré dans la proposition de résolution européenne, après l’alinéa 22.

Par ailleurs, je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, modifiée, l’ensemble de la proposition de résolution européenne tendant à la création d’un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.

(La proposition de résolution européenne est adoptée.)

M. le président. En application de l’article 73 quinquies, alinéa 7, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l’Assemblée nationale.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies du Règlement, tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation
 

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 16 mai 2013 :

De neuf heures à treize heures :

1. Proposition de loi visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil (n° 546 rectifié bis, 2011-2012) ;

Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 519, 2012 2013) ;

Texte de la commission (n° 520, 2012-2013).

De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :

2. Questions cribles thématiques sur la politique de lutte contre le terrorisme dans notre pays.

De seize heures à vingt heures :

3. Suite de la proposition de loi permettant l’instauration effective d’un pass navigo unique au tarif des zones 1-2 (n° 560, 2011-2012) ;

Rapport de M. Michel Billout, fait au nom de la commission du développement durable (n° 370, 2012-2013) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 371, 2012-2013).

4. Question orale avec débat n° 5 de Mme Isabelle Pasquet à Mme la ministre chargée de la famille sur le devenir de la politique familiale en France.

À vingt-deux heures :

5. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale ;

Rapport de M. Jacky Le Menn, rapporteur pour le Sénat (n° 492, 2012 2013) ;

Texte de la commission (n° 493, 2012-2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART